Points de repère
Le neuvième jour du dixième mois de 1271, à la veille de son départ pour l’île de Sado, Nichiren envoie cette lettre à Chikugo-bō Nichirō, qui devient plus tard l’un de ses six disciples principaux. Nichirō et son père s’étaient convertis aux enseignements de Nichiren en 1254 et Nichirō avait reçu la tonsure sous le contrôle de son oncle Nisshō, qui devint également par la suite l’un des six moines principaux. Au moment de la persécution de Tatsunokuchi, lors du neuvième mois de 1271, Nichiren et plusieurs autres disciples moines furent emprisonnés à Kamakura sous la surveillance de Yadoya Mitsunori, membre du gouvernement, dans un cachot érigé à flanc de colline près de sa résidence.
Entre la persécution de Tatsunokuchi et son exil sur l’île de Sado, Nichiren fut détenu dans la résidence de Homma Rokurō Saemon, l’adjoint du gouverneur de Sado, à Echi, dans la province de Sagami. C’est là qu’il écrivit cette lettre d’où il ressort que, même sur le point d’embarquer pour une destination où l’attendaient privations et épreuves, il se souciait avant tout de ses disciples.
Je dois partir demain pour la province de Sado. Ce soir, il fait froid et je pense aux conditions qui sont sûrement les vôtres en prison, et j’en suis attristé. Admirable Nichirō, parce que vous avez lu l’intégralité du Sūtra du Lotus avec votre vie, avec à la fois votre corps et votre esprit, vous pourrez également sauver votre père et votre mère, vos six sortes de parents1 et tous les êtres vivants. Les autres ne lisent le Sūtra du Lotus qu’avec la bouche [ils n’en répètent] que les mots, mais ils ne le lisent pas avec leur cœur. Et, même quand ils le lisent avec leur cœur, ils ne le lisent pas avec leurs actes. C’est lire le Sūtra à la fois avec le corps et l’esprit qui est vraiment digne d’éloges ! Il est certain que rien de fâcheux ne pourra vous arriver puisqu’il est enseigné dans le Sūtra que « les jeunes fils des êtres célestes le [celui qui lit le Sūtra du Lotus] serviront et prendront soin de lui. Ni sabres ni bâtons ne le toucheront, et le poison sur lui n’aura aucun pouvoir2 ». Quand vous serez sorti de prison, venez, s’il vous plaît, aussi vite que possible. J’ai hâte de vous voir et de vous montrer que moi aussi je vais bien.
Avec mon profond respect,
Nichiren
Le neuvième jour du dixième mois de la huitième année de Bun’ei [1271], signe cyclique de kanoto-hitsuji
À Chikugo
Notes
1. Le père, la mère, le frère aîné, le frère cadet, l’épouse et le fils ou la fille. Ou, selon une autre classification, le père, le fils ou la fille, le frère aîné, le frère cadet, le mari, et l’épouse.
2. Sūtra du Lotus, chap. 14.