Points de repère
Nichiren a envoyé ce message du mont Minobu lors du quatrième mois de 1278, à l’occasion du deuxième anniversaire du service funéraire pour Dōzen-bō. Dōzen-bō avait été un moine respecté du Seichō-ji, où Nichiren est devenu moine. Nichiren étudia sous sa direction à partir de l’âge de douze ans. Cette lettre était destinée à ses anciens aînés, Jōken-bō et Gijō-bō, du Seichō-ji.
Quand Nichiren proclama pour la première fois l’enseignement de Nam-myōhō-renge-kyō au Seichō-ji, en 1253, il réfuta avec force l’école Jōdo, qui était alors dominante. L’intendant du village, Tōjō Kagenobu, fervent adepte de l’école Jōdo, devint furieux et ordonna son arrestation. Dōzen-bō aida Nichiren à s’échapper. Cependant, par crainte des autres, Dōzen-bō demeura moine au Seichō-ji jusqu’à la fin de sa vie, mais Nichiren n’oublia jamais son ancien maître.
Lors du septième mois de 1276, après avoir appris la mort de Dōzen-bō, Nichiren écrivit le traité Sur l’acquittement des dettes de reconnaissance pour honorer sa mémoire et l’envoya à Jōken-bō et à Gijō-bō.
Je suis sans nouvelles de vous deux depuis un certain temps. J’ai cependant été très heureux d’apprendre que vous avez lu, à Kasagamori, les deux documents1 que j’ai écrits lors de l’ère Kenji en mémoire du défunt sage Dōzen-bō.
Si un arbre a des racines profondes, ses branches et ses feuilles ne se dessécheront jamais. Si la source ne tarit pas, le courant ne s’asséchera pas. Sans bois, un feu s’éteint. Sans terre, les plantes ne poussent pas. C’est uniquement grâce à mon défunt maître, Dōzen-bō, que moi, Nichiren, je suis devenu le pratiquant du Sūtra du Lotus et que l’on parle tant de moi aujourd’hui, en bien comme en mal. Nichiren est semblable à la plante, et mon maître à la terre.
Les bodhisattvas sortis de la terre ont quatre guides. Il est dit dans le Sūtra : « Le premier s’appelait Pratiques-Supérieures (...) et le quatrième, Pratiques-Solidement-Établies2. » Si le bodhisattva Pratiques-Supérieures apparaît à l’époque de la Fin de la Loi, il doit en être de même pour le bodhisattva Pratiques-Solidement-Établies.
Le plant de riz fleurit et donne des grains, mais son essence originelle demeure dans le sol. C’est pourquoi sa tige poussera, fleurira et donnera de nouveau des grains. Les bienfaits obtenus par Nichiren en propageant le Sūtra du Lotus reviendront toujours à Dōzen-bō. C’est vraiment sublime ! On dit que, si un maître a un bon disciple, tous deux acquerront le fruit de la bouddhéité, mais que, si un maître forme un mauvais disciple, tous deux tomberont en enfer.
919Si maître et disciple n’ont pas le même esprit, ils n’accompliront jamais rien. Je développerai ce point plus tard.
Vous devriez toujours parler ensemble pour vous libérer des souffrances des naissances et des morts et atteindre la terre pure du pic de l’Aigle, où, en vous approuvant mutuellement, vous parlerez d’un même esprit.
On lit dans le Sūtra : « Aux yeux des foules, ils semblent possédés par les trois poisons3 ou manifester des signes de vues erronées. Mes disciples, de cette façon, se servent de moyens opportuns pour sauver les êtres ordinaires4. »
Réfléchissez à toutes ces questions à la lumière de ce que je vous explique depuis longtemps.
Avec tout mon respect,
Nichiren
Le quatrième mois de la première année de Kōan [1278], signe cyclique de tsuchinoe-tora
À l’attention de Jōken-bō et Gijō-bō
Notes
1. « Les deux documents » désignent ici le traité Sur l’acquittement des dettes de reconnaissance, rédigé lors de la deuxième année de Kenji (1276), et sa lettre d’accompagnement.
2. Sūtra du Lotus, chap. 15.
3. Il s’agit de l’avidité, de la haine et de l’ignorance, les maux fondamentaux inhérents à la vie qui engendrent la souffrance humaine.
4. Sūtra du Lotus, chap. 8. Nichiren cite ce passage pour encourager Jōken-bō et Gijō-bō, devenus ses disciples, à convertir les gens qui se trouvaient au Seichō-ji où ils demeuraient encore.