Jamais le vieux renard n’oublie la colline sur laquelle il est né1 ; et la tortue blanche rendit sa gentillesse à Mao Bao qui avait fait preuve de bonté à son égard2. Alors, si les animaux eux-mêmes en savent assez 696pour se comporter de cette façon, cela devrait être encore plus vrai pour les êtres humains ! C’est ainsi que Yu Rang, homme vertueux des temps anciens, s’empala sur son sabre afin de s’acquitter de sa dette envers son seigneur Zhi Bo3, et que le ministre Hong Yan, pour des raisons similaires, s’ouvrit le ventre afin d’y insérer le foie de son seigneur défunt, le général Yi de Wei4. Que dire, alors, de personnes qui se consacrent aux enseignements bouddhiques ? Elles ne devraient certainement pas oublier leurs dettes de reconnaissance envers leurs parents, leurs maîtres, et leur pays.
Mais celui qui a l’intention de s’acquitter de ces grandes dettes de reconnaissance ne peut espérer y parvenir qu’en apprenant et en maîtrisant la Loi bouddhique, devenant ainsi une personne sage. Sinon, cela revient à tenter de faire traverser ponts et rivières à une compagnie d’aveugles, alors qu’on ne voit pas soi-même. Un bateau dirigé par quelqu’un qui est incapable de dire la direction du vent pourra-t-il transporter les marchands itinérants jusqu’aux montagnes où se trouve le trésor ?
Celui qui aspire à apprendre et à maîtriser la Loi bouddhique ne pourra pas y parvenir sans consacrer du temps à cette tâche. Et, s’il veut consacrer du temps à cette entreprise, il ne pourra demeurer au service de ses parents, de ses maîtres et de son souverain. Tant qu’il n’a pas choisi la voie qui libère du cycle des naissances et des morts, il ne devrait pas s’en remettre aux souhaits et aux sentiments de ses parents, aussi raisonnables soient-ils.
Beaucoup pensent peut-être qu’un tel conseil va à l’encontre des vertus séculières et ne s’accorde pas avec l’esprit des enseignements du Bouddha. Pourtant, des textes non bouddhiques tels que le Classique de la piété filiale indiquent clairement qu’il y a des moments où un ministre loyal ou un enfant dévoué doivent refuser d’obéir aux souhaits de leur souverain ou de leurs parents. Et il est dit dans l’un des écrits bouddhiques : « En renonçant à nos obligations et en entrant dans la vie bouddhique, nous pouvons nous acquitter pleinement de nos obligations5. » Bi Gan refusa de suivre les souhaits de son souverain et se fit ainsi connaître comme un homme vertueux6. Le prince Siddhartha désobéit à son père, le roi Shuddhodana, et devint cependant le fils le plus remarquable de tout le monde des trois plans en matière de piété filiale. Ces exemples illustrent bien ce que je veux dire.
Après avoir compris cela et avoir pris la résolution de ne plus m’en remettre à mes parents ni à mes maîtres afin de me consacrer aux vérités de la Loi bouddhique, j’ai découvert qu’il y avait dix clairs miroirs qui reflétaient les enseignements dispensés par le Bouddha de son vivant. C’étaient les dix écoles portant respectivement les noms de Kusha, Jōjitsu, Ritsu, Hossō, Sanron, Shingon, Kegon, Jōdo, Zen et Lotus [de Tendai]. Les érudits d’aujourd’hui croient que, si l’on prend ces dix écoles pour maîtres éclairés, on comprend le cœur de tous les écrits et ils affirment que ces dix miroirs reflètent tous avec justesse la voie des enseignements du Bouddha. Nous pouvons néanmoins laisser de côté pour l’instant les trois écoles du Hinayana [Kusha, Jōjitsu et Ritsu]. Elles sont comparables à un message envoyé à un pays étranger par un simple citoyen et, de ce fait, manquent d’autorité.
Les sept écoles du Mahayana sont un grand bateau qui peut nous faire traverser le vaste océan des souffrances des naissances et des morts et nous conduire jusqu’au rivage de la Terre pure. En les pratiquant et en les comprenant, nous pouvons nous sauver nous-mêmes et mener en même temps les autres au salut. Quand j’ai commencé, avec cette pensée à l’esprit, à les examiner, j’ai découvert que chacune des sept écoles du Mahayana chante ses propres louanges en ces termes : « Notre école, et notre école seule, représente le cœur même des enseignements dispensés par le Bouddha de son 697vivant. » Il y a des hommes tels que Dushun, Zhiyan, Fazang, et Chengguan7, de l’école Huayan [l’école Kegon au Japon] ; Xuanzang, Cien, Zhizhou et Chishō8, de l’école Faxiang [l’école Hossō au Japon] ; Xinghuang et Jiaxiang9, de l’école Sanlun [l’école Sanron au Japon] ; Shanwuwei, Jingangzhi, Bukong, Kōbō, Jikaku et Chishō, de l’école Zhenyan [l’école Shingon au Japon] ; Bodhidharma, Huike et Huineng10, de l’école Chan [l’école Zen au Japon] ; et Daochuo, Shandao, Huaigan, et Genkū11, de l’école de la Terre pure. En se fondant sur les sūtras et les traités particuliers soutenus par leurs écoles respectives, ces maîtres des diverses écoles proclament tous : « “Notre école” saisit le sens de la multitude de sūtras, “notre école” a saisi le sens des enseignements du Bouddha dans toute sa profondeur. »
Certains [de ces maîtres] prétendent ceci : « Le Sūtra de la Guirlande de fleurs est le premier de tous les sūtras ; d’autres sūtras tels que le Sūtra du Lotus et le Sūtra de Mahavairochana lui sont subordonnés. » Les maîtres de l’école Shingon affirment, eux : « Le Sūtra de Mahavairochana est le premier de tous les sūtras ; les autres sūtras sont comme une multitude de petites étoiles. » Les hommes de l’école Zen disent : « Le Lankavatara-sūtra est le premier de tous les sūtras. » Et il en va de même pour les membres des diverses autres écoles. Les nombreux maîtres bouddhistes dont j’ai cité les noms sont honorés par les gens de notre époque. Ils les vénèrent de la même façon que toutes les divinités célestes vénèrent le seigneur Shakra, et ils les suivent comme la multitude des étoiles suit le soleil et la lune.
Pour des hommes du commun comme nous, quel que soit le maître que nous prenons, si nous avons foi en lui, nous ne penserons en aucun cas qu’il est imparfait. Pourtant, même si les autres continuent à révérer et à croire [les maîtres de leurs écoles respectives], moi, Nichiren, j’ai bien du mal à dissiper mes doutes.
Quand nous regardons le monde, nous découvrons que les diverses écoles prétendent toutes être la seule véritable. Mais un pays ne peut avoir qu’un seul homme pour souverain. Si deux hommes prétendent à la souveraineté, le pays ne connaîtra pas la paix. De même, si une maison a deux maîtres, elle sera certainement vouée à la destruction. N’en est-il pas de même avec les sūtras ?
Parmi les divers sūtras, il en est certainement un qui est le roi de tous les autres. Cependant, les dix écoles et les sept écoles que j’ai mentionnées se querellent toutes lorsqu’il s’agit de déterminer quel est ce sūtra et ne parviennent à aucun consensus. C’est comme si sept ou dix hommes s’efforçaient tous d’être roi d’un seul pays, soumettant ainsi la population à des troubles permanents.
Désireux de résoudre ce dilemme, j’ai fait un vœu. J’ai décidé de ne tenir aucun compte des déclarations de ces huit12 ou dix écoles mais d’agir comme le Grand Maître Tiantai en prenant pour seul maître les sūtras eux-mêmes afin de déterminer, parmi ces divers sūtras enseignés par le Bouddha de son vivant, lesquels sont supérieurs et lesquels inférieurs. C’est dans cet état d’esprit que j’ai entrepris de lire tous les sūtras.
Dans un écrit appelé le Sūtra du Nirvana, le Bouddha dit : « Appuyez-vous sur la Loi et non sur les personnes. » S’appuyer sur la Loi signifie ici s’appuyer sur l’ensemble des sūtras. Ne pas s’appuyer sur les personnes signifie ne pas s’appuyer sur des personnes autres que le Bouddha, comme par exemple le bodhisattva Sagesse-Universelle et Manjusri ou les divers maîtres bouddhistes que j’ai énumérés plus haut.
Dans le même sūtra, le Bouddha dit aussi : « Appuyez-vous sur les sūtras qui sont complets et définitifs, et non sur ceux qui ne sont ni complets, ni définitifs. » Quand il parle des « sūtras qui sont complets et définitifs », il se réfère au Sūtra du Lotus 698et, quand il parle de « ceux qui ne sont ni complets, ni définitifs », il désigne le Sūtra de la Guirlande de fleurs, le Sūtra de Mahavairochana, le Sūtra du Nirvana et d’autres, prêchés avant, pendant et après la prédication du Sūtra du Lotus.
Si nous devons croire les dernières volontés du Bouddha, il faut en conclure que le Sūtra du Lotus est le seul clair miroir dont nous avons besoin et que, à travers lui, nous pouvons comprendre le cœur de tous les sūtras.
Tournons-nous alors vers le texte du Sūtra du Lotus lui-même. Nous découvrons qu’il y est dit que « le Sūtra du Lotus [est la resserre secrète des bouddhas, des Ainsi-Venus]. Parmi les sūtras, il occupe la plus haute place13 ». Si nous acceptons ces paroles du Sūtra, alors, comme le seigneur Shakra résidant au sommet du mont Sumeru, comme le joyau-qui-exauce-tous-les-vœux couronnant les rois-qui-font-tourner-la-roue, comme la lune s’élevant au-dessus de la forêt, comme la protubérance au sommet de la tête14 du Bouddha, le Sūtra du Lotus, pareil à un joyau-qui-exauce-tous-les-vœux, couronne le Sūtra de la Guirlande de fleurs, le Sūtra de Mahavairochana, le Sūtra du Nirvana et tous les autres.
Si nous laissons de côté les déclarations des érudits et des maîtres pour nous appuyer sur le texte du Sūtra, nous voyons que le Sūtra du Lotus est supérieur au Sūtra de Mahavairochana, au Sūtra de la Guirlande de fleurs et à tous les autres sūtras, de manière aussi claire et évidente qu’une personne qui voit peut distinguer le ciel de la terre quand le soleil brille dans un ciel d’un bleu limpide.
Et si nous examinons les textes du Sūtra de Mahavairochana, du Sūtra de la Guirlande de fleurs et des autres, nous découvrons qu’il n’y a pas un mot, ni même un seul coup de pinceau en eux qui ne ressemble au passage du Sūtra du Lotus cité plus haut. En fait, il y est parfois question de la supériorité des sūtras du Mahayana par rapport aux sūtras du Hinayana, ou de la vérité plénière par opposition à la vérité relative ; il y est fait aussi l’éloge de la vérité de la Voie du Milieu par opposition aux diverses conceptions selon lesquelles les phénomènes sont sans substance [vacuité] ou n’ont qu’une existence temporaire15. Mais ils sont en réalité comme les souverains de minuscules royaumes qui, lorsqu’ils s’adressent à leurs sujets, parlent d’eux-mêmes comme de grands rois. Comparé avec ces divers dirigeants, le Sūtra du Lotus est l’unique véritable grand roi.
Le Sūtra du Nirvana est, de tous les sūtras, le seul dont certains passages ressemblent à ceux du Sūtra du Lotus. C’est pourquoi les érudits bouddhistes précédant Tiantai, aussi bien dans la Chine du Nord que dans celle du Sud, s’égarèrent en déclarant le Sūtra du Lotus inférieur au Sūtra du Nirvana. Mais si nous examinons le texte du Sūtra du Nirvana lui-même, nous découvrons que, comme dans le Sūtra aux sens infinis, la comparaison porte toujours sur le Sūtra du Nirvana par rapport aux sūtras de la période de la Guirlande de fleurs, de la période Agama, de la période Vaipulya et de la période de la Sagesse présentés par le Bouddha, durant les quelque quarante premières années de son enseignement. Comparé avec ces sūtras antérieurs, le Sūtra du Nirvana se déclare lui-même supérieur.
En revanche, là où le Sūtra du Nirvana se compare avec le Sūtra du Lotus, on lit : « Quand ce Sūtra [du Nirvana] fut enseigné (...) la prédiction avait déjà été faite dans le Sūtra du Lotus que, telle une grande moisson, les huit mille auditeurs atteindraient la bouddhéité16. Ainsi, la moisson de l’automne était achevée et la récolte avait été emmagasinée pour l’hiver [lorsque le Sūtra du Nirvana fut exposé] et il ne restait plus [que quelques grains à ramasser]. » Ce passage du Sūtra du Nirvana indique donc que ce dernier est inférieur au Sūtra du Lotus.
Les passages [du Sūtra du Lotus et du Sūtra du Nirvana] cités plus haut sont 699parfaitement clairs sur ce point. Néanmoins, même les grands érudits de la Chine du Nord et de celle du Sud s’égarèrent et ceux qui les étudieront dans les âges ultérieurs devraient donc les lire très attentivement. En effet, le passage [du Sūtra du Lotus cité précédemment] établit non seulement sa supériorité sur le Sūtra du Nirvana, mais indique également sa supériorité sur tous les autres sūtras dans les mondes des dix directions.
Auparavant, certains s’étaient trompés sur le sens de ces passages mais, après que les grands Maîtres Tiantai, Miaole et Dengyō ont clairement indiqué leur signification, on pourrait supposer que toute personne ayant des yeux parviendrait à les comprendre. Pourtant, même des hommes tels que Jikaku et Chishō de l’école Tendai n’en eurent pas une compréhension correcte. Alors, comment pourrait-on s’attendre à mieux de la part des membres des autres écoles ?
On pourrait douter de mes paroles et prétendre que certes le Sūtra du Lotus est le meilleur de tous les sūtras qui furent apportés en Chine et au Japon, mais qu’en Inde, dans les palais des rois-dragons, les domaines des quatre rois célestes, les domaines du soleil et de la lune, le ciel des trente-trois divinités, ou le ciel Tushita, notamment, il y a autant de sūtras que de grains de sable dans le Gange. N’est-il pas possible qu’il y ait en Inde un sūtra qui soit supérieur au Sūtra du Lotus ?
Je répondrai que, en regardant une chose, on peut en imaginer dix mille. C’est ce que signifie le dicton selon lequel on peut connaître tout ce qui existe sous les cieux sans jamais franchir la barrière de son jardin. Mais un insensé aura des doutes et dira : « J’ai vu le ciel au sud mais je ne l’ai vu ni à l’est, ni à l’ouest, ni au nord. Peut-être y a-t-il au ciel, dans ces trois autres directions, un soleil différent de celui que je connais. » Ou alors il verra une colonne de fumée s’élever au-dessus des collines et, bien que cette fumée soit parfaitement visible, ne pouvant voir le feu lui-même, il en conclura qu’il n’y a peut-être pas vraiment d’incendie. Il faut savoir que les gens qui me posent ce genre de questions sont des icchantika [personnes à l’incroyance incorrigible], en tous points semblables à des aveugles !
Dans le chapitre “Le maître de la Loi” du Sūtra du Lotus, délivrant de sa bouche d’or des paroles totalement vraies, l’Ainsi-Venu Shakyamuni établit en ces termes la supériorité relative des divers sūtras dispensés durant les quelque cinquante années de son enseignement : « J’ai prêché d’innombrables milliers, dizaines de milliers et millions de sūtras. Parmi les sūtras que j’ai prêchés, que je prêche ou que je prêcherai, ce Sūtra du Lotus est le plus difficile à croire et le plus difficile à comprendre17. »
Bien que cette déclaration n’ait été prononcée que par un seul bouddha, l’Ainsi-Venu Shakyamuni, tous les bodhisattvas, depuis ceux qui sont à l’étape de l’illumination presque parfaite jusqu’à ceux qui sont aux étapes inférieures, devraient l’honorer et avoir foi en elle. Le bouddha Maints-Trésors vint en effet de l’est pour certifier la véracité de ces paroles et les bouddhas se rassemblèrent depuis les dix directions et tirèrent leurs longues et larges langues jusqu’au ciel de Brahma, comme le fit le Bouddha. Ensuite, ils retournèrent dans leurs terres respectives.
Les mots « que j’ai prêchés, que je prêche ou que je prêcherai » n’incluent pas seulement les sūtras enseignés par Shakyamuni dans ses cinquante années d’enseignement, mais tous les sūtras enseignés par les bouddhas des dix directions et des trois phases de l’existence [le passé, le présent et l’avenir], sans en omettre un seul caractère, ni même un seul coup de pinceau. C’est par rapport à tous ces sūtras que le Sūtra du Lotus est proclamé supérieur. À ce moment-là, les bouddhas des dix directions ont manifesté leur approbation de manière à ne laisser aucune place au doute. Si, après être retournés dans leurs terres respectives, ils avaient dit à leurs disciples qu’il y avait en fait un sūtra 700supérieur au Sūtra du Lotus, imaginez-vous que leurs disciples auraient pu les croire ?
À ceux qui, sans l’avoir jamais vu de leurs propres yeux, imaginent néanmoins qu’il peut y avoir un sūtra supérieur au Sūtra du Lotus quelque part en Inde ou dans les palais des rois-dragons, des quatre rois célestes, ou des dieux du soleil et de la lune, je dirais ceci : « Brahma, Shakra, les dieux du soleil et de la lune, les quatre rois célestes et les rois-dragons n’étaient-ils pas présents quand Shakyamuni enseigna le Sūtra du Lotus ? » Si le soleil et la lune et les autres divinités disaient : « Il y a un sūtra supérieur au Sūtra du Lotus ; mais vous n’êtes tout simplement pas au courant », alors ce soleil et cette lune proféreraient de grands mensonges !
Je les réprimanderais donc ainsi : « Soleil et lune, vous résidez dans le ciel et non sur terre comme nous, et, si vous n’en tombez jamais, c’est grâce au pouvoir acquis en observant strictement le précepte de ne jamais mentir. Mais, si vous proférez maintenant un grand mensonge en prétendant qu’il y a un sūtra supérieur au Sūtra du Lotus, je suis certain que, avant même l’arrivée du kalpa de déclin, vous viendrez vous écraser sur la terre. Plus encore, vous poursuivrez votre chute jusqu’à plonger dans les profondeurs de la grande citadelle de l’Enfer aux souffrances incessantes, qui est entourée de murailles de fer ! Des êtres qui profèrent d’aussi grands mensonges ne devraient pas avoir le droit de rester un instant de plus dans le ciel et de tourner au-dessus des quatre continents qui composent la Terre. » Voilà en quels termes je les réprimanderais.
Pourtant, des hommes sages tels que les Grands Maîtres et les Maîtres des Trois Corbeilles comme Chengguan, de l’école Huayan, ou Shanwuwei, Jingangzhi, et Bukong, de l’école Zhenyan, ou encore Kōbō, Jikaku et Chishō [de l’école Shingon] prétendent tous que le Sūtra de la Guirlande de fleurs et le Sūtra de Mahavairochana sont supérieurs au Sūtra du Lotus. Bien que je ne puisse être juge en la matière, à la lumière des grands principes de la Loi bouddhique, de tels hommes18 n’apparaissent-ils pas comme les pires ennemis des bouddhas ? Par comparaison, des hommes mauvais tels que Devadatta et Kokalika sont peu de chose. En fait, de tels hommes relèvent de la même catégorie que Mahadeva et Brahmane-à-la-Grande-Arrogance. Et ceux qui ont foi dans les enseignements d’hommes de ce genre sont eux aussi véritablement effrayants.
Question : Oseriez-vous vraiment affirmer que Chengguan de l’école Huayan, Jiaxiang de l’école Sanlun, Cien de l’école Faxiang, et Shanwuwei, et les autres de l’école Zhenyan, jusqu’à Kōbō, Jikaku, et Chishō, sont les ennemis du Bouddha ?
Réponse : Il s’agit là d’une question très importante, d’un point déterminant concernant les enseignements du Bouddha. Il me semble que si quelqu’un devait prétendre qu’un sūtra est supérieur au Sūtra du Lotus, alors, quelle que soit cette personne, elle ne pourrait échapper à l’accusation d’opposition à la Loi. C’est pourquoi, à mon humble avis, si nous nous en tenons à ce que dit le Sūtra, ce genre de personne doit être considéré comme un ennemi du Bouddha. Et si, par crainte, je m’abstiens de l’indiquer, les distinctions établies entre les divers sūtras en fonction de leurs mérites respectifs n’auront servi à rien.
Si, impressionné par ces grands maîtres du passé, je me tournais simplement vers leurs disciples de l’époque de la Fin de la Loi pour les qualifier d’ennemis du Bouddha, alors, quelle que soit l’école à laquelle ils appartiennent, ces disciples de notre époque pourraient dire : « Lorsque nous affirmons que le Sūtra de Mahavairochana est supérieur au Sūtra du Lotus, il ne s’agit pas de notre invention personnelle. C’est la doctrine enseignée par les maîtres fondateurs de notre école. Même si nous ne pouvons pas prétendre les égaler en matière d’observation 701des préceptes, en sagesse et compréhension, ou encore en renommée, nous ne nous écarterons jamais, si peu que ce soit, de la doctrine qu’ils ont enseignée. » Et il faudrait dans ce cas admettre qu’ils ne sont coupables d’aucune faute.
En fait, si je sais cette déclaration fausse et que pourtant, par crainte des autres, je n’en dis rien, alors je passe outre à ce strict avertissement du Bouddha : « [C’est comme un émissaire du roi qui], en mission dans un autre pays, préfère ne rien dissimuler des propos de son souverain, même si cela doit finir par lui coûter la vie19. »
Que dois-je faire ? Si je m’exprime, je devrai affronter la redoutable opposition des autres. Mais, si je reste silencieux, je peux difficilement échapper à la condamnation pour ne pas avoir tenu compte du strict avertissement du Bouddha. Devant comme derrière, ma route est barrée.
Mais peut-être est-ce ce à quoi il faut s’attendre. En effet, comme le dit le Sūtra du Lotus : « Puisque haine et jalousie envers ce Sūtra abondent en ce monde, du vivant même de l’Ainsi-Venu, ne seront-elles pas pires encore après sa disparition20 ? » Et ailleurs : « Il se heurtera à une grande hostilité dans le monde21. »
Quand le bouddha Shakyamuni fut conçu par sa mère, la reine Maya, le roi-démon du sixième ciel baissa les yeux sur le ventre de la reine Maya et dit : « Mon pire ennemi, le sabre acéré du Sūtra du Lotus, vient d’être conçu. Je dois faire en sorte de l’anéantir avant sa naissance ! » Alors, le roi-démon se changea en médecin érudit, entra dans le palais du roi Shuddhodana, et annonça : « Je suis un médecin érudit, et j’ai apporté un excellent médicament qui permettra à l’enfant de naître en toute sécurité. » Voilà comment il tenta d’empoisonner la reine Maya.
Quand le Bouddha naquit, le roi-démon fit pleuvoir des pierres sur lui et mêla du poison à son lait. Par la suite, quand le Bouddha quitta le palais pour entrer dans la vie religieuse, le roi-démon se changea en un noir serpent venimeux et tenta de lui barrer la route. De plus, il entra dans le corps d’hommes mauvais tels que Devadatta, Kokalika, le roi Virudhaka et le roi Ajatashatru pour les inciter à lancer une énorme pierre sur le Bouddha, laquelle le blessa et fit couler son sang, et il les poussa aussi à tuer de nombreux Shakya, membres du clan du Bouddha, ou à assassiner ses disciples.
Ces grandes persécutions étaient prévues de longue date. De telles intrigues visaient à empêcher le Bouddha, l’Honoré du monde, d’enseigner le Sūtra du Lotus. C’est à cette sorte de persécutions que le Sūtra fait allusion lorsqu’on y lit : « Puisque haine et jalousie envers ce Sūtra abondent en ce monde, du vivant même de l’Ainsi-Venu, ne seront-elles pas pires encore après sa disparition ? »
En plus de ces troubles apparus bien avant que le Bouddha n’enseigne le Sūtra du Lotus, d’autres survinrent par la suite, lorsqu’il exposa le Sūtra lui-même. [Des doutes s’élevèrent notamment lorsque Shakyamuni révéla que], pendant une quarantaine d’années, Shariputra, Maudgalyayana et les grands bodhisattvas avaient en fait figuré parmi les pires ennemis du Sūtra du Lotus22.
Mais il est dit dans le Sūtra : « Ne seront-elles pas pires encore après sa disparition ? » Nous savons ainsi que, dans une ère future, après la disparition du Bouddha, il y aura des persécutions et des épreuves encore plus grandes et plus effrayantes que celles qu’il a subies de son vivant. Si le Bouddha lui-même eut du mal à endurer de telles persécutions, comment imaginer que les hommes du commun puissent les supporter, tout particulièrement quand les troubles s’avèrent pires encore que du vivant du Bouddha ?
On peut se demander quelles grandes persécutions seraient plus terribles encore que la gigantesque pierre, de neuf pieds de long sur cinq pieds de large, que Devadatta 702fit basculer sur le Bouddha, ou que l’éléphant ivre lâché sur lui par le roi Ajatashatru. En fait, si quelqu’un n’ayant pas commis la moindre faute, subit constamment des persécutions plus grandes que celles qui se sont produites du vivant du Bouddha, alors il faut considérer cette personne comme un véritable pratiquant du Sūtra du Lotus à l’époque suivant la disparition du Bouddha.
Les successeurs du Bouddha23 figuraient parmi les quatre catégories de bodhisattvas : c’étaient les messagers du Bouddha. Pourtant, le bodhisattva Aryadeva fut tué par un non-bouddhiste, le vénérable Aryasimha fut décapité par le roi Dammira, Buddhamitra dut demeurer douze ans sous un drapeau rouge [avant d’attirer l’attention du souverain] et le bodhisattva Nagarjuna sept ans sous un drapeau du même genre. Le bodhisattva Ashvaghosha fut vendu à un pays ennemi contre trois cent mille pièces de monnaie24, et l’érudit Manoratha mourut de chagrin25. Ce sont là des exemples de troubles qui eurent lieu durant les mille ans de la Loi correcte.
Venons-en maintenant à la période située cinq cents ans après le début de l’époque de la Loi formelle, soit mille cinq cents ans après la disparition du Bouddha. À ce moment-là vivait en Chine un sage d’abord connu sous le nom de Zhiyi puis, par la suite, sous celui de Grand Maître Tiantai Zhizhe. Il décida de propager les enseignements du Sūtra du Lotus sous leur forme réelle. Tiantai avait été précédé par des milliers et des milliers de sages qui avaient émis diverses opinions concernant les enseignements énoncés par le Bouddha de son vivant mais, pour l’essentiel, ces sages s’étaient groupés en dix écoles ou traditions, appelées les trois écoles du Sud et les sept écoles du Nord. Parmi les dix, une école s’imposa comme la plus importante. C’était la troisième des trois écoles du Sud, l’école du Maître du Dharma Fayun, du temple de Guangzhai.
Fayun divisa les enseignements dispensés de son vivant par le Bouddha en cinq périodes. Parmi les enseignements de ces cinq périodes, il choisit trois sūtras, le Sūtra de la Guirlande de fleurs, le Sūtra du Nirvana et le Sūtra du Lotus. Il déclara que, parmi tous les sūtras, le Sūtra de la Guirlande de fleurs se classait en premier et pouvait être comparé au monarque d’un royaume. Le Sūtra du Nirvana se classait en deuxième et apparaissait comme le régent ou Premier ministre, alors que le Sūtra du Lotus venait en troisième et était comparable aux nobles de la Cour. Tous les autres sūtras étaient inférieurs à ceux-ci et comparables aux gens ordinaires.
Fayun était par nature d’une très grande intelligence. Non seulement il étudia sous la direction d’hommes de grande sagesse tels que Huiguan, Huiyan, Sengrou et Huici26, mais il réfuta les doctrines des divers maîtres des écoles du Nord et du Sud, et se retira seul dans une forêt de montagne où il se consacra au Sūtra du Lotus, au Sūtra du Nirvana et au Sūtra de la Guirlande de fleurs.
Sachant cela, l’empereur Wu, de la dynastie des Liang, le convoqua à la Cour et fit ériger pour lui, sur les terres du palais, un temple appelé Guangzhai, ce qui était un grand honneur. Quand Fayun enseigna le Sūtra du Lotus, des fleurs tombèrent des cieux comme au moment où le bouddha Shakyamuni l’avait enseigné pour la première fois.
Lors de la cinquième année de l’ère Tiangian [l’an 506 de notre ère], sévit une grande sécheresse. L’empereur demanda au Maître du Dharma Fayun d’enseigner le Sūtra du Lotus et, quand il parvint aux vers du chapitre “La parabole des herbes médicinales” où l’on lit : « La pluie ruisselle partout, tombant des quatre directions27 », une douce pluie se mit à tomber du ciel. L’empereur fut à ce point confondu d’admiration qu’il nomma sur-le-champ Fayun au rang de supérieur des moines, et il le servit en personne, comme les divinités célestes servirent le seigneur Shakra et comme les gens 703ordinaires vénèrent leur souverain. Mieux encore, quelqu’un eut dans un rêve la révélation que Fayun n’avait jamais cessé d’enseigner le Sūtra du Lotus depuis le temps du bouddha Clarté-du-Soleil-et-de-la-Lune dans le très lointain passé.
Fayun écrivit un commentaire en quatre volumes du Sūtra du Lotus. Dans ce commentaire28, il déclara : « Ce Sūtra n’est pas vraiment le plus important » et il le décrivit comme « un moyen opportun inhabituel ». Il voulait dire ainsi que le Sūtra du Lotus ne révèle pas entièrement la vérité bouddhique.
Est-ce parce que les enseignements de Fayun recueillirent l’assentiment du Bouddha que fleurs et pluie tombèrent du ciel sur lui ? En tout cas, en raison de ces événements merveilleux et inhabituels, les gens en Chine finirent par croire que le Sūtra du Lotus était peut-être en effet inférieur au Sūtra de la Guirlande de fleurs et au Sūtra du Nirvana. Ce commentaire de Fayun se propagea avec le temps dans les royaumes de Silla, Baekje, et Goguryeo, ainsi qu’au Japon29, où les gens finirent généralement par adopter les conceptions qui prévalaient en Chine.
Peu après la mort de Fayun, dans les dernières années de la dynastie des Liang et dans les premières années de la dynastie des Chen, apparut un jeune moine connu sous le nom de Maître du Dharma Zhiyi. C’était un disciple du Grand Maître Nanyue mais, peut-être mû par un doute concernant les doctrines de son maître, il entra dans la resserre où étaient gardés les écrits et examina les textes à maintes reprises. Il considéra que le Sūtra de la Guirlande de fleurs, le Sūtra du Nirvana et le Sūtra du Lotus étaient particulièrement dignes d’attention et, parmi ces trois sūtras, il enseigna surtout le Sūtra de la Guirlande de fleurs. De plus, il compila un livre d’actes de dévotion30 en l’honneur du bouddha Vairochana du Sūtra de la Guirlande de fleurs et, jour après jour, il progressa dans la compréhension de cet écrit. Pour ses contemporains, son comportement signifiait qu’il considérait le Sūtra de la Guirlande de fleurs comme le plus important de tous les sūtras. En réalité, il avait de sérieux doutes concernant la classification de Fayun qui plaçait le Sūtra de la Guirlande de fleurs en premier, le Sūtra du Nirvana en deuxième et le Sūtra du Lotus en troisième, et souhaitait donc étudier plus attentivement le Sūtra de la Guirlande de fleurs.
Après quoi il parvint à la conclusion que, parmi tous les sūtras, le Sūtra du Lotus se classait en premier, le Sūtra du Nirvana en deuxième et le Sūtra de la Guirlande de fleurs en troisième. Il constata aussi avec tristesse que, bien que les enseignements de l’Ainsi-Venu se soient répandus sur toute la terre de Chine, ils n’apportaient pas de bienfaits à ses habitants mais qu’au contraire ils poussaient les gens à s’égarer dans les mauvaises voies. Il en conclut que cela était dû aux erreurs de leurs maîtres.
C’est comme si les autorités du pays avaient dit au peuple que l’est était l’ouest ou que le ciel était la terre et que les gens ordinaires, adhérant à leurs déclarations, s’étaient mis à y croire. S’il apparaît par la suite une personne d’humble condition pour leur signifier que leur prétendu ouest est en fait l’est ou que leur prétendu ciel est en réalité la terre, non seulement ils refuseront de le croire mais ils le maudiront et l’attaqueront afin d’obtenir les faveurs de leurs souverains.
Dans ce contexte, Zhiyi se demanda quel comportement adopter. Il sentit qu’il ne pouvait rester silencieux, et s’exprima donc pour condamner sévèrement le Maître du Dharma Fayun, du temple de Guangzhai, en affirmant que, du fait de ses oppositions à l’enseignement correct, il était tombé en enfer. Les maîtres bouddhistes des écoles du Nord et du Sud se dressèrent alors comme des guêpes furieuses et fondirent sur lui comme une volée de corbeaux.
Certains proposèrent que Zhiyi ait la tête brisée ; d’autres qu’il soit chassé du 704pays. Apprenant cela, le souverain de la dynastie des Chen, qui voulait entendre lui-même [les divers arguments], convoqua un certain nombre de maîtres bouddhistes du Nord et du Sud et leur demanda de débattre en sa présence avec Zhiyi. Il y avait là des moines tels que Huirong, disciple du Maître du Dharma Fayun, et Fasui, Huikuang et Huiheng ; plus de cent hommes, certains exerçant la fonction d’administrateur ou celle de superviseur des moines. Ils firent assaut de médisances contre Zhiyi, les sourcils levés et le regard furieux. Parfois, ils frappaient dans leurs mains, en signe d’impatience.
Assis dans une position humble, bien au-dessous des autres, le Maître du Dharma Zhiyi garda le visage serein et parla sans hésitation. Plein de calme et de dignité, il nota toutes les attaques et déclarations des autres moines et parvint à les réfuter. Puis il entreprit d’affronter ainsi ses adversaires : « Selon les enseignements du Maître du Dharma Fayun, le Sūtra de la Guirlande de fleurs se classe en premier, le Sūtra du Nirvana en deuxième et le Sūtra du Lotus en troisième. Dans quel sūtra en trouve-t-on la preuve ? Veuillez citer un passage qui puisse tenir lieu de preuve de manière claire et indiscutable ! » Ainsi sommés, les autres moines baissèrent tous la tête et pâlirent, incapables de prononcer un mot.
Il continua à les presser en disant : « Dans le Sūtra aux sens infinis, le Bouddha dit : “Puis j’ai enseigné les douze catégories des sūtras Vaipulya31, l’enseignement de la grande sagesse, et le Sūtra de la Guirlande de fleurs où il est question de la méditation du reflet sur l’océan32”. Ainsi, le Bouddha lui-même mentionne le nom du Sūtra de la Guirlande de fleurs pour nier sa valeur en disant que, dans les sūtras enseignés avant le Sūtra aux sens infinis, “il n’a pas encore révélé la vérité [tout entière]”. Si, dans le Sūtra aux sens infinis, qui est inférieur au Sūtra du Lotus, le Sūtra de la Guirlande de fleurs est attaqué de cette façon, alors sur quoi peut-on se fonder pour affirmer que le sūtra en question constitue l’enseignement le plus élevé dispensé par le Bouddha de son vivant ? Messieurs, si vous souhaitez montrer votre loyauté envers votre maître, alors veuillez produire un passage d’écrit qui réfutera et annulera cette citation du Sūtra aux sens infinis et étaiera les doctrines de votre maître !
« Et sur quel passage d’écrit vous appuyez-vous pour affirmer que le Sūtra du Nirvana est supérieur au Sūtra du Lotus ? Dans le quatorzième volume du Sūtra du Nirvana, il est question du mérite relatif de ce sūtra par rapport aux sūtras de la période de la Guirlande de fleurs, des périodes Agama et Vaipulya et de la période de la Sagesse, mais il n’est nulle part comparé avec le Sūtra du Lotus.
« En revanche, dans un passage antérieur contenu dans le neuvième volume de ce même sūtra, les mérites relatifs du Sūtra du Nirvana et du Sūtra du Lotus sont très clairement énoncés. Il est dit dans ce passage : “Quand ce Sūtra [du Nirvana] fut enseigné (...) la prédiction avait déjà été faite dans le Sūtra du Lotus que, telle une grande moisson, les huit mille auditeurs atteindraient la bouddhéité33. Ainsi, [lorsque le Sūtra du Nirvana fut exposé], la moisson de l’automne était achevée, la récolte avait été emmagasinée pour l’hiver et il ne restait plus [que quelques graines à ramasser].”
« Ce passage indique clairement que les autres sūtras étaient l’œuvre du printemps et de l’été alors que le Sūtra du Nirvana et le Sūtra du Lotus représentent la maturation ou la fructification. Mais si le Sūtra du Lotus était semblable à une grande fructification, à la grande moisson de l’automne emmagasinée pour l’hiver, le Sūtra du Nirvana était [par contre] comme les dernières graines que l’on glane à la fin de l’automne et au début de l’hiver.
« Dans ce passage, le Sūtra du Nirvana se reconnaît donc comme inférieur au Sūtra du Lotus. De plus, il est question dans le Sūtra du Lotus des sūtras “que j’ai prêchés, que je 705prêche ou que je prêcherai à l’avenir”. Le Bouddha indique ainsi que le Sūtra du Lotus n’est pas seulement supérieur aux sūtras enseignés avant lui ou en même temps que lui, mais aussi à ceux qu’il enseignera ensuite.
« Puisque le bouddha Shakyamuni, seigneur des enseignements, a apporté ces clarifications, comment pourrait-on douter ? En outre, préoccupé par ce qui adviendrait après sa disparition, il décida de convoquer le bouddha Maints-Trésors, depuis la terre appelée Pureté-du-Trésor, à l’est, pour attester la véracité de ses paroles. Le bouddha Maints-Trésors surgit alors de la terre et témoigna ainsi la véracité du Sūtra du Lotus : “Le Sūtra du Lotus de la Loi merveilleuse (...) tout ce que tu viens d’exposer est la pure vérité34 !” De plus, les bouddhas des dix directions, émanations de Shakyamuni, se réunirent tous et tirèrent leur longue et large langue jusqu’à ce que leur extrémité touchât le ciel de Brahma, comme le fit Shakyamuni, pour témoigner de la véracité de ses enseignements.
« Ensuite, le bouddha Maints-Trésors retourna dans sa terre appelée Pureté-du-Trésor et les divers bouddhas, émanations de Shakyamuni, regagnèrent leurs terres respectives dans les dix directions. Puis, alors que le bouddha Maints-Trésors et les émanations [de Shakyamuni] n’étaient plus là, le bouddha Shakyamuni enseigna le Sūtra du Nirvana. S’il avait alors prétendu le Sūtra du Nirvana supérieur au Sūtra du Lotus, ses disciples auraient-ils pu le croire ? »
Voilà en quels termes Zhiyi, le Grand Maître Tiantai Zhizhe, réprimanda ses interlocuteurs. Il fut comme la brillante lumière du soleil et de la lune frappant les yeux des asura35, ou comme le sabre de l’empereur des Han36, pointé sur la gorge de ses vassaux, et ses adversaires fermèrent les yeux et baissèrent la tête. Par son apparence et sa conduite, le Grand Maître Tiantai fut comparable au roi lion qui rugit devant des renards et des lapins, ou à un épervier ou à un aigle qui s’abat sur des pigeons ou des faisans.
Ainsi, non seulement la supériorité du Sūtra du Lotus sur le Sūtra de la Guirlande de fleurs et le Sūtra du Nirvana fut reconnue dans toute la Chine mais aussi dans les cinq régions de l’Inde. Là, les traités indiens du Hinayana et du Mahayana se révélèrent inférieurs à la doctrine du Grand Maître Zhizhe, et les gens firent alors l’éloge de ce dernier, en se demandant si le bouddha Shakyamuni, seigneur des enseignements, n’était pas apparu une nouvelle fois, ou si les enseignements du Bouddha n’allaient pas connaître un renouveau.
Puis, le temps passant, le Grand Maître Tiantai disparut, et les dynasties des Chen et des Sui s’achevèrent pour laisser place à la dynastie des Tang. Le Grand Maître Zhangan disparut à son tour et rares sont ceux qui continuèrent à étudier la Loi du Bouddha telle qu’elle avait été enseignée par Tiantai.
Par la suite, sous le règne de l’empereur Taizong, apparut un moine appelé le Maître des Trois Corbeilles Xuanzang. Il se rendit en Inde lors de la troisième année de l’ère Chengguan [629] et revint lors de la dix-neuvième année de la même ère. Durant son voyage, il se livra à une étude complète de la Loi bouddhique en Inde et, à son retour, introduisit en Chine son école qui porta [plus tard] le nom de Faxiang.
Cette école est à l’école Tiantai ce que le feu est à l’eau. Xuanzang rapporta avec lui des œuvres telles que le Sūtra des profonds secrets, le Traité sur les étapes de la pratique du yoga et le Traité sur la doctrine du rien-que-conscience, toutes inconnues de Tiantai, et prétendit que le Sūtra du Lotus était certes supérieur aux autres sūtras mais qu’il était inférieur au Sūtra des profonds secrets. Comme il s’agissait d’un texte que Tiantai n’avait jamais vu, ses disciples en ces temps ultérieurs, dont la sagesse et le degré de compréhension étaient superficiels, furent enclins à accepter cette allégation.
706Par ailleurs, [la Chine était à l’époque gouvernée par] un souverain vertueux, l’empereur Taizong, qui accorda une foi exceptionnelle aux enseignements de Xuanzang. De ce fait, même si certains étaient tentés d’élever des protestations, comme trop souvent en pareille situation, ils se laissèrent impressionner par l’autorité du trône et gardèrent le silence. Aussi regrettable que cela soit, c’est ainsi que le Sūtra du Lotus fut écarté. Xuanzang enseigna que la doctrine des trois véhicules [auditeurs, pratyekabuddha ou bouddhas-pour-soi, et bodhisattva] représente la vérité et que la doctrine du Véhicule Unique énoncée dans le Sūtra du Lotus est un moyen opportun, et il exposa la théorie des cinq natures distinctes intrinsèques entre lesquelles se répartissent tous les êtres.
Bien que ces nouveaux enseignements soient venus de l’Inde, ce fut comme si les enseignements non bouddhiques de l’Inde avaient envahi la terre de Chine. Il fut admis que le Sūtra du Lotus n’était qu’un enseignement opportun, et le Sūtra des profonds secrets, la concrétisation de la vérité. Ainsi, le témoignage de Shakyamuni, de Maints-Trésors et des bouddhas des dix directions fut totalement ignoré et, à la place, Xuanzang et son disciple Cien furent considérés comme des bouddhas vivants.
Plus tard, sous le règne de l’impératrice Wu, apparut un moine appelé le Maître du Dharma Fazang qui, violemment hostile aux attaques que le Grand Maître Tiantai avait lancées contre le Sūtra de la Guirlande de fleurs, fonda une nouvelle école appelée l’école Huayan. Il s’appuya pour cela sur une nouvelle traduction tout juste achevée du Sūtra de la Guirlande de fleurs37, et s’en servit pour compléter la traduction plus ancienne qui avait été la cible des attaques de Tiantai. Cette école proclamait que le Sūtra de la Guirlande de fleurs représentait « les racines », c’est-à-dire l’enseignement fondamental du Bouddha, alors que le Sūtra du Lotus représentait « les branches », c’est-à-dire les enseignements dérivés.
En résumé, les maîtres de la Chine du Nord et de celle du Sud placèrent le Sūtra de la Guirlande de fleurs en premier, le Sūtra du Nirvana en deuxième, et le Sūtra du Lotus en troisième. Le Grand Maître Tiantai plaça le Sūtra du Lotus en premier, le Sūtra du Nirvana en deuxième, et le Sūtra de la Guirlande de fleurs en troisième. Et l’école Huayan nouvellement fondée plaça le Sūtra de la Guirlande de fleurs en premier, le Sūtra du Lotus en deuxième et le Sūtra du Nirvana en troisième.
Plus tard, sous le règne de l’empereur Xuanzong, le Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei fit le voyage de l’Inde en Chine, apportant avec lui le Sūtra de Mahavairochana et le Susiddhikara-sūtra. Apparut également le Maître des Trois Corbeilles Jingangzhi, avec le Sūtra de la couronne de diamants. De plus, Jingangzhi eut un disciple appelé le Maître des Trois Corbeilles Bukong.
Ces trois hommes étaient tous des Indiens qui non seulement venaient de familles très distinguées mais possédaient aussi des caractéristiques bien différentes de celles des moines de Chine. Les doctrines qu’ils enseignèrent semblèrent d’autant plus impressionnantes qu’elles comportaient des mudra et des mantras, fait sans précédent en Chine depuis l’introduction de la Loi bouddhique pendant la dynastie des Han postérieurs. L’empereur inclina la tête en les accueillant, et les gens ordinaires joignirent leurs mains en signe de révérence.
Ces hommes enseignèrent que, quels que soient les mérites relatifs du Sūtra de la Guirlande de fleurs, du Sūtra des profonds secrets, des sūtras de la Sagesse, du Sūtra du Nirvana et du Sūtra du Lotus, c’étaient tous des enseignements exotériques provenant, dans leur diversité, de l’Ainsi-Venu Shakyamuni. En revanche, le Sūtra de Mahavairochana, qu’ils venaient d’introduire, représentait [selon eux] les déclarations royales du Roi du Dharma Mahavairochana. Les autres sūtras, quant à eux, 707correspondaient aux nombreux propos de gens ordinaires ; ce nouveau sūtra était l’unique déclaration du fils du Ciel. Des œuvres telles que le Sūtra de la Guirlande de fleurs et le Sūtra du Nirvana ne pouvaient donc en aucun cas prétendre s’élever à la hauteur du Sūtra de Mahavairochana, même en s’aidant d’une échelle. Seul le Sūtra du Lotus présentait quelque ressemblance avec le Sūtra de Mahavairochana.
Néanmoins, le Sūtra du Lotus avait été enseigné par l’Ainsi-Venu Shakyamuni et ne représentait donc qu’une vérité exposée par un roturier, alors que le Sūtra de Mahavairochana représentait la vérité exposée par le fils du Ciel. En fait, si les mots se ressemblaient, les personnes qui les avaient prononcées étaient aussi différentes que les nuages dans le ciel et la boue sur la terre. Elles étaient aussi différentes que le reflet de la lune dans l’eau boueuse et ce même reflet dans l’eau claire. Il s’agit dans les deux cas du reflet de la lune, mais la nature de l’eau qui le saisit est bien différente.
Voilà ce que déclarèrent ces hommes, et nul ne songea à examiner attentivement ni à clarifier la véritable nature [de leurs propos]. Les autres écoles bouddhiques choisirent plutôt de s’incliner et se subordonnèrent à cette nouvelle école qui portait le nom de Zhenyan.
Après la disparition de Shanwuwei et Jingangzhi, le Maître des Trois Corbeilles Bukong effectua un voyage en Inde et rapporta en Chine un traité intitulé Traité sur l’esprit aspirant à l’illumination, et l’école Zhenyan vit croître encore son influence.
Mais, au sein de l’école Tiantai, apparut alors un moine appelé le Grand Maître Miaole. En raison de son extrême sagesse et de sa compréhension claire des enseignements de Tiantai, et bien qu’il ait vécu plus de deux cents ans après ce dernier, Miaole perçut que ses commentaires indiquaient la supériorité du Sūtra du Lotus. Tiantai y soulignait d’une part la supériorité du Sūtra du Lotus sur le Sūtra des profonds secrets et sur l’école Faxiang, introduits l’un et l’autre en Chine après l’époque de Tiantai, et, d’autre part, la supériorité du Sūtra du Lotus sur l’école Huayan et l’école Zhenyan, avec son Sūtra de Mahavairochana, deux écoles nées en Chine.
Jusqu’alors, soit parce que les disciples de Tiantai n’avaient pas eu assez de sagesse pour discerner ce qui n’allait pas, soit parce qu’ils avaient redouté les autres ou craint le pouvoir du souverain, aucun d’entre eux n’avait élevé la voix. À l’évidence, le sens correct des enseignements de Tiantai était sur le point d’être perdu et les doctrines erronées qui s’étaient répandues surpassaient celles qui avaient prévalu au sein de la Chine du Nord et de celle du Sud, dans la période antérieure aux dynasties des Chen et des Sui. C’est pourquoi Miaole écrivit des commentaires en trente volumes sur les œuvres de Tiantai, connus sous les titres suivants : Annotations sur La Grande Concentration et Pénétration, Annotations sur le Sens profond du Sūtra du Lotus, et Annotations sur le Commentaire textuel du Sūtra du Lotus. Non seulement ces trente volumes de commentaires servirent en fait à éliminer les passages répétitifs dans les œuvres de Tiantai et à élucider des points qui n’étaient pas clairs, mais ils réfutèrent d’un coup les écoles Faxiang, Huayan et Zhenyan, qui avaient échappé aux critiques de Tiantai parce qu’elles n’existaient pas en Chine de son vivant.
Si l’on en vient maintenant au Japon, nous découvrons que des écrits bouddhiques et une statue du bouddha Shakyamuni furent apportés du royaume coréen de Baekje jusqu’au Japon, au temps du trentième souverain, l’empereur Kimmei, le treizième jour du dixième mois de la treizième année de son règne [552], sous le signe cyclique de mizunoe-saru. Et, sous le règne de l’empereur Yōmei, le prince Shōtoku entreprit d’étudier les enseignements bouddhiques. Il envoya en Chine un dignitaire de la Cour, nommé Wake 708no Imoko, pour qu’il en rapporte une copie du Sūtra du Lotus en un volume qui lui avait appartenu dans une vie antérieure38 et il exprima sa détermination à honorer et à protéger ce Sūtra.
Par la suite, sous le règne du trente-septième souverain, l’empereur Kōtoku [645-654], les écoles Sanron, Kegon, Hossō, Kusha et Jōjitsu furent introduites au Japon et, au temps du quarante-cinquième souverain, l’empereur Shōmu [724-748], l’école Ritsu fut [à son tour] introduite, ce qui fit au total six écoles. Mais, à l’époque de l’empereur Kōtoku et jusqu’au règne du cinquantième souverain, l’empereur Kammu [782-806], soit pendant une période de plus de cent vingt ans correspondant à quatorze règnes, ni l’école Tendai, ni l’école Shingon furent introduites.
Sous le règne de l’empereur Kammu vivait un jeune moine nommé Saichō, disciple du supérieur des moines Gyōhyō, du Yamashina-dera. Il se livra à une étude complète de l’école Hossō et des cinq autres écoles que je viens de mentionner, mais il sentit qu’il n’était pas encore parvenu à une véritable compréhension de la Loi bouddhique. Puis il découvrit un commentaire écrit par le Maître du Dharma Fazang, de l’école Huayan, le Traité sur l’éveil de la foi dans le Mahayana, qui comportait des citations des œuvres du Grand Maître Tiantai.
Ces œuvres de Tiantai semblaient particulièrement dignes d’attention, mais Saichō ignorait si elles avaient été ou non introduites au Japon. Lorsqu’il demanda où les trouver, on lui parla d’un moine appelé le révérend Jianzhen [connu au Japon sous le nom de Ganjin] du temple de Longxing, dans le Yangzhou, en Chine, qui avait étudié les enseignements de Tiantai et avait été disciple du Maître de la Discipline Daoxian. Vers la fin de l’ère Tienbao [742-756], Jianzhen s’était rendu au Japon, où il avait entrepris de transmettre les règles de discipline monastique du Hinayana. Il avait apporté avec lui les œuvres de Tiantai mais n’avait pas tenté de les propager. On raconta à Saichō que tout cela s’était produit à l’époque du quarante-cinquième souverain, l’empereur Shōmu.
Quand Saichō demanda à voir ces écrits, on alla les chercher pour les lui présenter. Dès la première lecture, il eut le sentiment de s’éveiller [et d’échapper à] toutes les illusions des naissances et des morts. Et, lorsqu’il entreprit d’examiner, à la lumière de ces écrits, les doctrines fondamentales des six écoles bouddhiques antérieures, il devint évident pour lui que chacune d’elles était dans l’erreur.
Il fit aussitôt le vœu de remédier à la situation en disant : « Les habitants du Japon faisant des dons à ceux qui s’opposent à l’enseignement correct, le pays tombera à coup sûr dans le chaos. » Il exprima aussitôt ses critiques à l’encontre des six écoles mais, alors, les grands érudits des six écoles et des sept temples majeurs de Nara se dressèrent, furieux, et s’assemblèrent dans la capitale jusqu’à mettre tout le pays en ébullition.
Ces hommes des six écoles et des sept temples majeurs éprouvaient la plus grande hostilité envers Saichō. Mais les circonstances voulurent que le dix-neuvième jour du premier mois de la vingt et unième année de l’ère Enryaku [802], l’empereur Kammu se rendit en visite au temple Takao-dera et il demanda à quatorze moines éminents — Zengi, Shōyū, Hōki, Chōnin, Kengyoku, Ampuku, Gonzō, Shuen, Jikō, Gen’yō, Saikō, Dōshō, Kōshō et Kambin — de venir dans ce temple débattre avec Saichō.
Ces divers représentants des écoles Kegon, Sanron, Hossō et des autres [écoles de Nara] exposèrent les enseignements des fondateurs de leurs écoles respectives, tels qu’ils les avaient appris. Mais l’honorable Saichō nota tous les points énoncés par ces adeptes des six écoles et les réfuta à la lumière du Sūtra du Lotus, des œuvres de Tiantai ou des autres sūtras et traités. Ses adversaires furent incapables de répondre 709un seul mot, comme si leur bouche était devenue un nez, privée de l’usage de la parole.
Stupéfait, l’empereur posa des questions détaillées à Saichō sur divers points. Par la suite, il promulgua un édit critiquant les quatorze hommes qui s’étaient opposés à Saichō.
Ces derniers soumirent en retour un mémoire où ils reconnaissaient leur défaite et faisaient part de leurs excuses. Ils y disaient : « Nous, disciples des sept temples majeurs et des six écoles (...) avons pour la première fois compris la vérité ultime. »
Ils disaient aussi : « Dans les deux cents années écoulées depuis la propagation des enseignements bouddhiques en ce pays par le prince Shōtoku, un grand nombre de sūtras et de traités ont été enseignés, et leurs principes largement débattus, mais, jusqu’à présent, il restait encore bien des doutes à éclaircir. De plus, la noble et parfaite doctrine du Sūtra du Lotus n’avait encore été ni correctement expliquée, ni propagée. »
Ils disaient encore : « Aujourd’hui enfin, la querelle si ancienne qui se poursuivait entre les écoles Sanron et Hossō a été résolue, comme si la glace avait totalement fondu. La vérité est devenue d’une clarté limpide, comme si nuages et brume s’étaient dispersés pour révéler la lumière du soleil, de la lune et des étoiles. »
Évaluant les enseignements de ses quatorze adversaires, le révérend Saichō écrivit : « Chacun de vous a exposé le seul écrit [de sa propre école]. Même si vous faites résonner les tambours de la Loi dans les profondes vallées, orateurs et auditeurs continuent à s’égarer sur les voies des trois véhicules. Même si vous faites flotter les bannières de la doctrine sur des sommets élevés et que maîtres expérimentés et disciples se libèrent de leurs attachements au monde des trois plans, vous persistez encore à suivre de vieilles traces de roues sur la route de l’illumination à laquelle on ne parvient qu’au terme d’innombrables kalpa, et vous confondez les trois sortes de chariots avec le grand chariot au bœuf blanc qui est à l’extérieur du portail39. Comment vous serait-il alors possible d’atteindre la première [des dix étapes] de la sécurité40 et d’obtenir l’illumination parfaite en ce monde qui est pareil à une maison en feu ? »
Les deux dignitaires de la Cour [Wake no] Hiroyo et Matsuna41 [deux frères présents au débat] émirent le commentaire suivant : « Grâce à Nanyue, on a pu connaître la Loi merveilleuse du pic de l’Aigle et, grâce à Tiantai, a été révélée l’illumination merveilleuse du mont Dasu42. Mais il est regrettable que le Véhicule Unique du Sūtra du Lotus soit entravé par des enseignements provisoires, et l’on regrette que l’unification des trois vérités43 n’ait pas encore été réalisée. »
Les quatorze moines firent ce commentaire : « Zengi et les autres membres de notre groupe ont connu de grands bienfaits, du fait de liens karmiques, et ils ont eu le privilège d’entendre ces mots extraordinaires. Sans un profond lien karmique, comment aurions-nous pu naître en cet âge sacré ? »
Ces quatorze moines avaient par le passé transmis les enseignements des divers maîtres chinois et japonais, fondateurs de leurs écoles respectives, notamment ceux de Fazang et Shinjō, de l’école Kegon, ceux de Jiaxiang et Kanroku, de l’école Sanron, ceux de Cien et Dōshō, de l’école Hossō, ou ceux de Daoxuan et Ganjin, de l’école Ritsu. Ainsi, bien que les récipients contenant l’eau de la doctrine aient changé, génération après génération, l’eau demeurait la même.
Mais, au moment dont il est ici question, ces quatorze moines abandonnèrent les doctrines erronées qu’ils avaient jusqu’alors soutenues, et adoptèrent les enseignements du Sūtra du Lotus exposés par Saichō, le Grand Maître Dengyō. Comment quiconque pourrait-il alors affirmer, en ces temps ultérieurs, que le Sūtra de la Guirlande de fleurs, les sūtras de la Sagesse ou le Sūtra des profonds secrets surpassent le Sūtra du Lotus ?
710Ces quatorze moines avaient bien sûr étudié les doctrines des trois écoles du Hinayana [Jōjitsu, Kusha et Ritsu]. Mais, puisque les trois écoles du Mahayana [Kegon, Sanron et Hossō] avaient essuyé une défaite sur le plan doctrinal, il ne paraît pas vraiment nécessaire de mentionner ici les écoles du Hinayana. Cependant, certains de nos contemporains ignorent ce fait et croient que l’une ou l’autre de ces six écoles n’a pas subi de défaite doctrinale. Ils sont comme des aveugles qui ne voient ni le soleil ni la lune, ou comme des sourds qui n’entendent pas le son du tonnerre, et qui en concluent donc qu’il n’y a ni soleil ni lune, ou que les cieux sont silencieux.
En ce qui concerne l’école Shingon sous le règne du quarante-quatrième souverain, l’impératrice Genshō, le Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei apporta le Sūtra de Mahavairochana au Japon, mais retourna en Chine sans l’avoir propagé44. De plus, Gembō et d’autres rapportèrent de Chine le Commentaire sur le sens du Sūtra de Mahavairochana en quatorze volumes, et le Maître des préceptes du Tōdai-ji, Tokusei, fit de même.
Ces œuvres furent étudiées par le Grand Maître Dengyō, mais il avait des doutes sur ce qu’elles disaient quant à la valeur relative du Sūtra de Mahavairochana et du Sūtra du Lotus. C’est pourquoi, lors du septième mois de la vingt-troisième année de l’ère Enryaku [804], il se rendit en Chine, où il rencontra le révérend Daosui, du temple de Ximing, et Xingman, du temple de Folong, et reçut les enseignements sur la grande concentration et pénétration45 et sur les grands préceptes de l’illumination parfaite et subite. Il rencontra aussi le révérend Shunxiao, du temple de Lingan, et fut formé aux enseignements du Zhenyan [Shingon au Japon]. Il revint au Japon lors du sixième mois de la vingt-quatrième année d’Enryaku. Il fut reçu en audience par l’empereur Kammu, et l’empereur promulgua aussitôt un édit ordonnant aux disciples des six écoles de se former aux enseignements de la grande concentration et pénétration et à ceux du Shingon et de les conserver dans les sept temples majeurs de Nara.
En Chine, diverses théories furent émises concernant la supériorité relative de ces deux enseignements, celui de la concentration et pénétration [de Tiantai] et celui de l’école Zhenyan. De plus, il est déclaré dans le Commentaire sur le sens du Sūtra de Mahavairochana que, bien que sur le plan des principes ces deux enseignements soient de valeur égale, sur le plan de la pratique, le Zhenyan est supérieur.
Cependant, le Grand Maître Dengyō réalisa que le Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei avait commis là une erreur et il comprit l’infériorité du Sūtra de Mahavairochana par rapport au Sūtra du Lotus. C’est pourquoi il n’établit pas une huitième école fondée sur les enseignements de l’école Zhenyan mais les incorpora au contraire dans les enseignements de la septième école, l’école du Lotus, après leur avoir retiré le titre d’« école Zhenyan ». Il déclara que le Sūtra de Mahavairochana devait être considéré comme un sūtra complémentaire de l’école du Lotus Tendai et le classa avec le Sūtra de la Guirlande de fleurs, le Sūtra de la grande perfection de sagesse dans sa version longue et le Sūtra du Nirvana. Mais une vive polémique s’éleva alors sur la question de savoir si l’instauration au Japon d’une estrade d’ordination de l’illumination parfaite et subite était d’une importance vitale ou non. Peut-être en raison des troubles que cette polémique fit apparaître, le Grand Maître Dengyō ne semble pas avoir donné à ses disciples d’instructions claires concernant la supériorité relative des enseignements du Shingon et du Tendai.
Néanmoins, dans une œuvre intitulée Clarification des écoles fondées sur la doctrine de Tiantai, il affirme que l’école Zhenyan a volé les doctrines correctes de l’école du Lotus Tendai pour les incorporer dans son 711interprétation du Sūtra de Mahavairochana, déclarant les deux écoles égales sur le plan des principes. C’est ainsi que l’école Zhenyan abdiqua de fait devant l’école Tendai.
Cela fut encore plus évident lorsque, après la disparition de Shanwuwei et Jingangzhi, le Maître des Trois Corbeilles Bukong se rendit en Inde où il rencontra le bodhisattva Nagabodhi. Nagabodhi l’informa qu’il n’y avait ni traités ni commentaires en Inde clarifiant l’intention du Bouddha, mais qu’il existait en Chine un commentaire d’un dénommé Tiantai qui permettait de faire la distinction entre les enseignements corrects et incorrects et de comprendre la différence entre les doctrines partielles et complètes. Sa voix, lorsqu’il parla ainsi, était pleine d’admiration, et il le supplia à maintes reprises de rapporter en Inde une copie de cette œuvre.
Cette histoire fut rapportée au Grand Maître Miaole par le disciple de Bukong, Hanguang, et se trouve relatée à la fin du dixième volume des Annotations sur le Commentaire textuel du Sūtra du Lotus. Elle est également reprise dans la Clarification des écoles fondées sur la doctrine de Tiantai, de Dengyō. Au regard de tous ces éléments, il est tout à fait évident que le Grand Maître Dengyō croyait le Sūtra de Mahavairochana inférieur au Sūtra du Lotus.
Il apparaît donc que l’Ainsi-Venu Shakyamuni, ainsi que les Grands Maîtres Tiantai, Miaole et Dengyō furent unanimes pour considérer le Sūtra du Lotus comme le plus grand de tous les sūtras, y compris le Sūtra de Mahavairochana. Le bodhisattva Nagarjuna, considéré comme le fondateur de l’école Shingon46, partageait lui aussi cette opinion. C’est là une évidence si l’on examine attentivement son Traité de la grande perfection de sagesse. Malheureusement, le Traité sur l’esprit aspirant à l’illumination, apporté de l’Inde par Bukong, est entaché de nombreuses erreurs et a conduit à l’égarement général, provoquant ainsi la confusion actuelle.
Venons-en à présent au disciple du supérieur des moines Gonzō, [du temple] d’Iwabuchi, dénommé Kūkai, et connu plus tard sous le nom de Grand Maître Kōbō. Le douzième jour du cinquième mois de la vingt-troisième année d’Enryaku, il partit pour la Chine des Tang. À son arrivée, il rencontra le révérend Huiguo, dont le maître appartenait à la troisième génération de la lignée de l’école Zhenyan, commencée par les Maîtres des Trois Corbeilles Shanwuwei et Jingangzhi. Il reçut de Huiguo la transmission des deux mandalas de l’école Zhenyan47. Il revint au Japon le vingt-deuxième jour du dixième mois de la deuxième année de Daidō [807].
On était alors sous le règne de l’empereur Heizei, l’empereur Kammu étant depuis peu décédé. Kōbō fut reçu en audience par l’empereur Heizei qui lui accorda une grande confiance et adopta ses enseignements, en les considérant comme supérieurs à tous les autres. Peu après, l’empereur Heizei céda le trône à l’empereur Saga dont Kōbō obtint également les faveurs. Le Grand Maître Dengyō mourut le quatrième jour du sixième mois de la treizième année de Kōnin [822], sous le règne de l’empereur Saga. À partir de la quatorzième année de la même ère, Kōbō tint lieu de maître au souverain. Il établit l’école Shingon, reçut la charge du Tō-ji, et fut désigné comme le moine le plus important du Shingon. Tels furent les débuts du Shingon, la huitième école bouddhique du Japon.
Kōbō présenta en ces termes les mérites relatifs des enseignements exposés par le Bouddha de son vivant : « En premier vient le Sūtra de Mahavairochana, de l’école Shingon, en deuxième, le Sūtra de la Guirlande de fleurs, et en troisième le Sūtra du Lotus et le Sūtra du Nirvana.
« Par rapport aux sūtras des périodes Agama, Vaipulya et de la Sagesse, le Sūtra du Lotus est un sūtra véridique, mais, du point de vue du Sūtra de la Guirlande de fleurs et du Sūtra de Mahavairochana, ce n’est qu’une 712simple théorie puérile. Bien qu’il soit un bouddha, Shakyamuni, seigneur des enseignements, comparé avec l’Ainsi-Venu Mahavairochana, demeurait encore dans la région des ténèbres. Mahavairochana occupe une position aussi élevée qu’un empereur ; Shakyamuni, en revanche, occupe une position aussi basse qu’un barbare en captivité. Le Grand Maître Tiantai est un voleur. Il a volé le ghee du Shingon en prétendant que le Sūtra du Lotus était le ghee. »
Voilà le genre de propos écrits par Kōbō. De ce fait, même si les gens avaient pu croire auparavant que le Sūtra du Lotus était le plus important de tous les sūtras, ils ne le considérèrent plus comme digne d’intérêt après avoir entendu le Grand Maître Kōbō.
Passons sur les doctrines non bouddhiques de l’Inde. Cependant, ces déclarations de Kōbō sont certainement pires que celles des moines des écoles de la Chine du Nord et de celle du Sud qui affirmèrent que, comparé avec le Sūtra du Nirvana, le Sūtra du Lotus était une œuvre aux vues erronées. Elles vont encore plus loin que celles des membres de l’école Huayan selon lesquelles, comparé avec le Sūtra de la Guirlande de fleurs, le Sūtra du Lotus représente « les enseignements dérivés ». On se rappelle [l’histoire de] Brahmane-à-la-Grande-Arrogance, en Inde, qui se fit élever une haute estrade reposant sur quatre pieds représentant les divinités Maheshvara, Narayana, et Vishnu, ainsi que le bouddha Shakyamuni, seigneur des enseignements, sur laquelle il se hissa pour y enseigner ses doctrines fallacieuses.
Si seulement le Grand Maître Dengyō avait été encore en vie, il se serait certainement exprimé à ce sujet. Mais pourquoi ses disciples Gishin, Enchō, Jikaku et Chishō n’ont-ils pas mis en question ces positions ? Ce fut là un bien grand malheur en ce monde !
Le Grand Maître Jikaku se rendit dans la Chine des Tang lors de la cinquième année de Jōwa [838] et y passa dix années à étudier les doctrines des écoles Tiantai et Zhenyan. Quant aux mérites relatifs du Sūtra du Lotus et du Sūtra de Mahavairochana, il les étudia sous la direction de Faquan, Yuanzheng et d’autres, au total huit maîtres Zhenyan48. Ils lui enseignèrent que, si le Sūtra du Lotus et le Sūtra de Mahavairochana étaient égaux sur le plan des principes, le second était supérieur sur le plan de la pratique. Il étudia aussi sous la direction de Zhiyuan, Guangxiu et Weijuan49, de l’école Tiantai, et apprit que le Sūtra de Mahavairochana appartenait à la catégorie des sūtras Vaipulya [qui sont inférieurs au Sūtra du Lotus].
Le dixième jour du neuvième mois de la treizième année de Jōwa, il revint au Japon et, le quatorzième jour du sixième mois de la première année de Kashō [848], un édit impérial fut promulgué [l’autorisant à conduire les cérémonies d’initiation au Shingon]. Peut-être en raison de sa difficulté à déterminer les mérites relatifs du Sūtra du Lotus et du Sūtra de Mahavairochana lors de sa période d’étude en Chine, il entreprit d’écrire un commentaire en sept volumes du Sūtra de la couronne de diamants et un commentaire en sept volumes du Susiddhikara-sūtra, soit au total quatorze volumes. Pour l’essentiel, il est dit dans ces commentaires que les doctrines énoncées dans le Sūtra de Mahavairochana, dans le Sūtra de la couronne de diamants et dans le Susiddhikara-sūtra et celles qui sont exposées dans le Sūtra du Lotus révèlent en définitive le même principe mais que, du fait que les trois sūtras du Shingon s’accompagnent de l’usage rituel des mudra et des mantras, ils doivent être considérés comme supérieurs au Sūtra du Lotus.
Cela s’accorde parfaitement avec les conceptions énoncées par Shanwuwei, Jingangzhi et Bukong dans leurs commentaires sur le Sūtra de Mahavairochana. Mais Jikaku avait peut-être encore des doutes ou alors, après avoir dissipé ses propres doutes, il souhaitait aider les autres à clarifier les 713leurs. En tout cas, il disposa ses quatorze volumes de commentaires devant l’objet de vénération du temple où il résidait et formula cette prière : « Bien que j’aie écrit ces œuvres, il est très difficile de déterminer l’intention du Bouddha. La supériorité revient-elle au Sūtra de Mahavairochana et aux deux sūtras qui lui sont associés ? Ou le rang le plus élevé est-il occupé par le Sūtra du Lotus et par les deux sūtras qui lui sont associés50 ? »
Alors que le cinquième jour, tôt le matin, à l’heure de la cinquième veille51, il priait avec ferveur, un signe lui apparut soudain en rêve. Dans ce rêve, alors que le soleil était haut dans le ciel bleu, il saisissait une flèche et le prenait pour cible. La flèche s’envolait dans le ciel et transperçait le soleil. Le soleil se mettait à tomber en tourbillonnant et, au moment où il allait atteindre la terre, Jikaku se réveilla.
Ravi, il annonça : « J’ai fait un rêve de très bon augure. Ces écrits, où je déclarais les sūtras du Shingon supérieurs au Sūtra du Lotus, s’accordent avec l’intention du Bouddha ! » Il exigea alors qu’un édit impérial fut promulgué en ce sens, et propagea son enseignement dans tout le Japon.
Mais l’édit promulgué en réponse à sa requête disait en fait : « Il a été finalement admis que les doctrines de la concentration et de la pénétration de l’école Tendai et les doctrines de l’école Shingon sont sur le plan des principes en parfait accord. » Jikaku avait prié pour obtenir la confirmation que le Sūtra du Lotus était inférieur au Sūtra de Mahavairochana, mais l’édit stipulait en fait que le Sūtra du Lotus et le Sūtra de Mahavairochana étaient égaux !
Durant sa jeunesse au Japon, le Grand Maître Chishō fut un disciple du révérend Gishin, du Grand Maître Enchō, du surintendant [Kōjō] et de Jikaku. Il fut ainsi formé aussi bien aux doctrines ésotériques qu’aux doctrines exotériques, telles qu’elles étaient enseignées à l’époque au Japon. Mais, probablement en raison de doutes qu’il avait quant à la supériorité relative des écoles Tendai et Shingon, il se rendit en Chine. Lors de la deuxième année de Ninju52, il parvint dans la Chine des Tang où il étudia sous la direction de Faquan et Yuanzheng, moines de l’école Zhenyan. Leurs enseignements s’accordaient dans l’ensemble avec la conception de Jikaku, selon laquelle le Sūtra de Mahavairochana et le Sūtra du Lotus étaient égaux sur le plan des principes, mais que le premier était supérieur sur le plan de la pratique.
Chishō étudia aussi sous la direction du révérend Liangxu, de l’école Tiantai, qui lui enseigna que si l’on s’interroge sur les mérites relatifs de l’école Zhenyan et de l’école Tiantai, [il apparaît que] le Sūtra de Mahavairochana de l’école Zhenyan ne peut être comparé au Sūtra de la Guirlande de fleurs ni au Sūtra du Lotus.
Après avoir passé sept ans en Chine, Chishō revint au Japon le dix-septième jour du cinquième mois de la première année de Jōgan [859]53.
Dans ses Principes essentiels du Sūtra de Mahavairochana, Chishō déclare : « Le Sūtra du Lotus lui-même ne peut être comparé [au Sūtra de Mahavairochana], et c’est donc encore moins le cas pour les autres doctrines. » Dans cette œuvre, il déclare donc le Sūtra du Lotus inférieur au Sūtra de Mahavairochana. Par ailleurs, dans un autre ouvrage, le Recueil des enseignements oraux, il dit que par rapport au Sūtra de la Guirlande de fleurs, au Sūtra du Lotus et au Sūtra du Nirvana, les doctrines de l’école Zhenyan, de l’école Chan et des autres écoles peuvent tout au plus tenir lieu d’introduction. Il reprend cette conception dans son Commentaire du Sūtra du bodhisattva Sagesse-Universelle et dans son Commentaire du Traité sur le Sūtra du Lotus.
Le vingt-neuvième jour, sous le signe cyclique de mizunoe-saru, lors du quatrième mois de la huitième année de Jōgan [866], dans l’année hinoe-inu, fut promulgué un édit impérial qui déclarait : « Nous avons appris que les deux écoles, Shingon et 714Tendai, et leurs enseignements, méritent également d’être qualifiés de ghee et d’être décrits comme profonds et mystérieux. »
De plus, le troisième jour du sixième mois, un édit proclama : « Depuis que le Grand Maître du passé [Dengyō] a établi les deux disciplines54 comme la voie correcte de l’école Tendai, les patriarches successifs de cette école, génération après génération, ont toujours suivi cette pratique et transmis ces deux sortes de doctrines. Pourquoi alors leurs successeurs devraient-ils s’écarter ensuite de cette ancienne tradition bien établie ?
« Nous apprenons pourtant que les moines du mont Hiei ne cessent de s’opposer aux enseignements de leur patriarche pour suivre au contraire les préjugés et les inclinations de leur propre cœur. Ils semblent se consacrer presque exclusivement à la promulgation des doctrines des autres écoles et ne tentent en rien de restaurer les anciennes règles de conduite de l’école Tendai.
« Sur la voie héritée du maître, on ne peut négliger ni la concentration et pénétration, ni les enseignements du Shingon. Si l’on désire transmettre et propager la doctrine, ne doit-on pas maîtriser ces deux formes d’enseignements ? Désormais, l’école Tendai [qui a pour temple principal] l’Enryaku-ji, ne pourra être confiée qu’à une personne parfaitement familière avec ces deux formes d’enseignements, et cet usage doit perdurer dans les temps à venir. »
Ces deux hommes, Jikaku et Chishō, furent, comme nous l’avons vu, des disciples de Dengyō et Gishin. Par ailleurs, ils se rendirent en Chine où ils rencontrèrent des maîtres éminents des écoles Tiantai et Zhenyan. Ils semblent pourtant n’avoir jamais réussi à trancher la question des mérites relatifs de ces deux écoles. Parfois, ils déclarèrent l’école Zhenyan supérieure, d’autres fois l’école Tiantai, en d’autres occasions encore, ils affirmèrent que toutes deux étaient égales sur le plan des principes, mais que l’école Zhenyan était supérieure sur le plan de la pratique. Dans le même temps, un édit avertit que quiconque tenterait de débattre des mérites relatifs de ces deux écoles serait jugé coupable d’enfreindre le décret impérial.
Ces déclarations de Jikaku et de Chishō étaient clairement contradictoires, et les disciples des autres écoles ne parurent pas leur accorder le moindre crédit. Néanmoins, nous l’avons vu, un édit impérial stipula l’égalité des deux écoles, en prétendant qu’il s’agissait là de la doctrine du patriarche du Tendai, le Grand Maître Dengyō. Mais dans quelle œuvre du Grand Maître Dengyō trouve-t-on pareille conception ? Voilà un point qui mérite d’être examiné avec la plus grande attention.
Lorsque Jikaku, Chishō et moi, Nichiren, scrutons la pensée du Grand Maître Dengyō, nous sommes semblables à des enfants qui se querelleraient avec leurs parents en se prétendant plus âgés qu’eux ou à quelqu’un qui déclarerait devant le dieu du soleil que ses yeux brillent avec plus d’éclat. Mais ceux qui soutiennent les vues de Jikaku et Chishō doivent étayer leurs positions avec une preuve textuelle claire. C’est seulement ainsi qu’ils peuvent espérer les rendre fiables.
Le Maître des Trois Corbeilles Xuanzang était allé en Inde où il eut sous les yeux une copie du Grand commentaire sur l’Abhidharma, mais cela ne l’empêcha pas d’être critiqué par le Maître du Dharma Fadao qui, lui, n’avait jamais été en Inde. Le Maître des Trois Corbeilles Dharmaraksha vit en Inde une copie du Sūtra du Lotus, mais cela n’empêcha pas un homme de Chine55 de déclarer que le chapitre “Transmission” n’était pas à la bonne place dans la traduction qu’il en avait réalisée, alors que l’homme en question n’avait jamais vu le texte original.
De la même façon, bien que Jikaku ait étudié sous la direction du Grand Maître Dengyō et ait été formé par lui, et bien que 715Chishō ait reçu la transmission orale du révérend Gishin, si l’un et l’autre s’opposent aux enseignements exposés dans les écrits authentiques de Dengyō et de Gishin, comment pourraient-ils ne pas éveiller la suspicion ?
Le plus secret des écrits du Grand Maître Dengyō s’intitule Clarification des écoles fondées sur la doctrine de Tiantai. Dans la préface de cette œuvre, il écrit : « La doctrine bouddhique de l’école Zhenyan, récemment introduite au Japon56, cache délibérément la manière dont sa transmission a été falsifiée [par Yixing, qui avait été lui-même trompé par Shanwuwei]57. Quant à l’école Huayan, introduite plus tôt, elle tente de dissimuler qu’elle a été influencée par les doctrines de Tiantai58. L’école Sanlun, si attachée au concept de vacuité, a oublié l’humiliation de Jiaxiang59, et a dissimulé qu’il fut finalement converti aux enseignements de Tiantai par Zhangan. L’école Faxiang, qui affirme que tous les phénomènes ont une existence réelle60, nie que son maître Zhizhou a été converti aux enseignements de l’école Tiantai et que Liangbi a utilisé ces enseignements dans son interprétation du Sūtra des rois bienveillants61. (...) Maintenant, avec toute la circonspection qui convient, j’ai écrit Clarification des écoles fondées sur la doctrine de Tiantai en un volume pour l’offrir aux sages des époques futures qui partageront ma conviction. J’écris cela sous le règne du cinquante-deuxième souverain du Japon, dans la septième année de l’ère Kōnin [816], année hinoe-saru62. »
Plus loin, dans le même ouvrage, on lit : « Il y eut un moine éminent en Inde qui avait appris que c’étaient les enseignements du moine Tiantai, de la Chine des Tang, qui permettaient le mieux de faire la distinction entre les doctrines correctes et incorrectes. Il exprima son désir de se familiariser avec eux. »
Le texte se poursuit ainsi : « Cela ne signifie-t-il pas que la Loi du Bouddha s’est perdue en Inde, pays de ses origines, et doit maintenant être recherchée dans les quatre directions ? Mais, même en Chine, rares sont ceux qui reconnaissent la grandeur des enseignements de Tiantai. La plupart des gens sont comme le peuple de Lu63. »
Comme le montrent ces citations, cette œuvre critique les écoles Faxiang, Sanlun, Huayan et Zhenyan. En fait, si le Grand Maître Dengyō croyait les écoles Tiantai et Zhenyan de valeur égale, pourquoi alors critiqua-t-il cette dernière ? De plus, il compare le Maître des Trois Corbeilles Bukong et d’autres aux ignorants du pays de Lu. S’il approuvait réellement les enseignements de l’école Zhenyan formulés par Shanwuwei, Jingangzhi et Bukong, pourquoi dirait-il alors du mal de ces hommes en les comparant au peuple de Lu ? Et si les enseignements tantriques en Inde étaient identiques ou supérieurs aux enseignements de l’école Tiantai, alors pourquoi un moine éminent de l’Inde aurait-il interrogé Bukong au sujet de ceux-ci et pourquoi aurait-il déclaré que l’enseignement correct avait été perdu en Inde ?
En tout cas, ces deux hommes, Jikaku et Chishō, se prétendirent ouvertement disciples du Grand Maître Dengyō, mais ils ne l’étaient pas dans leur cœur. C’est pourquoi Dengyō écrivit dans la préface de son œuvre : « Maintenant, avec toute la circonspection qui convient, j’ai écrit Clarification des écoles fondées sur la doctrine de Tiantai en un volume pour l’offrir aux sages des époques futures qui partageront ma conviction. » Les mots « qui partageront ma conviction » signifient en fait « qui partageront ma conviction que l’école Shingon est inférieure à l’école Tendai ».
Dans l’édit cité plus haut, établi à la demande de Chishō, il est dit qu’ils « ne cessent de s’opposer aux enseignements de leur prédécesseur [Dengyō] pour suivre au contraire les préjugés et inclinations de leur propre cœur. » Il est dit aussi : « Sur la voie héritée du maître, on ne peut négliger ni la concentration et pénétration, ni 716les enseignements du Shingon. » Mais, si nous nous en tenons aux termes de cet édit, il faudrait alors dire que ce sont Jikaku et Chishō qui se sont opposés à leur maître Dengyō. Peut-être est-il impertinent de ma part de lancer une telle accusation mais, si je m’abstiens on ne comprendra jamais les mérites relatifs du Sūtra de Mahavairochana et du Sūtra du Lotus, comme c’est déjà le cas à l’heure actuelle. C’est pourquoi je porte une telle accusation au risque de ma vie.
[Étant eux-mêmes dans l’erreur] il est tout à fait naturel que ces deux hommes, Jikaku et Chishō, n’aient pas osé accuser le Grand Maître Kōbō d’erreur doctrinale. Au lieu de gaspiller tant de ressources et de faire travailler les autres en voulant à tout prix se rendre en Chine, ils auraient dû se livrer à une étude sérieuse et approfondie des doctrines du Grand Maître Dengyō, qui était leur propre maître !
La doctrine correcte ne fut enseignée au mont Hiei qu’au temps des trois premiers maîtres de l’école Tendai, le Grand Maître Dengyō, le révérend Gishin et le Grand Maître Enchō. Par la suite, les principaux moines de l’école Tendai devinrent des maîtres du Shingon. On continua à dire que cet endroit était un mont du Tendai, mais le mont Hiei fut en réalité dirigé par un maître du Shingon.
Comme nous l’avons vu, les Grands Maîtres Jikaku et Chishō contredisent le passage du Sūtra du Lotus concernant tous les sūtras que le Bouddha « a prêchés, prêche ou prêchera64 ». Pour être ainsi entrés en contradiction avec ce passage du Sūtra, ne doivent-ils pas être considérés comme les pires ennemis de Shakyamuni, de Maints-Trésors et des bouddhas des dix directions ? On aurait pu penser que le Grand Maître Kōbō avait été le pire ennemi de la Loi, mais Jikaku et Chishō enseignèrent des erreurs qui dépassent de loin celles de Kōbō.
Quand une erreur est aussi éloignée de la vérité que l’eau l’est du feu ou que la terre l’est du ciel, les gens refusent d’y croire et il n’y a donc aucun risque que ce genre d’erreurs soit accepté. Ainsi, par exemple, les doctrines du Grand Maître Kōbō étaient si entachées d’erreurs de ce genre que même ses propres disciples refusaient de les accepter. En ce qui concerne les pratiques et les cérémonies de l’école, ils adoptèrent ses instructions mais ne purent se résoudre à accepter ses doctrines concernant les mérites relatifs des sūtras. C’est pourquoi ils leur substituèrent les doctrines de Shanwuwei, Jingangzhi, Bukong, Jikaku et Chishō. C’est dans les doctrines de Jikaku et Chishō qu’il est stipulé que les écoles Shingon et Tendai sont identiques sur le plan des principes, et tous ont accepté cette déclaration.
Conscients de la situation et dans l’espoir qu’on leur demande d’accomplir des cérémonies d’ouverture des yeux pour la consécration d’images bouddhiques peintes ou en bois, même les disciples de l’école Tendai adoptent les mudra et les mantras dans lesquels, dit-on, excelle l’école Shingon. Ainsi, dans les faits, tout le Japon adhère à l’école Shingon, et il ne reste plus un seul croyant au sein de l’école Tendai.
Un moine et une nonne65, un objet noir et un objet bleu foncé sont si faciles à confondre qu’une personne à la vue faible pourrait les prendre l’un pour l’autre. Mais jamais une personne à la vue faible, et encore moins une personne ayant de bons yeux, ne confondrait un moine et un laïc, ou un objet blanc et un objet rouge. Il est actuellement aussi facile de prendre les doctrines de Jikaku et de Chishō pour la vérité que de confondre un moine et une nonne, ou un objet noir et un objet bleu foncé. C’est pourquoi même les sages s’égarent et les ignorants tombent dans l’erreur. De ce fait, durant les quelque quatre cents dernières années, sur le mont Hiei, à l’Onjō-ji et au Tō-ji, à Nara, dans les cinq provinces entourant la capitale, dans les sept régions rurales66 et, finalement, dans tout le Japon, tous les gens sont devenus des calomniateurs de la Loi.
717Dans le cinquième volume du Sūtra du Lotus, le Bouddha déclare : « Manjusri, le Sūtra du Lotus est la resserre secrète des bouddhas, des Ainsi-Venus. Parmi les sūtras, il occupe la plus haute place67. »
Selon ce passage, le Sūtra du Lotus représente l’enseignement correct qui s’avère le plus élevé ; il est au-dessus du Sūtra de Mahavairochana et des nombreux autres sūtras. On se demande alors : comment Shanwuwei, Jingangzhi, Bukong, Kōbō, Jikaku et Chishō ont-ils pu interpréter ce passage du Sūtra pour le concilier avec leurs propres croyances ?
De plus, il est dit dans le septième volume du Sūtra du Lotus : « Une personne capable d’accepter et de garder ce Sūtra est la plus respectable de tous les êtres vivants68. » Selon ce passage du Sūtra, le pratiquant du Sūtra du Lotus est comme le grand océan par rapport aux fleuves et aux cours d’eau, comme le mont Sumeru parmi un grand nombre de sommets, comme le dieu de la lune parmi la multitude des étoiles, comme le grand dieu du soleil parmi les autres lumières brillantes, comme les rois-qui-font-tourner-la-roue, le seigneur Shakra et le grand roi Brahma parmi toute la diversité des rois célestes.
Dans son œuvre intitulée Principes remarquables du Sūtra du Lotus, le Grand Maître Dengyō écrit : « Ce Sūtra est aussi le plus important de tous les sūtras enseignés (...). Une personne qui peut accepter et garder ce Sūtra est également le plus important de tous les êtres vivants. »
Après avoir cité ce passage du Sūtra du Lotus, Dengyō signale un extrait d’une œuvre de Tiantai intitulée Sens profond du Sūtra du Lotus, qui interprète le même passage, en lui donnant la signification suivante : « Il faut comprendre que les sūtras sur lesquels les autres écoles fondent leurs enseignements ne sont pas les sūtras les plus importants et que les personnes qui gardent ces sūtras ne sont pas celles qui importent le plus dans la multitude. Mais le Sūtra du Lotus, gardé par l’école du Lotus Tendai, est le plus important de tous les sūtras et, de ce fait, ceux qui gardent le Sūtra du Lotus sont les plus importants de tous les êtres vivants. Il s’agit là d’une réalité attestée par les paroles du Bouddha lui-même. Comment pourrait-on simplement parler d’éloge de soi ? »
Plus loin, dans cette même œuvre, Dengyō dit : « Des explications détaillées concernant la façon dont les diverses écoles fondent leurs enseignements sur la doctrine de Tiantai sont fournies dans un autre ouvrage. » Dans cet autre ouvrage, la Clarification des écoles fondées sur la doctrine de Tiantai, il est dit : « Or, le fondateur de notre école, le Grand Maître Tiantai, a enseigné le Sūtra du Lotus et, par son interprétation, il se situe très au-dessus de la multitude ; personne dans toute la Chine ne l’a dépassé. Il est clair qu’il s’agissait d’un messager de l’Ainsi-Venu. Ceux qui le louent recevront des bienfaits qui s’élèveront aussi haut que le mont Calme-et-Brillant, tandis que ceux qui s’opposent à lui commettront une faute qui les condamnera à l’Enfer aux souffrances incessantes. »
Si nous en jugeons d’après le Sūtra du Lotus et ses interprétations par Tiantai, Miaole et Dengyō, alors, dans le Japon d’aujourd’hui, il n’y a pas un seul pratiquant du Sūtra du Lotus !
En Inde, quand le bouddha Shakyamuni, seigneur des enseignements, enseigna le Sūtra du Lotus, comme cela est décrit dans le chapitre “L’apparition de la Tour aux trésors”, il rassembla tous les bouddhas et les fit s’asseoir sur le sol. Seul l’Ainsi-Venu Mahavairochana69 s’assit à l’intérieur de la Tour aux trésors sur le siège inférieur, au sud70, alors que le bouddha Shakyamuni s’assit sur le siège supérieur, au nord.
Cet Ainsi-Venu Mahavairochana est le maître du Mahavairochana du Plan de la matrice, décrit dans le Sūtra de Mahavairochana, et du Mahavairochana du Plan du diamant, décrit dans le Sūtra de la 718couronne de diamants. Ce Mahavairochana, ou bouddha Maints-Trésors, ayant pour vassaux les Ainsi-Venus Mahavairochana des deux Plans précédemment mentionnés, est lui-même inférieur au bouddha Shakyamuni, seigneur des enseignements, qui s’assied sur le siège au-dessus de lui. Ce bouddha Shakyamuni est un véritable pratiquant du Sūtra du Lotus. Telle était la situation en Inde.
En Chine, à l’époque de l’empereur Chen [Shubao], le Grand Maître Tiantai remporta le débat qui l’opposait aux maîtres des écoles de la Chine du Nord et de celle du Sud, et fut honoré de son vivant du titre de Grand Maître. Comme Dengyō le disait à son sujet : « Par son interprétation, il se situe très au-dessus de la multitude ; personne ne l’a dépassé en Chine. »
Au Japon, le Grand Maître Dengyō vainquit en débat les maîtres des six écoles et devint le premier et le plus important grand maître du pays, le Grand Maître Kompon.
En Inde, en Chine et au Japon, seules ces trois personnes — Shakyamuni, Tiantai et Dengyō — étaient ce que le Sūtra du Lotus appelle « les plus importants parmi tous les êtres vivants ».
Ainsi, il est dit dans Principes remarquables du Sūtra du Lotus : « Shakyamuni a enseigné qu’il est facile de croire dans ce qui est superficiel mais difficile de croire dans ce qui est profond. Écarter le superficiel pour rechercher le profond révèle l’esprit d’une personne courageuse. Le Grand Maître Tiantai s’est fié à Shakyamuni et lui a obéi en œuvrant à répandre l’école du Lotus et en propageant ses enseignements dans toute la Chine. Nous, au mont Hiei, avons hérité de la doctrine de Tiantai et nous nous employons à garder l’école du Lotus et à propager ses enseignements dans tout le Japon. »
Dans les quelque mille huit cents années écoulées depuis la disparition du Bouddha, il n’y a eu qu’un pratiquant du Sūtra du Lotus en Chine et un au Japon. Si l’on y ajoute le bouddha Shakyamuni lui-même, cela fait au total trois personnes.
Les classiques de la littérature non bouddhique chinoise affirment qu’un sage n’apparaîtra qu’une fois tous les mille ans et une personne de valeur une fois tous les cinq cents ans. Les rivières Jing et Wei71 se jettent dans le fleuve Jaune, mais leurs flots ne s’y mélangent pas. On dit cependant que, tous les cinq cents ans, l’eau de l’une de ces rivières devient claire et que, tous les mille ans, l’eau des deux rivières devient également limpide. [De la même façon, sages et personnes vertueuses apparaissent à intervalles fixes.]
Au Japon, comme nous l’avons vu, c’est seulement au mont Hiei, au temps du Grand Maître Dengyō, qu’il y eut un pratiquant du Sūtra du Lotus. Dengyō eut pour successeurs Gishin et Enchō, respectivement premier et deuxième grands patriarches de l’école. Mais seul le premier grand patriarche, Gishin, suivit les méthodes du Grand Maître Dengyō. Le deuxième grand patriarche, Enchō, était à la fois un disciple de Dengyō et un disciple de Kōbō.
Le troisième grand patriarche, le Grand Maître Jikaku, se comporta au début comme un disciple du Grand Maître Dengyō. Cependant, après s’être rendu en Chine à l’âge de quarante ans, tout en continuant à se réclamer disciple de Dengyō et en suivant les procédures pour prolonger la lignée de ce dernier, il propagea un enseignement bouddhique totalement indigne d’un véritable disciple de Dengyō. Il ne se comporta en véritable disciple qu’au sujet des préceptes de l’illumination parfaite et subite établis par Dengyō. Il était comme une chauve-souris, car une chauve-souris ressemble à un oiseau sans être pour autant un oiseau, et à une souris sans être pour autant une souris. [On peut dire encore qu’] il était comme un hibou ou une bête hakei72. Il mangea son père, le Sūtra du Lotus, et dévora sa mère, ceux qui adoptent le Sūtra du 719Lotus. Son rêve de transpercer le soleil était probablement un présage lié à ces crimes. Et c’est sans doute à cause de ces actes qu’il n’eut droit à aucune sépulture.
L’Onjō-ji, branche de Chishō de l’école Tendai, ne cessa de lutter contre l’Enryaku-ji du mont Hiei, branche de Jikaku de la même école73. Toutes deux s’opposèrent comme autant d’asura et de mauvais dragons. D’abord, l’Onjō-ji fut brûlé, puis ce fut au tour des bâtiments du mont Hiei. Ainsi, la représentation du bodhisattva Maitreya, qui avait été l’objet de vénération particulier du Grand Maître Chishō, fut brûlée, comme le furent l’objet de vénération du Grand Maître Jikaku et le grand hall de prédication du mont Hiei. Les moines des deux temples durent avoir l’impression de tomber dans l’Enfer aux souffrances incessantes alors qu’ils étaient encore en ce monde. Seul le bâtiment principal du mont Hiei resta debout.
De même, la lignée du Grand Maître Kōbō a cessé d’être ce qu’elle aurait dû être. Kōbō avait laissé des instructions écrites selon lesquelles seule une personne qui avait reçu les préceptes de l’estrade d’ordination [établie par Ganjin] au Tōdai-ji pourrait être autorisée à devenir le supérieur du Tō-ji. Cependant, l’empereur retiré Kampyō74 fonda un temple [à Kyōto] appelé Ninna-ji où il fit venir bon nombre de moines du Tō-ji. Il émit aussi un décret indiquant clairement que nul ne devrait être autorisé à résider au Ninna-ji, à moins d’avoir reçu les préceptes de l’illumination parfaite et subite sur l’estrade d’ordination du mont Hiei. Les moines du Tō-ji ne sont donc ni des disciples de Ganjin, ni des disciples de Kōbō. Sur le plan des préceptes, ce sont des disciples de Dengyō. Cependant, ils ne se comportent pas comme ses véritables disciples. Ils s’opposent au Sūtra du Lotus, que Dengyō considérait comme le plus élevé.
Kōbō mourut le vingt et unième jour du troisième mois de la deuxième année de l’ère Jōwa [835], et la Cour impériale envoya un représentant offrir des prières à ses funérailles. Plus tard, cependant, ses disciples se rassemblèrent et, empêtrés dans leurs supercheries, annoncèrent qu’il [n’était certainement pas mort mais] qu’il était entré dans un état de profonde méditation, et certains prétendirent même que, ses cheveux ayant poussé, ils avaient été amenés à lui raser le crâne. D’autres affirmèrent que, alors qu’il était en Chine, il avait lancé un sceptre de diamant en forme de trident, qui avait traversé tout l’océan pour parvenir jusqu’au Japon75 ; qu’en réponse à ses prières le soleil était apparu au milieu de la nuit ; qu’il s’était transformé en Ainsi-Venu Mahavairochana ; ou qu’il avait enseigné au Grand Maître Dengyō les dix-huit voies76 des enseignements ésotériques. Ainsi, en énumérant les vertus et pouvoirs supposés de leur maître, ils espéraient le faire paraître sage, donnant ainsi du crédit à ses fausses doctrines et égarant le souverain et ses ministres.
De plus, sur le mont Kōya, s’élèvent deux temples principaux, le temple d’origine77 et le Dembō-in. Le temple d’origine, qui comprend la grande pagode, fut fondé par Kōbō et est dédié à l’Ainsi-Venu Mahavairochana [du Plan de la matrice]. Le temple appelé Dembō-in fut fondé par Shōgaku-bō et est dédié à Mahavairochana du Plan du diamant. Ces deux temples se combattent jour et nuit, de la même façon que l’Onjō-ji, au pied du mont Hiei, et l’Enryaku-ji, au sommet du mont Hiei. L’apparition de ces deux calamités au Japon est-elle due à l’accumulation de supercheries ?
Vous pouvez empiler du crottin et l’appeler bois de santal mais, quand vous le brûlerez, il ne s’en dégagera que l’odeur du crottin. Vous pouvez accumuler beaucoup de grands mensonges et les qualifier d’enseignements du Bouddha, mais ils ne seront jamais que la porte de la grande citadelle de l’Enfer aux souffrances incessantes.
720Le stupa élevé par Nirgrantha Jnatiputra procura de grands bienfaits aux êtres vivants pendant des années mais, quand le bodhisattva Ashvaghosha s’inclina devant lui, il s’effondra subitement78. Le brahmane Éloquence-du-Démon enseigna derrière un rideau et, pendant un certain nombre d’années, réussit à tromper les autres, mais le bodhisattva Ashvaghosha le réprimanda et dévoila ses mensonges79. Le maître non bouddhiste Uluka se changea en pierre et resta sous cette forme pendant huit cents ans mais, quand le bodhisattva Dignaga le réprimanda, il se transforma en eau. Durant plusieurs centaines d’années, les maîtres du Dao trompèrent les gens en Chine mais, quand ils furent réprimandés par les moines bouddhistes [Kashyapa] Matanga et Zhu Falan, ils brûlèrent leurs propres écrits qui prétendaient enseigner la voie des immortels.
À l’instar de Zhao Gao s’emparant du contrôle du pays et de Wang Mang80 usurpant la position d’empereur, les maîtres de l’école Shingon ôtèrent au Sūtra du Lotus le rang qu’il méritait et déclarèrent que le domaine qui était le sien appartenait au contraire au Sūtra de Mahavairochana. Si le roi du Dharma a été ainsi dépossédé de son royaume, comment le monarque régnant sur le peuple peut-il espérer demeurer en paix sans subir de dommages ?
Le Japon d’aujourd’hui est rempli de disciples de Jikaku, Chishō et Kōbō — il n’est pas une seule personne qui ne soit un ennemi de la Loi.
Si nous prenons le temps d’examiner la situation, elle ressemble beaucoup à celle qui prévalait à l’époque de la Fin de la Loi du bouddha Grand-Ornement ou à l’époque de la Fin de la Loi du bouddha Roi-Tout-en-Éclat81. À l’époque de la Fin de la Loi du bouddha Roi-Son-Majestueux, bien que les gens se fussent repentis de leurs actes mauvais, ils durent encore souffrir durant mille kalpa dans l’enfer Avīci82. Quelle est donc la situation aujourd’hui ? Les maîtres du Shingon, les disciples de l’école Zen et les moines du Nembutsu ne montrent pas le moindre signe de conversion. Peut-on douter que, comme il est dit dans le Sūtra du Lotus, « ce cycle se répétera durant un nombre incalculable de kalpa83 » ?
Le Japon étant un pays où l’enseignement correct est calomnié, le ciel l’a abandonné. Le ciel l’ayant abandonné, les diverses divinités bienveillantes qui, dans le passé, avaient gardé et protégé le pays, ont brûlé leurs sanctuaires et sont retournées dans la capitale de la lumière paisible.
Il n’y a désormais plus que moi, Nichiren, qui demeure pour annoncer ces choses et lancer un avertissement [pour faire prendre conscience à tous] de la situation. Mais, lorsque j’agis ainsi, les autorités du pays me traitent en ennemi. Les gens par centaines me maudissent et me calomnient, m’attaquent à coups de canne et de bâton, de sabre et de couteau. L’une après l’autre, les portes se ferment devant moi et je suis chassé de tous les foyers. Lorsque les autorités constatent qu’un tel traitement ne m’arrête pas, elles interviennent. Par deux fois elles m’ont envoyé en exil et une fois, le douzième jour du neuvième mois de la huitième année de Bun’ei [1271], elles furent bien près de me faire décapiter.
Il est dit dans le Sūtra de l’excellent roi : « Comme ce sont les personnes mauvaises qui sont respectées et privilégiées alors que les personnes de bien sont sujettes à des sanctions, des pilleurs viendront d’autres régions et les habitants du pays seront confrontés à la mort et au désordre. »
Il est dit dans le Sūtra de la Grande Collection : « Il se peut qu’il y ait divers rois de la classe des Kshatriya qui agissent de façon contraire à la Loi, causant ainsi de l’inquiétude aux disciples auditeurs de l’Honoré du monde. Ils les maudissent et les insultent, ou les battent et les blessent à coups de canne et de bâton, ou leur confisquent leurs habits de moines, leurs bols d’aumônes et d’autres choses dont ils ont besoin. Ces 721rois Kshatriya peuvent aussi saisir et persécuter ceux qui font des offrandes à ces disciples. Si certains se comportent de cette façon, nous le verrons au fait que, dans les pays étrangers, leurs ennemis se dresseront soudain délibérément pour marcher contre eux, et nous [les divinités bouddhiques] provoquerons des soulèvements dans leurs pays. Nous apporterons les épidémies et la famine, des vents et des pluies hors saison, ainsi que des querelles, des conflits et des calomnies. Nous veillerons enfin à ce que le règne de ces souverains ne dure pas longtemps, et à ce que leurs pays courent à leur perte. »
Comme ces passages de sūtra l’indiquent, si moi, Nichiren, je n’étais pas ici, au Japon, on pourrait supposer que le Bouddha a proféré de grands mensonges en émettant de telles prédictions et qu’il n’a pu manquer de tomber dans l’enfer Avīci.
Le douzième jour du neuvième mois de la huitième année de Bun’ei, je me suis dressé en présence de Hei no Saemon et de plusieurs centaines d’autres personnes et j’ai déclaré : « Nichiren est le pilier du Japon ! Exécuter Nichiren, c’est renverser le pilier du Japon ! »
Les passages d’écrits cités plus haut indiquent que si les souverains, prenant en compte les calomnies des mauvais moines ou les propos haineux des autres, devaient infliger des sanctions aux personnes sages, la guerre éclaterait aussitôt, de grands vents souffleraient et des envahisseurs viendraient de pays étrangers. Lors du deuxième mois de la neuvième année de Bun’ei [1272], des luttes ont bel et bien éclaté entre deux factions du clan Hōjō84 ; lors du quatrième mois de la onzième année de Bun’ei, il y eut des vents violents85 ; et, lors du dixième mois de la même année, les forces mongoles attaquèrent le Japon. Tout cela n’est-il pas dû au traitement que l’on m’a infligé à moi, Nichiren ? C’est précisément ce que je prédis depuis des années. Qui pourrait avoir encore des doutes à ce sujet ?
Les erreurs de Kōbō, Jikaku et Chishō se répandent depuis de longues et nombreuses années dans le pays et, en plus, sont apparues les conceptions confuses propagées par les écoles Zen et Nembutsu. C’est comme si des raz-de-marée et même des tremblements de terre s’ajoutaient aux vents hostiles. C’est ainsi que le pays a été conduit au bord de la destruction.
Dans le passé, le moine séculier et grand ministre du pays86 usurpa le pouvoir et, après les troubles de l’ère Jōkyū, la Cour impériale cessa de gouverner et le siège de l’autorité se déplaça à l’est, à Kamakura. Mais il ne s’agissait guère que de troubles internes ; le pays n’avait pas encore été confronté à une invasion étrangère.
De plus, bien qu’à cette époque-là certains aient calomnié la Loi, quelques-uns tentèrent de préserver la doctrine correcte de l’école Tendai. Par ailleurs, aucun sage n’était alors apparu pour s’efforcer de corriger les opinions fausses. C’est pourquoi la situation demeura relativement calme.
Si un lion dort et que vous ne le réveillez pas, il ne rugira pas. Si le courant est rapide mais que vous ne ramez pas contre lui, il n’y aura pas de vagues. Si vous n’accusez pas le voleur devant lui, il gardera son calme ; si vous n’alimentez pas le feu, il ne flambera pas. De même, bien que certains s’opposent à la Loi, si l’on ne s’évertue pas à dévoiler leurs erreurs, alors les autorités poursuivront leurs actions habituelles et le pays ne connaîtra pas de désordres.
Ainsi, quand les enseignements bouddhiques furent pour la première fois introduits au Japon, il ne se produisit rien d’extraordinaire. Mais, par la suite, quand [Minonobe no] Moriya se mit à brûler des statues du Bouddha, à faire arrêter des moines, et à mettre le feu aux temples bouddhiques, alors le feu se déversa du ciel, la variole se répandit dans le pays et il y eut des affrontements armés à maintes reprises.
Mais la situation est maintenant bien pire. Aujourd’hui, ceux qui calomnient la 722Loi emplissent tout le pays et moi, Nichiren, je les attaque, fort de ma détermination à défendre ce qui est correct et juste. Notre combat est tout aussi féroce que celui qui oppose les asura au dieu Shakra, ou le Bouddha au roi-démon.
Il est dit dans le Sūtra de la lumière dorée : « Il y aura des moments où des ennemis parmi les pays voisins commenceront à se dire : “Nous devons faire appel à nos quatre sortes de troupes87 et détruire ce pays [où vivent ceux qui s’opposent à la Loi].” »
Il est dit dans le même sūtra : « Il y aura des moments où les souverains des pays voisins, observant la situation et mobilisant leurs quatre sortes de troupes, s’apprêteront à se rendre dans le pays [où vivent ceux qui s’opposent à la Loi], déterminés à le soumettre. À ce moment-là, nous [les puissantes divinités] instruirons les innombrables yaksha et les autres divinités qui nous suivent pour qu’ils se déguisent et protègent ces souverains, et amènent ainsi sans difficulté leurs ennemis à se rendre. »
On trouve des propos identiques dans le Sūtra de l’excellent roi comme dans le Sūtra de la Grande Collection et le Sūtra des rois bienveillants. Selon les déclarations de ces divers sūtras, si le souverain d’un pays persécute ceux qui pratiquent l’enseignement correct et se range aux côtés de ceux qui pratiquent des enseignements erronés, alors les rois célestes Brahma et Shakra, les dieux du soleil et de la lune, et les quatre rois célestes entreront dans le corps des dirigeants vertueux des pays voisins et attaqueront son pays. Ainsi, le roi Krita fut attaqué par le roi Himatala, et le roi Mihirakula fut renversé par le roi Baladitya. Les rois Krita et Mihirakula étaient des souverains de l’Inde qui tentaient d’éradiquer la Loi bouddhique. En Chine aussi, tous les souverains qui tentèrent de détruire la Loi bouddhique furent attaqués par des dirigeants vertueux.
De nos jours, la situation au Japon est bien pire. Car ici les autorités semblent soutenir les enseignements bouddhiques mais ils aident les moines qui détruisent la Loi et persécutent le pratiquant de l’enseignement correct. De ce fait, les ignorants ne saisissent pas ce qui se passe, et les érudits, dont la sagesse est limitée, ont bien du mal à appréhender la situation. J’ai l’impression que même les divinités du ciel de rang inférieur n’y comprennent rien. C’est pourquoi, dans le Japon d’aujourd’hui, la confusion et la dépravation sont plus grandes encore qu’elles ne l’étaient en Inde ou en Chine dans le passé.
Dans le Sūtra du déclin de la Loi, le Bouddha parle ainsi : « Après mon entrée dans le nirvana, dans les temps troublés où prédomineront les cinq transgressions capitales, s’épanouira la voie du démon. Le démon apparaîtra sous la forme de moines bouddhistes et s’efforcera de semer la confusion et de détruire mes enseignements. (...) Ceux qui font le mal deviendront aussi nombreux que les grains de sable de l’océan et ceux qui font le bien seront extrêmement rares ; peut-être n’y aura-t-il pas plus d’une ou deux personnes. »
Et il est dit dans le Sūtra du Nirvana : « Ceux qui peuvent avoir foi dans des œuvres telles que le Sūtra du Nirvana seront aussi rares que les grains de poussière pouvant tenir sur un ongle. (...) Mais ceux qui ne peuvent pas avoir foi dans ce sūtra seront aussi nombreux que les grains de poussière dans l’ensemble des mondes des dix directions. »
Ces passages des écrits correspondent tout à fait au moment que nous vivons et sont profondément gravés dans mon esprit. De nos jours, au Japon, on entend des gens déclarer partout : « Je crois dans le Sūtra du Lotus », et « moi aussi, je crois dans le Sūtra du Lotus ». Si nous les prenions au mot, nous devrions en conclure que pas une seule personne ne s’oppose à la Loi. Mais le passage de sūtra que je viens de citer indique que, à l’époque de la Fin de la Loi, ceux qui s’opposent à la Loi occuperont toutes les terres des dix directions, alors que ceux qui 723gardent l’enseignement correct n’occuperont pas plus d’espace qu’on ne peut placer de poussière sur un ongle. Il y a donc autant de différence entre ce que dit le sūtra et ce que disent les gens d’aujourd’hui qu’entre le feu et l’eau. Au Japon, nos contemporains disent que Nichiren est le seul à s’opposer à la Loi. Mais il est dit dans le sūtra qu’il y aura plus d’ennemis de la Loi que la Terre ne peut en porter.
On lit dans le Sūtra du déclin de la Loi qu’il n’y aura qu’une ou deux personnes de bien et, dans le Sūtra du Nirvana, que les croyants seront en aussi petite quantité que les grains de poussière qu’on peut mettre sur la surface d’un ongle. Si nous acceptons les propos des sūtras, alors Nichiren est la seule personne de bien, et il est comme la toute petite quantité de grains de poussière qu’on peut mettre sur la surface d’un ongle. J’espère donc que les gens sérieusement préoccupés par ce problème prendront soin de se demander s’ils préfèrent accepter ce qui est dit dans les sūtras ou ce que tout le monde dit.
On pourrait objecter que, dans le passage du Sūtra du Nirvana [que je viens de citer], ce sont les pratiquants du Sūtra du Nirvana qui sont décrits comme aussi peu nombreux que les grains de poussière que l’on peut placer sur un ongle, alors que moi je parle du Sūtra du Lotus.
J’aimerais leur répondre ceci : On lit dans le Sūtra du Nirvana lui-même : « [Quand ce sūtra fut enseigné (...) la prédiction avait déjà été faite] dans le Sūtra du Lotus [que les quatre-vingt mille auditeurs atteindraient la bouddhéité]. » Le Grand Maître Miaole dit : « Le Sūtra du Nirvana lui-même désigne le Sūtra du Lotus comme [l’enseignement] essentiel88. » Le Sūtra du Nirvana qualifie donc le Sūtra du Lotus d’[enseignement] essentiel. Quand les disciples de l’école du Nirvana déclarent que le Sūtra du Nirvana est supérieur au Sūtra du Lotus, c’est donc la même chose que de qualifier un serviteur de seigneur ou un domestique de maître.
Lire le Sūtra du Nirvana revient à lire le Sūtra du Lotus. Le Sūtra du Nirvana est en effet comme une personne vertueuse qui se réjouit d’en voir une autre tenir son souverain en estime, même si elle-même est traitée avec mépris. Ainsi, le Sūtra du Nirvana mépriserait et considérerait comme un ennemi toute personne qui essaierait de rétrograder le Sūtra du Lotus pour faire son éloge à la place.
En gardant cet exemple à l’esprit, il faut bien comprendre ceci. Si, de façon similaire, certains lisent le Sūtra de la Guirlande de fleurs, le Sūtra de la méditation sur le bouddha Vie-Infinie, le Sūtra de Mahavairochana ou quelque autre sūtra, en pensant que le Sūtra du Lotus leur est inférieur, alors ils trahissent le cœur même de ces sūtras. Il faut aussi comprendre que, même si on lit le Sūtra du Lotus et qu’on paraît y croire, si l’on pense que l’on peut aussi bien atteindre la Voie grâce à un sūtra autre que celui-là, on ne lit pas vraiment le Sūtra du Lotus.
Ainsi, le Grand Maître Jiaxiang écrivit une œuvre en dix volumes intitulée Traité sur la profondeur du Sūtra du Lotus où il fit l’éloge du Sūtra du Lotus. Mais Miaole critiqua l’ouvrage en disant : « Il y a là des calomnies ; comment peut-on y voir un éloge sincère89 ? »
Jiaxiang était en fait un ennemi du Sūtra du Lotus. Ainsi, quand il fut vaincu par Tiantai et se mit à son service, il cessa de délivrer des enseignements sur le Sūtra du Lotus. « Si je devais enseigner sur ce sujet, dit-il, je ne pourrais éviter de retomber dans les voies mauvaises. » Et, sept années durant, il fit de son propre corps un pont [pour permettre à Tiantai de monter sur l’estrade].
De même, le Grand Maître Cien écrivit une œuvre en dix volumes intitulée Éloge de la profondeur du Sūtra du Lotus où il en faisait l’éloge, mais le Grand Maître Dengyō le critiqua en disant : « Bien qu’il loue le Sūtra du Lotus, il en détruit le cœur90. »
724Si nous considérons attentivement ces exemples, nous réalisons que, parmi ceux qui lisent le Sūtra du Lotus et chantent ses louanges, beaucoup sont voués à l’Enfer aux souffrances incessantes. Même des hommes comme Jiaxiang et Cien étaient de véritables calomniateurs du Véhicule Unique du Sūtra du Lotus. Si l’on peut parler d’eux ainsi, cela s’applique d’autant plus à des hommes comme Kōbō, Jikaku et Chishō, qui manifestèrent ouvertement leur mépris envers le Sūtra du Lotus.
Certains se comportèrent comme le Grand Maître Jiaxiang qui cessa de donner des enseignements, dispersa le groupe de disciples qui s’étaient rassemblés autour de lui et fit de son corps un pont pour Tiantai. En dépit de ces actes, la faute constituée par ses calomnies antérieures envers le Sūtra du Lotus ne fut pas, je le crains, si facile à effacer. Une multitude de gens méprisèrent et injurièrent le bodhisattva Jamais-Méprisant et même si, par la suite, ils finirent par croire en ses enseignements et devinrent ses disciples, ils portaient encore le poids de leurs actes antérieurs, et cela leur valut de passer mille kalpa dans l’enfer Avīci.
C’est pourquoi, si des hommes comme Kōbō, Jikaku et Chishō avaient délivré des enseignements sur le Sūtra du Lotus, même s’ils s’étaient repentis de leurs erreurs, il leur aurait été encore bien difficile de s’affranchir de leurs graves fautes antérieures. Et, naturellement, nous savons de plus que leur cœur n’avait pas changé. Au contraire, ils ignorèrent complètement le Sūtra du Lotus, accomplirent jour et nuit les pratiques du Shingon et enseignèrent matin et soir les doctrines de cette école.
Les bodhisattvas Vasubandhu et Ashvaghosha furent l’un et l’autre sur le point de se couper la langue à cause de la faute qu’ils avaient commise en adhérant aux doctrines du Hinayana et en critiquant le Mahayana. Vasubandhu déclara que, même si les sūtras Agama du Hinayana correspondaient aux paroles du Bouddha, il ne permettrait pas à sa langue de les prononcer, y compris sous forme de plaisanterie. C’est à titre de pénitence qu’Ashvaghosha écrivit son traité l’Éveil de la foi dans le Mahayana où il réfutait les enseignements du Hinayana.
Le Grand Maître Jiaxiang se rendit un jour auprès du Grand Maître Tiantai et le supplia de délivrer ses enseignements. En présence d’au moins cent érudits, il se jeta au sol et, la sueur ruisselant sur tout son corps tandis que des larmes de sang coulaient de ses yeux, il déclara qu’il renonçait désormais à rencontrer ses disciples et à délivrer des enseignements sur le Sūtra du Lotus. Il dit : « Si je devais me mettre en face de mes disciples pour leur délivrer des enseignements sur le Sūtra du Lotus, ils pourraient en déduire que j’ai la capacité de comprendre correctement le Sūtra alors qu’en réalité ce n’est pas le cas. »
Jiaxiang était plus âgé et plus renommé que Tiantai et pourtant, en présence d’autres personnes, il porta délibérément Tiantai sur son dos pour lui faire traverser la rivière. À chaque fois que Tiantai s’apprêtait à monter sur l’estrade, Jiaxiang le portait sur son dos et l’amenait jusqu’à l’estrade. Après la mort de Tiantai, quand Jiaxiang fut convoqué devant l’empereur de la dynastie des Sui91, on dit qu’il pleura et traîna les pieds, comme un petit enfant qui vient de perdre sa mère.
Si l’on se penche sur [l’ouvrage du] Grand Maître Jiaxiang, Traité sur la profondeur du Sūtra du Lotus, on découvre que le Sūtra du Lotus n’y est pas dénigré. Il y est seulement dit que, même si le Sūtra du Lotus et les autres sūtras du Mahayana diffèrent par la profondeur de leurs enseignements, ils sont un et identiques par essence. Est-ce la raison pour laquelle on accuse cet ouvrage de s’opposer à la Loi ?
Chengguan, de l’école Huayan, et Shanwuwei, de l’école Zhenyan, ont l’un et l’autre déclaré que le Sūtra du Lotus et le Sūtra de Mahavairochana révèlent le même 725principe. C’est pourquoi, s’il faut blâmer le Grand Maître Jiaxiang pour la déclaration à laquelle je viens de faire allusion, alors le Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei lui-même aura bien du mal à échapper au blâme.
Le Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei fut, durant sa jeunesse, le souverain d’un royaume de l’Inde centrale. Il renonça au trône et se rendit dans d’autres royaumes où il rencontra deux hommes appelés Shushō et Shōdai qui lui enseignèrent le Sūtra du Lotus92. Il fit élever des centaines et des milliers de stupas en pierre et parut être un pratiquant du Sūtra du Lotus. Cependant, par la suite, après qu’on lui a enseigné le Sūtra de Mahavairochana, il semble avoir conclu à l’infériorité, par rapport à ce dernier, du Sūtra du Lotus. Tout d’abord, il n’insista pas sur ce point, mais il le fit par la suite lorsqu’il se rendit en Chine et devint le maître de l’empereur Xuanzong, de la dynastie des Tang.
Peut-être parce qu’il éprouvait une jalousie dévorante à l’égard de l’école Tiantai, il mourut subitement et fut traîné, ligoté de sept cordes en fer, par deux gardiens de l’enfer jusqu’au tribunal de Yama, le seigneur du lieu. Mais on lui dit que sa vie n’était pas parvenue à son terme et il fut donc renvoyé dans le monde des humains.
Alors qu’il était en enfer, il supposa qu’il avait été envoyé devant Yama93 pour avoir calomnié le Sūtra du Lotus et rejeta donc rapidement tous les mudra, tous les mantras et toutes les méthodes de concentration du Shingon pour réciter à la place le passage du Sūtra du Lotus qui commence avec ces paroles [du bouddha Shakyamuni] : « Ce monde des trois plans est aujourd’hui mon domaine94. » Ainsi, les cordes qui le retenaient se détachèrent aussitôt et il revint à la vie.
En une autre occasion, il reçut de la Cour impériale l’ordre de réciter des prières pour qu’il pleuve et, en effet, la pluie se mit à tomber brusquement mais un vent puissant s’éleva aussi et provoqua de grands dégâts dans le pays.
Par la suite, quand il mourut réellement, ses disciples se rassemblèrent autour de son lit de mort et louèrent la façon remarquable dont il avait expiré mais, en fait, il était tombé dans la grande citadelle de l’Enfer aux souffrances incessantes. Peut-être vous demandez-vous comment je sais cela. Je répondrais que, si vous vous penchez sur sa biographie, vous y trouverez ce passage : « Si l’on observe maintenant la dépouille de Shanwuwei, on peut voir qu’elle rapetisse graduellement, que la peau noircit et que les os sont saillants95. »
Les disciples de Shanwuwei n’ont peut-être pas réalisé que c’était le signe que, après sa mort, il renaissait en enfer, mais ils s’imaginèrent que c’était une manifestation de sa vertu. Pourtant, par sa description, l’auteur de la biographie montra la culpabilité de Shanwuwei en notant que, après sa mort, son corps rapetissa graduellement, sa peau noircit et ses os commencèrent à saillir.
Nous retrouvons là les paroles d’or du Bouddha : si la peau de quelqu’un noircit après sa mort, c’est le signe que cette personne a commis des actes qui la destinaient à l’enfer. Qu’est-ce que le Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei a donc bien pu faire pour mériter l’enfer ? Dans sa jeunesse, il abandonna sa position de souverain, montrant par là une incomparable détermination à rechercher la voie. Il se rendit dans plus de cinquante pays dans le cours de sa pratique religieuse, et sa compassion illimitée l’amena jusqu’en Chine. Si les enseignements du Shingon ont été transmis à travers l’Inde, la Chine et le Japon et les autres pays du Jambudvipa et que de nombreux pratiquants prient en faisant résonner leurs clochettes, n’est-ce pas dû au mérite de cet homme ? Ceux qui se préoccupent de leur propre destinée après la mort devraient bien réfléchir aux raisons de la chute en enfer de Shanwuwei.
726Puis il y eut le Maître des Trois Corbeilles Jingangzhi, fils du souverain d’un royaume de l’Inde du Sud. Il introduisit le Sūtra de la couronne de diamants en Chine, et ses vertus étaient similaires à celles de Shanwuwei. Shanwuwei et lui agirent comme des maîtres l’un envers l’autre.
Le Maître des Trois Corbeilles Jingangzhi reçut un édit impérial qui l’enjoignait de conduire des prières pour qu’il pleuve. En moins de sept jours, la pluie tomba en effet, et l’empereur en fut très satisfait. Mais soudain un vent violent s’éleva et le souverain et ses ministres, complètement désillusionnés, chargèrent des hommes de chasser Jingangzhi du pays. Celui-ci obtint finalement de rester en Chine, sous un prétexte quelconque.
Peu de temps après, alors qu’une de ses filles était à l’article de la mort, l’empereur commanda des prières pour sa guérison. Il choisit deux fillettes de sept ans qui servaient à la Cour pour qu’elles se substituent à la mourante et fit allumer des bûches autour d’elles jusqu’à ce qu’elles soient brûlées vives. Voilà en réalité une bien cruelle action. Qui plus est, la fille de l’empereur ne revint pas à la vie.
Le Maître des Trois Corbeilles Bukong se rendit en Chine avec Jingangzhi96. Mais les événements que je viens de mentionner ayant peut-être éveillé en lui quelques doutes, après la mort de Shanwuwei et de Jingangzhi, il revint en Inde et étudia une nouvelle fois en détail les doctrines du Shingon sous la direction de Nagabodhi. Il se convertit finalement aux enseignements de l’école Tiantai. Mais, bien qu’il fît allégeance dans son cœur à ces enseignements, il ne le montra jamais concrètement par ses actes.
Bukong reçut lui aussi de l’empereur l’ordre de prier pour qu’il pleuve et, dans un délai de trois jours, la pluie se mit en effet à tomber. L’empereur en fut ravi et remit [à Bukong] des récompenses en mains propres. Mais, peu après, un vent puissant s’abattit du ciel, malmenant et endommageant le palais impérial et détruisant les quartiers des nobles et des hauts dignitaires jusqu’à ce qu’il semblât que pas un seul bâtiment ne resterait debout. Stupéfait, l’empereur promulgua un édit impérial pour que l’on prie afin de faire cesser le vent. Mais il ne se calmait un instant que pour reprendre de plus belle, encore et encore, jusqu’à ce que, pour finir, il soufflât de façon ininterrompue sept jours d’affilée. Finalement, des messagers furent chargés de chasser Bukong du pays et le vent finit par retomber.
Les vents mauvais de ces trois hommes sont devenus le vent puissant des maîtres du Shingon qui souffle à travers toute la Chine et le Japon. Et dans ce cas, alors, la grande tempête qui s’est élevée le douzième jour du quatrième mois de la onzième année de Bun’ei [1274] fut certainement un vent hostile suscité par Sceau-du-Dharma Kaga, du hall d’Amida, l’un des moines les plus érudits du Tō-ji, alors qu’il priait pour qu’il pleuve. Nous devons en conclure que les mauvais enseignements de Shanwuwei, Jingangzhi et Bukong ont été transmis sans la moindre altération. Vraiment, quelle étrange coïncidence !
Venons-en maintenant au Grand Maître Kōbō. Au moment de la grande sécheresse, lors du deuxième mois de la première année de Tenchō [824], l’empereur ordonna d’abord à Shubin de prier pour qu’il pleuve et, en moins de sept jours, Shubin fit tomber la pluie. Mais la pluie ne tomba que sur la capitale et ne toucha pas les campagnes avoisinantes.
Kōbō reçut alors l’ordre de reprendre les prières pour qu’il pleuve mais sept jours s’écoulèrent sans qu’il ne se passe rien. Sept jours encore, et toujours pas de nuages. Après sept jours supplémentaires, l’empereur ordonna à Wake no Matsuna de porter des offrandes au jardin de Shinsen’en97. La pluie tomba aussitôt du ciel et dura pendant trois jours. Le Grand Maître Kōbō et ses disciples entreprirent alors de s’approprier 727cette pluie en prétendant que c’était eux qui l’avaient déclenchée et, depuis maintenant plus de quatre cents ans, elle est connue sous le nom de « pluie de Kōbō ».
Le Grand Maître Jikaku raconta avoir fait un rêve dans lequel il avait transpercé le soleil [d’une flèche] et provoqué sa chute. Et le Grand Maître Kōbō proféra un grand mensonge en affirmant que, lors du printemps de la neuvième année de l’ère Kōnin [818], alors qu’il priait pour mettre un terme à une grande épidémie, le soleil était apparu au milieu de la nuit.
Depuis le kalpa de formation, quand la terre se forma, jusqu’à la neuvième période de déclin98, dans le kalpa de stabilité, vingt-neuf kalpa se sont écoulés mais, durant toute cette période, jamais on n’a entendu dire que le soleil serait apparu durant la nuit ! De même, en ce qui concerne le soleil dont a rêvé le Grand Maître Jikaku : dans l’ensemble des cinq mille ou sept mille volumes des écrits bouddhiques ou des quelque trois mille volumes des écrits confucéens et du Dao, où est-il écrit que rêver de transpercer le soleil est un présage de bon augure ? Le roi des asura, furieux contre le dieu Shakra, décocha une flèche contre le dieu du soleil, mais la flèche revint vers lui et ce fut le roi lui-même qui fut atteint à un œil. Le roi Zhou99 de la dynastie des Yin fit du soleil la cible de ses flèches et finit par provoquer son propre anéantissement.
Au Japon, sous le règne de l’empereur Jimmu, le frère aîné de l’empereur, Itsuse no Mikoto, livra bataille contre le chef de Tomi100, et fut blessé à la main par une flèche. Il dit : « Je suis un descendant de la divinité du soleil. Mais, pour avoir saisi mon arc et menacé le soleil, j’ai été puni par cette divinité. »
En Inde, le roi Ajatashatru renonça à ses positions erronées antérieures et devint disciple du Bouddha. De retour à son palais, il se coucha pour dormir mais, peu après, il se leva en sursaut et annonça à ses ministres : « J’ai rêvé que le soleil avait quitté le ciel et était tombé sur la terre ! » Ses ministres lui dirent : « C’est peut-être un signe qui annonce la disparition du Bouddha. » Subhadra101 fit le même genre de rêve juste avant la disparition du Bouddha.
Le rêve de transpercer le soleil [que Jikaku prétend avoir fait] serait de bien mauvais augure au Japon, puisque la divinité suprême de ce pays est la Grande Déesse du Soleil et le nom du pays, « Nihon [Japon] », signifie « source du soleil ». De plus, le bouddha Shakyamuni, seigneur des enseignements, est appelé Graine-de-Soleil parce que sa mère, la reine Maya, rêva qu’elle concevait le soleil et, à terme, c’est à cet enfant, le prince héritier, qu’elle donna naissance.
Le Grand Maître Jikaku fit de l’Ainsi-Venu Mahavairochana l’objet de vénération du mont Hiei et rejeta le bouddha Shakyamuni. Il honora les trois sūtras du Shingon et se comporta comme un ennemi du Sūtra du Lotus et des deux sūtras qui lui sont liés. C’est sans doute pour cela qu’il rêva de transpercer le soleil.
À propos de rêves, il existe aussi le cas du moine Shandao, en Chine. Dans sa jeunesse, il rencontra un moine nommé Mingsheng102, originaire de la province de Mizhou, qui lui enseigna le Sūtra du Lotus. Mais par la suite, quand il rencontra Daochuo, il rejeta le Sūtra du Lotus et accorda toute sa confiance au Sūtra de la méditation sur le bouddha Vie-Infinie. Il écrivit même un commentaire de ce sūtra où il était dit que pas même une personne sur mille ne peut être sauvée par le Sūtra du Lotus, alors que la pratique du Nembutsu garantit que dix personnes sur dix et cent sur cent renaîtront dans la Terre pure. Afin de le prouver, il pria devant le bouddha Amida pour voir si ses conceptions s’accordaient ou non avec l’intention du Bouddha. Il est dit dans son commentaire : « Chaque nuit, dans un rêve, un moine apparaissait et me disait quoi écrire », et « il faut donc considérer ce commentaire avec le même 728respect que le sūtra lui-même ». Il est dit aussi : « L’enseignement de la méditation103 devrait lui aussi être révéré comme s’il s’agissait d’un sūtra. »
On lit dans le Sūtra du Lotus : « Quant à ceux qui entendent la Loi, aucun ne manquera d’atteindre la bouddhéité104. » Mais Shandao dit que pas même une personne sur mille ne sera sauvée105. Le Sūtra du Lotus et Shandao sont aussi différents que le feu et l’eau. Shandao dit que, avec le Sūtra de la méditation sur le bouddha Vie-Infinie, dix personnes sur dix et cent sur cent renaîtront dans la Terre pure. Mais, dans le Sūtra aux sens infinis, le Bouddha dit que, dans le Sūtra de la méditation sur le bouddha Vie-Infinie, il « n’a pas encore révélé la vérité [tout entière] ». Le Sūtra aux sens infinis et ce moine du saule106 sont aussi éloignés l’un de l’autre que le ciel de la terre.
Sachant cela, pouvons-nous vraiment croire que le bouddha Amida prit la forme d’un moine et apparut en rêve à Shandao pour lui certifier que son commentaire représentait la vérité ? Amida ne figurait-il pas parmi l’assistance quand le Sūtra du Lotus fut enseigné et ne tira-t-il pas la langue avec les autres bouddhas pour attester la vérité de ce Sūtra ? Ses acolytes, les bodhisattvas Sensible-aux-Sons-du-Monde et Grand-Pouvoir, n’étaient-ils pas également présents quand le Sūtra du Lotus fut enseigné ? Les réponses à ces questions sont évidentes et, de la même façon, si nous prenons le temps d’y réfléchir, nous voyons que le rêve de Jikaku était un présage du mal.
Question : Dans son œuvre La clé du secret du Sūtra du cœur, le Grand Maître Kōbō écrit : « Lors du printemps de la neuvième année de Kōnin, l’empire fut éprouvé par une grande épidémie. Sur ce, l’empereur en personne plongea son pinceau de calligraphie dans de l’or, saisit dans sa main un morceau de papier bleu foncé et fit une copie en un rouleau du Sūtra du cœur. Après avoir compilé mes explications sur le sens de ce sūtra, [je délivrais mes enseignements mais] je n’étais pas encore parvenu à mes conclusions quand les personnes guéries de l’épidémie commencèrent à emplir les rues de la capitale. De plus, quand vint la nuit, le soleil continua de briller, d’un rouge éclatant.
« Cela n’était certainement pas dû au fait qu’un ignorant comme moi s’était livré à l’observation vertueuse des préceptes, mais plutôt au pouvoir de la foi manifestée par le souverain en tant que roi-qui-fait-tourner-la-roue-d’or107. Mais ceux qui vont prier dans les sanctuaires des divinités devraient réciter ce commentaire dont je suis l’auteur. J’étais en effet présent il y a longtemps, au pic de l’Aigle, quand le Bouddha enseigna le Sūtra du cœur, et je l’ai personnellement entendu exposer ses doctrines profondes. Comment pourrais-je alors ne pas en comprendre la signification ? »
De plus, dans l’œuvre intitulée Annotations sur le Sūtra du paon, nous lisons : « Après son retour de Chine, le Grand Maître Kōbō souhaita établir l’école Shingon au Japon, et les représentants de toutes les diverses écoles furent convoqués au palais impérial. Beaucoup d’entre eux émirent des doutes concernant la doctrine de l’atteinte de la bouddhéité sous la forme actuelle que l’on trouve dans le Shingon. Le Grand Maître forma alors le mudra de la sagesse avec ses mains et se tourna vers le sud. Soudain, sa bouche s’ouvrit et il se changea en bouddha Mahavairochana à la couleur de l’or, retrouvant par là sa forme originelle. Il démontra ainsi que le Bouddha se trouve dans chaque individu, que chaque individu se trouve dans le Bouddha, et que l’on peut immédiatement atteindre la bouddhéité sous sa forme présente en cette vie. Ce jour-là, tous les doutes à ce sujet furent entièrement dissipés et, à compter de ce moment, l’école Shingon, ou école du Yoga108, avec sa doctrine des mandalas secrets, fut établie. »
Il est dit aussi dans cette œuvre : « À ce moment-là, les disciples des autres écoles s’inclinèrent tous devant l’opinion du 729Grand Maître Kōbō et, pour la première fois, ils apprirent les doctrines du Shingon, recherchèrent leurs bienfaits, et les mirent en pratique. Dōshō, de l’école Sanron, Gennin, de l’école Hossō, Dōyū109, de l’école Kegon, et Enchō, de l’école Tendai, étaient parmi eux. »
De plus, il est dit dans la Biographie du Grand Maître Kōbō : « Le jour où il quitta la Chine en bateau, il formula cette prière : “S’il est un lieu qui convient particulièrement à l’enseignement des doctrines que j’ai apprises, puisse ce sceptre de diamant en forme de trident y parvenir.” Puis il se tourna en direction du Japon et lança le sceptre dans les airs. Ce dernier s’envola au loin et disparut dans les nuages. Au cours du dixième mois, Kōbō revint au Japon. »
On lit [plus loin] dans la même œuvre : « Il se rendit jusqu’au pied du mont Kōya et résolut d’y établir son lieu de méditation. (...) Par la suite, il découvrit que le sceptre de diamant en forme de trident qu’il avait lancé par-dessus la mer avait atterri sur cette montagne. »
Ces deux ou trois événements montrent clairement que le Grand Maître Kōbō était une personne dotée d’un pouvoir et d’une vertu inestimables. Sachant qu’il avait un si grand pouvoir, pourquoi dites-vous qu’il ne faut pas croire en ses enseignements et que toute personne y croyant tombera dans l’enfer Avīci ?
Réponse : Je suis moi aussi admiratif et ne demande qu’à croire que Kōbō a effectivement accompli ces diverses actions. Il existe d’autres hommes des temps anciens qui possédaient des pouvoirs aussi mystérieux. Cependant, la détention d’un tel pouvoir n’indique pas si une personne a une compréhension correcte ou non de l’enseignement bouddhique. Parmi les croyants non bouddhistes de l’Inde, il y eut des hommes qui pouvaient se verser dans l’oreille toute l’eau du Gange et l’y conserver pendant douze ans, d’autres qui pouvaient boire l’océan jusqu’à la dernière goutte, saisir le soleil et la lune dans leurs mains, ou changer les disciples du bouddha Shakyamuni en bœufs ou en moutons. Mais de tels pouvoirs n’ont fait que les rendre plus arrogants que jamais et les ont conduits à alourdir encore leur karma [qui les destinait] à rester confinés dans les souffrances des naissances et des morts. C’est à des hommes de ce genre que Tiantai se réfère lorsqu’il dit : « Ils recherchent gloire et profit et ne font qu’accroître en eux les pensées illusoires et le désir110. »
Le moine chinois Fayun, du temple de Guangzhai, pouvait déclencher brusquement la pluie ou faire éclore instantanément les fleurs, mais Miaole écrit à son sujet : « Bien qu’il fût capable de susciter des phénomènes de ce genre, sa compréhension ne s’accordait toujours pas avec la vérité [du Sūtra du Lotus]111. » Quand le Grand Maître Tiantai lut le Sūtra du Lotus, une pluie douce se mit à tomber au même instant et le Grand Maître Dengyō déclencha une pluie fine dans un délai de trois jours. Cependant, ils ne dirent pas que ces pouvoirs prouvaient que leur compréhension de la vérité coïncidait avec celle du Bouddha.
Aussi exceptionnels que soient les pouvoirs détenus par le Grand Maître Kōbō, il décrivit le Sūtra du Lotus comme une doctrine puérile et écrivit que le bouddha Shakyamuni était encore dans la région des ténèbres. Les personnes sages et de grande compréhension ne se reconnaissent jamais dans de tels écrits.
Quoi qu’il en soit, il y a sûrement des points douteux dans le récit des pouvoirs de Kōbō que vous venez de citer. Le texte dit : « Lors du printemps de la neuvième année de Kōnin, l’empire fut éprouvé par une grande épidémie. » Mais le printemps dure quatre-vingt-dix jours112. Quel jour de quel mois du printemps, cela s’est-il produit ? C’est une première raison de douter.
Deuxièmement, y eut-il une grande épidémie lors de la neuvième année de Kōnin ?
730Troisièmement, le texte dit : « De plus, quand vint la nuit, le soleil continua de briller d’un rouge éclatant. » Dans ce cas, c’est un présage d’une importance capitale. Durant la neuvième année de Kōnin, régnait l’empereur Saga. Mais les historiens de la gauche et de la droite113 qui étaient à la Cour ont-ils fait mention d’un tel événement ?
Même s’ils l’avaient noté, il serait difficile d’y croire. Durant les vingt kalpa du kalpa de formation et les neuf kalpa du kalpa de stabilité, soit au total pendant vingt-neuf kalpa, jamais pareille chose ne s’est produite. Que dire alors de l’apparition du soleil au milieu de la nuit ? Dans tous les enseignements exposés par l’Ainsi-Venu Shakyamuni de son vivant, il n’en est fait aucune mention. Et, dans les Éminents Classiques de Chine, qui décrivent les trois souverains et les cinq empereurs des temps anciens, il n’est fait aucune prédiction concernant une date future où le soleil surgirait au milieu de la nuit. Dans les écrits bouddhiques, il est dit que, au cours du kalpa de déclin, deux soleils, trois soleils, voire sept soleils apparaîtront, mais durant le jour, et non la nuit. Si le soleil apparaissait la nuit dans notre propre région, le continent sud du Jambudvipa, qu’en serait-il dans les trois autres régions, à l’est, à l’ouest et au nord ?
Quoi que disent les écrits bouddhiques ou les œuvres non bouddhiques à ce sujet, si, concrètement, on pouvait lire dans les chroniques des courtisans, des autres familles de la capitale ou des moines du mont Hiei qu’au printemps de la neuvième année de Kōnin, en tel ou tel mois, tel ou tel jour, à telle ou telle heure de la nuit le soleil était apparu, alors nous pourrions peut-être y croire. [Mais pareil fait n’est rapporté nulle part.]
Le texte se poursuit ainsi : « J’étais présent il y a longtemps, au pic de l’Aigle, quand le Bouddha enseigna le Sūtra du cœur, et je l’ai personnellement entendu exposer ses doctrines profondes. » Il s’agit sûrement d’un mensonge éhonté visant à amener les gens à avoir foi dans son commentaire. Dans le cas contraire, faut-il croire alors que le Sūtra du Lotus était une œuvre théorique puérile, que le Sūtra de Mahavairochana représentait la vérité, et qu’Ananda et Manjusri étaient tout simplement dans l’erreur lorsqu’ils disaient que le Sūtra du Lotus de la Loi merveilleuse représentait la vérité ?
Quant à faire tomber la pluie, même une courtisane et un moine qui avaient enfreint les préceptes purent y parvenir par leurs poèmes114. Cependant, Kōbō pria vingt et un jours durant sans que pour autant il ne pleuve. Quels étaient donc ces pouvoirs qu’il était censé posséder ? Telle est la quatrième raison de douter.
Il est dit dans les Annotations sur le Sūtra du paon : « Le Grand Maître [Kōbō] forma alors le mudra de la sagesse avec ses mains et se tourna vers le sud. Soudain, sa bouche s’ouvrit et il se changea en bouddha Mahavairochana à la couleur de l’or. » En quelle année et sous le règne de quel souverain cela s’est-il produit ?
En Chine, à partir de l’ère Jianyuan [140-134 avant notre ère], et au Japon à partir de l’ère Taihō [701-704], tous les rapports tenus par des moines et des laïcs et concernant des événements importants, ont toujours été accompagnés du nom de l’ère où ils se sont déroulés. Pour un événement aussi important que celui qui est décrit ici, pourquoi alors n’est-il fait aucune mention du souverain, de ses hauts dignitaires, du nom de l’ère, ou du jour et de l’heure où l’événement s’est passé ?
Le passage se poursuit avec l’énumération [de ceux qui apprirent de Kōbō les doctrines du Shingon] : « Dōshō, de l’école Sanron, Gennin, de l’école Hossō, Dōyū, de l’école Kegon, et Enchō, de l’école Tendai ». Enchō fut connu à titre posthume comme le Grand Maître Jakkō et fut le deuxième grand patriarche de l’école 731Tendai. Or, à cette époque, pourquoi Gishin, le premier grand patriarche, ou le Grand Maître Dengyō, le fondateur de l’école, ne furent-ils pas invités ? Enchō, le deuxième grand patriarche de l’école Tendai, était un disciple du Grand Maître Dengyō et devint aussi celui du Grand Maître Kōbō. Plutôt que d’inviter l’un de ses disciples ou des maîtres des écoles Sanron, Hossō et Kegon, pourquoi Kōbō n’a-t-il pas invité les deux maîtres les plus importants de l’école Tendai, Dengyō et Gishin ?
Quant à l’époque où ces maîtres furent invités, il est dit dans les Annotations sur le Sūtra du paon : « À compter de ce moment, l’école Shingon, ou école du Yoga115, avec sa doctrine des mandalas secrets, fut établie. » Nous sommes là, semble-t-il, à une époque où Dengyō et Gishin étaient tous deux encore vivants. Depuis la deuxième année de Daidō [807], sous le règne de l’empereur Heizei jusqu’à la treizième année de Kōnin [822] [où Dengyō mourut], Kōbō se consacra vigoureusement à la propagation des doctrines du Shingon et, à cette période, Dengyō et Gishin étaient l’un et l’autre encore en vie. Gishin, notamment, vécut jusqu’à la dixième année de Tenchō [833]. Les enseignements du Shingon de Kōbō ne s’étaient-ils pas propagés à cette époque ? Tout cela est très étrange.
Les Annotations sur le Sūtra du paon furent écrites par Shinzei116, un disciple de Kōbō, et il est donc difficile de s’y fier. Peut-on croire qu’une personne aux vues aussi erronées se serait donné la peine de lire les écrits des courtisans, des autres familles importantes, ou d’Enchō pour accréditer son récit ? Il faudrait aussi vérifier les écrits de Dōshō, Gennin et Dōyū pour voir s’ils n’indiquent rien à ce sujet.
Il est dit dans le texte : « Soudain, “la porte de son visage” [sa bouche] s’ouvrit et il se changea en bouddha Mahavairochana à la couleur de l’or. » Que signifie l’expression « la porte de son visage s’ouvrit » ? L’auteur avait probablement l’intention d’écrire les caractères signifiant la « partie entre les sourcils117 » mais il écrivit à la place « la porte de son visage » par erreur. Puisqu’il a écrit un ouvrage de faussaire, il est tout à fait plausible qu’il ait commis ce genre d’erreurs.
Le passage dans son ensemble dit : « Le Grand Maître [Kōbō] forma alors le mudra de la sagesse avec ses mains et se tourna vers le sud. Soudain, sa bouche s’ouvrit et il se changea en bouddha Mahavairochana à la couleur de l’or. »
Venons-en maintenant au cinquième volume du Sūtra du Nirvana où l’on peut lire : « Kashyapa s’adressa au Bouddha en disant : “Honoré du monde, je ne dépendrai plus des quatre catégories de sages. Pourquoi ? Parce que, dans le Ghoshila-sūtra, que le Bouddha enseigna pour Ghoshila118, il est dit que, déterminé à détruire les enseignements bouddhiques, le roi-démon dans le ciel prendra l’apparence d’un bouddha. Il présentera les trente-deux signes principaux et les quatre-vingts signes secondaires du Bouddha, il sera solennel et imposant, et il émanera de lui un halo de lumière circulaire qui s’étendra sur dix pieds dans toutes les directions. Son visage sera rond et plein comme la lune au sommet de sa plénitude et de son éclat, et la touffe de poils blancs entre ses sourcils sera plus blanche que neige. (...) De son flanc gauche jaillira de l’eau, et, de son flanc droit, du feu.” »
De plus, il est indiqué dans le sixième volume du Sūtra du Nirvana : « Le Bouddha annonça à Kashyapa : “Après mon entrée dans le nirvana (...) ce roi-démon Papiyas tentera de détruire cet enseignement correct qui est le mien. (...) Il changera de forme pour prendre celle d’un arhat ou d’un bouddha. Le roi-démon, bien qu’encore en proie à l’illusion, empruntera la forme de quelqu’un qui s’est libéré de l’illusion et tentera de détruire cet enseignement correct qui est le mien.” »
Le Grand Maître Kōbō déclara que, par comparaison avec le Sūtra de la Guirlande de 732fleurs et le Sūtra de Mahavairochana, le Sūtra du Lotus était une œuvre de théorie puérile. Et ce même maître, nous dit-on, apparut sous la forme d’un bouddha. Comme le déclare le Sūtra du Nirvana, c’est sûrement le démon qui, bien qu’il soit encore en proie à l’illusion, changera de forme, pour prendre l’apparence d’un bouddha, et tentera de détruire l’enseignement correct de Shakyamuni.
L’« enseignement correct » dont il est question dans le Sūtra du Nirvana est le Sūtra du Lotus. C’est pourquoi nous trouvons par la suite cette déclaration dans le Sūtra du Nirvana : « Cela fait déjà longtemps que j’ai atteint la bouddhéité. » Le texte dit aussi : « [Quand ce sūtra fut enseigné (...) la prédiction que les huit mille auditeurs atteindraient la bouddhéité avait déjà été faite] dans le Sūtra du Lotus. »
Shakyamuni, Maints-Trésors et les bouddhas des dix directions ont déclaré que, parmi les divers sūtras, c’était le Sūtra du Lotus, et non pas le Sūtra de Mahavairochana ni tous les autres sūtras, qui représentait la vérité. Cependant, le Grand Maître Kōbō apparut sous la forme d’un bouddha et annonça que, par rapport au Sūtra de la Guirlande de fleurs et au Sūtra de Mahavairochana, le Sūtra du Lotus était une œuvre de théorie puérile. Si les paroles du Bouddha sont exactes, alors Kōbō n’est-il pas tout simplement le roi-démon du ciel ?
De plus, l’histoire du sceptre de diamant en forme de trident paraît particulièrement suspecte. Il serait difficile d’y croire même si un Chinois [ne sachant rien du contexte] était venu au Japon et avait découvert ce sceptre par hasard. Sans doute quelqu’un avait-il été envoyé auparavant pour l’enterrer en cet endroit particulier. En tant que Japonais, Kōbō a pu mettre au point un tel stratagème. On trouve bon nombre d’histoires aussi rocambolesques et absurdes attachées à son nom. Il est difficile de s’appuyer sur un tel récit pour accréditer sa déclaration selon laquelle ses enseignements s’accordent avec la volonté du Bouddha.
Les doctrines des écoles Shingon, Zen et Nembutsu se sont donc propagées et ont prospéré au Japon. Finalement, le quatre-vingt-deuxième souverain Takahira, empereur retiré d’Oki, s’efforça de renverser le régent en place119. Puisque c’était le souverain du pays, les gens supposèrent que, même sans aide, il parviendrait à ses fins aussi aisément qu’un lion peut fondre sur un lièvre ou un épervier saisir un faisan. De plus, pendant plusieurs années, des appels avaient été lancés au mont Hiei, au Tō-ji et à l’Onjō-ji, et aux sept temples majeurs de Nara mais aussi devant la Grande Déesse du Soleil, le grand bodhisattva Hachiman et les divinités de Sannō, de Kamo, et des sanctuaires de Kasuga120, pour demander la soumission des ennemis de l’empereur et l’aide des dieux. Cependant, quand la guerre éclata, les forces impériales ne purent résister plus de deux ou trois jours. Finalement, les trois empereurs retirés furent exilés respectivement dans les provinces de Sado, d’Awa et d’Oki121, où ils achevèrent leur vie.
Par ailleurs, non seulement le prélat d’Omuro122, qui dirigeait les prières pour soumettre les ennemis de la Cour fut chassé du Tō-ji mais son favori, le jeune Seitaka123, qui lui était aussi cher que ses propres yeux, fut décapité. Ainsi, comme il est dit dans le Sūtra du Lotus, le mauvais sort « se retournera contre celui qui l’a lancé124 ».
Mais c’est là bien peu de chose par comparaison avec ce qui va suivre. Dorénavant, je ne doute pas que les autorités et les innombrables gens ordinaires du Japon subiront tous sans exception un destin comparable à celui d’un tas d’herbes sèches qu’on enflamme avec une torche, ou à des montagnes géantes qui s’écroulent et à des vallées qui se comblent, car notre pays sera attaqué par des ennemis de l’étranger.
Moi, Nichiren, je suis le seul dans tout le Japon qui comprenne pourquoi auront lieu de tels événements. Mais, si je 733m’exprime, je serai traité comme Bi Gan qui se fit ouvrir la poitrine par le roi Zhou, de la dynastie des Yin ; comme Guan Longfeng qui se fit couper la tête par le roi Jie, de la dynastie des Xia ; ou comme le vénérable Aryasimha qui fut décapité par le roi Dammira. Je serai banni comme le moine Zhu Daosheng ou marqué au visage comme le Maître des Trois Corbeilles Fadao.
Cependant, dans le Sūtra du Lotus, il est écrit : « Nous n’épargnerons ni notre corps ni notre vie, car seule nous préoccupe la Voie inégalée125. » Et le Sūtra du Nirvana nous avertit : « [C’est comme un émissaire du roi qui] préfère ne rien dissimuler des propos de son souverain même si cela doit finir par lui coûter la vie. »
Si dans cette existence présente, par crainte pour ma vie, je ne m’exprime pas, alors dans quelle existence future atteindrai-je la bouddhéité ? Ou dans quelle existence future pourrai-je apporter le salut à mes parents et à mon maître ? Avec de telles pensées profondément ancrées dans mon esprit, j’ai entrepris de me mettre à parler. Et, précisément comme je m’y attendais, je fus chassé, honni, attaqué et blessé. Le douzième jour du cinquième mois de la première année de l’ère Kōchō [1261], année placée sous le signe cyclique de kanoto-tori, pour avoir suscité la fureur des autorités, je fus banni à Itō, dans la province d’Izu. Enfin, le vingt-deuxième jour du deuxième mois de la troisième année de Kōchō, sous le signe cyclique de mizunoto-i, je fus gracié et autorisé à revenir [à Kamakura].
Par la suite, plus que jamais déterminé à atteindre l’illumination, je n’ai jamais cessé de m’exprimer. Cela me valut d’affronter des difficultés de plus en plus importantes, pareilles à de grandes vagues soulevées par la tempête. J’ai expérimenté avec mon propre corps les attaques à coups de canne et de bâton subies par le bodhisattva Jamais-Méprisant dans les temps anciens. Même les persécutions subies par le moine Éveil-à-la-Vertu à l’époque de la Fin de la Loi suivant la disparition du bouddha Joie-Croissante ne pourraient pas, me semble-t-il, être comparées aux épreuves qui sont les miennes. Nulle part, dans l’ensemble des soixante-six provinces et sur les deux îles au large du Japon, pas un seul jour, pas une seule heure, je n’ai pu trouver un lieu où me reposer en sécurité.
Même les sages qui persévèrent dans leur pratique avec autant de ferveur que Rahula dans les temps anciens, en observant strictement l’ensemble des deux cent cinquante préceptes, même les hommes qui sont aussi sages que Purna, calomnient Nichiren quand ils le rencontrent. Même les personnes vertueuses, qui [aujourd’hui] sont aussi honnêtes et intègres que le furent les dignitaires de la Cour Wei Zheng126 et Fujiwara no Yoshifusa127, perdent toute raison lorsqu’elles voient Nichiren et le traitent injustement.
De nos jours, les gens me manifestent une hostilité encore plus grande ! Ils se comportent comme des chiens devant un singe ou comme des chasseurs à la poursuite d’un cerf. Il ne se trouve nulle part au Japon une seule personne pour dire : « Peut-être cet homme a-t-il quelque raison de se comporter ainsi. »
Mais c’était tout à fait prévisible. En effet, chaque fois que je rencontre une personne qui récite le Nembutsu, je lui dis que ceux qui croient dans le Nembutsu tomberont dans l’Enfer aux souffrances incessantes. Chaque fois que je rencontre une personne qui honore les enseignements du Shingon, je lui dis que le Shingon est une mauvaise doctrine qui détruira le pays. Et, au souverain du pays qui honore l’école Zen, je déclare que le Zen est l’invention du démon céleste.
Puisque j’attire volontairement ces troubles sur moi, quand les autres me dénigrent, je ne les réprimande pas. Quand bien même je voudrais le faire, ils sont trop nombreux pour cela. Lorsqu’ils me frappent, je ne ressens aucune douleur car je suis prêt depuis le début à recevoir leurs coups.
734De moins en moins préoccupé par ma propre sécurité, j’ai poursuivi [mon chemin], avec toujours plus de vigueur, essayant de persuader les autres de changer de voie. C’est pourquoi plusieurs centaines de moines du Zen, plusieurs milliers de croyants du Nembutsu et des maîtres du Shingon en plus grand nombre encore, se rendirent auprès du magistrat ou des hommes de familles puissantes, ou auprès de leurs épouses ou de leurs veuves, devenues nonnes séculières, pour emplir leurs oreilles d’interminables calomnies à mon sujet.
Finalement, tous furent convaincus que j’étais le plus grand calomniateur de tout le pays car on disait que, dans le cadre de ma fonction de moine, je prononçais des prières et des formules magiques pour la destruction du Japon, et que j’avais annoncé que les défunts moines séculiers du Saimyō-ji et du Gokuraku-ji étaient tombés dans l’Enfer aux souffrances incessantes. Les veuves, devenues nonnes séculières, proclamèrent avec insistance qu’il n’y avait pas besoin de lancer une enquête, qu’il faudrait plutôt me couper la tête sur-le-champ, et que mes disciples devraient eux aussi être décapités, exilés sur des terres lointaines, ou bien placés en détention. Elles étaient si furieuses que les sanctions qu’elles réclamaient furent immédiatement exécutées.
La nuit du douzième jour du neuvième mois de la huitième année de Bun’ei [1271], sous le signe cyclique de kanoto-hitsuji, j’ai failli être décapité à Tatsunokuchi, dans la province de Sagami. Mais, pour une raison inconnue, l’exécution fut différée et, cette nuit-là, je fus conduit en un lieu appelé Echi. La nuit du treizième jour, les gens firent un grand tapage, en disant que j’avais été gracié. Pour des raisons une nouvelle fois peu claires, l’ordre fut donné de m’exiler dans la province de Sado.
Alors que les gens s’attendaient à ce que je sois décapité d’un jour à l’autre, j’ai passé quatre années128 à Sado. Puis, le quatorzième jour du deuxième mois de la onzième année de Bun’ei, sous le signe cyclique de kinoe-inu, j’ai été gracié. Le vingt-sixième jour du troisième mois de la même année, je suis retourné à Kamakura et, le huitième jour du quatrième mois, j’ai rencontré Hei no Saemon-no-jō. Je lui ai fait part de diverses questions et l’ai informé que les Mongols envahiraient certainement le Japon dans l’année. Le douzième jour du cinquième mois, j’ai quitté Kamakura et je suis venu sur cette montagne où je vis aujourd’hui.
Je n’ai fait toutes ces choses que pour m’acquitter de ma dette envers mes parents, envers mon maître, envers les Trois Trésors129, et envers mon pays. C’est pour eux que je prends le risque de me mettre en danger et de perdre la vie, même si, en l’occurrence, je n’ai toujours pas été exécuté.
Si un sage tente à trois reprises de mettre en garde les autorités du pays et que ces dernières persistent à ne pas prendre en compte son avis, il doit se retirer dans une forêt de montagne. Telle est la coutume depuis les temps anciens et je l’ai donc suivie.
Je suis tout à fait certain que le mérite acquis par mes efforts est reconnu de tous, depuis les Trois Trésors jusqu’à Brahma, Shakra, et aux dieux du soleil et de la lune. Grâce à ce mérite, je mènerai sûrement à l’illumination mes parents et mon maître, le défunt Dōzen-bō.
Mais certains doutes me troublent. Le vénérable Maudgalyayana tenta de sauver sa mère, Shōdai-nyo, mais il n’y parvint pas et elle demeura dans le monde des esprits affamés. Le moine Sunakshatra était un fils de l’Honoré du monde à la grande illumination et pourtant il tomba dans l’enfer Avīci. Ainsi, même si l’on déploie toutes ses forces pour sauver les autres, il est très difficile de les sauver de la rétribution karmique qu’ils ont attirée sur eux.
Le défunt Dōzen-bō m’a traité comme l’un de ses disciples favoris et je ne peux donc pas croire qu’il ait éprouvé de la haine à mon égard. Mais c’était un homme 735peureux et il ne put jamais se résoudre à renoncer à sa position au sein du Seichō-ji où il résidait. De plus, il redoutait de provoquer une réaction de Kagenobu, l’intendant de la région, en prêtant l’oreille à mes enseignements. Et, au Seichō-ji, il devait cohabiter avec des moines tels qu’Enchi et Jitsujō, qui étaient aussi mauvais que Devadatta ou Kokalika ; il devait aussi faire face à leurs intimidations, si bien qu’il devint plus craintif que jamais. C’est pourquoi il resta sourd aux disciples de longue date qu’il appréciait le plus. Je me demande ce qu’il adviendra de cet homme dans la vie prochaine.
Il est une chose dont il faut savoir gré. Kagenobu, Enchi et Jitsujō sont tous morts avant Dōzen-bō, et cela fut pour lui une aide. Ces hommes ont tous connu une mort prématurée, châtiés par les dix filles rakshasa qui protègent le Sūtra du Lotus. Après leur disparition, Dōzen-bō se mit à avoir foi dans ce Sūtra. Mais c’était un peu comme s’armer d’un bâton une fois un combat achevé ou comme allumer une lanterne au milieu de la journée ; le moment approprié était passé.
Quoi qu’il arrive, on devrait ressentir de la compassion et se préoccuper de ses propres enfants ou de ses disciples. Dōzen-bō n’était pas un homme dépourvu de pouvoir et pourtant, malgré mon exil au loin dans la province de Sado, il n’a jamais entrepris de me rendre visite. On peut difficilement dire qu’il s’agit là du comportement d’un croyant du Sūtra du Lotus.
Malgré tout, j’ai beaucoup pensé à lui, et quand j’ai appris la nouvelle de son décès, j’ai eu le sentiment que, quitte à traverser le feu ou l’eau, je devais me précipiter sur sa tombe, la taper de la main [pour attirer son attention] et réciter pour lui un volume du Sūtra du Lotus.
Cependant, il est courant que les sages ne songent pas d’eux-mêmes à se retirer du monde mais que d’autres les poussent à le faire ; alors, si ces sages quittent précipitamment leur retraite sans raison valable, les gens imaginent qu’ils ne se sont pas tenus à leur dessein. C’est pourquoi, malgré mon désir de me rendre sur sa tombe, je sens que je ne peux le faire.
Jōken-bō et Gijō-bō, vous étiez tous les deux mes maîtres durant ma jeunesse. Vous êtes comme les supérieurs des moines Gonzō et Gyōhyō qui, après avoir été à une époque les maîtres du Grand Maître Dengyō, finirent par devenir ses disciples. Quand Kagenobu prit le parti de me nuire et que je décidai de quitter le mont Kiyosumi [où est situé le Seichō-ji], vous m’avez aidé à m’échapper en secret. Vous avez rendu un service incomparable au Sūtra du Lotus. Il ne peut y avoir de doutes concernant la rétribution qui vous attend à l’occasion de votre prochaine existence.
Question : Dans quelle partie trouve-t-on vraiment l’essence du Sūtra du Lotus, parmi l’ensemble des huit volumes et des vingt-huit chapitres qui le composent ?
Réponse : L’essence du Sūtra de la Guirlande de fleurs est le titre : Grand et vaste sūtra de la Guirlande de fleurs du Bouddha. L’essence des sūtras Agama est le titre : Recueil des sūtras Agama de taille moyenne, tels que le Bouddha les a enseignés. L’essence du Sūtra de la Grande Collection est le titre : Sūtra de la Grande Collection de Vaipulya. L’essence des sūtras de la Sagesse est le titre : Sūtra de la grande perfection de sagesse dans sa version longue. L’essence du Sūtra en deux volumes est le titre : Sūtra du bouddha Vie-Infnie, tel que le Bouddha l’a enseigné. L’essence du Sūtra de la méditation est le titre : Sūtra de la méditation sur le bouddha Vie-Infinie, tel que le Bouddha l’a enseigné. L’essence du Sūtra d’Amida est le titre : Sūtra d’Amida, tel que le Bouddha l’a enseigné. L’essence du Sūtra du Nirvana est le titre : Mahaparinirvana-sūtra. Cela s’applique à tous les sūtras. Le daimoku, ou titre du Sūtra, qui apparaît avant les mots d’introduction « Ainsi ai-je entendu » est dans tous les cas l’essence véritable du Sūtra. Cela est vrai pour les sūtras du Hinayana comme 736pour ceux du Mahayana. Qu’il s’agisse du Sūtra de Mahavairochana, du Sūtra de la couronne de diamants, du Susiddhikara-sūtra, etc. ; dans tous les cas, le titre en constitue l’essence.
Cela vaut aussi pour les bouddhas. L’Ainsi-Venu Mahavairochana, le bouddha Clarté-du-Soleil-et-de-la-Lune, le bouddha Torche-Enflammée, le bouddha Excellence-Sagesse-Grandes-Universelles, le bouddha Roi-des-Nuages-et-du-Son-du-Tonnerre. Le nom de tous ces bouddhas contient en lui les diverses vertus propres à chacun d’eux.
Cela s’applique donc [également] au Sūtra du Lotus. Les cinq caractères Myōhō-renge-kyō, qui apparaissent devant les mots d’introduction « Ainsi ai-je entendu », comprennent l’essence même des huit volumes de ce Sūtra. De plus, les cinq caractères sont l’essence de tous les sūtras ainsi que l’enseignement correct s’élevant au-dessus de tous les bouddhas et bodhisattvas, des personnes des deux véhicules, de tous les êtres célestes et humains, des asura et des divinités-dragons.
Question : Si une personne récitait Nam-myōhō-renge-kyō sans en comprendre le sens, et une autre Namu-daihōkō-butsu-kegonkyō [Gloire au Grand et vaste sūtra de la Guirlande de fleurs du Bouddha] sans en comprendre non plus la signification, le mérite acquis par ces deux personnes serait-il égal ou l’une d’elles acquerrait-elle plus de mérite que l’autre ?
Réponse : L’une d’elles acquerrait plus de mérite que l’autre.
Question : Qu’est-ce qui vous permet de dire cela ?
Réponse : Une petite rivière peut recevoir l’eau provenant de la rosée, de rigoles, de puits, de fossés et de ruisseaux, mais elle ne peut contenir l’eau d’un grand fleuve. Un grand fleuve peut recevoir l’eau d’une petite rivière avec la rosée, les ruisseaux [qui se sont jetés en elle], etc., mais il ne peut contenir l’eau du grand océan. Or, les sūtras Agama sont comme la petite rivière avec ses ruisseaux, ses puits, ses rigoles, et sa rosée, alors que les sūtras de la période Vaipulya, le Sūtra d’Amida, le Sūtra de Mahavairochana et le Sūtra de la Guirlande de fleurs sont comme le grand fleuve qui reçoit la petite rivière. Mais le Sūtra du Lotus est comme le grand océan qui peut contenir toute l’eau provenant de la rosée, des rigoles, des puits, des ruisseaux, des petites rivières, des grands fleuves, et toute la pluie du ciel, sans en perdre une seule goutte.
Imaginez une personne brûlant de fièvre. Si elle s’assied à côté d’une grande étendue d’eau froide et y reste un moment, sa fièvre diminuera, mais si elle s’étend à côté d’une petite étendue d’eau, elle continuera à souffrir comme avant. De la même façon, si un icchantika, ou personne d’une incroyance incorrigible, ayant commis les cinq transgressions capitales et calomnié la Loi, tentait de se rafraîchir auprès des petites étendues d’eau que représentent les sūtras Agama, le Sūtra de la Guirlande de fleurs, le Sūtra de la méditation et le Sūtra de Mahavairochana, la fièvre torride engendrée par ces grandes fautes ne se dissiperait jamais. Mais s’il s’étendait sur la grande montagne enneigée que représente le Sūtra du Lotus, alors la fièvre torride provoquée par les cinq transgressions capitales, son opposition à la Loi, et son incroyance incorrigible se dissiperait instantanément.
C’est pourquoi les ignorants devraient dans tous les cas avoir foi dans le Sūtra du Lotus. Car, même si l’on peut penser que tous les titres des sūtras ont un effet identique et qu’il est aussi facile de réciter l’un que l’autre, en fait, le mérite acquis, fût-ce par un ignorant qui récite le titre du Sūtra du Lotus, est supérieur à celui acquis par un sage qui récite un autre titre, de la même façon que le ciel est supérieur à la terre.
Par exemple, une personne très forte ne peut rompre une corde solide à mains nues. Mais, avec un petit couteau, une 737personne relativement faible pourra rompre facilement cette corde. Une personne très forte ne peut fendre une pierre dure avec un sabre émoussé. Mais, avec un sabre acéré, une personne relativement faible pourra fendre cette pierre en deux.
Ou, pour donner un autre exemple, même si l’on ignore la composition d’un médicament, si l’on en prend une dose, on guérira de sa maladie. Mais si l’on ne se nourrit que d’aliments ordinaires, on ne guérira jamais. Autre exemple, un élixir peut vraiment prolonger la durée de notre vie, alors qu’un médicament ordinaire, s’il guérit la maladie, ne pourra en aucun cas prolonger notre vie.
Question : Parmi les vingt-huit chapitres du Sūtra du Lotus, lequel en représente l’essence ? Lequel est le plus essentiel ?
Réponse : Certains disent que chaque chapitre est essentiel pour la question qu’il traite. D’autres prétendent que les chapitres “Moyens opportuns” et “Durée de la vie” sont l’essence même du Sūtra, d’autres que c’est seulement le chapitre “Moyens opportuns” ou, d’autres encore, que c’est uniquement le chapitre “Durée de la vie”. Certains disent que l’essence du Sūtra est le passage où il est dit comment les bouddhas ouvrent la porte de la sagesse bouddhique à tous les êtres vivants, la leur montrent, les amènent à s’y éveiller et les incitent à suivre cette voie130, d’autres disent que le passage sur « la réalité ultime de tous les phénomènes131 » représente le cœur du Sūtra.
Question : Et vous, qu’en pensez-vous ?
Réponse : Je crois que l’essence du Sūtra est constituée par les mots Nam-myōhō-renge-kyō.
Question : Sur quelle preuve vous appuyez-vous ?
Réponse : Ananda, Manjusri et d’autres ont écrit : « Ainsi ai-je entendu. »
Question : Que voulez-vous dire ?
Réponse : Pendant huit ans, Ananda, Manjusri et d’autres ont écouté les sens insondables du Sūtra du Lotus, sans jamais manquer un seul verset ni un seul mot. Cependant, après la disparition du Bouddha, au moment d’un concile, quand les neuf cent quatre-vingt-dix-neuf arhat prirent chacun leur pinceau de calligraphie132 et le plongèrent dans l’encre, ils écrivirent tout d’abord « Myōhō-renge-kyō » et, après cela, ils récitèrent les mots « Ainsi ai-je entendu ». Comment ne pas croire alors que les cinq caractères de « Myōhō-renge-kyō » sont certainement l’essence des huit volumes et vingt-huit chapitres qui composent cette œuvre ?
C’est pourquoi le Maître du Dharma Fayun, du temple de Kuangzhai, dont on disait qu’il avait toujours donné des conférences sur le Sūtra du Lotus depuis le temps lointain du bouddha Clarté-du-Soleil-et-de-la-Lune, a déclaré : « Les mots “Ainsi ai-je entendu” indiquent que l’on va transmettre les doctrines que l’on a entendu prêcher. Le titre, qui précède ces mots, résume la totalité du Sūtra133. »
Présent au pic de l’Aigle quand le Sūtra du Lotus fut enseigné, le Grand Maître Tiantai l’entendit en personne et il écrivit : « Le mot “Ainsi” [dans “Ainsi ai-je entendu”] désigne l’essence de l’enseignement énoncé par le Bouddha134. » Et le Grand Maître Zhangan écrit : « [En tant que] transcripteur [je] commente l’explication du titre du Sūtra du Lotus de Tiantai en disant : [Son explication du titre dans] sa préface véhicule le sens profond du Sūtra. Le sens profond correspond au cœur du texte135. »
Dans ce passage, « le cœur du texte » signifie que le Daimoku ou titre du Sūtra est le cœur du Sūtra du Lotus. Comme le déclare le Grand Maître Miaole : « C’est du cœur du Sūtra du Lotus que viennent tous les enseignements donnés par le Bouddha tout au long de sa vie136. »
L’Inde contient soixante-dix royaumes, mais on les désigne collectivement sous le nom d’Inde. Le Japon comprend soixante provinces137 mais, toutes ensemble, on les appelle Japon. À l’intérieur du mot « Inde » 738est contenu l’ensemble des soixante-dix royaumes ainsi que leurs habitants, les animaux, les trésors, etc. À l’intérieur du mot « Nihon [Japon] » sont contenues les soixante-six provinces dans leur totalité. Les plumes de Dewa offertes en tribut, l’or de la province de Mutsu138, et tous les autres trésors du pays, ainsi que les gens, les animaux, les temples et les sanctuaires, sont contenus à l’intérieur des deux idéogrammes qui composent le mot Nihon [Japon].
Celui qui détient l’œil céleste peut regarder les deux idéogrammes du mot Nihon et y voir l’ensemble des soixante-six provinces avec leurs habitants et les animaux [qui les peuplent]. Celui qui possède l’œil du Dharma peut voir tous les êtres humains et les animaux qui meurent en ce moment dans un lieu ou qui naissent dans un autre.
C’est comme entendre la voix de quelqu’un et en déduire à quoi il ressemble ou juger d’après des empreintes de pied si une personne est grande ou petite. C’est aussi comme jauger la taille d’un étang en regardant les lotus qui y poussent, ou imaginer la taille des dragons en observant les pluies qu’ils déclenchent. Chacun de ces exemples illustre le principe selon lequel tout est exprimé dans l’un.
On pourrait en déduire que le daimoku, ou titre, de n’importe quel sūtra Agama doit contenir tous les enseignements des bouddhas, mais il ne contient en fait que ceux d’un seul bouddha, le Shakyamuni des enseignements du Hinayana. On pourrait en déduire aussi que les titres du Sūtra de la Guirlande de fleurs, du Sūtra de la méditation et du Sūtra de Mahavairochana doivent contenir tous les enseignements des bouddhas, mais ils n’incluent pas la doctrine concernant l’atteinte de la bouddhéité par les personnes des deux véhicules ou l’atteinte de l’illumination par Shakyamuni dans le très lointain passé. Ils sont en réalité comme des fleurs qui s’épanouissent sans donner de fruits, comme le tonnerre qui gronde sans apporter de pluie, comme un tambour qui ne résonne pas, comme des yeux qui ne voient pas, une femme qui ne porte pas d’enfant, ou une personne qui ne possède ni vie ni esprit.
Les mantras associés aux bouddhas Mahavairochana, Maître-de-la-Médecine et Amida et au bodhisattva Sensible-aux-Sons-du-Monde sont aussi comme cela. Même si, dans les divers sūtras contenant ces mantras, on les dit pareils à un grand roi, au mont Sumeru, au soleil et à la lune, à un bon médicament, à un joyau-qui-exauce-les-vœux, ou à un sabre tranchant, ils sont aussi nettement au-dessous du Daimoku du Sūtra du Lotus que la boue est au-dessous des nuages.
Non seulement les mantras sont largement inférieurs mais ils ont perdu les fonctions qui leur sont inhérentes. Quand le soleil se lève, la lumière des multiples étoiles se trouve totalement éclipsée ; quand des bouts de fer sont placés près d’un aimant, ils perdent leurs propriétés. Quand un grand sabre est mis à l’épreuve d’un feu, même modeste, il devient hors d’usage ; quand on met du lait de vache ou d’ânesse en présence du lait de lionne, il se change en eau. Une bande de renards oublieront toutes leurs ruses face à un chien ; une meute de chiens trembleront de frayeur face à un petit tigre.
De la même façon, si l’on récite Nam-myōhō-renge-kyō, alors le pouvoir des mots Namu-Amida-butsu, celui des mantras invoquant Mahavairochana, celui du bodhisattva Sensible-aux-Sons-du-Monde, et celui de tous les bouddhas, sūtras et bodhisattvas, tous ces pouvoirs sans exception disparaîtront face au pouvoir de Myōhō-renge-kyō.
Ces autres sūtras doivent tenter d’emprunter le pouvoir de Myōhō-renge-kyō, sinon ils perdront toute valeur. C’est ce que, de nos jours, nous constatons de nos propres yeux.
Puisque moi, Nichiren, je récite et je propage Nam-myōhō-renge-kyō, le pouvoir 739de Namu-Amida-butsu sera comme la lune qui descend, comme la marée qui reflue, comme l’herbe qui s’assèche en automne et en hiver, ou comme la neige qui fond au soleil. Observez bien ce qui se passera !
Question : Si la Loi que vous décrivez est si merveilleuse, pourquoi n’est-elle pas plus connue ? Pourquoi Mahakashyapa, Ananda, Ashvagosha, Nagarjuna, Asanga, Vasubandhu, Nanyue, Tiantai, Miaole et Dengyō ne l’ont-ils pas propagée à l’étranger de la même façon que Shandao a propagé la pratique de la récitation de Namu-Amida-butsu dans toute la Chine ou qu’Eshin, Yōkan139 et Hōnen l’ont propagée au Japon, convertissant tous les habitants du pays au bouddha Amida ?
Réponse : Il s’agit là d’une critique ancienne, qui n’est en aucun cas formulée ici pour la première fois.
Les bodhisattvas Ashvaghosha et Nagarjuna étaient de grands érudits qui vécurent, respectivement, six cents et sept cents ans après la disparition du bouddha Shakyamuni. Quand ces hommes apparurent dans le monde et se mirent à propager les doctrines des sūtras du Mahayana, les divers croyants du Hinayana élevèrent des objections.
« Mahakashyapa et Ananda, disaient-ils, continuèrent à vivre vingt ou quarante ans après la disparition du Bouddha, en dispensant l’enseignement correct. Ils véhiculèrent probablement le cœur de tous les enseignements exposés par le Bouddha de son vivant. Nous découvrons maintenant que ces deux hommes ont simplement mis l’accent sur les doctrines de la souffrance, de la vacuité, de l’impermanence et du non-soi. Ashvaghosha et Nagarjuna sont peut-être très sages, mais faut-il les supposer supérieurs à Mahakashyapa et à Ananda ? C’est là notre première objection.
« Mahakashyapa parvint à l’illumination grâce à des rencontres directes avec le Bouddha. Mais ces deux hommes, Ashvaghosha et Nagarjuna, n’ont jamais rencontré le Bouddha. C’est là notre deuxième objection.
« Les philosophes non bouddhistes qui précédèrent le Bouddha enseignaient que la vie est permanente, joyeuse, pure et dotée d’un soi. Par la suite, quand le Bouddha apparut dans le monde, il déclara que la vie était caractérisée par la souffrance, le vide, l’impermanence et le non-soi. Or, aujourd’hui, Ashvaghosha et Nagarjuna soutiennent qu’elle est permanente, joyeuse, pure et dotée d’un soi. Par conséquent, nous devons supposer que, puisque le Bouddha et Mahakashyapa ont l’un et l’autre disparu du ciel, le roi-démon du sixième ciel s’est emparé de ces deux hommes et tente de détruire les enseignements bouddhiques pour les remplacer par les enseignements non bouddhiques.
« Dans ce cas, ces hommes sont les ennemis de la Loi bouddhique. Nous devons leur briser le crâne, leur couper la tête, mettre un terme à leur vie, et veiller à ce qu’ils n’aient plus rien à manger. Chassons-les du pays ! »
Telles furent les déclarations des croyants du Hinayana. Et Ashvaghosha et Nagarjuna, n’ayant chacun que peu d’alliés, furent contraints jour et nuit à entendre les cris de la calomnie, et durent matin et soir subir des attaques à coups de canne et de bâton.
Mais ces deux hommes étaient en fait des messagers du Bouddha. En effet, dans le Maya-sūtra, il est prédit qu’Ashvaghosha apparaîtrait six cents ans et Nagarjuna sept cents ans après la disparition du Bouddha. On trouve la même prédiction dans le Lankavatara-sūtra et, bien sûr, dans l’Histoire des successeurs du Bouddha.
Pourtant, les croyants du Hinayana ne tinrent pas compte de ces prédictions et attaquèrent au contraire les croyants du Mahayana aveuglément et sans raison. « Puisque haine et jalousie abondent en ce monde du vivant même de l’Ainsi-Venu, ne seront-elles pas pires encore après sa 740disparition140 ? » dit le Sūtra du Lotus. En pensant à l’époque d’Ashvaghosha et de Nagarjuna, on commence à comprendre ce que signifient véritablement ces mots du Sūtra. De plus, le bodhisattva Aryadeva fut tué par un non-bouddhiste, et le vénérable Aryasimha eut la tête tranchée. Ces événements aussi apportent matière à réflexion.
Puis, quelque mille cinq cents ans après la disparition du Bouddha, dans le pays qu’on appelle la Chine et qui s’étend à l’est de l’Inde, le Grand Maître Tiantai apparut dans le monde durant les années correspondant aux dynasties des Chen et des Sui. Il déclara que, parmi les enseignements énoncés par l’Ainsi-Venu, figuraient le Mahayana et le Hinayana, l’exotérique et l’ésotérique, le provisoire et le véritable. Il expliqua que Mahakashyapa et Ananda s’étaient attachés à propager les enseignements du Hinayana. Ashvaghosha, Nagarjuna, Asanga et Vasubandhu avaient, eux, propagé les enseignements provisoires du Mahayana. Mais ils n’avaient fait qu’effleurer brièvement l’enseignement véritable du Mahayana, le Sūtra du Lotus, en dissimulant sa signification, ou avaient décrit la signification superficielle du Sūtra, sans présenter tout l’éventail des enseignements exposés par le Bouddha de son vivant. Ils avaient aussi décrit l’enseignement théorique mais non l’enseignement essentiel, ou parfois ils avaient compris les enseignements théorique et essentiel, mais pas l’enseignement pour l’observation de l’esprit.
Quand le Grand Maître Tiantai exposa ces conceptions, les millions de disciples des dix écoles bouddhiques — les trois écoles de la Chine du Sud et les sept de la Chine du Nord — tous, d’un commun accord, laissèrent éclater un grand rire de dérision. « Maintenant, en cette époque de la Fin de la Loi, un moine tout à fait étonnant a fait son apparition parmi nous ! » s’exclamèrent-ils. « Certes, il y eut des moments où des personnes adhérèrent à des vues erronées et s’opposèrent à nous. Mais jamais quiconque n’a considéré comme ignorants les deux cent soixante maîtres des Trois Corbeilles et enseignants de la Loi bouddhique qui ont vécu depuis l’introduction des enseignements bouddhiques lors de la dixième année de l’ère Yongping [l’an 67 de notre ère], sous la dynastie des Han postérieurs, année placée sous le signe cyclique de hinoto-u, jusqu’aux années actuelles des dynastie des Chen et des Sui. Et, de plus, ce moine dit [non seulement qu’ils sont ignorants mais] qu’ils s’opposent à la Loi et sont voués à tomber dans les mauvaises voies. Voilà le genre de personne qui vient d’apparaître !
« Il est si insensé qu’il prétend même que le Maître des Trois Corbeilles Kumarajiva, l’homme qui introduisit le Sūtra du Lotus en Chine, était un homme ignorant et stupide. S’il affirme cela à propos d’hommes qui vivaient en Chine, imaginez en plus qu’il prétend que de grands érudits de l’Inde tels que Nagarjuna, Vasubandhu et quelques centaines d’autres, tous bodhisattvas appartenant aux quatre rangs de bodhisattvas, n’enseignèrent pas la véritable doctrine. Il ne serait pas plus grave de tuer un tel homme que de tuer un épervier. En fait, celui qui agirait ainsi serait plus digne d’éloges que quelqu’un qui tue un démon ! »
C’est ainsi qu’ils attaquèrent le Grand Maître Tiantai. Par la suite, au temps du Grand Maître Miaole, alors que [les écoles] Faxiang et Zhenyan avaient été fondées sur les doctrines venues de l’Inde et que l’école Huayan fut pour la première fois introduite en Chine, Miaole réfuta ces enseignements et provoqua un tapage similaire.
Au Japon, le Grand Maître Dengyō apparut mille huit cents ans après la disparition du Bouddha. Après avoir étudié les commentaires de Tiantai, il se mit à critiquer les six écoles qui s’étaient épanouies au Japon durant les deux cent soixante années suivant l’époque de l’empereur Kimmei. En retour, les gens le calomnièrent en disant 741que les maîtres des traditions non bouddhiques qui vivaient à l’époque du Bouddha ou les maîtres du Dao, de Chine, avaient dû renaître au Japon [en sa personne].
Dengyō proposa aussi d’établir, pour administrer les grands préceptes de l’illumination parfaite et subite, une estrade d’ordination comme il n’en avait jamais existé ni en Inde, ni en Chine, ni au Japon durant les mille huit cents années qui s’étaient écoulées depuis la disparition du Bouddha. En fait, il alla encore plus loin, déclarant que l’estrade d’ordination du Kannon-ji dans la région de l’Ouest [à Tsukushi], l’estrade d’ordination de l’Ono-dera dans la région de l’Est, à Shimotsuke, et l’estrade d’ordination du Tōdai-ji, dans la province centrale de Yamato141 exhalaient l’odeur infecte des préceptes du Hinayana et n’avaient pas plus de valeur que des cailloux ou des débris de tuiles. Il déclara que les moines qui gardaient de tels préceptes ne valaient pas mieux que des renards et des singes.
En retour, ses détracteurs s’exclamèrent : « Oh, c’est vraiment stupéfiant ! Cette créature qui a l’air d’un moine doit être en fait la matérialisation au Japon d’un grand essaim de sauterelles qui s’apprêtent à fondre sur les tendres pousses des enseignements bouddhiques pour les dévorer d’un coup. Ou peut-être Zhou, de la dynastie des Yin, ou Jie, [de la dynastie] des Xia, ont-ils pu renaître au Japon sous la forme de ce moine. Peut-être l’empereur Wu de la dynastie des Zhou du Nord et l’empereur Wuzong142 de la dynastie des Tang ont-ils réapparu en ce monde. Désormais, à tout moment, la Loi bouddhique peut être anéantie et le pays vaincu. »
Les gens tapèrent des mains en signe d’inquiétude et s’agitèrent. « À chaque fois, disaient-il, que les moines de ces deux enseignements du Mahayana et du Hinayana, apparaissent ensemble, ils se battent comme le seigneur Shakra et les asura ou comme Xiang Yu et Gaozu143, qui se sont opposés pour s’emparer du royaume. »
Les adversaires de Dengyō ont continué à le dénigrer ainsi : « À l’époque du Bouddha, il y eut deux estrades d’ordination144, l’une appartenant au Bouddha et l’autre à Devadatta, et bon nombre de gens furent tués dans la querelle qui les opposa. Cet homme peut bien lancer un défi aux autres écoles, mais il déclare qu’il lui faut établir une estrade d’ordination pour administrer les préceptes de l’illumination parfaite et subite, ce que même son maître, le Grand Maître Tiantai, n’avait pas réussi à faire. C’est vraiment étrange ! C’est vraiment très effrayant ! »
Mais Dengyō pouvait s’appuyer sur des passages de sūtras et, comme vous le savez, l’estrade d’ordination fut finalement érigée et se trouve depuis quelque temps maintenant au mont Hiei.
Ainsi, même si leur illumination a peut-être été identique du point de vue de l’enseignement qu’ils propagèrent, Ashvaghosha et Nagarjuna furent supérieurs à Mahakashyapa et Ananda, Tiantai fut supérieur à Ashvaghosha et Nagarjuna et Dengyō surpassa Tiantai. En cette époque de la Fin de la Loi, la sagesse des gens devient superficielle, alors que l’enseignement bouddhique devient plus profond. Par analogie, une maladie sans gravité peut être guérie par un médicament ordinaire, mais une maladie grave nécessite un élixir. Un homme faible doit pouvoir s’appuyer sur de puissants alliés.
Question : Y a-t-il un enseignement correct que même Tiantai et Dengyō n’ont pas propagé ?
Réponse : Oui.
Question : Quelles sont les caractéristiques de cet enseignement ?
Réponse : Il comporte trois éléments. Il a été laissé par le Bouddha pour ceux qui vivent à l’époque de la Fin de la Loi. C’est l’enseignement correct qui n’a jamais été propagé ni par Mahakashyapa, ni par Ananda, ni par Ashvaghosha, ni par Nagarjuna, ni par Tiantai, ni par Dengyō.
742Question : Sous quelle forme se présente-t-il ?
Réponse : D’abord, au Japon comme dans tous les autres pays de tout le Jambudvipa, le bouddha Shakyamuni de l’enseignement essentiel devrait devenir l’objet de vénération145. En d’autres termes, tous les autres bouddhas et les quatre bodhisattvas, notamment Pratiques-Supérieures, tiendront lieu d’acolytes au bouddha Shakyamuni et au bouddha Maints-Trésors qui apparaissent dans la Tour aux trésors. Ensuite, l’estrade d’ordination de l’enseignement essentiel sera établie. Enfin, au Japon, en Chine, en Inde et dans tous les autres pays du Jambudvipa, tous, qu’ils soient sages ou ignorants, rejetteront les autres pratiques et se rassembleront pour réciter Nam-myōhō-renge-kyō. Cet enseignement n’a jamais été propagé auparavant. Ici, dans tout le continent du Jambudvipa, durant les deux mille deux cent vingt-cinq années qui se sont écoulées depuis la disparition du Bouddha, pas une seule personne ne l’a récité. Seul Nichiren récite maintenant Nam-myōhō-renge-kyō, Nam-myōhō-renge-kyō, sans épargner sa voix.
La taille des vagues dépend du vent qui les soulève, la hauteur des flammes, des bûches que l’on empile, la taille des lotus, de l’étang dans lequel ils poussent, et l’intensité de la pluie, des dragons qui la déclenchent. Plus les racines sont profondes, plus les branches sont luxuriantes. Plus la source est profonde, plus la rivière est longue.
La dynastie des Zhou dura sept cents ans en raison de la bienséance et de la dévotion filiale de son fondateur, le roi Wen. En revanche, la dynastie des Chin [221-206 avant notre ère] ne dura que très peu de temps, en raison des méthodes perverses de son fondateur, le premier empereur des Chin. Puisque la compassion de Nichiren est vraiment grande et capable de tout inclure, Nam-myōhō-renge-kyō se propagera pendant dix mille ans et plus encore, pour toute l’éternité, car il a le pouvoir bénéfique d’ouvrir les yeux aveugles de tous les êtres vivants du Japon, et de barrer la route qui mène à l’Enfer aux souffrances incessantes. Son bienfait surpasse celui de Dengyō et Tiantai, et est supérieur à celui de Nagarjuna et Mahakashyapa.
Cent années de pratique dans la Terre du Bonheur-Suprême ne peuvent se comparer au bienfait obtenu par un jour de pratique dans ce monde impur. Deux mille ans de propagation de la Loi bouddhique durant les époques de la Loi correcte et de la Loi formelle sont inférieurs à une heure de propagation à l’époque de la Fin de la Loi. Cela n’est en aucune façon dû à la sagesse de Nichiren, mais c’est tout simplement le moment qui le veut ainsi. Au printemps s’ouvrent les fleurs, en automne mûrissent les fruits. L’été est chaud, l’hiver est froid. Telle est la loi des saisons, n’est-ce pas ?
« Quand je serai entré dans l’extinction, dans la dernière période de cinq cents ans, il te faudra propager largement [ce passage] dans tout le Jambudvipa, sans le laisser jamais disparaître, de même qu’il ne faudra pas laisser les démons, le peuple des démons, les êtres célestes, les dragons, les yaksha ou les démons kumbhanda et autres prendre l’avantage146 ! »
Si ce passage du Sūtra du Lotus avait dû se révéler vain, alors Shariputra ne serait jamais devenu l’Ainsi-Venu Éclat-Fleuri; le vénérable Mahakashyapa Clarté-Lumineuse; Maudgalyayana le bouddha Tamalapattra-Parfum-de-Bois-de-Santal; Ananda le bouddha Montagne-Océan-de-Sagesse-Souverain-au-Pouvoir-Illimité; la nonne Mahaprajapati le bouddha Vision-qui-Réjouit-Tous-les-Êtres-Vivants et la nonne Yashodhara le bouddha Doté-de-Dix-Millions-de-Marques-de-Lumière. Les kalpa de particules de poussière de systèmes de mondes majeurs seraient alors une conception puérile et les kalpa et les kalpa de particules de poussière d’innombrables systèmes de mondes majeurs se révéleraient 743un mensonge. Le bouddha Shakyamuni, seigneur des enseignements, serait tombé très probablement dans l’Enfer aux souffrances incessantes. Le bouddha Maints-Trésors suffoquerait au milieu des flammes de l’enfer Avīci, les bouddhas des dix directions auraient élu domicile dans les huit grands enfers et les divers bodhisattvas seraient tous contraints de souffrir dans les cent trente-six enfers.
Mais comment pourrait-il en être ainsi ? Comme la prédiction du Sūtra ne fut pas faite en vain, il est certain que tous les gens du Japon réciteront Nam-myōhō-renge-kyō !
De même que la fleur redeviendra racine et l’essence de la plante retournera à la terre, le bienfait dont je parle s’accumulera certainement dans la vie du défunt Dōzen-bō. Nam-myōhō-renge-kyō, Nam-myōhō-renge-kyō.
Écrit le vingt et unième jour du septième mois de la deuxième année de Kenji [1276], signe cyclique de hinoe-ne
Respectueusement envoyé du mont Minobu, village de Hakii, province de Kai, à Jōken-bō et Gijō-bō, du mont Kiyosumi, district de Tōjō, province d’Awa
Lettre d’accompagnement
J’ai bien reçu votre lettre. Il ne faudrait jamais parler de questions ayant trait à cette doctrine bouddhique à quelqu’un qui n’a pas la foi, que cette personne soit un ami proche, un parent ou un étranger. Voilà un point qu’il faut bien garder à l’esprit.
J’ai calligraphié pour vous le Gohonzon. Le pouvoir des ennemis du Sūtra du Lotus a plus augmenté dans les années postérieures à la disparition du Bouddha que de son vivant ; beaucoup plus à l’époque de la Loi formelle qu’à l’époque de la Loi correcte ; et il augmentera certainement encore beaucoup plus maintenant, en ce début de l’époque de la Fin de la Loi, qu’à l’époque de la Loi formelle. Si vous comprenez cela, vous réaliserez, au même titre que n’importe qui, qu’au Japon personne d’autre que moi n’est un véritable pratiquant du Sūtra du Lotus.
Un compte rendu sommaire du décès du révérend Dōzen-bō m’est parvenu le mois dernier. J’ai pensé me déplacer dès que possible et aussi envoyer le moine147 à qui j’ai confié cette lettre. Cependant, bien que je ne me considère pas comme retiré du monde, d’autres semblent me voir de cette façon, et je me fais donc une règle de ne pas quitter cette montagne.
Ce moine m’a appris l’existence de rapports privés provenant de diverses sources selon lesquelles il y aura probablement des débats doctrinaux avec les autres écoles dans l’avenir proche. J’ai donc envoyé des gens dans un certain nombre de temples des différentes provinces afin de rechercher des sūtras et des traités dispersés dans tout le pays. J’avais envoyé ce moine pour une mission de ce genre dans la province de Suruga, et il vient tout juste de rentrer. [Je vous l’envoie donc avec cette lettre.]
Dans ce traité, j’ai abordé des questions de la plus haute importance. Il serait donc erroné d’en faire connaître le contenu à des personnes qui ne comprennent pas l’essence de la Loi bouddhique. Et même s’il n’était présenté qu’à des personnes qui comprennent [l’essence de l’enseignement], si ces dernières sont trop nombreuses, il est alors probable que les mots qu’il contient parviendront jusqu’à des oreilles étrangères. Ce ne serait bon ni pour vous ni pour moi.
J’aimerais donc que vous seul et Gijō-bō fassiez lire ce traité à voix haute deux ou 744trois fois, au sommet du Kasagamori, par le moine [qui vous apporte cette lettre]. Veuillez la lui faire lire aussi une fois devant la tombe du défunt Dōzen-bō. Ensuite, laissez-lui cette lettre et demandez-lui de vous la lire régulièrement. Si vous l’écoutez ainsi à maintes reprises, je crois que vous finirez par comprendre sa signification et par l’apprécier.
Avec mon profond respect,
Nichiren
Le vingt-sixième jour du septième mois
Au moine de Kiyosumi148
Notes
1. On trouve cette histoire dans « Les neuf fragments » des Élégies de Chu, anthologie de poèmes, et dans d’autres œuvres chinoises. Il est dit, dans un commentaire sur les Élégies de Chu écrit par Zhuxi, de la dynastie des Song : « Le vieux renard meurt toujours en tournant la tête vers la colline. C’est qu’en effet jamais il n’oublie le lieu de sa naissance. »
2. Cette histoire apparaît dans le Recueil d’histoires et de poèmes. Quand le jeune Mao Bao, qui devint plus tard un général de la dynastie des Chin, se mit à marcher le long du fleuve Yangzi Jiang, il vit un pêcheur qui s’apprêtait à tuer une tortue qu’il avait capturée. Empli de pitié, il donna au pêcheur ses vêtements en échange de la tortue et ainsi lui sauva la vie. Par la suite, poursuivi par des ennemis, il atteignit les rives du Yangzi Jiang. Là, la tortue qu’il avait sauvée dans sa jeunesse apparut et le transporta sur la rive opposée.
3. Selon les Mémoires historiques, Yu Rang de la dynastie des Jin commença par servir les familles Fan et Chunghang, mais on ne lui attribua pas une position importante. Par la suite, Yu Rang servit sous la direction de Zhi Bo qui lui accorda de grandes faveurs. Par la suite encore, Zhi Bo fut tué par Xiang Yu, le seigneur de Zhao. Pour venger son seigneur, Yu Rang se déguisa en lépreux en se couvrant le corps de laque, se rendit muet en buvant de la soude caustique et tenta ainsi de s’approcher de Xiang Yu. Mais sa tentative d’assassinat échoua et il fut capturé. Sensible à son sentiment de loyauté, Xiang Yu offrit à Yu Rang sa robe. Yu la lacéra à trois reprises pour montrer son hostilité envers l’homme qui avait tué son seigneur, puis retourna son sabre contre lui-même.
4. Cette histoire apparaît dans les Mémoires historiques. Alors que Hong Yan était parti en voyage, des ennemis attaquèrent l’État de Wei et tuèrent son seigneur, le général Yi, dévorant son corps pour ne laisser que son foie. Puis ils quittèrent le pays. Quand Hong Yan revint, il fut témoin du désastre et éclata en sanglots. Il s’ouvrit le ventre et y inséra le foie pour sauver son seigneur du déshonneur, provoquant ainsi sa propre mort.
5. Sūtra du salut par des hommes à la foi pure. Bien que ce sūtra n’existe plus, ce passage est cité dans la Forêt de joyaux dans le jardin de la Loi. Dans le texte de ce sūtra, « la vie bouddhique » désigne la vie monastique, mais ici Nichiren l’interprète comme une vie fondée sur la foi dans la Loi merveilleuse.
6. Cette histoire se trouve dans les Mémoires historiques. Le roi Zhou de la dynastie des Yin était tellement pris par sa passion pour son épouse, Daji, qu’il négligea complètement les affaires de l’État. Quand son ministre Bi Gan lui en fit le reproche, le roi Zhou entra dans une violente rage et le tua.
7. Dushun (557-640), Zhiyan (602-668), Fazang (643-712) et Chengguan (738-839) sont les quatre premiers patriarches de l’école Huayan en Chine, devenue l’école Kegon au Japon.
8. Xuanzang (602-664), Cien (632-682), Chizhou (678-733) et Chishō étaient des érudits de l’école Faxiang, devenue l’école Hossō au Japon. Xuanzang est généralement considéré comme le fondateur de l’école en Chine et Cien, qui donna ses bases formelles à cette dernière, est considéré comme son successeur. Chizhou est le quatrième patriarche, à compter de Xuanzang. On pense que Nichiren, en citant Chishō, se réfère soit à Chiho (cor. Chipong) qui étudia la doctrine de l’école Faxiang sous la direction de Chizhou, soit à Dōshō, qui étudia sous la direction de Xuanzang et fonda l’école Hossō au Japon.
9. Xinghuang, généralement plus connu sous le nom de Falang (507-581) et Jiaxiang, connu également sous le nom de Jizang (549-623), établirent l’école Sanlun, connue sous le nom de Sanron au Japon.
10. Bodhidharma (dates inconnues), Huike (487-593) et Huineng (638-713) sont les premier, deuxième et sixième patriarches du Zen en Chine.
11. Daochuo (562-645) et Shandao (613-681) sont présentés comme les deuxième et troisième patriarches du bouddhisme de l’école Jingtu en Chine (devenue l’école Jōdo au Japon). Huaigan (au VIIe siècle) étudia sous la 745direction de Shandao. Genkū est un autre nom de Hōnen, fondateur de l’école de la Terre pure au Japon.
12. Ce sont les huit écoles majeures du Japon avant la période de Kamakura (1185-1333), auxquelles on ajoute l’école Zen et l’école de la Terre pure pour faire dix. Voir la liste dans le glossaire.
13. Sūtra du Lotus, chap. 14.
14. La protubérance au sommet de la tête, sans doute un nœud de chair, est l’un des trente-deux signes principaux du Bouddha.
15. C’est là une référence aux trois vérités formulées par Tiantai (la vérité de la vacuité, la vérité conventionnelle et temporaire, la vérité de la Voie du Milieu) et présentées dans les enseignements provisoires, comme séparées et indépendantes les unes des autres. Voir « Triple vérité » dans le glossaire.
16.Sūtra du Lotus, chap. 13.
17. Ibid., chap. 10.
18. Ici « de tels hommes » se réfèrent aux Grands Maîtres et aux Maîtres des Trois Corbeilles cités précédemment.
19. Il s’agit d’un extrait du passage suivant du Sūtra du Nirvana : « C’est comme un émissaire du roi doué d’éloquence et maîtrisant les moyens opportuns qui, en mission dans un autre pays, préfère ne rien dissimuler des propos de son souverain, même si cela doit finir par lui coûter la vie. C’est également ainsi que se comportent les sages. Au milieu des hommes du commun, tous les sages devraient, au péril de leur vie, proclamer sans cesse l’enseignement précieux de l’Ainsi-Venu contenu dans les sūtras Vaipulya du Grand Véhicule. »
20. Sūtra du Lotus, chap. 10.
21. Ibid., chap. 14.
22. La traduction a été développée pour plus de clarté. Le Sūtra du Lotus contient deux révélations majeures : les personnes des deux véhicules peuvent atteindre la bouddhéité et Shakyamuni atteignit l’éveil dans un lointain passé. Ces deux révélations firent naître de grands doutes chez les disciples auditeurs (représentés par Shariputra et Maudgalyayana) pour la première, et chez les grands bodhisattvas pour la seconde. Ces deux groupes n’avaient pas conscience de ces enseignements cruciaux avant la révélation du Sūtra du Lotus et c’est pourquoi Shakyamuni les qualifie de « pires ennemis ».
23. Il s’agit des vingt-quatre successeurs qui héritèrent de la lignée des enseignements de Shakyamuni et les propagèrent en Inde à l’époque de la Loi correcte. Voir aussi « vingt-quatre successeurs » dans le glossaire.
24. Cette histoire apparaît dans le Voyage en Occident. Quand Ashvaghosha, le douzième successeur, enseigna le bouddhisme à Pataliputra, dans le Magadha, le roi Kanishka dirigea son armée contre Pataliputra et demanda une forte somme en tribut. Le roi de la ville, vaincu, offrit Ashvaghosha à la place de l’argent. Par la suite, avec le soutien de Kanishka, Ashvaghosha propagea le bouddhisme dans l’Inde du Nord.
25. Cette histoire est citée dans le Voyage en Occident. On pense que Manoratha a été le maître de Vasubandhu. Le roi Vikramaditya, de Shravasti, éprouva du ressentiment à l’égard de Manoratha et entreprit de l’humilier. Il rassembla cent érudits de diverses écoles pour débattre avec Manoratha. Quatre-vingt-dix-neuf d’entre eux reconnurent sa victoire mais le dernier, en collusion avec le roi, refusa de céder face à Manoratha. Cela valut à Manoratha de se sectionner la langue en la mordant et il en mourut.
26. Huiguan (368-438), Huiyan (363-443), Sengrou (431-494) et Huici (434-490) furent tous des moines célébrés durant la période des dynasties du Nord et du Sud.
27. Sūtra du Lotus, chap. 5.
28. Il s’agit probablement de la Signification du Sūtra du Lotus de Fayun, bien que les deux citations qui suivent ne figurent pas dans ce commentaire.
29. Cela signifie que les Annotations sur La signification du Sūtra du Lotus, attribuées au prince Shōtoku, se fondent sur la Signification du Sūtra du Lotus de Fayun.
30. Le quatrième volume des Cent résumés du Grand Maître Tiantai cite des formes de culte diurne et nocturne du bouddha Vairochana et de tous les autres bouddhas.
31. « Les douze catégories des sūtras Vaipulya » est un terme générique qui désigne tous les enseignements du Mahayana. De manière générale, ces sūtras réfutent l’attachement au Hinayana.
32. Sorte de méditation exposée dans le Sūtra de la Guirlande de fleurs. Dans cette méditation, tous les phénomènes des trois phases de l’existence (le passé, le présent et l’avenir) apparaissent clairement à l’esprit, comme toutes les choses se reflètent clairement à la surface de l’eau quand l’océan est calme.
33.Sūtra du Lotus, chap. 13.
34. Ibid., chap. 11.
35. Sorte de démon de la mythologie indienne, de nature querelleuse et guerrière, qui lutte sans cesse contre le dieu Shakra. On dit que le roi des asura fut aveuglé par la lumière du soleil et de la lune lorsqu’il tenta de lutter contre le dieu Shakra.
746 36. L’empereur des Han est Liu Bang (247-195 avant notre ère), fondateur de la dynastie des Han antérieurs, qui, dit-on, mit sous sa férule les autres seigneurs en brandissant son sabre de près d’un mètre de long.
37. Sūtra de la Guirlande de fleurs en quatre-vingts volumes, traduit par Shikshananda, sous la dynastie des Tang.
38. Cette histoire est racontée dans les Biographies des moines éminents de l’ère Genkō du moine zen Kokan Shiren (1278-1346). Selon la tradition, dans une vie antérieure, Shōtoku était Nanyue, le maître de Tiantai.
39. Il s’agit là d’une référence à la parabole des trois chariots et de la maison en feu, dans le troisième chapitre du Sūtra du Lotus.
40. La première des dix étapes de la sécurité correspond à l’aspiration à la bouddhéité. Ces dix étapes font partie des cinquante-deux étapes de la pratique du bodhisattva.
41. Hiroyo et Matsuna étaient des fils de Wake no Kiyomaro, un dignitaire de la Cour. En 802, en réaction à un édit impérial, ils réunirent quatorze moines érudits des sept temples majeurs de Nara au mont Takao pour débattre avec Dengyō. Par la suite, ils aidèrent Dengyō à établir l’école Tendai.
42. Lieu où Tiantai étudia sous la direction de Nanyue et où il s’éveilla, dit-on, à la vérité du Sūtra du Lotus.
43. Voir « unification des trois vérités » dans le glossaire.
44. La légende selon laquelle Shanwuwei se rendit au Japon se trouve dans les Biographies de l’ère Genkō.
45. « Les enseignements sur la grande concentration et méditation » désigne ici tout le système de méditation formulé par Tiantai.
46. En dépit de la tradition qui ne parle que d’un seul personnage, il faudrait distinguer au moins deux Nagarjuna : le fondateur de la philosophie et l’auteur plus tardif des traités tantriques.
47. Le mandala du Plan du diamant et le mandala du Plan de la matrice.
48. Les six autres des huit moines mentionnés dans le texte, étaient Zongrui, Quanya, Yizhen, Baoyue, Kan et Weizhin.
49. Zhiyuan (768-844) était un moine de l’école Tiantai qui vivait au temple de Huayen sur le mont Wutai. Guangxiu (771-843) fut le huitième patriarche de la lignée Tiantai, en partant de Tiantai lui-même. C’était aussi un disciple de Daosui qui enseigna la doctrine Tiantai à Dengyō. Enfin, Weijuan fut un disciple majeur de Guangxiu.
50. Il s’agit du Sūtra aux sens infinis et du Sūtra du bodhisattva Sagesse-Universelle, considérés comme l’introduction et l’épilogue du Sūtra du Lotus. Ces deux sūtras et le Sūtra du Lotus lui-même sont parfois présentés ensemble comme le Sūtra du Lotus en trois parties.
51. La cinquième veille : L’heure du Tigre (entre trois heures et cinq heures du matin).
52. On considère généralement que Chishō effectua son voyage en Chine lors de la troisième année de Ninju (853).
53. On pense le plus souvent que le retour eut lieu le sixième mois de la deuxième année de Ten’an (858).
54. La concentration et pénétration de Tiantai et les pratiques de Mahavairochana.
55. Cet « homme de Chine » n’est autre que Miaole, qui déclara dans ses Annotations sur le Commentaire textuel du Sūtra du Lotus, que c’est Kumarajiva qui attribua au chapitre “Transmission” sa place exacte.
56. Au Japon, l’école Zhenyan est devenue l’école Shingon.
57. Dans les Annotations sur le Sūtra de Mahavairochana qui lui fut remis par Shanwuwei, Yixing, le fondateur de l’école ésotérique Zhenyan en Chine, s’appropria la doctrine de Tiantai des trois mille mondes en un instant de vie et prétendit dans son interprétation qu’elle faisait partie des enseignements de l’école Zhenyan.
58. Fazang établit une classification des sūtras bouddhiques, en les divisant en cinq groupes selon leur niveau d’enseignement : l’enseignement du Hinayana, l’enseignement élémentaire du Mahayana, l’enseignement final du Mahayana, l’enseignement subit et l’enseignement parfait. Ce système des cinq enseignements fut conçu selon le modèle de la classification des cinq périodes par Tiantai.
59. Alors qu’il enseignait, Jiaxiang fut critiqué par Fazheng, un élève de l’école Tiantai âgé de dix-sept ans.
60. L’école Faxiang affirme que tous les dharma, ou phénomènes, proviennent de la conscience alaya et sont dotés d’une existence réelle. Elle s’attache surtout aux caractéristiques des dharma et, parmi les trois vérités, elle privilégie l’existence temporaire.
61. Zhizhou (678-733) fut le troisième patriarche de l’école Faxiang. Il vécut à Puyang et écrivit un commentaire sur le Sūtra du filet de Brahma en se fondant sur les enseignements de Tiantai. Liangbi, du temple de Qinglong, interpréta le Sūtra des rois bienveillants, sūtra qui vient en conclusion des sūtras de la Sagesse, en suivant les annotations de Tiantai à propos de ce sūtra.
747 62. Le texte japonais a été ici développé pour plus de clarté.
63. Il s’agit en fait d’une remarque de Miaole, tirée de ses Annotations sur le Commentaire textuel du Sūtra du Lotus. Dengyō reprend cette citation dans la Clarification des écoles fondées sur la doctrine de Tiantai. Dans ce passage, « Lu » désigne le pays natal de Confucius, en Chine. On dit que le peuple de Lu n’avait pas conscience de la grandeur de Confucius.
64. Sūtra du Lotus, chap. 10.
65. Au Japon, les moines et les nonnes ont le crâne rasé et portent un large chapeau tressé. Ainsi il est difficile de les distinguer les uns des autres.
66. Les cinq provinces sont Yamashiro, Yamato, Kawachi, Izumi et Setsu. Les sept régions rurales sont Tōkaidō, Tōsandō, Hokurikudō, San’indō, San’yōdō, Nankaidō et Saikaidō.
67.Sūtra du Lotus, chap. 14.
68. Ibid., chap. 23.
69. « Mahavairochana » désigne ici le bouddha Maints-Trésors.
70. Le sud correspond ici à la gauche, la Tour aux trésors étant tournée vers l’ouest. Le siège du sud est plus bas parce que, selon la coutume indienne, la gauche est inférieure à la droite.
71. Ce sont des rivières de la province de Shanxi, en Chine. La rivière Jing est toujours trouble alors que la rivière Wei est limpide.
72. On dit que le hibou dévore sa mère alors que le légendaire hakei, bête sauvage pareille à un tigre, mange son père.
73. Quelque temps après la mort de Chishō, s’éleva une querelle portant sur les différences de doctrines entre les disciples de ce dernier et ceux qui se situaient dans la lignée de Jikaku. Le conflit culmina sous la forme d’une violente querelle de succession autour de la fonction de patriarche, après la mort de Ryōgen, dix-huitième grand patriarche de l’Enryaku-ji. En 993, les disciples de Chishō quittèrent l’Enryaku-ji et s’établirent à l’Onjō-ji. Les moines des deux écoles ne cessèrent alors de s’attaquer mutuellement.
74. Il s’agit d’Uda, le cinquante-neuvième empereur du Japon (887-897). Après son abdication, en 897, il prononça les vœux bouddhiques et prit le nom d’empereur retiré Kampyō.
75. Instrument de rituel utilisé dans les prières au sein du bouddhisme ésotérique du Shingon. Cette histoire apparaît dans la Biographie du Grand Maître Kōbō du moine Shingon Ken’i (1072-1145). Selon cette œuvre, avant de quitter la Chine, Kōbō lança dans les airs un sceptre de diamant en forme de trident. De retour au Japon, il se rendit au mont Kōya pour poursuivre la pratique des enseignements ésotériques. Là, il découvrit le même sceptre de diamant suspendu aux branches d’un arbre.
76. Pratiques ésotériques s’appuyant sur dix-huit mudra différents, neuf pour le Plan du diamant et neuf pour le Plan de la matrice.
77. Le temple originel est le Kongōbu-ji, le temple principal de l’école Shingon, situé sur le mont Kōya.
78. On trouve ce récit Dans l’Histoire des successeurs du Bouddha. Il se trouve que le roi Kanishka passa devant le stupa orné de sept sortes de joyaux que Nirgrantha Jnatiputra, l’un des six maîtres non bouddhistes, fondateur du jaïnisme, avait fait ériger. Il le prit par erreur pour un stupa bouddhique et pria devant lui mais, alors, le stupa s’effondra. Selon Nichiren, c’est Ashvaghosha qui provoqua l’effondrement du stupa, probablement parce que le roi Kanishka fut converti au bouddhisme par Ashvaghosha.
79. On trouve cette histoire dans le Voyage en Occident. Il y avait en Inde un brahmane fourbe appelé Éloquence-du-Démon qui s’amusait à défendre des théories paradoxales et pratiquait le culte des démons. Il vivait dans une forêt, à l’écart des gens. Comme il se livrait à des débats dissimulé derrière un rideau, personne n’avait pu voir sa véritable apparence. Un jour, en présence du souverain, Ashvaghosha se lança dans un débat contre lui et parvint à le réduire au silence. Puis il souleva le rideau, révélant ainsi à tous son apparence démoniaque.
80. Wang Mang (de 45 avant notre ère à 23 de notre ère) était un haut dignitaire qui vécut vers la fin de la dynastie des Han antérieurs. Il s’assura le contrôle du trône en désignant comme successeur un enfant de neuf ans, l’empereur Ping. Finalement, il empoisonna Ping, usurpa le trône et établit une nouvelle dynastie, la dynastie des Xin.
81. Selon le Sūtra Trésor du Bouddha, dans le passé très lointain, après la disparition du bouddha Grand-Ornement, ses disciples se divisèrent en cinq écoles, et seul le moine Pratique-Universelle garda correctement ce que le Bouddha avait enseigné. Les maîtres des quatre autres écoles soutenaient des opinions fausses et persécutèrent Pratique-Universelle. Cela leur valut de tomber en enfer avec leurs disciples, où ils souffrirent longtemps. Par la suite, ils ont pu rencontrer et pratiquer l’enseignement correct du bouddha Roi-Tout-en-Éclat. Cependant, du fait de leurs graves fautes passées, aucun d’eux ne put atteindre le nirvana à ce moment-là, mais ils durent endurer de nouveau les souffrances de l’enfer. Il n’est pas mentionné 748spécifiquement dans le Sūtra Trésor du Bouddha qu’ils renaquirent à l’époque de la Fin de la Loi du bouddha Roi-Tout-en-Éclat.
82. Il s’agit là d’une référence aux gens qui persécutèrent le bodhisattva Jamais-Méprisant après la disparition du bouddha Roi-Son-Majestueux (Sūtra du Lotus, chap. 20).
83. Sūtra du Lotus, chap. 3.
84. Hōjō Tokisuke (1247-1272), demi-frère aîné du régent Hōjō Tokimune, tenta de s’emparer du pouvoir mais échoua. Il y eut de nombreux morts dans les combats à Kyōto et à Kamakura.
85. Il s’agit là d’une référence aux prières pour qu’il pleuve, conduites par le moine du Shingon, Sceau-du-Dharma Kaga, qui ne provoqua pas seulement la pluie mais aussi une tempête destructrice. Cet incident est décrit de manière détaillée dans Les actions du pratiquant du Sūtra du Lotus.
86. Taira no Kiyomori (1118-1181), guerrier et chef du clan Heike.
87. Troupes qui se déplacent à pied, à cheval, sur des éléphants ou dans des chariots.
88. Annotations sur le Commentaire textuel du Sūtra du Lotus.
89. Ibid.
90. Principes remarquables du Sūtra du Lotus.
91. L’empereur de la dynastie des Sui désigne ici le deuxième souverain de cette dynastie, l’empereur Yang (569-618).
92. Cette histoire est racontée dans les Biographies des moines éminents de la dynastie des Song. Shushō et Shōdai étaient des habitants de l’Inde, mais on ignore leur nom sanskrit.
93. Roi de l’enfer. Voir glossaire.
94. Sūtra du Lotus, chap. 3. La citation se poursuit ainsi : « Et les êtres vivants qui le peuplent sont tous mes enfants. »
95. Biographies de la dynastie des Song.
96. Si l’on compare les dates, il semble que Bukong n’ait pas pu rencontrer Jingangzhi et devenir son disciple avant son arrivée en Chine, mais, à l’époque de Nichiren, ce fait était peut-être ignoré.
97. Jardin instauré par l’empereur Kammu sur les terres du palais impérial à Kyōto, où se déroulaient les prières pour demander la pluie. On y trouvait un grand étang où, d’après la légende citée dans les Biographies des moines éminents de l’ère Genkō, vivait un dragon qui faisait tomber la pluie lorsqu’il apparaissait. Les offrandes de Matsuna étaient destinées à ce dragon (cf. ci-dessus, note 38).
98. La neuvième période de déclin correspond à notre époque. Voir « kalpa de stabilité » dans le glossaire.
99. Roi débauché qui fut vaincu par le roi Wu, de la dynastie des Zhou. Selon les Mémoires historiques, il avait fait une figure humaine qu’il avait qualifiée de dieu céleste, et il conduisit les gens à la traiter avec mépris. De plus, on dit qu’il lança des flèches contre un sac de cuir rempli de sang en prétendant qu’il avait transpercé le dieu du soleil.
100. Le chef de Tomi est Nagasunebiko, un puissant chef local de Yamato. Selon les Chroniques du Japon, Jimmu, premier empereur légendaire, s’élança vers le sud pour envahir la région de Yamato, où il livra bataille contre Nagasunebiko et fut repoussé.
101. Le dernier converti à l’enseignement du bouddha Shakyamuni. Selon le Traité de la grande perfection de sagesse, il fit un rêve où tous les gens perdaient l’usage de la vue et restaient nus dans l’obscurité, puis le soleil tombait du ciel, la terre se fendait, les océans s’asséchaient, et le mont Sumeru était renversé par un vent violent. Le matin, apprenant que le Bouddha entrerait dans le nirvana le lendemain, il se rendit auprès de Shakyamuni, rejoignit la Communauté bouddhiste et parvint au stade d’arhat cette nuit-là.
102. Mingsheng (dates inconnues) était un moine de l’école Sanlun, sous la dynastie des Tang. C’était un disciple de Falang et Jiaxiang était l’un de ses compagnons moines.
103. Œuvre rédigée par Shandao.
104. Sūtra du Lotus, chap. 2.
105. Éloge de la renaissance dans la Terre pure.
106. « Ce moine du saule » est Shandao, ainsi appelé parce qu’il aurait tenté de se suicider en se pendant à la branche d’un saule, devant le temple où il résidait, dans l’espoir d’atteindre la Terre pure. Cependant, la corde ou la branche du saule se brisa, et il tomba au sol. Il mourut une semaine plus tard des suites de ses blessures.
107. L’une des quatre sortes de rois-qui-font-tourner-la-roue-d’or. Il s’agit du roi qui gouverne l’ensemble des quatre continents entourant le mont Sumeru.
108. Yoga (skt.) ou « union » est une autre façon de désigner l’école Shingon. Le bouddhisme ésotérique souligne l’union du corps, de la parole et de l’esprit des êtres ordinaires avec ceux du bouddha Mahavairochana. Du point de vue de la pratique, les mudra représentent le corps, les mantras la parole, et la méditation sur les mandalas, l’esprit.
109. Dōshō (799-875) étudia d’abord les doctrines de l’école Sanron mais devint par la suite un disciple de Kōbō. Gennin (818-887) étudia d’abord les doctrines de l’école Hossō puis, 749ensuite, les enseignements ésotériques sous la direction de Shinga. En 885, il devint le supérieur du Tō-ji. Dōyū (mort en 851) étudia d’abord les enseignements de l’école Hossō avant de se tourner plus tard vers les doctrines du Kegon. Il devint le septième patriarche de l’école Kegon.
110. Sens profond du Sūtra du Lotus.
111. Annotations sur le Sens profond du Sūtra du Lotus.
112. Cette période de quatre-vingt-dix jours s’étend du début du premier mois jusqu’à la fin du troisième. En effet, selon le calendrier lunaire, le premier jour du premier mois était considéré comme le début du printemps.
113. La fonction d’« historien de la Cour » correspondait à une position officielle au sein du Grand Conseil d’État. Il y avait au total huit historiens de la Cour : quatre de la gauche et quatre de la droite. Les historiens de la gauche rapportaient les événements, alors que ceux de la droite énonçaient les paroles de l’empereur.
114. Allusion à la poétesse et dame d’honneur Izumi Shikibu (née probablement en 976) et au moine Nōin (né en 988), dont les œuvres comportent des poèmes qui sont des prières pour qu’il pleuve.
115. Voir note 108.
116. Shinzei (800-860) était un moine de l’école Shingon. Il se vit attribuer la position d’Ajari qui est la qualification nécessaire pour transmettre les doctrines ésotériques du Shingon.
117. Il s’agit de l’un des trente-deux signes principaux du Bouddha, une touffe de poils blancs entre les sourcils.
118. Ghoshila était un riche propriétaire de Kaushambi, qui fit bâtir le monastère Ghoshilavana pour inviter le bouddha Shakyamuni à y enseigner.
119. Hōjō Yoshitoki (1163-1224), deuxième régent du gouvernement de Kamakura.
120. Le sanctuaire de Sannō, sur le mont Hiei, est consacré à la divinité Roi-de-la-Montagne. Les sanctuaires de Kamo sont deux sanctuaires indépendants mais unis par des liens proches. Ils sont situés sur la rivière Kamo, à Kyōto. Selon la tradition, ils furent érigés en 678. Ils bénéficièrent de la protection de la Cour impériale et du shogunat. Le sanctuaire de Kasuga à Nara fut fondé en 709 par Fujiwara Fuhito et dédié aux divinités associées à la famille Fujiwara. Il servit à la fois de sanctuaire au clan Fujiwara et de sanctuaire national.
121. Gotoba fut exilé sur l’île d’Oki et Juntoku sur l’île de Sado. Tsuchimikado fut exilé dans la province de Tosa, à Shikoku, et fut par la suite conduit dans la province voisine d’Awa (à ne pas confondre avec la province d’Awa, située à l’est du Japon, où est né Nichiren).
122. Le prélat d’Omuro désigne ici le prince Dōjo, fils de l’empereur Gotoba, qui entra dans le clergé et vécut au Ninna-ji de l’école Shingon, à Kyōto.
123. Seitaka (décédé en 1221) était un fils de Sasaki Hirotsuna, gouverneur d’Ōmi, qui se rallia à la cause impériale durant les troubles de l’ère Jōkyū. Seitaka servit Dōjo au Ninna-ji mais fut tué après les troubles.
124. Sūtra du Lotus, chap. 25.
125. Ibid., chap. 13.
126. Wei Zheng (580-643) était un ministre qui servit fidèlement l’empereur Taizong de la dynastie des Tang et fut conseiller auprès du gouvernement.
127. Fujiwara no Yoshifusa (804-872) était le ministre de la droite, chargé de protéger la famille impériale et d’aider le régent à administrer les affaires de l’État. C’était aussi le grand-père du cinquante-sixième empereur Seiwa. Devenu dignitaire de la Cour à un jeune âge, il posa les bases de la prospérité de la famille Fujiwara.
128. Nichiren veut dire ici que son exil à Sado dura de 1271 à 1274.
129. Le Bouddha, la Loi et le Sangha ou Communauté bouddhiste.
130. Sūtra du Lotus, chap. 2.
131. Référence à la réalité ultime de tous les phénomènes, présentée dans le deuxième chapitre du Sūtra du Lotus.
132. En Inde à cette époque, il est peu vraisemblable qu’il y ait eu des pinceaux. Néanmoins Nichiren veut parler de la compilation des enseignements oraux par les arhat réunis en concile.
133. Ce passage est présenté dans le Recueil des enseignements oraux de Chishō comme une citation de Fayun.
134. Commentaire textuel du Sūtra du Lotus.
135. Sens profond du Sūtra du Lotus.
136. Annotations sur le Commentaire textuel du Sūtra du Lotus.
137. Il est écrit ici « soixante », alors que le Japon comportait en fait à l’époque soixante-six provinces, comme on peut le lire par la suite.
138. La province de Dewa, au nord du Japon, est réputée pour ses plumes d’aigle et d’épervier. Quant à l’or, il fut d’abord découvert au Japon dans la province du nord de Mutsu, lors de la vingt et unième année de l’ère Tempyō (750).
139. Eshin (942-1017) était un moine du Tendai, qui se fit connaître par sa compilation Fondements de la renaissance dans la Terre pure. 750Yōkan (1032-1111) fut un précurseur de l’école Nembutsu qui propagea l’enseignement de la Terre pure, en concentrant ses activités dans la région de Kyōto.
140. Sūtra du Lotus, chap. 10.
141. Le Kannon-ji, l’Ono-dera (également appelé Yakushi-ji) et le Tōdai-ji étaient les temples où s’élevaient les trois estrades d’ordination du Hinayana, officiellement inaugurées par Ganjin en 754, 761 et 762.
142. L’empereur Wu (543-578) et l’empereur Wuzong (814-846) furent tous deux responsables de persécutions contre le bouddhisme, en 574 et 845. Wu privilégia les enseignements de Confucius et s’efforça d’abolir les enseignements bouddhiques. Wuzong en vint à révérer les enseignements du Dao après son accession au trône et il imposa des mesures opprimant la Communauté bouddhiste.
143. Xiang Yu (232-202 avant notre ère) et Gaozu (247-195 avant notre ère) étaient des seigneurs de la guerre qui s’affrontèrent pour prendre le pouvoir dans la confusion qui suivit la mort du premier empereur de la dynastie des Chin. Après une longue lutte, Gaozu (Liu Bang) remporta la victoire et fonda la dynastie des Han en 202 avant notre ère.
144. Une dizaine d’années après avoir atteint l’illumination, le bouddha Shakyamuni établit une estrade d’ordination au monastère Jetavana, à Shravasti. À titre de défi, Devadatta établit une estrade rivale sur le mont Gayashirsha.
145. « Le bouddha Shakyamuni de l’enseignement essentiel » désigne ici le bouddha de Nam-myōhō-renge-kyō, qui concrétise la Loi ultime, ou Nam-myōhō-renge-kyō, contenu de façon implicite dans le chapitre “Durée de la vie” du Sūtra du Lotus. Ici, « l’enseignement essentiel » désigne Nam-myōhō-renge-kyō, et non les quatorze derniers chapitres du Sūtra du Lotus.
146. Sūtra du Lotus, chap. 23. Le « te » est Fleur-Souveraine-Constellation et le « le » désigne le chapitre “Les actes antérieurs du bodhisattva Roi-de-la-Médecine”.
147. Ce « moine » est Nikō, l’un des six disciples principaux de Nichiren.
148. Jōken-bō, l’un des disciples principaux de Nichiren au Seichō-ji.