Un jour, un voyageur adressa ces paroles affligées à son hôte :
Depuis quelques années, il se produit des perturbations inhabituelles dans les cieux et des événements étranges sur terre, la famine et les épidémies affectent le pays dans ses moindres recoins et se sont répandues partout. Bœufs et chevaux gisent dans les rues et les squelettes des morts s’entassent sur les routes. Plus de la moitié des habitants ont déjà été emportés par la mort et l’on aurait bien du mal à trouver ne serait-ce qu’une seule personne épargnée par le malheur.
8Pendant ce temps, certains placent toute leur confiance dans « le sabre acéré1 » du bouddha Amida et invoquent le nom de ce seigneur de la Terre de l’Ouest ; d’autres croient qu’entendre le nom du bouddha Maître-de-la-Médecine « guérira toutes les maladies2 » et ils récitent le sūtra qui décrit cet Ainsi-Venu de la région de l’Est3. Certains, accordant crédit au passage du Sūtra du Lotus où il est dit : « [S’il est donné à un malade d’entendre ce Sūtra] sa maladie disparaîtra et il ne connaîtra ni la vieillesse ni la mort4 », révèrent les mots merveilleux de ce Sūtra ; d’autres, s’appuyant sur le passage de sūtra qui déclare : « Les sept désastres disparaîtront instantanément et les sept bienfaits apparaîtront aussitôt5 », demandent des cérémonies où cent moines exposent le sūtra sur cent tribunes de prière6. Il y a ceux qui suivent les enseignements ésotériques de l’école Shingon et demandent des rituels consistant à remplir cinq jarres d’eau7, et d’autres qui se consacrent entièrement à la méditation assise et essaient de percevoir la vacuité de tous les phénomènes aussi clairement que la lune8.
Certains écrivent le nom des sept divinités malfaisantes9 et les collent sur mille portes, d’autres peignent des représentations des cinq puissants bodhisattvas10 et les accrochent au-dessus de dix mille seuils, d’autres encore prient les dieux célestes et les divinités terrestres dans des cérémonies conduites aux quatre coins de la capitale et aux quatre frontières du pays. Apitoyées par le sort des gens ordinaires, les autorités conduisent avec bienveillance les affaires du pays et des régions.
Mais tous ces efforts épuisants restent vains. Famines et épidémies sévissent avec plus de férocité que jamais. Partout l’on voit des mendiants et nos yeux s’emplissent de scènes de mort. Les cadavres empilés forment des monticules semblables à des tours de guet et les morts sont alignés côte à côte comme les planches d’un pont.
En regardant autour de nous, nous constatons que le soleil et la lune continuent de se déplacer sur leur orbite habituelle, et que les cinq planètes11 suivent leur trajectoire. Les Trois Trésors bouddhiques existent toujours et la période des cent règnes n’a pas encore expiré12. Alors pourquoi le monde sombre-t-il déjà dans le déclin et pourquoi les lois du pays sont-elles inopérantes ? Où est la faute ? Quelle erreur a été commise ?
L’hôte prit alors la parole :
Seul, j’ai souvent réfléchi à cela, le cœur indigné, mais, puisque vous voilà, nous allons pouvoir partager notre peine. Voyons cette question en détail.
Quand un homme quitte la maison pour entrer dans la Voie bouddhique, c’est parce qu’il espère atteindre la bouddhéité grâce aux enseignements du Bouddha. Mais, aujourd’hui, les tentatives visant à émouvoir les dieux n’ont pas le moindre effet et c’est en vain que l’on implore le pouvoir des bouddhas. Quand j’observe attentivement l’état du monde actuel, je vois des gens céder au doute à cause du manque de compréhension [des moines les plus éminents]. Ils lèvent les yeux au ciel pour exprimer leur ressentiment ou les baissent vers le sol et plongent dans un profond désespoir.
Je me suis penché attentivement sur ces questions avec les capacités limitées qui sont les miennes et j’ai un peu consulté les écrits en quête d’une réponse. Les gens d’aujourd’hui tournent tous le dos à ce qui est correct ; sans aucune exception, ils font allégeance au mal. C’est pourquoi les divinités bienveillantes ont abandonné le pays et s’en sont allées ensemble, et que les sages partent pour ne plus revenir. À leur place viennent les diables et les démons et se produisent calamités et désastres. Je ne peux garder le silence. Je ne peux cacher mon inquiétude.
Le visiteur dit :
Ces désastres s’abattant sur le monde, ces calamités frappant le pays — je ne suis 9pas le seul à m’en affliger ; toute la population porte le poids du malheur. J’ai maintenant le privilège d’entrer dans cette chambre des orchidées13 pour écouter ces paroles éclairées qui sont les vôtres. Vous évoquez le départ des dieux et des sages, et l’enchaînement incessant des désastres et des calamités — sur quels sūtras vous appuyez-vous ? Pourriez-vous me citer des passages en guise de preuve ?
L’hôte dit :
On pourrait citer de nombreux passages et quantité de preuves les plus diverses. Ainsi, on lit dans le Sūtra de la lumière dorée : « [Les quatre rois célestes ont dit au Bouddha] : “Bien que ce Sūtra soit présent dans le pays, le souverain n’a jamais autorisé sa propagation. Dans son cœur il s’en détourne et ne prend aucun plaisir à entendre ses enseignements. Il ne lui adresse pas d’offrandes, ni ne l’honore, ni ne fait son éloge. Pas plus qu’il ne veut honorer ni faire d’offrandes aux quatre sortes de bouddhistes qui adhèrent au Sūtra. En définitive, il empêche les innombrables êtres célestes qui sont nos adeptes et nous-mêmes d’entendre cet enseignement profond et merveilleux. Il nous prive de la douce rosée de ses mots et nous coupe du flot de l’enseignement correct, si bien que notre grandeur et notre force s’épuisent. C’est ainsi que s’accroît le nombre des êtres qui habitent les voies mauvaises, et décline le nombre de ceux qui résident dans les royaumes humains et célestes. Les êtres humains tombent dans le fleuve des naissances et des morts et tournent le dos au chemin du nirvana.
« “Honoré du monde, nous, les quatre rois célestes, ainsi que nos divers adeptes, les yaksha et autres êtres, voyant cette situation, avons décidé d’abandonner ce pays car nous n’avons pas le cœur de le protéger. Et nous ne sommes pas les seuls à rejeter ce souverain. Toutes les nobles divinités bienveillantes qui protègent et veillent sur les innombrables régions du pays le rejetteront sans exception elles aussi. Et dès lors que les autres et nous-mêmes aurons abandonné et déserté ce pays, toutes sortes de désastres se produiront et le souverain sera déchu du pouvoir. Pas une seule personne n’aura un cœur bon ; partout ce ne sera qu’enchaînement et asservissement, meurtres et blessures, colères et querelles. Les gens se calomnieront ou se montreront serviles les uns envers les autres, et les lois seront détournées au point de faire souffrir même les innocents. Les épidémies séviront, des comètes apparaîtront maintes et maintes fois, deux soleils s’élèveront côte à côte et des éclipses se produiront à une fréquence inhabituelle. Des arcs noirs et des arcs blancs traverseront le ciel tels des messagers de mauvais augure, les étoiles tomberont, la terre tremblera, et des bruits s’élèveront des puits. Pluies torrentielles et vents violents se déclencheront hors saison, la famine sera constante et graines et fruits ne parviendront pas à maturité. Des maraudeurs venus de multiples régions envahiront et pilleront le pays, le peuple subira toutes les peines et les misères possibles et l’on ne trouvera plus un seul endroit où vivre en sécurité.” »
Il est dit dans le Sūtra de la Grande Collection : « Quand les enseignements du Bouddha seront vraiment obscurcis et perdus, alors les êtres ordinaires laisseront tous pousser leur barbe, leurs cheveux et leurs ongles et les lois du monde seront oubliées et ignorées. À ce moment-là, des bruits fracassants éclateront dans les airs et la terre tremblera ; le monde entier se mettra en mouvement, comme entraîné par la roue d’un moulin à eau. Les remparts des villes se fissureront et tomberont, et toutes les maisons et habitations s’effondreront. Racines, branches, feuilles, pétales et fruits perdront leurs vertus curatives. À l’exception des cieux de la pureté14, toutes les régions du monde du désir seront privées des sept saveurs15 et des trois sortes de vitalité16 jusqu’à ce qu’il n’en reste plus la moindre trace. Tous les bons discours qui conduisent 10les êtres ordinaires à la délivrance disparaîtront alors. Les fleurs et les fruits qui poussent sur terre deviendront rares et perdront leur goût et leur douceur. Puits, sources, et mares s’assécheront tous, la terre partout deviendra saumâtre, s’ouvrira en craquant et se déformera en tertres et ravins. Toutes les montagnes seront balayées par le feu, et êtres célestes et dragons n’enverront plus de pluie. Les semis se dessécheront et mourront tous avant la récolte, toutes les plantes vivantes périront et même les mauvaises herbes cesseront de pousser. Il pleuvra de la poussière jusqu’à ce que tout soit ténèbres et que le soleil et la lune ne déversent plus leur lumière.
« Les quatre directions seront toutes affectées par la sécheresse et de mauvais présages apparaîtront maintes et maintes fois. Les dix actes mauvais se répandront de plus en plus, notamment [ceux qui sont fondés sur] l’avidité, la haine et l’ignorance, et les êtres ordinaires ne se préoccuperont pas davantage de leurs père et mère que des chevreuils17 ne le feraient. Le nombre des êtres vivants, leur longévité, leur force physique, leur dignité et leur joie déclineront. Ils se sépareront des plaisirs des mondes humain et céleste et tous tomberont dans les voies du mal. Les souverains et mauvais moines accomplissant les dix actes mauvais haïront et détruiront mon enseignement correct, de sorte que ceux qui demeurent dans les mondes humain et céleste auront bien du mal à s’y maintenir. Les divinités bienveillantes et les rois célestes, qui prenaient d’habitude en pitié les êtres ordinaires, abandonneront alors ce pays impur et mauvais, et tous partiront vers d’autres régions. »
Il est dit dans le Sūtra des rois bienveillants : « Quand le pays est troublé, les esprits commencent à l’être aussi. Puisque les esprits sont troublés, le peuple entier le devient aussi. Des envahisseurs viennent piller le pays et la population est exterminée. Le souverain, les principaux ministres, le prince héritier, les autres princes et les cent hauts représentants des autorités se querellent à propos de ce qui est correct et erroné. Ciel et terre manifestent des prodiges et d’étranges évènements ; les vingt-huit constellations, les étoiles, et le soleil et la lune apparaissent à des intervalles irréguliers et dans des positions anormales, et l’on voit surgir de nombreux hors-la-loi. »
Dans le même sūtra, il est dit encore : « Si je fais maintenant appel aux cinq sortes de vision pour voir clairement les trois phases de l’existence, je vois que, dans leurs existences passées, tous les souverains servaient cinq cents bouddhas, et c’est ce qui leur a valu de devenir empereurs et souverains. C'est aussi pour la même raison que les divers sages et arhat naissent encore tous dans leurs pays et apportent de grands bienfaits. Mais, si, à un moment donné, la bonne fortune de ces souverains venait à s’épuiser, alors tous les sages les abandonneraient et s’en iraient. Une fois les sages partis, les sept désastres ne manqueraient pas de se produire. »
Il est dit dans le Sūtra du Maître-de-la-Médecine : « Si des désastres et calamités devaient s’abattre sur les membres de la classe régnante des kshatriya et sur les rois ayant été intronisés par le rite de l’abhiseka [jp. kanjō]18, ces désastres seraient les suivants : la maladie et les épidémies parmi le peuple ; l’invasion par des pays étrangers ; la révolte au sein de leur propre domaine ; des phénomènes irréguliers et étranges parmi les étoiles et les constellations ; des éclipses du soleil et de la lune ; du vent et de la pluie hors saison ; de la pluie qui ne tombe pas pendant la saison propice ni même après. »
Dans le Sūtra des rois bienveillants [le Bouddha s’adresse au roi Prasenajit en ces termes] : « Grand Roi, la région où mes enseignements exercent aujourd’hui leur influence s’étend sur un milliard de mondes [ayant en leur centre le mont] 11Sumeru, qui comportent un milliard de soleils et de lunes. Chacun de ces mondes comprend quatre continents. Dans le Jambudvipa, le continent sud, il y a seize grands royaumes, cinq cents autres de taille moyenne et dix mille petits. Dans ces royaumes, il peut se produire sept sortes de désastres effrayants. Tous les souverains de ces royaumes reconnaissent qu’il s’agit bien de désastres. Quels sont-ils alors ?
« Quand le soleil et la lune quittent leur orbite régulière, quand les saisons se présentent dans le désordre, quand apparaît un soleil rouge ou un soleil noir, quand deux, trois, quatre ou cinq soleils surviennent en même temps, quand le soleil subit une éclipse et perd son éclat, ou quand une, deux, trois, quatre ou cinq couronnes apparaissent autour du soleil, c’est le premier désastre.
« Quand les vingt-huit constellations ne suivent pas leur trajectoire habituelle, quand l’Étoile de Métal19, l’Étoile du Balai, l’Étoile de la Roue, l’Étoile du Démon, l’Étoile du Feu, l’Étoile de l’Eau, l’Étoile du Vent, l’Étoile de la Louche, la Grande Ourse, la Petite Ourse, les grandes étoiles des Cinq Garnisons, et les nombreuses étoiles qui dirigent le souverain, les trois grands ministres, et les cent hauts représentants du pays — quand chacune de ces étoiles manifeste une attitude étrange, c’est le deuxième désastre.
« Quand des incendies gigantesques consument le pays et que les gens sont tous mortellement brûlés, ou quand éclatent le feu des démons, le feu des dragons, le feu céleste, le feu du dieu de la montagne, le feu humain, le feu des arbres ou le feu des brigands20 — quand de tels prodiges apparaissent, il s’agit du troisième désastre.
« Quand des inondations gigantesques noient la population ; quand les saisons se succèdent en désordre et qu’il y a de la pluie en hiver, de la neige en été, du tonnerre et des éclairs en hiver, de la glace, du givre et de la grêle au sixième mois21, quand tombe de la pluie rouge, noire ou verte ; quand des montagnes de terre et de pierres s’abattent en pluie ou quand il pleut de la poussière, du sable ou du gravier ; quand rivières et torrents refluent ; quand les montagnes flottent sur l’eau et que les rochers sont emportés — quand se produisent des événements effrayants de ce genre, c’est le quatrième désastre.
« Quand des vents gigantesques provoquent des morts par leur souffle, et que terres, montagnes et rivières, arbres et forêts sont d’un seul coup effacés ; quand de grands vents s’élèvent hors saison, ou quand soufflent22 des vents noirs, des vents rouges, des vents verts, des vents célestes, des vents terrestres, des vents du feu et des vents de l’eau — quand se produisent des prodiges de ce genre, c’est le cinquième désastre.
« Quand le ciel et la terre et tout le pays sont frappés par une si terrible chaleur que l’air semble en feu, quand les cent plantes se dessèchent et que les cinq sortes de grains23 ne mûrissent pas, quand la terre est rouge et brûlée et que tous ses habitants périssent — quand se produisent des prodiges de ce genre, c’est le sixième désastre.
« Quand des ennemis surgissent de toutes parts et envahissent le pays, quand des rebelles viennent dans la capitale et les régions environnantes, quand apparaissent les brigands du feu, les brigands de l’eau, les brigands du vent et les brigands du démon24, quand la population est soumise aux ravages et au désordre, quand luttes et pillages éclatent partout — quand se produisent des prodiges de ce genre, c’est le septième désastre. »
Il est dit dans le Sūtra de la Grande Collection : « Même si, pendant d’innombrables existences passées, le souverain d’un pays a pu pratiquer la vertu du don, observer les préceptes et cultiver la sagesse, s’il voit que mon enseignement risque de périr et reste passif, sans rien faire pour le protéger, alors toutes les inestimables racines de bien, 12plantées par les pratiques que je viens de citer, seront anéanties et son pays deviendra la scène de trois événements défavorables : l’inflation sur le prix des grains, la guerre et les épidémies. Toutes les divinités bienveillantes abandonneront le pays et, même si le souverain émet des ordres, le peuple n’y obéira pas. Le pays sera constamment envahi et inquiété par les pays voisins. Des feux violents éclateront, incontrôlables, les pluies et les vents furieux se multiplieront, les eaux se soulèveront et déborderont, et les habitants seront emportés par les vents ou balayés par les flots. Les familles paternelle et maternelle du souverain s’allieront pour fomenter la révolte. Peu après, le souverain tombera gravement malade et, une fois sa vie parvenue à son terme, il renaîtra dans le grand Enfer. (...) Le même destin frappera l’épouse du souverain, son héritier, les grands ministres de l’État, les seigneurs des cités, les chefs de village et les généraux, les gouverneurs des régions, et les autres représentants du pays. »
Les passages que j’ai tirés de ces quatre sūtras sont parfaitement clairs. Y a-t-il une personne sur dix mille qui pourrait douter de leur sens ? Et cependant ceux qui sont aveugles et ceux qui sont dans l’illusion font imprudemment confiance aux doctrines erronées et ne reconnaissent pas l’enseignement correct. Par conséquent, dans le monde entier aujourd’hui, les gens ont tendance à se détourner des bouddhas et des sūtras, et ne cherchent plus à les protéger. De ce fait, les divinités bienveillantes et les sages abandonnent le pays et délaissent leur endroit habituel. Il en résulte que les démons et les mauvais esprits25 apportent des désastres et provoquent des calamités.
Là-dessus, le visiteur devint rouge de colère et dit :
L’empereur Ming de la dynastie des Han postérieurs, ayant compris la signification du rêve [où il avait vu] un homme doré, accueillit les enseignements [bouddhiques] apportés par des chevaux blancs26. Le prince Jōgū, après avoir maté la rébellion de Moriya [un adversaire de la Loi bouddhique]27, entreprit de construire temples et pagodes. Depuis cette époque, depuis le souverain jusqu’aux gens ordinaires, tous ont voué un culte aux images du Bouddha et ont attentivement étudié les écrits. C’est ainsi que dans les monastères du mont Hiei et dans la Capitale du Sud, Nara, dans les temples de l’Onjō-ji et du Tō-ji, dans tout le territoire compris entre les quatre mers, dans les cinq provinces de la région de la capitale et le long des sept routes principales du pays, les images du Bouddha et les écrits bouddhiques se sont alignés comme des étoiles dans le ciel et les lieux consacrés au culte se sont répandus comme des nuages. Ceux qui se réclament de la lignée de Shariputra méditent sur la lune depuis le sommet du pic de l’Aigle, tandis que ceux qui adhèrent aux traditions de Haklenayashas transmettent les enseignements du mont Kukkutapada28. Comment peut-on dire alors que les enseignements dispensés par le Bouddha de son vivant sont méprisés ou que les Trois Trésors bouddhiques ont cessé d’exister ? S’il existe une preuve pour soutenir une telle affirmation, j’aimerais en connaître le détail.
Soucieux de clarifier ses propos, l’hôte répondit :
Certes, les temples bouddhiques se dressent toit contre toit, et les bâtiments où sont conservés les sūtras alignent leurs avant-toits les uns contre les autres. Les moines sont aussi nombreux que les bambous et les joncs, aussi communs que des plants de riz et de chanvre. Temples et moines sont honorés depuis les siècles passés et, chaque jour, on leur rend de nouveau hommage. Mais les moines d’aujourd’hui sont serviles et retors, ils troublent les gens et les égarent. Quant au souverain et à ses sujets, ils ont une compréhension insuffisante [des choses] pour faire la distinction entre ce qui est correct et ce qui est erroné.
Ainsi, il est dit dans le Sūtra des rois bienveillants : « Espérant acquérir gloire et 13profit, les mauvais moines se présentent fréquemment devant le souverain, le prince héritier ou les autres princes pour prêcher des doctrines qui conduisent à la transgression de la Loi bouddhique et à la destruction du pays. Incapable de percevoir la situation telle qu’elle est, le souverain écoute ces doctrines, leur accorde foi, et entreprend de créer des lois mauvaises par nature, non conformes aux règles de la discipline bouddhique. Il provoque ainsi la destruction de la Loi bouddhique et du pays. »
Il est dit dans le Sūtra du Nirvana : « Bodhisattvas, n’éprouvez aucune crainte face aux éléphants furieux. Ce qu’il faut redouter, ce sont les amis de mal, personnes qui conduisent à l’erreur ! (...) Même si vous êtes tués par un éléphant furieux, vous ne tomberez pas dans les trois mauvaises voies. Mais, si vous êtes tués par un ami de mal, il est certain que vous y tomberez. »
Le Sūtra du Lotus dit : « Dans cette époque mauvaise, on trouvera des moines à la sagesse pervertie, aux cœurs serviles et tortueux, qui se targueront avec orgueil et présomption d’avoir atteint ce qu’ils n’auront pas atteint. Ou encore il y aura dans les forêts des moines en haillons, vivant retirés, qui prétendront pratiquer la véritable voie, en méprisant les êtres ordinaires et en les regardant de haut. Avides de profit et de soutien, ils prêcheront la Loi à des croyants laïcs vêtus d’une robe blanche, ils seront respectés et révérés du monde comme des arhat détenteurs des six pouvoirs transcendantaux. (...) Comme ils cherchent sans cesse à nous dénigrer dans la grande assemblée, ils s’adresseront aux autorités, aux grands ministres, aux brahmanes et aux chefs de famille, mais aussi aux autres moines, nous calomniant et nous dénigrant ainsi : “Ce sont des hommes aux vues perverties qui prêchent des doctrines non bouddhiques !” (...) Dans un kalpa de confusion et une époque mauvaise, bien des choses seront à craindre. Des divinités malfaisantes prendront possession de certaines gens et se serviront d’eux pour nous avilir, nous insulter et nous couvrir de honte. (...) Les mauvais moines de cette époque de confusion, incapables de comprendre les moyens opportuns du Bouddha, et la façon dont il prêche la Loi selon ce qui est approprié, nous lanceront des propos orduriers et des regards courroucés ; nous serons bannis encore et encore29. »
Il est dit dans le Sūtra du Nirvana : « Après mon entrée en nirvana et quand d’innombrables centaines d’années se seront écoulées, les sages des quatre étapes30 auront eux aussi disparu. Une fois révolue l’époque de la Loi correcte et au commencement de l’époque de la Loi formelle, on verra des moines se plier en apparence aux règles de la discipline monastique. Mais ils ne réciteront que rarement les sūtras, désirant au contraire avidement de la nourriture et des boissons pour nourrir leur corps. Bien que portant des vêtements de moines, ils iront en quête d’aumônes comme autant de chasseurs qui, plissant les yeux, avancent à pas feutrés. Ils seront comme des chats rôdant à la recherche de souris. Et ils répéteront constamment ces mots : “J’ai atteint le stade d’arhat !” Extérieurement, ils paraîtront sages et bons, mais, intérieurement, ils cacheront avidité et jalousie. Comme des brahmanes qui ont fait vœu de silence, [lorsqu’on leur demandera de prêcher les enseignements, ils ne répondront rien]. Ce ne seront pas de vrais moines — ils n’en auront que l’apparence. Consumés par leurs visions erronées, ils calomnieront l’enseignement correct. »
Quand nous observons le monde à la lumière de ces passages des écrits, nous voyons que la situation correspond précisément à ces descriptions. Si nous n’adressons pas de remontrances aux mauvais moines, comment pouvons-nous espérer faire le bien ?
Le visiteur, plus indigné que jamais, dit :
Un monarque sage, en agissant en accord avec le ciel et la terre, parfait sa façon 14de gouverner ; un sage, en établissant la distinction entre le vrai et le faux, apporte de l’ordre au monde. Les moines du monde d’aujourd’hui jouissent de la confiance de tout le pays. S’ils étaient en réalité de mauvais moines, alors aucun monarque sage ne leur accorderait de crédit. S’ils n’étaient pas de véritables sages, alors les personnes vertueuses et les érudits n’auraient pas d’estime pour eux. Mais, puisque les personnes de valeur et les sages les honorent et les respectent vraiment, ils ne peuvent être que des modèles. Pourquoi alors déversez-vous ces accusations irréfléchies et osez-vous les calomnier ? À qui vous référez-vous quand vous parlez de « mauvais moines » ? J’aimerais une explication.
L’hôte dit :
Au temps de l’empereur retiré Gotoba [1183-1198] vécut un certain Hōnen, auteur d’un ouvrage intitulé Choix du Nembutsu par-dessus tout. Il contredisait les enseignements dispensés par le Bouddha durant toute sa vie et semait la confusion parmi les êtres ordinaires dans les dix directions. On lit dans le Choix du Nembutsu par-dessus tout : « En ce qui concerne le passage où le maître de la méditation Daochuo établit la distinction entre la méthode de la voie des Saints et la méthode de la Terre pure et exhorte les êtres humains à abandonner la première pour adopter aussitôt la seconde, [j’aimerais préciser] tout d’abord qu’il y a deux sortes de méthodes de la voie des Saints [celle du Mahayana et celle du Hinayana]. (...) En partant de cette base, nous pouvons en déduire que les enseignements ésotériques et l’enseignement véritable du Mahayana sont également à inclure dans la voie des Saints. Auquel cas les huit écoles actuelles — Shingon, Zen, Tendai, Kegon, Sanron, Hossō, Jiron et Shōron — sont toutes incluses dans la voie des Saints qu’il faut abandonner.
« Dans son Commentaire sur le Traité de la renaissance dans la Terre pure, le Maître du Dharma Tanluan déclare : “Je note qu’il est dit dans le Commentaire sur le Sūtra des dix étapes du bodhisattva Nagarjuna : ‘Il existe deux façons pour un bodhisattva d’atteindre l’état d’avaivartika [ou stade de non-régression]. L’une est la voie de la pratique difficile, l’autre celle de la pratique facile.’”
« La voie de la pratique difficile correspond à la méthode de la voie des Saints, et la voie de la pratique facile correspond à la méthode de la Terre pure. Les élèves de l’école de la Terre pure doivent commencer par bien comprendre ce point. Même si certains ont auparavant étudié la méthode de la voie des Saints, s’ils souhaitent suivre la méthode de la Terre pure, ils doivent rejeter la voie des Saints pour se convertir à la Terre pure. »
Hōnen dit aussi : « Considérons le passage où le révérend Shandao établit la distinction entre les pratiques correctes et les pratiques mélangées et exhorte à abandonner ces dernières pour adopter les pratiques correctes. La première des [cinq] pratiques mélangées est celle de la récitation de tous les sūtras, sauf le Sūtra de la méditation sur le bouddha Vie-Infinie, et ceux qui prêchent la renaissance dans la Terre pure. Adopter et réciter tout autre sūtra, du Mahayana ou du Hinayana, exotérique ou ésotérique, doit être considéré comme une pratique mélangée. (...) La troisième des [cinq] pratiques mélangées est celle de la vénération d’autres bouddhas qu’Amida. Vénérer ou honorer tout autre bouddha ou bodhisattva ou divinité en ce monde s’appelle “pratique mélangée de vénération”. (...) À la lumière de ces propos, je dis qu’il faut abandonner ces pratiques mélangées pour se concentrer sur la pratique exclusive de la Terre pure. Quelle raison aurions-nous d’abandonner la pratique correcte et exclusive qui nous assure que sur cent personnes toutes sans exception renaîtront dans la Terre pure, pour nous accrocher au contraire aux pratiques et protocoles divers et variés qui ne pourraient même pas sauver une personne sur mille ? 15Les pratiquants devraient sérieusement méditer ce point. »
Hōnen ajoute : « Dans le Répertoire du canon bouddhique de l’ère Zhenyuan, il est rapporté que, à partir des six cents volumes du Sūtra de la grande perfection de sagesse et jusqu’au Sūtra de l’éternité de la Loi, les sūtras exotériques et ésotériques du Mahayana [Grand Véhicule] totalisent six cent trente-sept œuvres en deux mille huit cent quatre-vingt trois volumes. L’expression [du Sūtra de la méditation] “lire et réciter le Grand Véhicule” doit s’appliquer à toutes ces œuvres. Sachez que, lorsque le Bouddha prêchait en s’adaptant à la capacité de ses divers auditeurs, il enseigna pendant un certain temps les deux méthodes méditatives, l’une concentrée et l’autre non concentrée31. Mais, plus tard, quand il révéla sa propre illumination, il cessa d’enseigner ces deux méthodes. Le seul enseignement qui, une fois révélé, ne doit jamais cesser d’être enseigné est la méthode unique du Nembutsu. »
Hōnen déclare encore : « Quant au passage selon lequel le pratiquant du Nembutsu doit posséder trois sortes d’esprit32, il se trouve dans le Sūtra de la méditation sur le bouddha Vie-Infinie. Dans son commentaire de ce sūtra, [Shandao dit] : “Quelqu’un peut demander : ‘Si certains ont une compréhension et une pratique différentes de celles des adeptes du Nembutsu, ces personnes à la croyance déviante et erronée, [comment faut-il les traiter ?]’ Je voudrais désormais m’assurer que leurs visions perverses et divergentes ne causent pas de trouble. Ces personnes aux vues mauvaises, à la compréhension et aux pratiques différentes, sont comparables à une bande de voleurs qui appellent le voyageur ayant déjà avancé d’un ou deux pas à rebrousser chemin.” À mon avis, quand ce commentaire évoque une compréhension différente, des pratiques différentes, des doctrines divergentes, et des croyances divergentes, il fait référence à la méthode de la voie des Saints. »
Pour finir, dans un passage de conclusion, Hōnen dit : « Si l’on souhaite échapper rapidement au cycle des naissances et des morts, il faut comparer ces deux enseignements supérieurs, puis rejeter la méthode de la voie des Saints pour choisir celle de la Terre pure. Et, si l’on souhaite suivre la méthode de la Terre pure, il faut comparer les pratiques correctes et les pratiques mélangées, puis abandonner tout ce qui est mélangé pour se concentrer sur ce qui est correct. »
Quand nous examinons ces passages, nous voyons que Hōnen cite les explications erronées de Tanluan, Daochao, et Shandao, et fait la distinction claire entre la voie des Saints et celle de la Terre pure, entre la pratique difficile et la pratique facile. Il prend alors l’ensemble des six cent trente-sept œuvres en deux mille huit cent quatre-vingt trois volumes qui composent les enseignements bouddhiques du Mahayana dispensés par le Bouddha de son vivant, notamment ceux du Sūtra du Lotus et des sūtras de l’école Shingon. Il prend aussi tous les bouddhas, les bodhisattvas, les divinités de ce monde et les assigne tous à la catégorie de la voie des Saints, à celle de la pratique difficile et à celle des pratiques mélangées, exhortant à les « rejeter, [les] fermer, [les] écarter et [les] abandonner ». Avec ces quatre injonctions, il égare tous les êtres humains. De plus, il regroupe tous les moines sages des trois pays [Inde, Chine et Japon] ainsi que les disciples du Bouddha dans les dix directions, et les présente comme « une bande de voleurs », incitant les gens à les insulter.
Ainsi, il se détourne du passage des trois sūtras de l’école Jōdo, pourtant de sa propre école, qui contiennent le vœu d’Amida de sauver les êtres « sauf ceux qui commettent les cinq transgressions capitales et ceux qui calomnient l’enseignement correct33 ». Plus fondamentalement, il montre qu’il ne comprend pas l’avertissement contenu dans le deuxième rouleau du Sūtra du Lotus, essence 16du recueil intégral des enseignements exposés par le Bouddha au cours des cinq périodes de sa vie de prédication, où il est indiqué : « Si quelqu’un n’a pas foi dans ce Sūtra mais au contraire le calomnie. (...) Quand sa vie parviendra à son terme, il entrera dans l’enfer Avīci34. »
Nous voici maintenant dans ce dernier âge où il n’y a plus de sages parmi les gens. Chacun emprunte la route sombre qui est la sienne et tous oublient la voie directe. Qu’il est triste que nul ne puisse guérir les êtres humains de leur aveuglement ! Qu’il est pénible de les voir adopter en vain ces fausses croyances ! Il en résulte que tous, du souverain du pays aux gens ordinaires, croient qu’il n’existe pas de vrais sūtras en dehors des trois sūtras de l’école Jōdo et aucun autre bouddha que le bouddha Amida et ses deux acolytes35.
Autrefois vivaient des hommes comme Dengyō, Gishin, Jikaku et Chishō qui parcoururent dix mille ri à travers les mers [jusqu’en Chine] pour acquérir les enseignements, et se rendirent dans les montagnes et le long des rivières pour révérer les statues du Bouddha [et les rapporter].
Dans certains cas, ils ont bâti des temples au sommet de hautes montagnes pour y préserver ces écrits et ces statues ; dans d’autres cas, ils ont construit des bâtiments au creux de profondes vallées où de tels objets pouvaient être voués au culte et honorés. Il en résulte que les bouddhas Shakyamuni et Maître-de-la-Médecine36 brillaient côte à côte, leur influence rayonnant sur les âges présent et futur, alors que les bodhisattvas Trésor-de-l’Espace et Germe-de-la-Terre conféraient leurs bienfaits aux vivants et aux morts. Les souverains du pays apportaient leur contribution aux villages et aux régions, de sorte que les lampes pouvaient continuer à brûler avec éclat devant les statues de Bouddha, tandis que les intendants des grands domaines donnaient leurs champs et leurs jardins en offrande.
Mais, à cause de cet ouvrage de Hōnen, le Choix du Nembutsu par-dessus tout, Shakyamuni, seigneur des enseignements, est oublié, et partout l’on ne vénère qu’Amida, bouddha de la Terre de l’Ouest. La transmission de la Loi [qui nous vient du bouddha Shakyamuni] est ignorée37 et le Maître-de-la-Médecine, l’Ainsi-Venu de la région de l’Est, est négligé. On n’accorde de crédit qu’aux trois sūtras en quatre volumes de l’école Jōdo, et tous les autres merveilleux enseignements exposés par Shakyamuni durant les cinq périodes de sa vie de prédication sont rejetés. Si les temples ne sont pas dédiés à Amida, les gens n’ont plus alors aucun désir de les soutenir, ni d’honorer les bouddhas qui y sont installés ; si les moines ne sont pas des pratiquants du Nembutsu, alors ils oublient rapidement toute idée de leur offrir des aumônes. Il s’ensuit que les bâtiments consacrés au Bouddha tombent en ruine, et c’est à peine si une colonne de fumée s’élève au-dessus des tuiles de leurs toits couverts de mousse ; quant aux logements des moines, ils sont vides et délabrés, leurs cours sont laissées en friche. En dépit de cette situation, nul ne songe à protéger la Loi ni à restaurer les temples. C’est pourquoi les moines sages qui autrefois présidaient les temples partent pour ne plus revenir et les divinités bienveillantes qui gardaient le pays s’en vont pour ne plus réapparaître. Tout cela à cause de ce Choix du Nembutsu par-dessus tout, de Hōnen.
Quelle tristesse de penser que, en l’espace de quelques décennies, des centaines, des milliers, des dizaines de milliers de personnes ont été trompées par ces enseignements démoniaques et ont si souvent méconnu les véritables enseignements bouddhiques. Si les gens privilégient ce qui n’est qu’accessoire et oublient l’essentiel, comment les divinités bienveillantes pourraient-elles ne pas éprouver de colère ? Si les gens rejettent ce qui est parfait et adoptent ce qui est erroné, comment le 17monde pourrait-il échapper aux complots des démons ? Plutôt que d’offrir dix mille prières en guise de remède, il serait bien plus simple de proscrire ce seul mal.
À ce moment-là, le visiteur, au comble de la fureur, dit :
Dans les âges [écoulés] depuis que notre Maître originel, le bouddha Shakyamuni, enseigna les trois sūtras de la Terre pure, le Maître du Dharma Tanluan étudia d’abord les quatre traités38 mais les abandonna et accorda toute sa foi aux enseignements de l’école Jingtu [devenue école Jōdo au Japon]. De même, le maître de la méditation Daochuo cessa de répandre les diverses pratiques du Sūtra du Nirvana et se consacra entièrement à la propagation de la pratique qui mène à la Terre pure de l’Ouest. Le révérend Shandao écarta les pratiques mélangées et établit l’unique pratique du Nembutsu, et le surintendant des moines Eshin rassembla les passages essentiels des divers sūtras pour former son œuvre, instaurant l’unique pratique du Nembutsu comme essence de son enseignement. C’est ainsi que ces moines honorèrent et respectèrent le bouddha Amida, permettant à un nombre incalculable de personnes de renaître dans la Terre pure.
Une mention particulière doit être décernée au sage Hōnen qui, enfant, entra dans un monastère du mont Hiei. À l’âge de dix-sept ans, il avait [déjà] étudié les soixante volumes des écrits de Tendai dans leur intégralité39 et connaissait suffisamment chacune des huit écoles pour maîtriser l’essentiel de leurs enseignements. De plus, il avait lu à sept reprises le recueil complet des sūtras et traités, et épuisé toutes les œuvres d’exégèse et toutes les biographies. Sa sagesse brillait comme le soleil et la lune, et sa vertu excédait celle des maîtres antérieurs.
Malgré cela, il s’interrogeait sur la voie appropriée menant à la délivrance et ne parvenait pas à discerner le vrai sens du nirvana. C’est pourquoi il lut et étudia autant de textes que possible, réfléchit profondément, considéra toutes les possibilités, et finalement rejeta tous les sūtras pour se concentrer exclusivement sur la pratique du Nembutsu. De plus, il reçut confirmation [du bien-fondé] de sa décision quand Shandao lui apparut miraculeusement dans un rêve40 ; il entreprit donc de propager sa doctrine parmi les amis et inconnus des quatre coins du pays. Par la suite, il fut salué comme la manifestation du bodhisattva Grand-Pouvoir ou fut révéré comme étant Shandao dans une nouvelle vie. Partout, les gens d’éminente et de basse naissance, sans distinction, inclinaient la tête devant lui en signe de respect et les hommes et les femmes de tout le Japon le recherchaient.
Depuis cette époque, les printemps et les automnes se sont succédé et les années se sont empilées les unes sur les autres. Et pourtant vous vous entêtez à rejeter les vénérables enseignements du bouddha Shakyamuni [contenus dans les sūtras de l’école Jōdo] et dénigrez délibérément le passage décrivant les vœux du bouddha Amida. Pourquoi tentez-vous d’imputer à l’époque sainte de Hōnen les désastres des années récentes, en vous égarant jusqu’à calomnier les anciens maîtres de l’école Jōdo et à accumuler les injures sur le sage Hōnen ? Comme le dit le proverbe, en soufflant délibérément sur la fourrure, vous cherchez les défauts dans le cuir, en perçant délibérément la peau, vous cherchez à faire couler le sang. Depuis les temps anciens jusqu’à nos jours, on n’a jamais entendu quiconque en ce monde proférer des paroles aussi néfastes. Vous devriez faire preuve d’un peu plus de prudence et de retenue. En accumulant des fautes aussi graves, comment pouvez-vous espérer échapper à la sanction ? Je crains même de rester assis en votre compagnie. Il me faut prendre mon bâton et partir !
L’hôte, avec un sourire, retint le visiteur en disant :
Les insectes qui se nourrissent de mauvaises herbes oublient combien elles ont un 18goût amer ; ceux qui demeurent longtemps dans les latrines oublient leur odeur nauséabonde. Vous écoutez ici mes bonnes paroles et les croyez méchantes, vous désignez un détracteur de la Loi et l’appelez un sage, vous vous méfiez d’un maître juste et le considérez comme un mauvais moine. Votre confusion est bien grande en effet et votre faute est loin d’être légère. Laissez-moi vous expliquer d’où vient cette confusion et parlons-en en détail.
Le bouddha Shakyamuni exposa ses enseignements en cinq périodes de manière ordonnée et les divisa en enseignements provisoires et enseignement véritable. Mais Tanluan, Daochao et Shandao adoptèrent les enseignements provisoires et oublièrent l’enseignement véritable, ils se fondèrent sur les enseignements de la première période de la vie du Bouddha et rejetèrent les enseignements ultérieurs. Ces hommes ne sont pas entrés dans la profondeur de la doctrine bouddhique.
Hōnen, en particulier, suivit les pratiques préconisées par ses prédécesseurs, tout en en ignorant les sources. Comment le savons-nous ? Parce qu’il rassembla l’intégralité des six cent trente-sept écrits du Mahayana en deux mille huit cent quatre-vingt trois volumes et, en les associant à tous les bouddhas, bodhisattvas et divinités du monde, il exhorta les êtres humains à les « rejeter, [les] fermer, [les] écarter et [les] abandonner », corrompant leur cœur par ces quatre injonctions. Il déversa ainsi des paroles perverties [qui étaient] de sa propre invention et ne s’enquit aucunement des explications avancées dans les écrits bouddhiques. Voilà bien le pire exemple de discours sans fondement, un cas clair de diffamation. C’est une attitude inqualifiable, que l’on ne saurait trop sévèrement condamner.
Et pourtant les gens accordent tous foi à ce discours sans fondement qui est le sien, et rendent unanimement hommage à ce Choix du Nembutsu par-dessus tout. Par conséquent, ils révèrent les trois sūtras de l’école Jōdo et rejettent tous les autres ; ils lèvent les yeux vers un seul et unique bouddha [Amida], celui qui règne sur la Terre pure appelée Bonheur-Suprême, et oublient les autres bouddhas. Un homme tel que Hōnen est bien l’ennemi juré des bouddhas et des écrits, et l’adversaire des moines sages tout autant que des gens. Aujourd’hui, ses enseignements erronés se sont propagés partout dans les huit régions du pays, imprégnant les dix directions.
Vous vous êtes fortement indigné quand j’ai imputé à une période antérieure41 les désastres de ces dernières années. Peut-être devrais-je citer quelques exemples du passé pour montrer que votre réaction ne se justifie pas.
Le deuxième volume de La Grande Concentration et Pénétration cite le passage suivant des Mémoires historiques : « Dans les dernières années de la dynastie des Zhou, certaines personnes laissèrent pendre leurs cheveux, allèrent nus jusqu’à la taille et n’observèrent pas les rites et les règles. » Les Annotations sur La Grande Concentration et Pénétration explique ce passage dans le deuxième volume en se fondant sur le Commentaire de Zuo sur la Période des Printemps et Automnes : « Quand le roi Ping, de [la dynastie des] Zhou, déplaça en premier lieu sa capitale à l’est, il vit des hommes près de la rivière Yi qui laissaient pendre leurs cheveux longs et accomplissaient des sacrifices dans les champs. Une personne dotée d’un grand discernement dit : “Dans moins de cent ans la dynastie tombera car les rites sont déjà négligés.” Il ressort de cela que le présage apparaît d’abord et que le désastre vient ensuite. »
[Le passage de La Grande Concentration et Pénétration poursuit en disant] : « Ruan Ji42 était un homme au talent extraordinaire, mais il laissa ses cheveux pousser en broussaille et garda sa ceinture défaite. Plus tard, les fils de l’aristocratie l’imitèrent tous, au point que ceux qui se comportaient de manière grossière et insultante étaient considérés comme ayant une attitude naturelle, 19alors que ceux qui faisaient preuve de modération et se comportaient correctement étaient tournés en dérision et traités de simples paysans. C’était un signe que la famille Sima [souverains de la dynastie des Jin de l’Ouest] courait à sa perte. »
De même, on peut lire dans Le récit d’un pèlerinage en Chine en quête de la Loi du Grand Maître Jikaku que, dans la première année de l’ère Huichang [841], l’empereur Wuzong de la dynastie des Tang ordonna au moine Jingshuang du temple Zhangjing de transmettre les enseignements du Nembutsu du bouddha Amida dans les divers temples. Jingshuang passa trois jours dans chaque temple, allant de l’un à l’autre sans jamais s’arrêter.
Dans la deuxième année de la même ère, les soldats du pays des Ouїghours43 violèrent les frontières de l’empire Tang. Dans la troisième année de la même ère, le gouverneur militaire de la région nord du fleuve Jaune fomenta soudain une révolte. Par la suite, le royaume du Tibet refusa une nouvelle fois d’obéir aux ordres de la Chine et les Ouїghours envahirent à plusieurs reprises le territoire chinois. Globalement, les conflits et les insurrections furent comparables à ceux du temps où la dynastie des Qin et le chef militaire Xiang Yu furent renversés et où villes et villages furent dévastés par le feu et d’autres désastres. Pis encore, l’empereur Wuzong lança une vaste campagne pour éliminer les enseignements bouddhiques et détruisit un grand nombre de temples et de pagodes. Il ne put jamais réprimer les révoltes et il mourut peu après dans la souffrance. (Tel est le sens essentiel du passage originel de Jikaku.)
Ces événements nous invitent à prendre en compte le fait que Hōnen vivait à l’époque de l’empereur retiré Gotoba, pendant l’ère Ken’nin [1201-1204]. Et [le sens de] ce qui arriva à l’empereur retiré apparaît évident à nos yeux44. Ainsi la dynastie des Tang en Chine a déjà offert l’exemple de la chute d’un empereur, et notre propre pays en est une autre illustration. Vous ne devriez ni douter, ni considérer cela comme étrange. II n’y a rien d’autre à faire maintenant que d’abandonner les mauvaises voies pour adopter les bonnes, de couper le malheur à la source, d’en couper la racine.
Le visiteur, apparemment quelque peu apaisé, dit :
Bien que je n’aie pas totalement approfondi cette question, je crois comprendre jusqu’à un certain point ce que vous dites. Néanmoins, dans toute la région s’étendant de Kyōto, la capitale, à Kamakura, siège du shōgun, on trouve de nombreux maîtres bouddhistes éminents et de hautes personnalités du clergé. Pourtant, aucun d’eux n’a été jusqu’à lancer un appel au shōgun à ce sujet, ni soumis une requête au trône. Par contre, vous, personne de position modeste, ne pensez qu’à déverser des accusations blessantes. Vous allez trop loin dans vos assertions et votre comportement est déraisonnable.
L’hôte dit :
Je suis peut-être une personne de faible capacité, mais je me suis consacré respectueusement à l’étude du Mahayana. Une mouche bleue, si elle s’accroche à la queue d’un cheval pur-sang, peut parcourir dix mille ri, et le lierre vert qui s’enroule autour du pin peut s’élever jusqu’à une hauteur de mille pieds. Je suis né en tant que fils du Bouddha unique, Shakyamuni, et sers le roi de tous les sūtras, le Sūtra du Lotus. Comment pourrais-je observer le déclin de la Loi bouddhique sans un sentiment de pitié et de détresse ?
De plus, il est dit dans le Sūtra du Nirvana : « Si un moine, même bon, voit quelqu’un détruire l’enseignement et n’y prête pas garde, s’il s’abstient de tout reproche, ne chasse pas cet individu ou ne le punit pas pour sa faute, alors vous devez réaliser que ce moine trahit l’enseignement du Bouddha. Mais s’il chasse celui qui détruit la Loi, lui adresse des reproches ou le punit, alors, c’est mon disciple et un véritable auditeur [de mon enseignement]. »
20Je ne suis peut-être pas un « bon moine », mais je ne veux absolument pas être accusé d’« avoir trahi l’enseignement du Bouddha ». Afin d’éviter de telles accusations, j’ai donc cité quelques principes généraux et apporté des éléments d’explication.
Plus tôt, pendant l’ère Gen’nin [1224-1225], les deux temples de l’Enryaku-ji et du Kōfuku-ji soumirent à maintes reprises des pétitions au monarque. En retour, le shogunat émit un édit impérial et une lettre d’instruction, ordonnant que les planches utilisées pour imprimer le Choix du Nembutsu par-dessus tout de Hōnen soient confisquées et rapportées au Grand hall d’enseignement de l’Enryaku-ji. Elles y furent brûlées en signe de reconnaissance envers les bouddhas des trois phases de l’existence. De plus, les serviteurs du sanctuaire de Kanjin reçurent l’ordre de déterrer la tombe de Hōnen et de la détruire. Puis des disciples de Hōnen, Ryūkan, Shōkō, Jōkaku, Sasshō et d’autres furent condamnés par la cour impériale à l’exil dans des régions éloignées et ne furent jamais graciés.
Au regard de ces faits, comment pouvez-vous dire que personne n’a jamais protesté à ce sujet auprès des autorités ?
Le visiteur, d’une voix toujours douce, répondit :
On peut difficilement reprocher à Hōnen d’être le seul à dénigrer les sūtras et à dire du mal des autres moines [puisque vous faites vous aussi la même chose]. Cependant, il est vrai qu’il prend les six cent trente-sept écrits du Mahayana en deux mille huit cent quatre-vingt trois volumes, ainsi que tous les bouddhas, bodhisattvas et divinités de ce monde, et exhorte les êtres humains à les « rejeter, [les] fermer, [les] écarter et [les] abandonner ». Il ne fait aucun doute que ces quatre injonctions sont ses paroles mêmes ; le sens de ce passage est tout à fait clair. Mais vous soulignez sans cesse ce petit « défaut dans le joyau » et calomniez sévèrement Hōnen à cause de cela. Je ne sais pas si, quand il s’exprime, il est dans l’illusion ou l’illumination. Entre vous et Hōnen, je ne peux dire lequel est le sage et lequel est l’insensé, ni déterminer quelles paroles sont justes et lesquelles sont fausses.
Cependant, vous affirmez que tous les désastres récents trouvent leur origine dans le Choix du Nembutsu par-dessus tout, développant largement ce point pour étayer votre affirmation. Il est certain que la paix dans le monde et la stabilité du pays sont aujourd’hui le but du souverain comme de ses sujets et correspondent au désir de tous les habitants. Un pays parvient à la prospérité grâce à la Loi bouddhique et on voit que cette Loi est digne d’être révérée grâce à ceux qui la suivent. Si le pays est détruit et son peuple exterminé, qui continuera à révérer les bouddhas ? Qui aura encore foi dans la Loi ? Il faut donc tout d’abord prier pour la sécurité du pays et œuvrer ensuite à établir la Loi bouddhique45. Si vous avez ici la moindre idée concernant la façon d’empêcher les désastres et de mettre un terme aux troubles, j’aimerais vous entendre.
L’hôte dit :
Il ne fait aucun doute que je suis l’insensé — je n’oserais prétendre être un sage. Cependant, j’aimerais simplement citer quelques passages des écrits et vous faire rapidement part de quelques pensées. Il existe de nombreux passages à la fois dans les textes bouddhiques et non bouddhiques traitant des moyens d’assurer l’ordre dans le pays, et il serait difficile de les citer tous ici. Mais, pour m’être lancé sur la voie du Bouddha, j’ai souvent réfléchi à cette question et il me semble que le fait d’imposer des limites à ceux qui calomnient la Loi et de respecter les pratiquants de la voie correcte assurera la stabilité au sein du pays et la paix dans l’ensemble du monde.
Nous lisons dans le Sūtra du Nirvana : « Le Bouddha dit : “Vous pouvez offrir des aumônes à tout le monde à l’exception d’une seule catégorie de personnes, et cela vous vaudra le respect de tous.”
21« Chunda demanda : “Qu’entendez-vous par ‘une seule catégorie de personnes’ ?”
« Le Bouddha répondit : “Je désigne par là ceux que j’ai décrits dans ce sūtra comme enfreignant les préceptes.”
« Chunda insista : “Je crains de ne toujours pas comprendre. Puis-je vous demander de plus amples explications ?”
« Le Bouddha s’adressa à Chunda en ces termes : “Par personnes enfreignant les préceptes, j’entends les icchantika. À toutes les autres catégories d’êtres humains, vous pourrez offrir des aumônes, cela vous vaudra les éloges de tous, et vous obtiendrez de grands bienfaits.”
« Reprenant la parole, Chunda demanda : “Que signifie icchantika ?”
« Le Bouddha dit : “Chunda, imagine des moines ou des nonnes, des laïcs, hommes ou femmes, qui prononcent des paroles irréfléchies et mauvaises et calomnient l’enseignement correct et qui continuent à commettre ces actes graves sans montrer aucune envie de se réformer ni aucun signe de repentir dans leur cœur. Je dirais que de telles personnes suivent la voie des icchantika. De plus, il y a ceux qui commettent les quatre délits majeurs46 ou sont coupables des cinq transgressions capitales et qui, bien que conscients d’avoir commis des fautes majeures, ne montrent, de bout en bout, aucune trace de crainte ni de contrition dans leur cœur ou, du moins, n’en font rien voir. Quant à l’enseignement correct, ils ne témoignent aucune envie de le protéger, de le chérir et de l’établir à travers les âges, mais en parlent plutôt avec malveillance et mépris, en employant des paroles chargées d’erreurs. Je dirais que ceux-là aussi suivent la voie des icchantika. Cependant, hors cette catégorie particulière de personnes appelées icchantika, vous pouvez offrir des aumônes à tous les autres, et tout le monde vous en félicitera.” »
Dans un autre passage du même sūtra, le Bouddha s’exprima en ces termes : « Quand je me penche sur le passé, je me rappelle avoir été roi d’un grand État en ce continent du Jambudvipa. Mon nom était Sen’yo et j’aimais et vénérais les écrits du Grand Véhicule. Mon cœur était pur et bon, sans aucune trace de mal, de jalousie ou de mesquinerie. Hommes de bien, [sachez que,] à cette époque, j’ai chéri dans mon cœur les enseignements du Grand Véhicule. Quand j’ai entendu des brahmanes calomnier les enseignements des sūtras Vaipulya [dispensés pendant la troisième période de la prédication du Bouddha], je les ai mis à mort sur-le-champ. Hommes de bien, il résulta de cette action que je ne suis depuis jamais tombé en enfer. »
Ailleurs, on lit : « Dans le passé, quand l’Ainsi-Venu était souverain d’un pays et pratiquait la voie du bodhisattva, il mit à mort un certain nombre de brahmanes. »
Ou encore : « Il y a trois degrés dans le meurtre : l’inférieur, l’intermédiaire et le supérieur. Le degré inférieur concerne le meurtre de toute humble créature, depuis la fourmi jusqu’aux animaux les plus variés. Toutefois, le meurtre d’un être dans lequel un bodhisattva a choisi de renaître [afin d’aider les autres êtres vivants] est à exclure [de cette catégorie]. Il résulte d’un meurtre de degré inférieur que l’on tombera dans le monde de l’enfer, des esprits affamés ou des animaux, où l’on éprouvera toutes les souffrances correspondant au meurtre de degré inférieur. Pourquoi cela ? Parce que même les animaux et autres humbles créatures possèdent les racines du bien, aussi insignifiantes soient-elles. C’est pourquoi une personne qui tue un tel être doit subir la pleine rétribution de son délit.
« Tuer toute personne, d’un homme du commun à un anagamin47, correspond à ce que l’on appelle le degré intermédiaire. La conséquence d’un tel meurtre est la chute dans les domaines de l’enfer, des esprits affamés ou des animaux, où l’on subit toutes les souffrances correspondant à un meurtre de degré intermédiaire. Le meurtre d’un degré supérieur correspond au meurtre 22d’un parent, d’un arhat, d’un pratyekabuddha ou d’un bodhisattva qui a atteint le stade de non-régression. Pour un tel crime, on tombera dans le grand enfer Avīci. Hommes de bien, si quelqu’un devait tuer un icchantika, ce meurtre ne relèverait d’aucune des trois catégories que nous venons de mentionner. Hommes de bien, les divers brahmanes que j’ai déclaré avoir exécutés — tous étaient en fait des icchantika. »
Dans le Sūtra des rois bienveillants, nous lisons : « Le Bouddha annonça au roi Prasenajit : “Je confie donc la protection de mes enseignements au souverain du pays plutôt qu’aux moines et aux nonnes. Pourquoi cela ? Parce que ceux-ci n’ont pas le pouvoir et l’autorité propres au roi.” »
Il est dit dans le Sūtra du Nirvana : « Je confie maintenant l’enseignement correct, d’une excellence sans égale, aux souverains, aux ministres, aux grands représentants du pays, et aux quatre catégories de croyants. Si quelqu’un devait dénigrer l’enseignement correct, alors les ministres et les quatre catégories de croyants devraient le réprimander et le rappeler à l’ordre. »
Il déclare aussi : « Le Bouddha a répondu : “[Bodhisattva] Kashyapa, c’est parce que j’ai été un défenseur de l’enseignement correct que j’ai pu acquérir ce corps pareil au diamant. (...) Hommes de bien, il n’est pas nécessaire aux défenseurs de l’enseignement correct d’observer les cinq préceptes ni de suivre les règles de bonne conduite. Ils devraient au contraire porter couteaux et sabres, arcs et flèches, piques et lances.” »
Le Bouddha dit encore : « Même s’ils observent les cinq préceptes, certains ne méritent pas d’être qualifiés de pratiquants du Grand Véhicule. Mais, même si l’on n’observe pas les cinq préceptes, si l’on défend l’enseignement correct, alors on peut être appelé pratiquant du Grand Véhicule. Les défenseurs de l’enseignement correct devraient s’armer de couteaux et d’épées, d’armes et de bâtons. Même s’ils portent épées et bâtons, je les qualifierai d’hommes qui observent les préceptes. »
De même, le Bouddha a dit : « Hommes de bien, dans le passé, dans cette ville de Kushinagara, un bouddha est apparu qui avait pour nom L’Ainsi-Venu Joie-Croissante. Après la disparition de ce bouddha, l’enseignement correct qu’il avait dispensé demeura dans le monde pendant d’innombrables millions d’années. Puis, finalement, il ne resta plus que quarante années avant que l’enseignement bouddhique soit voué à disparaître.
« En ce temps-là, vivait un moine nommé Éveil-à-la-Vertu qui observait tous les préceptes. Beaucoup de moines à cette époque les transgressaient et, quand ils entendirent ce moine enseigner, ils conçurent tous de mauvais desseins dans leur cœur et, s’armant d’épées et de bâtons, ils se dirigèrent vers ce maître de la Loi. À ce moment-là, le souverain du royaume s’appelait Détenteur-de-Vertu. On lui rapporta ce qui se passait et, afin de défendre l’enseignement, il se rendit d’abord sur le lieu où le moine prêchait la Loi et combattait de toutes ses forces les mauvais moines qui enfreignaient les préceptes. Grâce à cela, le moine qui prêchait put échapper à de graves blessures. Mais le roi reçut tant de coups de couteaux et d’épées, de piques et de lances, qu’il ne resta pas sur son corps un endroit de la taille d’une graine de moutarde qui n’ait été touché.
« À ce moment-là, le moine Éveil-à-la-Vertu fit l’éloge du roi en disant : “Splendide, splendide ! Vous, ô roi, êtes maintenant un authentique défenseur de l’enseignement correct. Dans les âges à venir, ce corps qui est le vôtre deviendra à coup sûr un vaisseau illimité de la Loi !”
« À ce moment-là, le roi avait déjà entendu l’enseignement et il ressentit une grande joie dans son cœur. Sa vie parvint alors à son terme et il renaquit dans la Terre du bouddha Akshobhya, où il devint le principal disciple de ce bouddha. 23De plus, tous les chefs militaires, sujets et alliés du roi qui avaient combattu à ses côtés ou s’étaient réjouis de ses efforts furent remplis d’une détermination inébranlable à atteindre l’illumination et, quand ils moururent, tous renaquirent dans la Terre du bouddha Akshobhya.
« Plus tard, le moine Éveil-à-la-Vertu mourut aussi, et il renaquit également dans la Terre du bouddha Akshobhya où il devint le deuxième des disciples de ce bouddha. Lorsque l’enseignement correct est en passe de disparaître, c’est donc ainsi qu’il faut le soutenir et le défendre. Ô Kashyapa, [sache que] le roi de cette époque, c’était moi-même, et le moine prédicateur était le bouddha Kashyapa48. Kashyapa, [sache aussi que] ceux qui défendent l’enseignement correct obtiennent cette sorte de bienfaits illimités. De ce fait, j’ai pu obtenir les nobles caractéristiques que je possède aujourd’hui, m’en parer, et réaliser en moi l’indestructible Corps de la Loi. »
Puis le Bouddha déclara au bodhisattva Kashyapa : « Voilà pourquoi les disciples, laïcs et autres, qui souhaitent défendre la Loi devraient s’armer d’épées et de bâtons et la protéger de cette façon. Hommes de bien, dans l’âge impur et mauvais qui suivra ma disparition, le pays sera livré à la dévastation et au désordre, les hommes pilleront et se voleront les uns les autres, et le peuple souffrira de disette. Poussés par la faim, bien des hommes de cette époque affirmeront leur détermination à quitter leur famille pour devenir moines. Ces hommes peuvent être qualifiés de “crânes tondus49”. Quand ces innombrables crânes tondus verront quelqu’un tenter de protéger l’enseignement correct, ils le poursuivront et le chasseront, voire le tueront ou le blesseront. C’est pourquoi j’autorise maintenant les moines qui observent les préceptes à fréquenter les laïcs en robe blanche qui portent épées et bâtons et à s’associer à eux. Car, même s’ils portent épées et bâtons, je les considérerai comme des hommes observant les préceptes. Pourtant, même autorisés à porter épées et bâtons, ils ne devront jamais s’en servir pour ôter la vie. »
Il est dit dans le Sūtra du Lotus : « Si une personne ne réussit pas à avoir foi dans ce Sūtra mais au contraire le calomnie, elle détruira immédiatement toutes les graines pour devenir bouddha en ce monde. (...) Quand sa vie parviendra à son terme, elle entrera dans l’enfer Avīci. »
Le sens des passages de ces sūtras est parfaitement clair. Quel besoin aurais-je d’y ajouter plus ample explication ? Au regard de ces mots du Sūtra du Lotus, il apparaît que rabaisser les écrits du Mahayana est plus grave que commettre les cinq transgressions capitales un nombre incalculable de fois. Par conséquent, celui qui agit de la sorte sera confiné dans la grande citadelle de l’enfer Avīci et ne pourra espérer sa libération avant un laps de temps d’une durée incommensurable. Selon le Sūtra du Nirvana, vous pouvez offrir des aumônes à quelqu’un qui a commis les cinq transgressions capitales, mais pas à une personne qui a calomnié la Loi. Celui qui tue même une fourmi tombera toujours dans les trois mauvaises voies, mais celui qui contribue à éradiquer l’opposition à la Loi s’élèvera jusqu’à un état à partir duquel il ne peut plus y avoir de régression. Ce passage nous dit donc que le moine Éveil-à-la-Vertu renaquit en tant que bouddha Kashyapa et que le roi Détenteur-de-Vertu renaquit en tant que bouddha Shakyamuni.
Le Sūtra du Lotus et le Sūtra du Nirvana représentent l’essence même des doctrines prêchées par Shakyamuni durant les cinq périodes de sa vie d’enseignement. Leurs avertissements doivent être considérés avec le plus grand sérieux. Qui pourrait ne pas en tenir compte ? Et pourtant ces gens qui oublient la voie correcte et calomnient la Loi accordent plus que jamais leur confiance au Choix du Nembutsu par-dessus tout de Hōnen et leur ignorance les rend toujours plus aveugles.
24Ainsi, certains, se rappelant leur maître de son vivant, le représentent par des sculptures en bois ou des images peintes, tandis que d’autres, accordant foi à ses enseignements erronés, gravent sur des morceaux de bois ses paroles hideuses. Ces écrits sont disséminés à travers tout le pays bordé par les cinq mers, portés au-delà des villes et dans les campagnes jusqu’à ce que, partout où l’on prie, ce soit selon les rites de cette école, et, partout où l’on offre des aumônes, ce soit aux moines de cette école.
Il en résulte que nous voyons des gens briser les doigts des statues de Shakyamuni pour les remodeler selon le geste d’Amida, ou convertir les temples anciennement consacrés au Maître-de-la-Médecine, l’Ainsi-Venu de la région de l’Est, et remplacer ses statues par celles d’Amida, l’Ainsi-Venu de la Terre de l’Ouest. Il arrive aussi que la cérémonie consistant à copier le Sūtra du Lotus, accomplie depuis plus de quatre cents ans au mont Hiei, soit interrompue et que l’on y substitue la copie des trois sūtras de l’école Jōdo ; par ailleurs les enseignements annuels50 sur les doctrines du Grand Maître Tiantai sont parfois remplacés par les enseignements sur celles de Shandao. En fait, les détracteurs et leurs complices sont si nombreux qu’on ne peut les compter. Ne sont-ils pas les destructeurs du Bouddha ? Ne sont-ils pas les destructeurs de la Loi ? Ne sont-ils pas les destructeurs de la Communauté bouddhiste ? Et tous leurs enseignements déformés dérivent du Choix du Nembutsu par-dessus tout.
Hélas ! Qu’il est pitoyable que des gens se détournent des véritables interdits prononcés par l’Ainsi-Venu [Shakyamuni] ! Qu’il est tragique de les voir prendre en considération les paroles grossières et illusoires de ce moine ignorant ! Si nous entendons apporter sans retard ordre et tranquillité au monde, il nous faut mettre un terme à ces calomnies contre la Loi qui emplissent le pays.
Le visiteur dit :
Si nous voulons en terminer avec ceux qui calomnient la Loi et nous débarrasser de ceux qui enfreignent les interdits du Bouddha, devons-nous les condamner à mort, suivant les passages de sūtras que vous venez de citer ? En agissant ainsi, nous serons alors nous-mêmes coupables d’infliger des blessures et la mort, et comment pourrions-nous ne pas en subir les conséquences ?
Dans le Sūtra de la Grande Collection, le Bouddha dit : « Si une personne se rase le crâne et revêt l’habit de moine, alors, que cette personne observe les préceptes ou les transgresse, les êtres célestes et humains devraient tous lui donner l’aumône. Ce faisant, c’est à moi qu’ils offrent l’aumône, c’est moi qu’ils soutiennent, car ce moine est mon fils. Mais, si des hommes le frappent, c’est mon fils qu’ils maltraitent, et, s’ils le maudissent et l’insultent, c’est moi qu’ils injurient. »
En réfléchissant à cela, nous comprenons que quelqu’un peut être bon ou mauvais, avoir raison ou tort, s’il est moine, alors il mérite de recevoir un don d’aumônes ou de nourriture. Car comment pourrait-on battre et insulter le fils sans causer peine et souffrance au père ? Les brahmanes de l’école du Bâton de bambou qui ont tué le vénérable Maudgalyayana ont longtemps été plongés dans les profondeurs de l’Enfer aux souffrances incessantes. Pour avoir assassiné la nonne Utpalavarna, Devadatta a longtemps suffoqué dans les flammes de l’enfer Avīci. Ces exemples des époques passées éclairent parfaitement la question et les âges postérieurs la redoutent plus que toute autre. Vous parlez de punir ceux qui calomnient la Loi, mais un tel comportement enfreindrait les interdits du Bouddha. Il me paraît difficile de croire au bien-fondé d’une telle orientation. Comment pouvez-vous la justifier ?
L’hôte dit :
Après avoir clairement vu les passages de sūtra que je viens de citer, vous 25posez une question comme celle-là ! Est-ce donc au-dessus de votre capacité de compréhension ? Ou ne pouvez-vous pas saisir le raisonnement sous-jacent ? Je n’ai certainement pas l’intention de blâmer les fils du Bouddha. Ma haine n’est dirigée que contre l’action qui consiste à calomnier la Loi. Selon les enseignements bouddhiques, avant Shakyamuni, les moines calomniateurs auraient encouru la peine de mort. Mais, depuis l’époque de Shakyamuni, Celui-Qui-Peut-Endurer, l’enseignement des sūtras interdit le don d’aumônes aux moines calomniateurs. Si aujourd’hui l’ensemble des quatre catégories de croyants à l’intérieur des quatre mers et des dix mille pays pouvait seulement cesser d’offrir des aumônes aux mauvais moines pour au contraire se rallier aux bons, alors comment pourrions-nous être tourmentés par de nouveaux troubles ou assaillis par les désastres ?
Sur ce, le visiteur s’éloigna de sa natte en signe de respect, rajusta le col de son vêtement et dit :
Les enseignements bouddhiques varient considérablement et il est difficile d’explorer chaque doctrine dans sa totalité. J’ai rencontré bien des doutes et des causes de perplexité, et je n’ai pas su distinguer le vrai du faux.
Néanmoins, cette œuvre du sage Hōnen, le Choix du Nembutsu par-dessus tout, existe bien. Et elle fait l’amalgame de tous les bouddhas, tous les sūtras, tous les bodhisattvas et toutes les divinités, en disant qu’il faut les « rejeter, [les] fermer, [les] écarter et [les abandonner] ». Le sens du texte est parfaitement clair. Il en résulte que les sages ont quitté le pays, les divinités bienveillantes ont délaissé leur logis, la faim et la soif emplissent le monde, et la maladie et les épidémies se répandent à grande échelle.
Mais là, en citant des passages d’un grand nombre d’écrits, vous avez clairement démontré ce qui est juste et faux. J’ai donc totalement abandonné mes convictions erronées antérieures et point par point mes oreilles et mes yeux se sont ouverts.
Il ne fait aucun doute que tous les êtres humains, depuis le souverain jusqu’aux gens ordinaires, apprécient et désirent la stabilité du pays et la paix dans le monde. Si nous pouvons rapidement faire cesser les aumônes offertes à ces icchantika et assurer au contraire un soutien permanent à la multitude des moines et nonnes authentiques, si nous pouvons apaiser ces « vagues blanches51 » qui troublent l’océan du Bouddha et abattre ces « bosquets verts » qui envahissent la montagne de la Loi, alors le monde redeviendra aussi paisible qu’il l’était aux âges d’or de Fu Xi et Shen Nong, et le pays pourra s’épanouir comme au temps des souverains sages Yao et Shun52.
Puis viendra le temps de sonder les eaux de la Loi pour déterminer quelles sont les doctrines superficielles et les doctrines profondes, et d’honorer les piliers et les poutres qui soutiennent la maison du Bouddha.
L’hôte s’exclama, ravi :
La colombe s’est changée en épervier, le moineau en palourde53. Quel plaisir ! Vous vous êtes lié à un ami dans la chambre des orchidées et vous vous êtes redressé comme l’armoise poussant parmi le chanvre54. Si vous prenez sérieusement en compte les troubles que je décris et mettez toute votre foi dans mes paroles, alors les vents souffleront avec douceur, les vagues s’apaiseront, et très vite nous jouirons de récoltes abondantes.
Mais le cœur d’un être humain peut changer avec le temps, et la nature d’une chose peut être transformée par son environnement. De même que [le reflet de] la lune sur l’eau s’agite avec les vagues, ou que les soldats aux avant-postes redoutent les épées de l’ennemi, même si, en ce moment, vous dites croire en mes paroles, je crains que plus tard vous ne les oubliiez complètement.
À l’heure actuelle, si nous souhaitons avant tout apporter la sécurité au pays et 26prier pour nos vies présentes et futures, alors nous devons en toute hâte examiner la situation, l’étudier et prendre des mesures aussi rapidement que possible pour y remédier.
Pourquoi dis-je cela ? Parce que, cinq des sept sortes de désastres décrits dans le Sūtra du Maître-de-la-Médecine se sont déjà produits. Seuls deux d’entre eux doivent encore apparaître, le désastre de l’invasion par des pays étrangers et le désastre de la révolte intérieure. Et deux des trois calamités mentionnées dans le Sūtra de la Grande Collection se sont déjà manifestées. Il n’en reste qu’une : la calamité de la guerre.
Les différentes sortes de désastres et de calamités énumérés dans le Sūtra de la lumière dorée se sont produits les uns après les autres. Parmi ceux qui sont décrits, seule la venue de brigands d’autres pays envahissant et pillant le pays doit encore se concrétiser. C’est le seul fléau qui ne se soit pas encore manifesté. Et six des sept désastres énumérés dans le Sūtra des rois bienveillants nous frappent actuellement de plein fouet. Seul n’est pas encore apparu le désastre qui se produit « quand des ennemis se dressent aux quatre coins pour envahir le pays ».
De plus, comme le dit le Sūtra des rois bienveillants : « Quand le pays est troublé, les esprits commencent à l’être aussi. Puisque les esprits sont troublés, le peuple entier le devient aussi. »
En examinant attentivement la situation présente à la lumière de ce passage, nous voyons que les divinités malfaisantes de toutes sortes s’agitent depuis quelque temps et que bien des gens ont péri. Si les premiers malheurs prédits dans le sūtra se sont déjà produits, ce qui est une évidence, comment pouvons-nous douter que les désastres ultérieurs ne suivent ? Si, en guise de rétribution du fait des mauvaises doctrines adoptées, les troubles qui doivent encore apparaître devaient s’abattre sur nous les uns après les autres, ne sera-t-il pas trop tard pour réagir ?
Les empereurs et les rois s’appuient sur l’État et apportent la paix et l’ordre à leur époque ; ministres et gens du commun cultivent leurs champs et leurs jardins et fournissent les denrées dont le monde a besoin. Mais, si des brigands venus d’autres régions envahissent le pays ou si une révolte éclate à l’intérieur du domaine et que les gens voient leurs terres confisquées et pillées, que pourrait-il y avoir d’autre que terreur et confusion ? Si le pays est détruit et que les maisons sont anéanties, alors où pourra-t-on fuir pour trouver le salut ? Si vous vous inquiétez de votre sécurité personnelle, ne devriez-vous pas tout d’abord prier pour l’ordre et la tranquillité aux quatre coins du pays ?
Il me semble que les êtres humains en ce monde s’inquiètent tous de leur sort dans la vie à venir. Ils placent alors leur foi dans des doctrines erronées et vénèrent des enseignements incorrects. Je suis profondément peiné de les voir confondre ainsi le vrai et le faux et j’éprouve aussi de la pitié car je sais que, tout en ayant adhéré aux enseignements bouddhiques, ils ont choisi la mauvaise voie. Avec le pouvoir de la foi qui est dans leur cœur, pourquoi faut-il qu’ils donnent imprudemment crédit à des doctrines erronées ? S’ils ne se débarrassent pas de ces illusions auxquelles ils se sont accrochés mais continuent à nourrir des visions erronées, alors ils quitteront rapidement ce monde des vivants et tomberont à coup sûr dans l’Enfer aux souffrances incessantes.
Ainsi, le Sūtra de la Grande Collection dit : « Même si, pendant d’innombrables existences dans le passé, le souverain d’un pays a pu pratiquer le don d’aumônes, observer les préceptes et cultiver la sagesse, s’il voit que mon enseignement court le danger de périr et demeure passif, sans rien faire pour le protéger, alors toutes les inestimables racines de bien, plantées grâce aux pratiques que je viens de mentionner, seront entièrement arrachées. (...) Rapidement, le souverain tombera 27gravement malade et, une fois sa vie parvenue à son terme, il renaîtra dans le grand Enfer. (...) Et le même destin s’abattra sur l’épouse du souverain, son héritier, les grands ministres, les seigneurs des villes, les chefs de village et les généraux, les magistrats des districts, et les autres représentants des autorités. »
Il est dit dans le Sūtra des rois bienveillants : « Si des personnes détruisent les enseignements du Bouddha, ils n’auront pas de fils fidèles, ne connaîtront pas l’harmonie avec les six sortes de parents55 et ne recevront d’aide ni des divinités célestes ni des dragons. La maladie et les divinités malfaisantes viendront les tourmenter jour après jour, des désastres s’abattront sans cesse sur eux, et des malheurs les suivront partout où ils iront. Et, à leur mort, ils tomberont dans les voies mauvaises de l’enfer, des esprits affamés et des animaux. Même s’ils doivent renaître en tant qu’êtres humains, ils seront destinés à devenir soldats ou esclaves. Leur rétribution les suivra comme un écho suit un son ou comme une ombre suit une forme. Quelqu’un qui écrit la nuit peut éteindre la lampe, les mots qu’il a inscrits demeurent. Cela s’applique aussi à l’effet des actes que nous accomplissons dans le monde des trois plans. »
Il est dit dans le deuxième volume du Sūtra du Lotus : « Si une personne ne réussit pas à avoir foi dans ce Sūtra mais au contraire le calomnie (...) quand sa vie parviendra à son terme, elle entrera dans l’enfer Avīci. » Et il est dit dans le chapitre “[Le bodhisattva] Jamais-Méprisant” du septième volume : « Durant mille kalpa, ils ont enduré de grandes souffrances dans l’enfer Avīci. »
On lit dans le Sūtra du Nirvana : « Si une personne se sépare des amis de bien, refuse d’écouter l’enseignement correct, et adopte au contraire les mauvais enseignements, alors cela lui vaudra de sombrer dans l’enfer Avīci, où la taille de son corps atteindra une longueur et une largeur de quatre-vingt-quatre mille yojana56. »
Quand nous examinons les sūtras dans leur grande diversité, nous découvrons qu’ils soulignent tous combien il est grave de calomnier l’enseignement correct. Il est vraiment pitoyable que des êtres humains sortent tous de la méthode de l’enseignement correct pour pénétrer si profondément dans la prison de ces doctrines erronées ! Il est dommage de les voir tomber l’un après l’autre dans les pièges de ces mauvaises doctrines et rester si longtemps empêtrés dans ce filet des enseignements diffamatoires ! Ils perdent leur route dans ces brumes et ces miasmes, et s’enfoncent dans les flammes furieuses de l’enfer. Comment pourraient-ils ne pas éprouver de peine ? Comment pourraient-ils ne pas souffrir ?
Vous devez donc rapidement réformer les doctrines que vous détenez dans votre cœur et adopter le seul vrai véhicule, l’unique vérité [du Sūtra du Lotus]. Si vous agissez ainsi, alors le monde des trois plans deviendra la terre de bouddha, et comment une terre de bouddha pourrait-elle jamais décliner ? Les régions dans les dix directions deviendront toutes des royaumes du trésor, et comment un royaume du trésor pourrait-il jamais connaître la souffrance ? Si vous vivez dans un pays qui ne connaît ni déclin, ni affaiblissement, sur une terre qui ne connaît ni souffrance, ni perturbation, alors votre corps trouvera paix et sécurité et votre esprit sera calme et sans trouble. Vous devez croire mes paroles ; tenez compte de mes propos !
Le visiteur dit :
Puisque cela concerne à la fois cette vie et les vies à venir, comment ne pas faire preuve de prudence sur une telle question ? Comment ne pas être d’accord avec vous ? À présent, quand j’examine les passages des sūtras que vous avez cités, je réalise que calomnier la Loi est réellement une faute très grave, et que la transgresser est en fait un terrible délit. J’ai mis toute ma foi dans un seul bouddha [Amida] et j’ai rejeté tous les autres. J’ai honoré les trois sūtras de la 28Terre pure et j’ai écarté les autres. Mais ce n’était pas dû à des idées retorses que j’aurais conçues. J’ai simplement obéi aux paroles d’hommes éminents du passé. Et cela s’applique aussi à toutes les personnes dans les dix directions [qui se trouvent dans la même situation].
Mais je réalise maintenant qu’agir ainsi revient à faire des efforts inutiles et épuisants dans ce monde et à tomber dans l’enfer Avīci dans la vie à venir. Les textes que vous avez cités sont parfaitement clairs sur ce point, et ils présentent des arguments précis — ils ne laissent aucune place au doute. Désormais, en me laissant guider par vos instructions bienveillantes, je souhaite dissiper l’ignorance de mon esprit. J’espère que nous pourrons dès que possible commencer à prendre des mesures pour faire face à ces calomnies contre la Loi et apporter la paix au pays sans délai, afin de nous assurer la sécurité dans cette existence et la possibilité d’arriver à l’éveil dans la vie à venir. Mais il ne faut pas que je sois le seul à accepter vos paroles et à avoir foi en elles — je dois veiller à ce que les autres aussi soient avertis de leurs erreurs.
Notes
1. Il s’agit d’une référence à un passage de l’Éloge de la méditation pour voir le bouddha de Shandao, où il dit qu’évoquer le nom du bouddha Amida sert de sabre pour trancher les désirs terrestres, le karma et la souffrance.
2. L’un des douze vœux du bouddha Maître-de-la-Médecine qui apparaît dans le Sūtra de Maître-de-la-Médecine. En tant que bodhisattva, il a fait ces vœux dans le but de guérir toutes les maladies et de mener tous les êtres à l’illumination.
3. L’Ainsi-Venu de la région de l’Est connu également sous le nom de Maître-de-la-Médecine.
4. Sūtra du Lotus, chapitre 23. Il s’agit d’une référence à une pratique de l’école Tendai.
5. Sūtra des rois bienveillants. C’est une autre référence à l’école Tendai qui avait institué un rituel de prière qui s’appuyait sur ce passage.
6. Selon le Sūtra des rois bienveillants, il s’agit d’une sorte de cérémonie organisée à l’origine par le dieu Shakra (Indra) pour vaincre un roi mauvais, responsable de toutes sortes de désastres.
7. Rituel où les moines de l’école Shingon plaçaient sur une estrade cinq jarres, de couleur blanche, bleue, rouge, jaune et noire, dans lesquelles ils mettaient respectivement or, argent, lapis-lazuli, perles et cristal. De plus, ils plaçaient dans ces jarres les cinq graines, cinq herbes et cinq sortes d’encens, puis les emplissaient d’eau et y mettaient des fleurs. Ce rituel était censé repousser les désastres.
8. C’est là une référence à la pratique de l’école Zen.
9. Le nom des sept divinités malfaisantes apparaît dans les formules mystérieuses, destinées à éliminer les maladies, du Sūtra des cinq composants.
10. Les cinq puissants bodhisattvas énumérés dans le Sūtra des rois bienveillants. Selon ce sūtra, si un souverain adopte l’enseignement bouddhique correct, les cinq puissants bodhisattvas protégeront à la fois ce souverain et son peuple.
11. Jupiter, Mars, Vénus, Mercure et Saturne.
12. Référence à un oracle venant, dit-on, du grand bodhisattva Hachiman sous le règne du cinquante et unième souverain, l’empereur Heizei (806-809). Hachiman y fait le vœu de protéger le pays sous le règne du centième souverain. Sur l’établissement de l’enseignement correct pour la paix dans le pays fut écrit sous le règne du quatre-vingt-dixième souverain, l’empereur Kameyama (1259-1274).
13. La chambre des orchidées désigne le logement d’une personne vertueuse.
14. Les cieux de la pureté désignent les cinq cieux les plus élevés du monde de la forme, le deuxième niveau du monde des trois plans, situé au-dessus du monde du désir.
15. Les sept saveurs sont le sucré, l’épicé, l’acide, l’amer, le salé, l’âpre et le subtil (décoction à base d’algue).
16. Le pouvoir de la terre qui nourrit graines et fruits, le pouvoir des êtres vivants qui élève le peuple et apporte de la vitalité à la société humaine et le pouvoir de la Loi bouddhique qui apporte paix et bonheur.
17. Dans le Sūtra de la Grande Collection, le chevreuil est décrit comme un petit cerf si timide qu’il s’enfuit aussitôt à chaque fois que le danger approche, sans avoir la moindre pensée pour le bien-être de ses parents ou d’autres êtres.
18. Les rois en question étaient les souverains des principaux royaumes. Dans l’Inde ancienne, quand de tels souverains accédaient au trône les souverains de royaumes moins 29importants et leurs ministres leur versaient de l’eau sur la tête dans le rite abhisheka (kanjō en japonais).
19. L’Étoile de Métal est Vénus. L’Étoile du Balai, l’Étoile du Feu et l’Étoile de l’Eau correspondent aux comètes, Mars et Mercure respectivement. La plupart des autres étoiles mentionnées font partie des vingt-huit maisons célestes.
20. Le feu des démons désigne les feux d’origine inconnue attribués à la colère des démons. Le feu des dragons correspond aux feux imputés à la fureur des dragons, dont on pensait qu’ils pouvaient changer à volonté l’eau en feu. On dit que le feu céleste est causé par le courroux des cieux, et le feu du dieu de la montagne — peut-être une référence aux éruptions volcaniques — par le courroux du dieu de la montagne. Le feu humain est une référence aux feux provoqués par une erreur ou une négligence humaine. Le feu des arbres désigne probablement les feux de forêt et le feu des brigands est celui qui est provoqué par les envahisseurs.
21. Selon le calendrier lunaire japonais, le sixième mois correspond au dernier mois de l’été.
22. Les vents noirs, rouges et verts désignent les vents qui activent et transportent des nuages de sable, alors que vents célestes et terrestres correspondent aux tornades ou aux cyclones. Les vents du feu désignent l’air chaud à la saison sèche et les vents de l’eau les pluies torrentielles.
23. Blé, riz, haricots, et les deux sortes de mil. Cela peut être aussi une désignation générique pour toutes les graines, ce qui est le cas ici.
24. Ce sont des brigands qui accomplissent leurs méfaits en profitant de la confusion des désastres causés respectivement par le feu, l’eau et le vent. On dit que les brigands du démon sont des kidnappeurs.
25. Le terme originel pour désigner les mauvais esprits est gedō, qui signifie littéralement « en dehors de la Voie » et désigne généralement les hérétiques et les non-bouddhistes. Le mot désigne ici quelque chose ou quelqu’un qui apporte des désastres. D’où l’expression « mauvais esprits ».
26. Selon la tradition, l’empereur Ming (28-75) rêva d’un homme doré lévitant au-dessus de son jardin. Il s’éveilla et interrogea ses ministres à propos de ce rêve. L’un d’eux dit qu’il avait un jour entendu parler de la naissance d’un sage dans la région de l’Ouest (Inde) durant le règne du roi Zhao de la dynastie des Chou, et que l’on avait appelé ce sage le Bouddha. L’empereur dépêcha dix-huit envoyés dans la région de l’Ouest afin d’y quérir les enseignements du Bouddha. Et, à la demande de ces envoyés, deux moines indiens bouddhistes vinrent en Chine en l’an 67 de notre ère avec des écrits bouddhiques sur le dos de chevaux blancs.
27. En 587, alors qu’il était encore jeune, on dit que Jōgū, appelé aussi prince Shōtoku, s’est joint à Soga no Umako pour attaquer et tuer Mononobe no Moriya, un puissant ministre qui s’opposa au bouddhisme et au clan Soga.
28. « Ceux qui appartiennent à la lignée de Shariputra » désignent ceux qui attachent plus d’importance à pratiquer la méditation qu’à se conformer aux enseignements. « Ceux qui adhèrent aux traditions de Haklenayashas » désignent ceux qui tiennent l’étude doctrinale pour plus importante que la pratique de la méditation. Haklenayashas fut le vingt-troisième des vingt-quatre successeurs de Shakyamuni. Kukkutapada est l’actuel Kurkihar, situé à environ trente kilomètres au nord-est de Bodh-gaya. On dit que, après avoir transmis les enseignements à Ananda, Mahakashyapa est mort sur cette montagne.
29. Sūtra du Lotus, chap. 13. On appelle souvent ce passage « la partie versifiée en vingt lignes » du chapitre “Exhortation à la persévérance” qui énumère les types de persécutions qui seront rencontrées par ceux qui propagent le Sūtra du Lotus durant l’époque terrifiante de la Fin de la Loi. Ces persécutions ont été mises plus tard par Miaole, en Chine, dans trois catégories, et sont ainsi devenues les trois grands ennemis.
30. Les sages des quatre étapes désignent les Maîtres bouddhistes qui adoptent et propagent l’enseignement correct et apportent des bienfaits aux êtres. Cette expression renvoie souvent aux sages du Hinayana, classés en quatre rangs selon leur niveau de compréhension, mais au sens large il s’agit des successeurs du Bouddha qui propagent ses enseignements et mènent les êtres au salut.
31. « Les méditations concentrées et les méditations non concentrées » désignent les seize sortes de méditation décrites comme des pratiques menant les êtres humains à la renaissance dans la Terre pure. Dans les treize premières sortes de méditation, il faut concentrer son esprit sur la splendeur de la Terre pure et sur les caractéristiques des bouddhas et des bodhisattvas. C’est pourquoi on les appelle « méditations concentrées ». Les trois autres sortes de méditation ne nécessitent pas que l’on fixe son esprit sur quoi que ce soit. C’est pourquoi on les appelle « méditations non concentrées ».
32. Les trois sortes d’esprit sont les trois conditions requises pour atteindre la Terre pure : 30un esprit sincère, un esprit de foi profonde et un esprit résolu à atteindre la Terre pure.
33. Il s’agit d’une allusion au dix-huitième des quarante-huit vœux, décrit dans le Sūtra du bouddha Vie-Infinie, que le bodhisattva Trésor-du-Dharma, nom du bouddha Amida avant son illumination, fit pour conduire tous les êtres à la Terre pure, sauf ceux qui sont mentionnés dans le texte.
34. Sūtra du Lotus, chap. 3.
35. Les deux acolytes sont les bodhisattvas Sensible-aux-Sons-du-Monde et Grand-Pouvoir.
36. Shakyamuni et Maître-de-la-Médecine étaient des bouddhas dont les images furent installées au temple principal de l’école Tendai au mont Hiei. Les statues des bodhisattvas Trésor-de-l’Espace et Germe-de-la-Terre furent également installées au mont Hiei. Trésor-de-l’Espace est un bodhisattva dont on dit qu’il possède une sagesse et des bienfaits incommensurables. Germe-de-la-Terre est un bodhisattva auquel le bouddha Shakyamuni confia la mission de sauver les êtres humains.
37. Lors de la cérémonie du Sūtra du Lotus, le bouddha Shakyamuni transmit ses enseignements aux bodhisattvas de l’enseignement théorique dirigés par le Roi-Médecin et leur confia la mission de les propager pendant l’époque de la Loi formelle. On dit que le bodhisattva Roi-Médecin renaquit plus tard en tant que Grand Maître Tiantai en Chine et ensuite comme le Grand Maître Dengyō au Japon. Sur la base de la parabole du médecin habile, dans le chapitre “Durée de la vie” du Sūtra du Lotus, Tiantai et Dengyō utilisèrent l’Ainsi-Venu Maître-de-la-Médecine, seigneur du monde de l’émeraude pure dans la partie est de l’univers, en tant qu’objet de dévotion pour leur école. En ce sens, négliger le bouddha Maître-de-la-Médecine et révérer le bouddha Amida revient à écarter la transmission du bouddha Shakyamuni.
38. Les quatre traités sont le Traité de la Voie du Milieu et le Traité sur les douze portes de Nagarjuna, ainsi que le Traité de la grande perfection de sagesse, également attribué à Nagarjuna, et le Traité en cent vers attribué à Vasubandhu et Aryadeva.
39. Il s’agit des trois œuvres majeures de Tiantai (La Grande Concentration et Pénétration, Commentaire textuel du Sūtra du Lotus et Sens profond du Sūtra du Lotus) qui sont composées de trente volumes, et des trois ouvrages de commentaires de Miaole à leur sujet, qui comptent aussi trente volumes.
40. Selon la biographie de Hōnen, dans un rêve il obtint de Shandao la permission de répandre la pratique consistant à invoquer le nom d’Amida et se vit confier les enseignements de l’école Jōdo.
41. « Une période antérieure » désigne ici la période où Hōnen propagea l’enseignement de l’école Jōdo.
42. Ruan Ji (210-263) fut l’un des sept hommes de valeur du bosquet de bambous, groupe d’érudits qui, dans la période politiquement troublée de la fin de la dynastie des Wei, se sont, dit-on, rassemblés dans un bosquet de bambous pour boire, jouer de la musique, écrire des poèmes et discuter de philosophie, particulièrement de la philosophie taoïste de Laozi et Zhuangzi. Ruan Ji est aussi un célèbre poète.
43. Ouïghours : peuple turc d’Asie centrale qui connut une période de prospérité du VIIIe au milieu du IXe siècle.
44. En 1221, l’empereur retiré Gotoba joua un rôle majeur dans la lutte pour le pouvoir entre la cour impériale de Kyōto et le clan Hōjō à Kamakura, incident connu sous le nom de troubles de Jōkyū. Les forces impériales furent vaincues et lui et deux autres empereurs retirés furent envoyés en exil.
45. Cette déclaration du visiteur, qui représente la plus haute autorité politique dans le pays, reflète la position du souverain qui accorde la primauté aux questions de gouvernement. En revanche, Nichiren enseigne que la réfutation des enseignements trompeurs et la propagation de l’enseignement correct constituent le moyen le plus sûr d’établir la vraie sécurité du pays.
46. Parmi les dix délits, les quatre délits majeurs sont les pires : tuer, voler, commettre l’adultère et mentir.
47. Un anagamin, ou « celui qui est parvenu au stade de non-régression », est arrivé à la troisième des quatre étapes accessibles aux auditeurs. La quatrième et la plus haute étape est celle d’arhat.
48. Kashyapa était le sixième des sept bouddhas anciens, ou bouddhas du passé, et Shakyamuni le septième.
49. « Crâne tondu » désigne ici quelqu’un qui a reçu la tonsure et devient moine pour des raisons d’intérêt personnel, comme sa propre sécurité ou son confort financier, tout en négligeant la pratique et l’étude du bouddhisme.
50. Conférences qui se tenaient chaque année, à l’occasion de l’anniversaire du décès de Tiantai le vingt-quatrième jour du onzième mois.
51. Terme chinois se référant aux rebelles et hors-la-loi. Ici, « les vagues blanches » désignent Hōnen et les autres moines de l’école Jōdo, ainsi que les disciples des autres écoles erronées. L’« océan du Bouddha » signifie les 31enseignements de Shakyamuni. De même, les expressions « bosquets verts » et « montagne de la Loi » se réfèrent respectivement à Hōnen et à ses disciples et aux enseignements de Shakyamuni.
52. Fu Xi, Shen Nong, Yao et Shun sont, selon la légende, des souverains sages de la Chine ancienne.
53. Expressions empruntées à la littérature chinoise ancienne, qui indiquent un changement radical.
54. « Un ami dans la chambre des orchidées » désigne une personne vertueuse. Cela signifie que la compagnie d’une telle personne a une bonne influence, tout comme on est imprégné de parfum lorsqu’on entre dans une pièce ornée d’orchidées. Quant à l’armoise, on dit qu’elle pousse droit lorsqu’elle est soutenue par le chanvre.
55. Les six sortes de parents sont le père, la mère, le frère aîné, le frère cadet, l’épouse et un fils ou une fille.
56. Selon le Sūtra du Nirvana, le lieu appelé enfer Avīci, ou Enfer aux souffrances incessantes, possède une longueur et largeur totale de quatre-vingt-quatre mille yojana. On dit que, lorsqu’une personne tombe dans cet enfer, elle seule suffit à le remplir complétement. La grande taille du corps symbolise l’intensité de la souffrance endurée dans cet enfer.