Points de repère
Cette lettre fut envoyée du mont Minobu à Soya Kyōshin, croyant qui vivait dans le village de Soya, du district de Katsushika, dans la province de Shimo’usa. Soya Kyōshin se convertit à l’enseignement de Nichiren autour de 1260 et devint l’un des disciples majeurs de la région, avec Toki Jōnin et Ōta Jōmyō. Par la suite, il prit la tonsure et Nichiren lui donna le nom bouddhique de Hōren Nichirai.
Dans cette lettre, Nichiren exhorte Soya Kyōshin à réciter dans ses prières quotidiennes à la fois une partie du chapitre “Moyens opportuns” et la partie en vers du chapitre “Durée de la vie”, les deux chapitres clés du Sūtra du Lotus. Il déclare aussi que chaque mot du Sūtra du Lotus est en fait un bouddha vivant à l’illumination suprême. Par conséquent, garder et réciter ce Sūtra, c’est préserver le Corps du Bouddha ; c’est-à-dire atteindre la bouddhéité en cette vie.
J’ai recopié pour vous la partie en prose du chapitre “Moyens opportuns”. Vous devriez la réciter avec la partie en vers du chapitre “Durée de la vie” que je vous ai fait parvenir précédemment.
Les mots de ce Sūtra sont tous sans exception des bouddhas vivants à l’illumination parfaite. Mais, avec nos yeux de chair, nous les voyons comme de [simples] caractères chinois. Ainsi, les esprits affamés perçoivent le Gange comme du feu, les êtres humains le perçoivent comme de l’eau, et les êtres célestes comme de l’amrita1. Bien qu’il s’agisse toujours de la même réalité, elle apparaît différemment selon les rétributions karmiques du passé de chacun.
Les aveugles ne voient pas les caractères chinois de ce Sūtra. Pour les yeux de chair, ils apparaissent comme de [simples] mots. Les personnes des deux véhicules y perçoivent le vide. Les bodhisattvas voient en eux d’innombrables doctrines. Les bouddhas reconnaissent en chaque caractère un Shakyamuni doré. Voilà ce que signifie le passage où il est dit : « Garder [ce Sūtra], c’est aussi préserver le Corps du Bouddha2. » Cependant, ceux qui pratiquent avec des vues erronées détruisent le plus précieux des sūtras. Vous ne devriez aspirer résolument qu’à atteindre la Terre pure du pic de l’Aigle, sans [vous laisser distraire par d’] autres pensées. Il est dit dans un passage du Sūtra des six paramita3 qu’il faut devenir maître de son esprit et ne pas le laisser devenir le maître. Je vous expliquerai cela en détail quand nous nous verrons.
Avec mon profond respect,
Nichiren
Le troisième mois de la douzième année de Bun’ei [1275]
Au moine séculier Soya
489Notes
1. Comparable à de l’ambroisie, l’amrita est considérée comme la boisson des dieux. Voir glossaire.
2. Sūtra du Lotus, chap. 11.
3. Sūtra traduit du sanskrit en chinois par Prajna, de la dynastie des Tang. Il explique en détail les six sortes de pratiques, ou « perfections » (skt. paramita) que les bodhisattvas doivent accomplir afin d’atteindre l’illumination.