Points de repère
Nichiren a écrit cette lettre au mont Minobu lors du dernier mois de la quatrième année de Kōan (1281). Il y remercie la nonne séculière de Kubo pour les offrandes qu’elle lui a fait parvenir. La nonne séculière était veuve et vivait avec sa fille à Kubo, dans le district du mont Fuji, dans la province de Suruga. On ne sait pas grand-chose d’autre à son sujet. D’après le contenu des diverses lettres qui lui ont été adressées, elle semble avoir été une croyante à la foi pure qui envoyait fréquemment des offrandes à Nichiren.
En réponse à ses dons, Nichiren indique que faire des offrandes à la Loi bouddhique est un moyen de planter « des racines de bien » ou d’accumuler mérites et bienfaits. Dans l’introduction, Nichiren explique que les bienfaits provenant des dons dépendent du moment, du lieu, et de la personne à qui ils sont destinés. Par ailleurs, même un don important, s’il provient d’une richesse acquise en faisant du tort aux autres ou en les exploitant, n’amènera jamais de bienfaits, même s’il est destiné à la Loi bouddhique. Nichiren explique aussi l’importance de la sincérité avec laquelle nous faisons des offrandes et des vertus de la personne ou de l’enseignement à qui elles sont destinées.
J’ai bien reçu les diverses offrandes que vous avez eu la bonté de me faire parvenir. Les racines de bien ne dépendent pas de la valeur ou de la modestie des dons. En fonction du pays, de la personne et du moment, le mérite acquis sera différent. Supposez que l’on fasse sécher de la bouse, qu’on la brise, qu’on la passe au crible, et qu’on la façonne jusqu’à lui donner l’apparence d’un morceau de bois de santal. Même si on la sculpte alors pour représenter une femme, une déesse céleste ou un bouddha, quand on la brûlera, il ne s’en dégagera pas d’autre parfum qu’une puanteur excrémentielle. De même, si l’on tue ou vole les autres pour leur prendre les premiers fruits de leur récolte, même si l’on fait don du gain ainsi obtenu dans l’intention d’acquérir du mérite et des racines de bien, cette offrande deviendra au contraire un mauvais acte.
Le riche Sudatta était la personne la plus fortunée de toute l’Inde. Il fit bâtir le monastère de Jetavana à titre d’offrande et il y invita le Bouddha. Pourtant, ce monastère brûla et il n’en reste pas la moindre trace. À l’origine, cet homme opulent devait sa richesse à la pêche et à la vente de poissons, auxquels il avait donc ôté la vie, et c’est pourquoi ce monastère finit par disparaître.
De la même façon, les dons des gens d’aujourd’hui peuvent sembler impressionnants, mais ils consistent en fiefs gagnés dans des batailles ou en richesses acquises en opprimant les gens sans le moindre scrupule. Même si ces dons ont l’air de grands actes de dévotion envers le Bouddha, ceux qui les font n’atteindront pas la bouddhéité et leurs contributions disparaîtront sans laisser de trace.
1110En outre, même si l’on ne nuit pas aux autres et que l’on s’efforce de faire des offrandes honnêtes, il y aura des cas où l’on n’atteindra pas la bouddhéité. Ainsi, si l’on plante une bonne graine dans un mauvais champ, la graine elle-même périra et il en résultera une perte. Même si nous sommes sincères, si la personne à qui nous faisons des offrandes est mauvaise, ces offrandes n’apporteront pas de bienfaits ; elles nous amèneront plutôt à tomber dans les mauvaises voies.
Vos offrandes ne m’étaient pas destinées à moi, Nichiren, mais au Sūtra du Lotus. Nous devons donc laisser au bouddha Shakyamuni, au bouddha Maints-Trésors et aux bouddhas des dix directions [le soin de sonder l’importance] des bienfaits qui en résulteront.
Je vous ai déjà écrit à propos des divers événements qui se sont déroulés au cours de l’année qui s’achève, mais je dois dire qu’à aucun moment de ma vie je n’ai le souvenir d’avoir été confronté à un froid si intense. La neige est tombée et s’est entassée abondamment. Même ceux qui ont une forte détermination ont bien du mal à me rendre visite. Que vous m’ayez envoyé un messager jusqu’ici montre que votre bonté est vraiment extraordinaire !
Avec mon profond respect,
Nichiren
Le vingt-septième jour du douzième mois
Réponse à la nonne séculière de Kubo