Points de repère
Nichiren envoya cette lettre depuis le mont Minobu à Nanjō Tokimitsu, l’intendant du village d’Ueno, dans la province de Suruga, lors du deuxième mois de la quatrième année de Kenji (1278). L’année précédente avait été tumultueuse. Une grave sécheresse avait dévasté les récoltes, et la famine qui en résulta apporta d’innombrables épreuves. De plus, une épidémie avait ravagé la région, provoquant un grand nombre de morts. Dans le même temps, la menace d’une seconde invasion des forces mongoles favorisa un sentiment général de malaise.
Dans cette lettre, Nichiren exprime sa gratitude envers Nanjō Tokimitsu pour ses offrandes et fait l’éloge de sa grande bonté. Il présente le concept des deux sortes de foi : la foi pareille à un feu éphémère et la foi comme l’eau qui ne s’arrête jamais de couler. Nichiren fait l’éloge de la foi de Nanjō Tokimitsu qui relève de cette dernière.
J’ai bien reçu vos offrandes : ignames, kakis séchés, riz cuit, châtaignes, pousses de bambou et vinaigre dans des récipients en bambou.
Il y eut autrefois un souverain en Inde qui s’appelait Ashoka le Grand. Il régna sur un quart du continent du Jambudvipa et, accompagné par les rois-dragons1, il contrôlait la pluie à son gré. Il se servait même des divinités-démons pour faire exécuter ses ordres. Il fut d’abord un souverain impitoyable mais, par la suite, il se convertit à la Loi bouddhique. Il fit chaque jour des offrandes à soixante mille moines et fit ériger quatre-vingt-quatre mille stupas de pierre. Si nous nous penchons sur la vie antérieure de ce grand souverain, nous découvrons que, à l’époque du bouddha Shakyamuni, vivaient deux petits garçons appelés Victoire-de-la-Vertu et Invincible qui offrirent un jour au Bouddha un pâté de sable. En raison de cet acte de grande bonté, le garçon Victoire-de-la-Vertu renaquit dans les cent ans qui suivirent sous la forme du roi Ashoka.
Le Bouddha est bien sûr digne de respect mais, comparé avec le Sūtra du Lotus, il est comme une luciole à côté du soleil ou de la lune. La supériorité du Sūtra du Lotus sur le bouddha Shakyamuni est aussi grande que la distance entre le ciel et la terre. Faire des offrandes au Bouddha procure cette sorte de bienfaits. Cela n’est-il donc pas d’autant plus vrai pour le Sūtra du Lotus ? Si une récompense aussi magnifique a pu découler de la simple offrande d’un pâté de sable, le résultat de vos différentes offrandes sera par conséquent d’autant plus grand ! Le Bouddha ne manquait pas de nourriture, mais nous sommes maintenant dans un pays où règne la faim. Alors, comment le bouddha Shakyamuni, le bouddha 909Maints-Trésors et les dix filles rakshasa pourraient-ils ne pas vous protéger ?
Il y a aujourd’hui des personnes qui ont foi dans le Sūtra du Lotus. La foi des uns est comme le feu, celle des autres comme l’eau. Quand les premiers écoutent les enseignements, leur passion s’embrase comme le feu mais, le temps passant, ils ont tendance à abandonner leur foi. Avoir une foi comparable à l’eau signifie croire continuellement sans jamais régresser. Puisque vous me rendez constamment visite, quelles que soient les difficultés, votre foi est comparable à l’eau qui coule. Cela mérite le plus grand respect !
Est-il vrai que votre famille est affectée par la maladie ? Si c’est le cas, cela ne peut être l’œuvre des divinités-démons. Ce sont probablement les dix filles rakshasa qui testent la force de votre foi. Aucune divinité-démon véritable ne songerait à troubler un pratiquant du Sūtra [car cela lui vaudrait] d’avoir la tête brisée2. Persévérez dans votre foi avec la ferme conviction que ni le bouddha Shakyamuni, ni le Sūtra du Lotus ne mentent.
Avec mon profond respect,
Nichiren
Le vingt-cinquième jour du deuxième mois
Réponse [à Ueno]