Points de repère
Cette courte lettre, écrite le huitième mois de la dixième année de Bun’ei (1273), s’adresse à une petite fille nommée Kyō’ō. Elle n’avait alors qu’un an, et l’on peut donc supposer que Nichiren s’adressait en fait à ses parents. Nichiren envoya cette lettre après avoir appris que Kyō’ō était gravement malade. Il vivait alors en exil sur l’île de Sado.
Nichiren explique la signification de l’objet de vénération, le Gohonzon. C’est seulement après la persécution de Tatsunokuchi, en 1271, qu’il entreprit de calligraphier le Gohonzon et de le remettre à ses disciples, tout particulièrement à ceux qui avaient une foi résolue dans ses enseignements.
Dans cette lettre, Nichiren dit que les bienfaits illimités du Gohonzon permettront à Kyō’ō de guérir de sa maladie et exhorte ses parents à y croire fermement.
Alors même que j’attendais avec impatience de recevoir de nouveau de vos nouvelles, le messager que vous vous êtes donné la peine de m’envoyer est arrivé. Dans ma situation actuelle, votre don d’argent est bien plus précieux que n’importe quel trésor existant sur terre ou dans la mer.
Depuis que vous m’avez parlé de Kyō’ō, je prie pour elle les dieux du soleil et de la lune à chaque instant de la journée. Gardez toujours précieusement le Gohonzon que je vous ai confié voici quelque temps pour qu’elle soit protégée. Nul n’a jamais eu connaissance du Gohonzon et personne non plus, évidemment, ne l’a mis en forme pendant les époques de la Loi correcte et de la Loi formelle. On dit que le roi-lion avance de trois pas, puis se prépare à bondir, déployant la même force pour attraper une minuscule fourmi ou attaquer un animal féroce. En calligraphiant ce Gohonzon pour la protection de Kyō’ō, Nichiren était pareil au roi-lion. C’est ce que le Sūtra entend par « le pouvoir [des bouddhas] qui a la férocité du lion1 ». Croyez dans ce mandala de tout votre cœur. Nam-myōhō-renge-kyō est semblable au rugissement d’un lion. Quelle maladie pourrait donc constituer un obstacle ?
Il est écrit que ceux qui adoptent le Daimoku du Sūtra du Lotus seront protégés par la Mère-des-Enfants-Démons et par les dix filles rakshasa. De telles personnes goûteront le bonheur du roi de la sagesse Raga et la bonne fortune du roi céleste Vaishravana. Votre fille peut donc s’ébattre ou jouer n’importe où sans qu’il ne lui arrive aucun mal ; elle pourra se déplacer sans crainte comme le roi-lion. Parmi les dix filles rakshasa, c’est Kunti qui apporte la protection la plus grande. Mais tout dépendra uniquement de votre foi. Un sabre est inutile entre les mains d’un lâche. Le 416puissant sabre du Sūtra du Lotus doit être manié par une personne à la foi courageuse. Cette personne sera alors aussi forte qu’un démon armé d’une barre de fer. C’est ma propre vie à moi, Nichiren, qui devient l’encre sumi2 avec laquelle je calligraphie le Gohonzon. Vous devez donc croire en ce Gohonzon de tout votre cœur. La volonté du Bouddha est le Sūtra du Lotus, mais l’âme de Nichiren n’est autre que Nam-myōhō-renge-kyō. Miaole déclare dans son commentaire que, au cœur de ce Sūtra, se trouvent révélées l’illumination originelle du Bouddha et sa durée de vie incommensurable3.
Le malheur de Kyō’ō se changera en bonheur. Faites appel à toute votre foi et priez ce Gohonzon. Qu’est-ce qui pourrait alors ne pas se réaliser ? On ne peut remettre en doute les passages du Sūtra où il est dit : « Ce Sūtra peut (...) réaliser leurs désirs, comme un étang d’eau claire et fraîche peut satisfaire tous ceux qui ont soif4 » et « ils jouissent de paix et de sécurité dans leur existence présente et de bonnes circonstances dans leurs existences futures5 ». Je vous écrirai encore.
Quand je serai gracié de mon exil en cette province, je viendrai vous rendre visite sans tarder à Kamakura. Si nous nous appuyons sur la puissance du Sūtra du Lotus, nous découvrons sous nos yeux la jeunesse perpétuelle et la vie éternelle. Ma seule crainte est que sa vie soit aussi brève que celle de la rosée ; c’est pourquoi je prie de toutes mes forces pour que les divinités célestes la protègent. [Kyō’ō] marche sur les pas de Dame Pure-Vertu ou de la fille du roi-dragon. Nam-myōhō-renge-kyō, Nam-myōhō-renge-kyō.
Avec tout mon respect,
Nichiren
Le quinzième jour du huitième mois,
Réponse à Kyō’ō