Durant les deux mille ans des époques de la Loi correcte et de la Loi formelle, ceux qui ont fondé leur croyance sur les enseignements du Hinayana ou les enseignements provisoires du Mahayana, et se sont mis à pratiquer les uns ou les autres avec ferveur, ont pu dans l’ensemble obtenir le bienfait de l’illumination. Cependant, même s’ils ont cru que ce bienfait venait directement des sūtras auxquels ils avaient choisi de croire, à la lumière du Sūtra du Lotus, il apparaît qu’aucun bienfait ne découle jamais de ces enseignements provisoires. Tous [ont pu atteindre l’illumination] parce qu’ils avaient déjà établi un lien avec le Sūtra du Lotus du vivant du Bouddha, bien que les résultats obtenus aient pu varier selon que leur capacité était arrivée à pleine maturité ou non. Ceux dont la capacité à comprendre le Sūtra du Lotus était totalement mûre purent atteindre l’illumination du vivant du Bouddha, alors que ceux qui avaient des capacités inférieures ou qui n’étaient pas encore arrivées à maturité [ne purent atteindre l’illumination à ce moment-là. Mais ils] réapparurent à l’époque de la Loi formelle et, en adoptant des enseignements provisoires du Mahayana tels que le Sūtra de l’enseignement de Vimalakirti, le Sūtra de l’excellente pensée de Brahma, le Sūtra de la méditation, le Sūtra des rois bienveillants et les sūtras de la Sagesse, ils obtinrent la même illumination que les personnes de capacité supérieure du vivant du Bouddha.
L’époque de la Loi correcte possédait donc les trois éléments : l’enseignement, la pratique et l’illumination [cette dernière étant la preuve de l’efficacité de l’enseignement et de la pratique], alors que, à l’époque de la Loi formelle, l’enseignement et la pratique existaient encore, mais l’illumination avait disparu. Aujourd’hui, à l’époque de la Fin de la Loi, seul demeure l’enseignement. Il n’y a plus ni pratique ni illumination. On ne trouve plus une seule personne qui ait formé un lien avec le bouddha Shakyamuni. Ceux qui possédaient la capacité d’obtenir l’illumination grâce aux enseignements provisoires du Mahayana ou à l’enseignement véritable [Sūtra du Lotus] ont disparu depuis longtemps. En cet âge impur et mauvais, il faut planter pour la première fois dans le cœur de tous ceux qui commettent les cinq transgressions capitales et calomnient l’enseignement correct les graines de la bouddhéité, c’est-à-dire le Nam-myōhō-renge-kyō du chapitre “Durée de la vie”, cœur de l’enseignement essentiel. C’est ce qu’indique ce passage du chapitre “Durée de la vie” : « Je vais laisser ici ce bon remède. Prenez-le sans douter de son efficacité1. »
Par le passé, à l’époque de la Loi formelle du bouddha Roi-Son-Majestueux, nul ne connaissait les Trois Trésors. Mais le bodhisattva Jamais-Méprisant apparut et présenta à tous les êtres vivants l’enseignement en vingt-quatre caractères qui avait été exposé par le bouddha Roi-Son-Majestueux. Tous ceux qui entendirent cet enseignement en vingt-quatre caractères renaquirent par la suite, sans la moindre exception, avec le bodhisattva 476Jamais-Méprisant, et purent finalement obtenir le bienfait de l’illumination. Cela est dû uniquement au fait qu’ils avaient déjà reçu les graines de la bouddhéité au moment où ils entendirent l’enseignement pour la première fois. Le même phénomène se produit à notre époque. L’ère du bodhisattva Jamais-Méprisant était celle de la Loi formelle, alors que la nôtre est l’époque souillée de la Fin de la Loi. Le bodhisattva Jamais-Méprisant était un pratiquant à l’étape initiale de la joie [d’entendre l’enseignement du Bouddha]. Et moi, Nichiren, je suis un pratiquant ordinaire à l’étape où l’on arrive à comprendre la vérité [concernant sa propre participation à la nature de Bouddha] en entendant ou en lisant les mots clés contenant ces vérités. [Le bodhisattva Jamais-Méprisant] sema les graines de la bouddhéité avec les vingt-quatre caractères tandis que je les sème uniquement avec les cinq caractères [de Myōhō-renge-kyō]. Même si les époques sont différentes, le processus pour atteindre la bouddhéité est exactement le même2.
Question : Vous avez dit que l’enseignement, la pratique et l’illumination ne sont pas tous présents dans chacune des trois époques de la Loi correcte, de la Loi formelle et de la Fin de la Loi. Comment expliquez-vous alors cette déclaration du Grand Maître Miaole : « Le début de l’époque de la Fin de la Loi ne sera pas sans bienfait latent, car c’est l’époque où le grand enseignement sera propagé3 ? »
Réponse : Cette citation signifie que ceux qui ont obtenu le bienfait durant les époques de la Loi correcte et de la Loi formelle ont reçu le bienfait « apparent », parce que la relation qu’ils avaient formée avec le Sūtra du Lotus du vivant du Bouddha était finalement parvenue à maturité. En revanche, ceux qui sont nés aujourd’hui, à l’époque de la Fin de la Loi, reçoivent les graines de la bouddhéité pour la première fois et leur bienfait est donc « latent ». L’enseignement, la pratique et l’illumination à cette époque diffèrent beaucoup de ceux du Hinayana, du Mahayana provisoire, des enseignements antérieurs au Sūtra du Lotus ou de son enseignement théorique. Nul aujourd’hui ne peut obtenir de bienfaits [comparables à ceux des époques de la Loi correcte et de la Loi formelle]. Selon le commentaire de Miaole, les bienfaits de l’époque de la Fin de la Loi sont latents, et les gens ne peuvent ni les percevoir, ni les comprendre.
Question : Est-il dit quelque part, dans le Sūtra, que les bienfaits latents se limitent à l’époque de la Fin de la Loi ?
Réponse : On peut lire dans un passage du chapitre “Les actes antérieurs du bodhisattva Roi-de-la-Médecine”, compris dans le septième volume du Sūtra du Lotus : « Ce Sūtra procure de bons remèdes aux maux des habitants du Jambudvipa. S’il est donné à un malade d’entendre ce Sūtra, sa maladie disparaîtra et il ne connaîtra ni la vieillesse ni la mort4. » Le Grand Maître Miaole dit : « Considérer la dernière période de cinq cents ans après la disparition de l’Ainsi-Venu comme l’époque où personne ne peut acquérir le bienfait est un point de vue superficiel. Le début de l’époque de la Fin de la Loi ne sera pas sans bienfait latent, car c’est le moment où le grand enseignement sera propagé. La dernière période de cinq cents ans correspond à ce moment-là5. »
Question : Les passages que vous venez de citer indiquent que la propagation du Sūtra du Lotus se limite à la première période de cinq cents ans de l’époque de la Fin de la Loi. Mais les enseignements provisoires du Mahayana disent que leurs pratiques conviendront encore tout au long des dix mille ans de la Fin de la Loi. Que répondez-vous à cela ?
Réponse : Dans le commentaire que je viens de citer, il est dit qu’une telle interprétation de la dernière période de cinq cents ans est « superficielle ». D’un point de vue plus profond, le Sūtra du Lotus se propagera durant toute la période des dix mille 477ans de la Fin de la Loi. Le Grand Maître Tiantai commente ainsi le passage du Sūtra cité précédemment : « Ce ne sont pas seulement les contemporains du Bouddha qui obtiennent de grands bienfaits. Dans la dernière période de cinq cents ans, la Voie merveilleuse se propagera et apportera des bienfaits aux êtres humains pendant encore longtemps6. » À quoi ce commentaire fait-il allusion, sinon aux dix mille ans de l’époque de la Fin de la Loi ? Il est dit dans le chapitre “Distinctions des bienfaits”, du sixième volume du Sūtra du Lotus : « À l’époque mauvaise de la Fin de la Loi, si quelqu’un peut garder ce Sūtra (...)7. » Et dans le chapitre “Les pratiques paisibles” : « À l’époque de la Fin de la Loi, quiconque a l’intention de prêcher ce Sūtra (...)8. » Ces citations font référence à [la propagation du Sūtra du Lotus] au cours des dix mille ans de l’époque de la Fin de la Loi. Tous les enseignements du Bouddha autres que le Sūtra du Lotus sont visés dans la déclaration suivante : « Durant ces quelque quarante années, je n’ai pas encore révélé la vérité [tout entière]9. » De plus, il y a des cas où les sūtras ont été déformés selon la compréhension de ceux qui les ont compilés, et l’on ne peut donc pas s’appuyer sur eux.
Les érudits des diverses écoles n’ont pas conscience que le Bouddha a semé les graines de l’illumination en exposant le Sūtra du Lotus dans le passé. Quels insensés ! Ne comprenant rien au passé lointain désigné par des kalpa de particules de poussière de systèmes de mondes majeurs ou par des kalpa et des kalpa de particules de poussière d’innombrables systèmes de mondes majeurs, ils abandonnent l’enseignement merveilleux, pur et parfait, et sombrent de nouveau dans l’océan des souffrances des naissances et des morts. Quel indescriptible malheur ! Bien qu’ils soient nés dans un pays où la capacité des gens à recevoir l’enseignement parfait est entièrement parvenue à maturité, ils retombent dans la grande citadelle de l’Enfer aux souffrances incessantes. Ils ressemblent en tous points à quelqu’un qui, après être parvenu aux monts Kunlun, où abondent les pierres précieuses, revient simplement dans son pays, qui s’est appauvri, sans rapporter le moindre joyau, ou à quelqu’un qui pénètre dans une forêt de bois parfumé pour finalement revenir aux débris et décombres de son propre pays, sans même cueillir une seule fleur de champaka10. On lit dans le troisième volume du Sūtra du Lotus : « Imaginez que, en arrivant d’une terre où sévirait la famine, quelqu’un se retrouve soudain dans un banquet royal11. » Et dans le sixième volume : « (...)[C]ette Terre, qui est mienne, demeure paisible et sûre (...). Ma Terre pure n’est pas détruite12. »
Dans votre lettre, vous mentionnez un point difficile auquel vous avez été confronté. [Que répondre à ceux qui prétendent que] l’on peut partiellement atteindre la Voie grâce à la pratique des enseignements antérieurs au Sūtra du Lotus ? En guise de réponse, vous devriez citer ce passage du troisième volume du Sūtra du Nirvana : « Hommes de bien, étudiez et pratiquez [jusqu’à ce que vous compreniez que les Trois Trésors sont un et éternel]. » Citez également le troisième volume des Annotations sur La Grande Concentration et Pénétration qui commente le passage précédent en disant : « Seuls ceux qui ont entendu les enseignements du Mahayana dans le très lointain passé [peuvent atteindre la Voie en pratiquant les enseignements du Hinayana] » et « Ceux qui ont atteint la Voie grâce à la pratique des divers sūtras exposés avant le Sūtra du Lotus ont pu le faire uniquement grâce à leur pratique initiale dans le très lointain passé13 ». De cette manière, vous devriez clairement démontrer que les enseignements antérieurs au Sūtra du Lotus n’apportent en aucune façon le bienfait de l’illumination. Expliquez ensuite que le même principe s’applique au moment de la propagation qui a suivi la disparition du Bouddha. Tous ceux qui ont 478obtenu l’illumination dans les époques de la Loi correcte et de la Loi formelle ne le doivent qu’à la relation établie avec le Sūtra du Lotus du vivant du Bouddha.
Si vos adversaires continuent d’affirmer que les enseignements antérieurs au Sūtra du Lotus offrent une voie vers l’illumination, citez-leur les propos tenus par le Bouddha en personne dans le Sūtra aux sens infinis : « Durant ces quelque quarante années, je n’ai pas encore révélé la vérité [tout entière]. » Les hommes du commun tels que nous, qui en sommes à l’étape où l’on comprend la vérité en entendant ou en lisant les mots clés qui la contiennent, peuvent espérer atteindre la bouddhéité en s’appuyant sur les enseignements du Bouddha. Les mots des divers maîtres n’ont pas en soi la moindre utilité. Le Bouddha conseilla strictement de ne pas les suivre en déclarant dans le Sūtra du Nirvana : « Appuyez-vous sur la Loi et non sur les personnes. » Rappelez cela à vos adversaires et citez sans cesse le passage « Je n’ai pas encore révélé la vérité [tout entière] » pour réfuter leurs arguments. En revanche, ne citez pas inconsidérément des passages tels que « Renonçant très clairement à me servir des moyens opportuns, [je vais prêcher seulement la Voie inégalée]14 » et « L’Honoré du monde qui depuis longtemps déjà expose des doctrines adaptées à ses auditeurs doit maintenant révéler la vérité [toutl entière]15 ». Gardez plutôt ces enseignements dans votre cœur et ne les citez jamais sans raison valable.
Vous mentionnez une autre question difficile que l’on pourrait vous poser. Que répondre à ceux qui prétendent que la Voie décrite dans les enseignements antérieurs au Sūtra du Lotus est finalement la même que celle qui est décrite dans le Sūtra du Lotus ? Cette question s’inspire du Sūtra de la méditation où il est dit que ceux qui s’appuient sur cet enseignement renaîtront dans la Terre pure. En réponse, vous devriez dire que l’on trouve des déclarations similaires dans d’autres sūtras et citer de nouveau l’enseignement : « Durant ces quelque quarante années, je n’ai pas encore révélé la vérité [tout entière] » ; et d’autres comme « [le Bouddha les prêche comme moyens opportuns] et utilise alors des expressions et des noms provisoires16 ». S’ils insistent et prétendent que le Sūtra de la méditation et le Sūtra du Lotus furent exposés durant la même période, vous devriez rétorquer en citant le passage du chapitre “Le maître de la Loi” où le Bouddha dit : « Parmi les sūtras que j’ai prêchés, que je prêche ou que je prêcherai [ce Sūtra du Lotus est le plus difficile à croire et le plus difficile à comprendre]17. » Vous pouvez aussi citer des passages appropriés du troisième volume du Sens profond du Sūtra du Lotus18 ou du troisième volume des Annotations sur le Sens profond du Sūtra du Lotus19. Assurez-vous cependant d’utiliser ces sūtras et commentaires à bon escient et ne les citez pas aveuglément.
Dans votre lettre, vous mentionnez aussi les revendications de l’école Shingon. D’abord, demandez sur quel passage scripturaire le Grand Maître Kōbō a fondé son rejet, à la fois du Sūtra du Lotus qu’il qualifie de théorie puérile, et de Shakyamuni qui serait encore, selon lui, dans la région des ténèbres. S’ils répondent en citant un sūtra, demandez-leur lequel des bouddhas des trois phases de l’existence [le passé, le présent et l’avenir] est représenté par l’Ainsi-Venu Mahavairochana. Puis, demandez-leur s’ils sont conscients de la supercherie perpétrée par des moines des Trois Corbeilles, tels que Shanwuwei et Jingangzhi. Dites-leur comment Shanwuwei a trompé le moine Yixing en lui dictant son commentaire du Sūtra de Mahavairochana20. Alors que l’on ne trouve pas la moindre indication [du principe des] trois mille mondes en un instant de vie dans le Sūtra de Mahavairochana, lors de l’introduction de ce sūtra en Chine, il fut déclaré à tort qu’il en était question. Quant à leurs distorsions les plus perverses, demandez-leur s’il y a la moindre 479preuve textuelle dans les enseignements des bouddhas des trois phases de l’existence, qui leur permette de poser les pieds sur la tête du bouddha Vairochana21. S’ils répliquent d’une manière ou d’une autre, alors parlez-leur du Brahmane-à-la-Grande-Arrogance qui se servait des statues [des trois divinités des doctrines non bouddhiques de l’Inde22 et du bouddha Shakyamuni] en guise de pieds à l’estrade sur laquelle il prêchait. Sur d’autres points, demandez-leur, de la même façon, quel sūtra ou traité précis ils peuvent citer comme preuve de leurs assertions et, pour le reste, débattez avec eux comme je vous l’ai toujours enseigné. Quelle que soit l’école avec laquelle vous débattez, si les doctrines de l’école Shingon sont mentionnées, réfutez clairement les visions erronées de cette école.
Venons-en maintenant aux affirmations de l’école Nembutsu : le Maître du Dharma Tanluan définit le Nembutsu comme la voie facile-à-pratiquer et les pratiques des autres écoles comme la voie difficile-à-pratiquer. Daochuo définit les enseignements du Nembutsu comme les enseignements de la Terre pure et tous les autres comme ceux de la voie des Saints23. Shandao établit la distinction entre la pratique correcte et les pratiques mélangées, alors que Hōnen enjoignit aux gens de « rejeter, fermer, écarter et abandonner24 » tous les sūtras autres que ceux liés à la Terre pure d’Amida. Demandez à ceux qui citent ces déclarations de quel sūtra ou de quel traité elles viennent. Il existe évidemment deux sortes de sūtras : le véritable et les provisoires. Les traités peuvent aussi être divisés en deux catégories : ceux qui traitent du Hinayana, du Mahayana, ou des enseignements du Bouddha en général et ceux qui traitent de sūtras ou de chapitres spécifiques. De plus, il est des traités fidèles aux sūtras et d’autres qui les déforment. Il convient de maîtriser clairement ces distinctions. Demandez-leur si, parmi les trois sūtras de la Terre pure, ils peuvent relever ne serait-ce qu’un passage appuyant les déclarations que nous venons de mentionner. Tout le monde récite le Nembutsu et fait l’éloge du bouddha Amida, mais demandez à vos adversaires, comme précédemment, si leurs affirmations s’appuient sur un enseignement qui offre une base solide. En bref, faites-leur citer le sūtra ou le traité sur lequel les pratiquants du Nembutsu, en Chine comme au Japon, fondent leur refus du Sūtra du Lotus qu’ils qualifient de pratique mélangée, exhortant ainsi les gens à le rejeter, le fermer, l’écarter et l’abandonner. S’ils ne citent aucun passage qui confirme clairement ces déclarations, dites-leur que, au regard du chapitre “Analogies et paraboles” du Sūtra du Lotus, la grave faute commise en calomniant le véritable enseignement sur la base des enseignements provisoires les plongera sûrement dans la grande citadelle de l’enfer Avīci, où ils renaîtront encore et encore pendant d’innombrables kalpa. Laissez l’audience juger par elle-même de la gravité de la faute consistant à suivre les doctrines partielles et erronées de leur école et à délaisser l’enseignement même que tous les bouddhas des trois phases de l’existence ont authentifié par ces mots : « Tout ce que toi [bouddha Shakyamuni] viens d’exposer est la vérité25. » Comment une personne réfléchie pourrait-elle ne pas discerner le vrai du faux ? Alors, réfutez rigoureusement les maîtres de leur école.
Qu’ils sont naïfs, ceux qui s’attachent à la « souche »26 d’un seul sūtra sans savoir, parmi tous les sūtras, lesquels sont supérieurs et lesquels sont inférieurs ! Même si l’on ne peut pas [lire tous les sūtras et] faire ce discernement par soi-même, il ne fait aucun doute que le Sūtra du Lotus est le seul Sūtra dont la vérité fut attestée par le bouddha Shakyamuni, par Maints-Trésors et par les bouddhas qui sont des émanations de Shakyamuni. Alors, considérer le Sūtra du Lotus comme mensonger et interpréter à tort les paroles du Bouddha « je 480n’ai pas encore révélé la vérité [tout entière] » comme signifiant « j’ai déjà révélé la vérité » constituerait une approche erronée qui ne serait même pas digne de bœufs ou de moutons. Que signifie exactement le passage du chapitre “Le maître de la Loi” où il est dit : « Parmi les sūtras que j’ai prêchés, que je prêche ou que je prêcherai, ce Sūtra du Lotus est le plus difficile à croire et le plus difficile à comprendre » ? Le Sūtra aux sens infinis n’établit-il pas clairement que Shakyamuni enseigna pendant des myriades de kalpa la pratique des austérités bouddhiques avant de déclarer : « Durant ces quelque quarante années, je n’ai pas encore révélé la vérité [tout entière] » ? Ces citations ne sont autres que les propres déclarations du Bouddha concernant la supériorité relative des divers sūtras qu’il exposa durant ses quelque cinquante années d’enseignement. La supériorité relative des sūtras dépend de leur capacité à mener ou non à la bouddhéité.
Selon Jikaku et Chishō, bien que le Sūtra du Lotus et le Sūtra de Mahavairochana soient égaux sur le plan des principes, le second est supérieur sur le plan de la pratique. Shandao et Hōnen ont déclaré qu’aucune pratique autre que le Nembutsu ne convenait à la capacité des gens à l’époque de la Fin de la Loi. L’école Zen prétend représenter une transmission spéciale, en dehors des sūtras. Leurs positions sont aussi déformées que la vue d’une personne qui confond l’est et l’ouest ou qui ne peut faire la distinction entre le nord et le sud. Ils ont encore moins de bon sens que des bœufs ou des moutons et leurs enseignements sont aussi ambigus qu’une chauve-souris27. Comment ont-ils pu ne pas ressentir de terreur en bravant ces paroles du Bouddha : « Appuyez-vous sur la Loi et non sur les personnes » et « [Si quelqu’un n’y accorde pas foi et] au contraire dénigre ce Sūtra, [il réduira aussitôt à néant toutes les graines qui lui auraient permis en ce monde de devenir un bouddha28] » ? Ils ont dû être en proie aux divinités malfaisantes ou s’enivrer avec le mauvais alcool de l’obscurité intérieure.
Rien n’est plus concluant que la preuve bien réelle. Voyez la mort soudaine de Shanwuwei, le drame inattendu qui frappa Yixing ou encore les conditions dans lesquelles sont morts Jikaku et Kōbō. Auraient-ils été confrontés à de si horribles destins s’ils avaient été véritablement des pratiquants de l’enseignement correct ? Comment interprétez-vous le Sūtra de la méditation sur les caractéristiques du Bouddha semblables à l’océan29 et les autres sūtras, ou le traité du bodhisattva Nagarjuna qui décrit les états de vie au moment de la mort30 ? Le maître de la méditation Yixing incorpora les supercheries de Shanwuwei dans son explication du Sūtra de Mahavairochana. Kōbō rejeta le Sūtra du Lotus qu’il qualifia de théorie puérile. Jikaku prétendit que le Sūtra de Mahavairochana était égal au Sūtra du Lotus sur le plan des principes, mais qu’il lui était supérieur sur le plan de la pratique. Tanluan et Daochao proclamèrent que seul le Nembutsu convenait à la capacité des gens à l’époque de la Fin de la Loi. De telles positions sont courantes dans les enseignements erronés des écoles fondées sur les sūtras provisoires. Nul ne souhaiterait mourir comme ces personnes. Dites tout cela de manière douce mais ferme, d’une voix calme, avec un regard serein et un air assuré.
Dans votre lettre, vous vous demandez comment répondre aux questions concernant l’importance des bienfaits reçus des divers sūtras autres que le Sūtra du Lotus. Tout d’abord, déclarez que le bienfait lié à n’importe lequel de ces sūtras est incomplet. Puis, demandez à vos adversaires s’il est un sūtra, parmi ceux sur lesquels se fonde leur école, qui ait été reconnu comme véritable et authentique par le bouddha Shakyamuni, le bouddha Maints-Trésors et les bouddhas des dix directions. Dites que vous n’avez jamais rien entendu de tel et que Maints-Trésors et les bouddhas qui 481étaient des émanations de Shakyamuni se réunirent pour attester la véracité du Sūtra du Lotus ; comment auraient-ils pu authentifier un autre sūtra ? Un bouddha ne prétend jamais deux choses contraires. Demandez ensuite s’il est un autre sūtra qui mentionne les six actes difficiles et les neuf actes faciles. On peut peut-être les retrouver dans l’un des sūtras inventés après la disparition du Bouddha, mais dans aucun autre sūtra énoncé par le bouddha Shakyamuni durant ses cinquante années d’enseignement il n’y a une seule phrase à ce sujet. Clarifiez bien tout cela.
Les autres sūtras révèlent-ils que le Bouddha atteignit l’illumination dans ce monde voici des kalpa de particules de poussière d’innombrables systèmes de mondes majeurs ? Racontent-ils comment les gens ont établi un lien avec le Sūtra du Lotus quand il fut enseigné il y a des kalpa et des kalpa de particules de poussière de systèmes de mondes majeurs ? Quel autre sūtra enseigne que l’on peut obtenir d’incommensurables bienfaits en manifestant, ne serait-ce qu’un instant, la foi et la compréhension à son égard, ou que des bienfaits incalculables s’accumuleront jusqu’à la cinquantième personne qui se réjouit de l’entendre ? Les autres sūtras ne mentionnent pas que même le premier, le deuxième, le troisième ou le dixième auditeur peuvent obtenir un aussi grand bienfait, alors ne parlons pas du cinquantième.
De plus, il n’y est pas même question d’un ou de deux kalpa de particules de poussière, et encore moins de très longues durées comme des kalpa de particules de poussière de systèmes de mondes majeurs ou des kalpa et des kalpa de particules de poussière d’innombrables systèmes de mondes majeurs. C’est seulement grâce au Sūtra du Lotus que la bouddhéité devint accessible aux personnes des deux véhicules et que la fille du roi-dragon, [malgré sa condition] inférieure, fut autorisée à atteindre l’illumination sous sa forme présente [reptilienne]. Tous les autres sūtras du Mahayana tels que le Sūtra de la Guirlande de fleurs et les sūtras de la Sagesse n’exposent pas ces merveilles. [Tiantai a clairement indiqué que] l’atteinte de la bouddhéité par les personnes des deux véhicules fut énoncée pour la première fois dans le Sūtra du Lotus. On peut être certain que, contrairement à Kōbō ou Jikaku, un érudit aussi éclairé que le Grand Maître Tiantai n’a pas pu fabriquer de théories qui n’aient pas été fondées sur les mots ou la signification des sūtras. Il est prédit dans le Sūtra du Lotus que le terrible Devadatta atteindra l’illumination dans une terre appelée la Voie céleste, mais dans quel autre sūtra trouve-t-on une telle déclaration ? Même si l’on laisse de côté de telles questions, quel autre sūtra révèle l’inclusion mutuelle des dix états, ou enseigne que même les plantes et les arbres peuvent atteindre la bouddhéité ? Tiantai explique que [toutes choses ayant couleur ou parfum sont] des manifestations de la Voie du milieu, et Miaole ajoute que les gens sont abasourdis et nourrissent des doutes [quand ils entendent pour la première fois la doctrine reconnaissant l’existence de la nature de bouddha chez les êtres non sensitifs]31. Peut-on placer sur le même plan leurs interprétations et les positions erronées de Jikaku et Chishō, qui prétendent que le Sūtra de Mahavairochana est égal au Sūtra du Lotus sur le plan des principes, mais supérieur sur le plan de la pratique ? Tiantai est l’un des maîtres qui maintint la torche de la Loi du Bouddha allumée à travers l’Inde et la Chine, et jusqu’au Japon. C’est le sage qui acquit l’éveil au monastère Puxian32 ; il est aussi la manifestation d’un bodhisattva et atteignit l’illumination grâce à sa sagesse inhérente. Comment aurait-il pu formuler des interprétations qui ne soient pas fondées sur les sūtras ?
Trouve-t-on un seul point d’importance dans les autres sūtras ? Le Sūtra du Lotus contient vingt principes remarquables. Parmi ceux-ci, le plus 482fondamental est la révélation, dans le chapitre “Durée de la vie”, du fait que le Bouddha atteignit l’illumination voici des kalpa et des kalpa de particules de poussière d’innombrables systèmes de mondes majeurs. Les gens se demandent peut-être quel est le sens de cette révélation. Expliquez-leur qu’elle enseigne que les hommes du commun comme nous, submergés dans les souffrances des naissances et des morts depuis le temps sans commencement et qui n’ont jamais, même en rêve, atteint les rives de l’illumination, deviennent l’Ainsi-Venu de l’éveil originel, doté des Trois Corps. C’est donc la révélation du principe ultime des trois mille mondes en un instant de vie. De ce point de vue, vous devez déclarer fermement que le Sūtra du Lotus est le plus profond de tous les enseignements du Bouddha.
Vous pouvez lancer cet argument dans un débat officiel, mais non dans le cadre de conversations privées. Si vous le mentionnez inconsidérément à chaque rencontre, en toute occasion et à tout moment, vous encourrez certainement la sanction des bouddhas des trois phases de l’existence. Telle est la doctrine sur laquelle se fonde depuis toujours ma propre illumination.
Trouve-t-on la moindre allusion à cette doctrine dans le Sūtra de Mahavairochana ? Il est dit dans les sūtras de la Terre pure qu’environ dix kalpa se sont écoulés depuis que le bouddha Amida a atteint l’illumination. Comment pourrait-on comparer cela à la révélation du Sūtra du Lotus que je viens d’évoquer ? Réfutez chaque argument de cette façon, en plaçant chaque citation dans le contexte qui lui est propre. Puis demandez à vos adversaires de réfléchir un moment à ceci : c’est précisément parce que le Sūtra du Lotus est si remarquable et sublime que Maints-Trésors vint de si loin pour attester sa véracité, et que les bouddhas qui sont des émanations [du Corps de la Loi] se rassemblèrent pour se joindre à lui. Alors, Shakyamuni, Maints-Trésors et tous les autres bouddhas attestèrent, en tirant leurs langues jusqu’au ciel de Brahma33, que le Sūtra était exempt de toute supercherie. Les bodhisattvas aussi nombreux que les particules de poussière de mille mondes surgirent de la terre et c’est à eux que fut confiée spécifiquement la transmission de Myōhō-renge-kyō à tous les êtres vivants de tout le continent du Jambudvipa durant cette époque impure et mauvaise de la Fin de la Loi. N’est-ce pas précisément parce que ces bodhisattvas étaient ses envoyés que le Bouddha rejeta l’ensemble des huit cent mille millions de nayuta de grands bodhisattvas en disant : « Arrêtez [de vouloir préserver et prêcher le Sūtra du Lotus], hommes de bien34 ? » Si, conformément à leurs habitudes, les croyants des écoles aux enseignements erronés exigent que vous citiez des preuves textuelles pour étayer vos déclarations, mentionnez le chapitre “Surgir de terre” du Sūtra du Lotus, le neuvième volume du Commentaire textuel du Sūtra du Lotus et le neuvième volume des Annotations sur le Commentaire textuel du Sūtra du Lotus, qui énoncent clairement les trois raisons pour lesquelles les bodhisattvas des autres mondes35 n’ont pas été retenus et les trois raisons de l’émergence des bodhisattvas sortis de la terre36. Il n’y a pas de question plus importante que celleci pour Nichiren et ses disciples.
Les croyants des diverses écoles peuvent tenter de vous attaquer en citant le passage du Traité de la grande perfection de sagesse où il est dit : « Si l’on dénonce les enseignements que d’autres suivent, par amour pour ses propres enseignements, même si l’on est le pratiquant qui observe les préceptes, on ne sortira jamais des souffrances de l’enfer. » Demandez-leur s’ils savent pourquoi Nagarjuna a écrit cette remontrance et s’il aurait pu ignorer combien le fait de calomnier l’enseignement correct en restant attaché aux enseignements provisoires constitue une faute grave. N’a-t-il pas affirmé : « Les divers sūtras ne sont pas des enseignements secrets ; seul le Sūtra du Lotus est secret37. » 483N’a-t-il pas déclaré que seul le Sūtra du Lotus était la graine de l’illumination, en le comparant à un grand médecin qui peut changer le poison en remède. Est-il possible qu’il ait regretté par la suite de s’être exprimé ainsi, écrivant alors que celui qui dénonce les enseignements que d’autres suivent, par amour pour son propre enseignement, serait destiné à tomber dans les voies mauvaises ? Dans ce cas, il aurait été en contradiction directe avec les mots véridiques du Sūtra du Lotus, où le Bouddha déclare : « renonçant très clairement à me servir des moyens opportuns » et « sans accepter un seul verset d’aucun autre sūtra38 ». C’est diffcilement concevable. Nagarjuna est un bodhisattva apparu selon la prophétie du Bouddha, et c’est aussi un érudit dans la lignée directe de l’enseignement de ce dernier. Il a peut-être écrit cet avertissement dans son traité parce qu’il prévoyait que des moines tels que Kōbō et Tanluan calomnieraient le Sūtra du Lotus, enseignement qui convient à cet âge de la Fin de la Loi. Vous devriez vous moquer de vos adversaires qui ne connaissent pas le sens des citations qu’ils emploient. Dites-leur : « N’êtes-vous pas vous-mêmes des disciples de ces personnes destinées à tomber dans les voies mauvaises ? Comme c’est pitoyable ! Ne faut-il pas vous compter parmi ceux qui souffriront pendant les innombrables kalpa à venir ? »
Dans son appel au seigneur de Hōkō-ji39, Ryōkan, de l’école Ritsu, déclara : « Récemment, moi, Ninshō, j’ai été profondément irrité par le moine appelé Nichiren, qui proclame que les personnes observant les préceptes sont destinées à tomber en enfer. Dans quel sūtra ou quel traité trouve-t-on pareille déclaration ? C’est la première question. De plus, bien qu’il n’y ait quasiment personne dans le Japon d’aujourd’hui, de haute ou de basse condition, qui ne récite pas le Nembutsu, il affirme que le Nembutsu forme la cause karmique qui provoque la chute dans l’Enfer aux souffrances incessantes. Sur quel sūtra se fonde-t-il ? J’aimerais demander à Nichiren quelle preuve fiable peut justifier une telle affirmation. C’est la deuxième question. »
Il a envoyé au gouvernement six questions de ce genre concernant en général la possibilité ou non de parvenir à l’illumination grâce à la pratique des enseignements antérieurs au Sūtra du Lotus. Si Ryōkan, du Gokuraku-ji, affirme de nouveau, comme dans son appel, son désir de me rencontrer pour débattre avec moi, soumettez une requête au gouvernement [exigeant un débat public]. Dites à Ryōkan : « Mon maître Nichiren a encouru la fureur du gouvernement et a été exilé dans la province de Sado, lors de la huitième année de Bun’ei [1271]. Lors du premier mois de la onzième année de Bun’ei40, il fut gracié et revint à Kamakura. À son retour, il adressa des remontrances à Hei no Saemon sur divers sujets, puis il se retira au cour des montagnes de la province de Kai. Il déclara que, même s’il était convoqué par l’empereur ou l’impératrice, il ne quitterait jamais les montagnes pour débattre de ses enseignements avec les érudits des autres écoles. De ce fait, bien que moi, son disciple, je ne sois qu’un novice et que ma connaissance de ses enseignements ne représente pas plus d’un poil du pelage de neuf bœufs, si quelqu’un vient à émettre des doutes à propos du Sūtra du Lotus, je m’efforcerai de lui répondre au mieux. » Puis, expliquez mes enseignements en répondant directement aux questions de vos adversaires. De plus, quand vous serez amené à répondre aux six questions difficiles contenues dans l’appel de Ryōkan, gardez à l’esprit, comme je l’ai toujours dit, que les disciples de Nichiren ne pourront rien accomplir s’ils sont lâches. Tout en débattant de la supériorité et de la profondeur relatives du Sūtra du Lotus et des autres sūtras, ainsi que de leur possibilité ou non de mener à l’illumination, rappelez-vous que même le bouddha Shakyamuni, tel qu’il 484est décrit dans les enseignements antérieurs au Sūtra du Lotus ou dans son enseignement théorique, ne doit pas vous impressionner ; et encore moins les bodhisattvas à l’étape de l’illumination presque parfaite. Quant aux disciples des écoles fondées sur les enseignements provisoires, ils ont encore moins d’importance. Au cours de votre débat, gardez à l’esprit que, de par notre foi dans le Sūtra du Lotus, notre position est comparable à celle du grand roi céleste Brahma, et qu’il n’est pas du tout erroné de considérer ceux qui s’attachent à des enseignements inférieurs comme nos subordonnés, voire comme des démons.
Les adeptes de l’école Ritsu transgressent les préceptes avec une violence qui dépasse la puissance dévastatrice d’une montagne qui s’effondre ou d’une rivière en crue. Bien loin d’atteindre la bouddhéité, ils ne renaîtront même pas dans le monde des êtres humains ou celui des êtres célestes. Le Grand Maître Miaole déclare : « Si l’on n’observe ne serait-ce qu’un seul précepte, on renaîtra dans le monde des êtres humains. Et si on transgresse ne serait-ce qu’un seul précepte, on tombera au contraire dans les trois voies mauvaises41. » Qui, parmi les disciples de Ninshō, au sein de l’école Ritsu, adopte ne serait-ce qu’un des interdits énoncés dans le Sūtra de l’Observance des préceptes, le Sūtra de la méditation sur l’enseignement correct ou d’autres sūtras ? Ou observe véritablement les règles de discipline exposées dans les sūtras du Hinayana et du Mahayana, tels que les sūtras Agama ? Ils sont sans aucun doute tous destinés à « tomber dans les trois mauvaises voies », voire à sombrer dans l’Enfer aux souffrances incessantes. Comme ils sont pitoyables ! Vous devriez le leur dire et leur adresser des reproches en citant l’explication du chapitre “L’apparition de la Tour aux trésors” sur ce que signifie vraiment « observer les préceptes et pratiquer [les règles de discipline]42 ». Puis, après une brève pause, dites-leur que les cinq caractères de Myōhō-renge-kyō, cœur de l’enseignement essentiel du Sūtra du Lotus, contiennent les bienfaits accumulés à travers les innombrables pratiques et actes méritoires de tous les bouddhas des trois phases de l’existence. Comment alors ces cinq caractères pourraient-ils ne pas inclure les bienfaits obtenus en observant tous les préceptes des bouddhas ? Dès lors que le pratiquant adopte ce merveilleux précepte complet, il ne peut le briser, même s’il essaie. C’est pourquoi on l’appelle le précepte de la coupe de diamant43. Ce n’est qu’en observant ce merveilleux précepte que les bouddhas des trois phases de l’existence sont devenus des bouddhas dotés des Trois Corps : le Corps du Dharma, le Corps de rétribution et le Corps de manifestation, qui sont tous sans commencement ni fin. Le Grand Maître Tiantai écrivit à ce sujet : « Dans les divers enseignements, [le Bouddha] garda cela secret et ne le transmit pas44. »
Aujourd’hui, à l’époque de la Fin de la Loi, personne, sage ou ignorant, moine ou laïc, de haute ou de basse condition, qui adopte Myōhō-renge-kyō et le pratique, en accord avec l’enseignement du Bouddha, ne peut manquer d’obtenir le fruit de la bouddhéité. C’est précisément pour cette raison que, à propos du pratiquant du Sūtra du Lotus dans l’âge impur et mauvais qui a suivi la disparition du Bouddha, le Sūtra affirme : « Une telle personne, assurément et sans aucun doute, atteindra la Voie du Bouddha45. » Par ailleurs, ceux qui pratiquent les enseignements provisoires en allant à l’encontre des mises en garde de Shakyamuni, de Maints-Trésors et des bouddhas des dix directions tomberont à coup sûr dans l’Enfer aux souffrances incessantes. Dès lors qu’un si merveilleux précepte a été révélé, aucun des préceptes exposés dans les enseignements antérieurs au Sūtra du Lotus ou dans l’enseignement théorique de ce dernier n’a le moindre pouvoir d’apporter des bienfaits aux gens. Puisqu’ils n’apportent pas le moindre bienfait, il est 485totalement inutile de les suivre, ne serait-ce qu’un seul jour.
Au moment où le merveilleux précepte de l’enseignement essentiel devra être propagé, il y aura, sans aucun doute, des présages tels qu’on n’en a jamais vus précédemment. Le grand tremblement de terre de l’ère Shōka et la gigantesque comète de l’ère Bun’ei46 étaient deux signes de ce genre. Mais qui, parmi nos contemporains, quelle école [bouddhique] propage réellement l’objet de vénération et le lieu de culte de l’enseignement essentiel ? Pas une seule personne n’a accompli cette tâche durant les deux mille deux cent vingt ans écoulés depuis la disparition du Bouddha. Aujourd’hui, plus de sept cents ans après l’introduction des enseignements du Bouddha au Japon, sous le règne du trentième empereur Kimmei [539-571], la grande Loi dont on n’a jamais entendu parler dans les âges antérieurs se propage à travers tout le Japon. Qu’il est rassurant de savoir que, non seulement les gens d’ici, mais tous les habitants de l’Inde, de la Chine et de tout le continent du Jambudvipa pourront atteindre la bouddhéité !
En ce qui concerne l’enseignement, la pratique et l’illumination de cette grande Loi, dont j’ai parlé plus haut, l’époque de la Fin de la Loi les possède tous les trois comme l’époque de la Loi correcte [les possédait] par rapport à l’enseignement de Shakyamuni.
Pratiques-Supérieures, le guide des bodhisattvas sortis de la terre, a déjà fait son apparition en ce monde, de sorte que la grande Loi, essence du Sūtra du Lotus qui lui fut confiée, ne manquera pas de se propager. Pour tous les êtres vivants du Japon, de Chine et des autres pays du monde, ce sera un événement aussi rare que de voir s’épanouir la fleur udumbara qui annonce la venue d’un roi-qui-fait-tourner-la-roue. Dans les quarante-deux premières années de sa vie d’enseignement, ainsi que dans les quatorze chapitres de l’enseignement théorique du Sūtra du Lotus, le Bouddha garda cette grande Loi secrète et ne l’enseigna pas, pour l’exposer seulement dans la partie « révélation » de l’enseignement essentiel47.
On m’a rapporté que, en apprenant que je me trouvais dans une province éloignée, le moine Ryōkan avait dit à tout le monde qu’il souhaitait me voir rapidement à Kamakura pour débattre avec moi et dissiper les doutes [dans l’esprit] des gens. Demandez-lui si se louer soi-même et dénigrer les autres48 de cette façon fait partie des préceptes de son école. De plus, lorsque je suis effectivement revenu à Kamakura, Ryōkan a fermé ses portes et ordonné qu’on ne fasse entrer personne. Il alla même jusqu’à feindre la maladie, en prétendant avoir pris froid. Dites-lui : « Je ne suis pas Nichiren mais seulement l’un de ses disciples. Et bien que je parle avec un léger accent provincial et que j’aie l’esprit plutôt lent, je partage entièrement son avis sur la trahison de l’école Ritsu. » Lors d’un débat public, même si les enseignements que vous défendez s’accordent parfaitement avec la vérité, vous ne devriez jamais de ce fait vous montrer impoli ou injurieux, ni adopter une attitude vaniteuse. Une telle conduite serait honteuse. Veillez à mettre de l’ordre dans vos pensées, vos paroles et vos actes, et faites preuve de modération quand vous vous confrontez à d’autres dans un débat.
Nichiren
Le vingt et unième jour du troisième mois
Envoyé à Sammi Ajari
Notes
1. Sūtra du Lotus, chap. 16.
2. Cela signifie que, au temps du bodhisattva jamais-Méprisant comme à celui de Nichiren, les gens entendent et calomnient l’enseignement correct, mais qu’ils peuvent finalement atteindre la bouddhéité en vertu du lien qu’ils ont ainsi formé avec lui.
486 3. Annotations sur le Commentaire textuel du Sūtra du Lotus.
4. Sūtra du Lotus, chap. 23.
5. Annotations sur le Commentaire textuel du Sūtra du Lotus.
6. Commentaire textuel du Sūtra du Lotus.
7. Sūtra du Lotus, chap. 17.
8. Ibid., chap. 14.
9. Sūtra aux sens infinis.
10. Grand arbre de la famille des magnolias, doté de feuilles de vingt centimètres de long et de fleurs dorées dont on peut sentir le parfum à distance.
11. Sūtra du Lotus, chap. 6.
12. Ibid., chap. 16.
13. Il s’agit en fait d’une paraphrase d’un passage des Annotations sur La Grande Concentration et Pénétration.
14. Sūtra du Lotus, chap. 2.
15. Ibid.
16. Ibid.
17. Ibid., chap. 10.
18. On lit dans le Sens profond du Sūtra du Lotus : « Que l’on rejette ou accepte [les enseignements du Bouddha], il faut dans tous les cas le faire en se fondant sur le Sūtra du Lotus. »
19. On lit dans les Annotations sur le Sens profond du Sūtra du Lotus : « Lorsqu’il s’agit d’évaluer les sūtras bouddhiques, il faut juger sur la base du Sūtra du Lotus lesquels il convient de rejeter ou d’accepter, parce que le Sūtra du Lotus est la seule source d’où partent et où reviennent tous les autres enseignements. »
20. En compilant les commentaires de Shanwuwei sur le Sūtra de Mahavairochana, Yixing fit en sorte que les doctrines essentielles de l’école Tiantai, telles que la doctrine des trois mille mondes en un instant de vie, semblent faire partie des enseignements du Shingon. Nichiren détaille cette supercherie dans son traité : Choisir en fonction du moment.
21. Il s’agit là apparemment d’une référence aux rituels pratiqués dans le bouddhisme ésotérique où les candidats jettent des fleurs sur un mandala sur lequel figurent divers bouddhas, bodhisattvas et autres personnages pour déterminer avec lequel d’entre eux ils ont un lien particulier. Dans le cadre de ce rituel, les moines posaient les pieds sur les images. Ici, le bouddha Vairochana désigne le bouddha Shakyamuni.
22. Les trois divinités des doctrines non bouddhiques de l’Inde sont Maheshvara, Vasudeva et Narayana. On disait que Maheshvara était un dieu qui régnait sur le système de mondes majeurs.
23. Voie suivie par les arhat.
24. En fait, Hōnen n’utilise pas ces mots sous cette forme spécifique. Nichiren les a pris dans le Choix du Nembutsu par-dessus tout et les a réunis dans une même citation.
25. Sūtra du Lotus, chap. 11. Dans le Sūtra, ces mots sont en fait prononcés par le bouddha Maints-Trésors. Cependant, comme tous les bouddhas attestent la véracité du Sūtra du Lotus dans le chapitre “Les pouvoirs transcendantaux de l’Ainsi-Venu”, Nichiren leur attribue à tous cette déclaration.
26. Référence à une histoire contenue dans le Han Feizei où un paysan, plantant son champ, vit un lapin se heurter à une souche et se briser le cou. Il abandonna sa tâche pour monter la garde près de la souche, en espérant capturer d’autres lapins. Nichiren utilise ici l’image de la « souche » pour indiquer l’attachement aux enseignements provisoires qui empêche de distinguer, parmi les sūtras, lesquels sont supérieurs et lesquels sont inférieurs.
27. Animal qui semble n’être ni un oiseau ni appartenir à aucune autre espèce.
28. Sūtra du Lotus, chap. 3.
29. On ne connaît pas aujourd’hui de sūtra qui porte ce titre. Peut-être est-ce une référence au Sūtra de la méditation sur le bouddha où il est question d’un moine qui tomba dans l’enfer Avīci pour avoir confondu les enseignements corrects et incorrects.
30. On lit dans le Traité de la grande perfection de sagesse : « Celui dont le visage devient noir au moment de la mort tombera en enfer. »
31. Dans les Annotations sur La Grande Concentration et Pénétration, Miaole souligne la déclaration de Tiantai concernant l’illumination des êtres non sensitifs et ajoute qu’elle choquera et suscitera des doutes.
32. Le monastère du mont Dasu où Tiantai étudia le Sūtra du Lotus en trois parties. On dit que, à la suite de sa pratique intense, il parvint à s’éveiller grâce au chapitre “Les actes antérieurs du bodhisattva Roi-de-la-Médecine”. C’est pourquoi il fut considéré comme une manifestation du bodhisattva Roi-de-la-Médecine.
33. On trouve cette description dans le vingt et unième chapitre du Sūtra du Lotus.
34. Sūtra du Lotus, chap. 15.
35. Premièrement, les bodhisattvas des autres mondes ont leurs propres tâches à accomplir dans leurs mondes respectifs. Deuxièmement, ils ont peu de lien avec les gens du monde saha. Troisièmement, si Shakyamuni les avait autorisés à accomplir la mission de propagation, 487il n’aurait eu aucune raison de convoquer les bodhisattvas de l’enseignement essentiel.
36. Premièrement, les bodhisattvas sortis de la terre sont les disciples originels du Bouddha. Deuxièmement, ils ont une profonde relation avec les gens du monde saha. Troisièmement, en les convoquant et en leur confiant la propagation de ses enseignements, Shakyamuni a pu montrer qu’il avait atteint l’illumination depuis le très lointain passé.
37. Il s’agit d’une reformulation d’un passage du Traité de la grande perfection de sagesse.
38. Sūtra du Lotus, chap. 3.
39. Le seigneur du Hōkō-ji est un autre nom de Hōjō Tokimune (1251-1284), huitième régent du gouvernement de Kamakura.
40. En réalité, Nichiren revint à Kamakura lors du troisième mois de 1274.
41. Annotations sur La Grande Concentration et Pénétration.
42. On lit dans un passage du chapitre 11 “L’apparition de la Tour aux trésors” : « Ce Sūtra est difficile à garder ; si quelqu’un est capable de le faire, ne serait-ce qu’un court moment, à coup sûr je m’en réjouirai et les autres bouddhas aussi. Qui est capable de faire cela gagne l’admiration des bouddhas. (...) Voilà ce que l’on appelle observer les préceptes et pratiquer les règles de discipline. »
43. Le précepte de la coupe de diamant est le précepte impossible à briser, comme l’est un trésor en diamant. Il est mentionné dans le Sūtra du filet de Brahma. Dengyō présente la nature de bouddha, ou réalité ultime de tous les phénomènes comme la coupe de diamant ; observer ce précepte signifie donc adopter le Sūtra du Lotus. Dans l’enseignement de Nichiren, il consiste à adopter le Gohonzon.
44. Commentaire textuel du Sūtra du Lotus. Dans ce passage, Tiantai commente l’expression « le secret de l’Ainsi-Venu et de ses pouvoirs transcendantaux », que l’on trouve dans le seizième chapitre du Sūtra du Lotus.
45. Sūtra du Lotus, chap. 21.
46. Il s’agit du grand tremblement de terre qui dévasta la région de Kamakura, lors du huitième mois de 1257, et de la gigantesque comète qui apparut lors du septième mois de 1264.
47. La partie “révélation” de l’enseignement essentiel est composée de la seconde moitié du chapitre “Surgir de terre”, de tout le chapitre “Durée de la vie” et de la première moitié du chapitre “Distinctions des bienfaits” du Sūtra du Lotus. Ici, il s’agit plus spécifiquement du chapitre “Durée de la vie”.
48. Référence à l’un des dix préceptes majeurs parmi les cinquante-huit règles de discipline des bodhisattvas du Mahayana énoncées dans le Sūtra du filet de Brahma. Ce précepte consiste à ne pas faire son propre éloge, ni à dénigrer les autres.