Soka Gakkai Bibliothèque du bouddhisme de Nichiren

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L’histoire d’Ōhashi no Tarō
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ÉCRITS: 85 L’histoire d’Ōhashi no Tarō

( pp.679 - 684 )

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 1. Il s’agissait d’un kimono d’été non doublé. II était confectionné en chanvre ou en soie froissée.

 2. Un shō est une ancienne mesure de capacité japonaise valant 1,8 litre.

 3. Sūtra du Lotus, chap. 23.

 4. Shanavasa était un homme riche de Rajagriha, dans le Magadha. Il fut le quatrième des vingt-quatre successeurs du bouddha Shakyamuni. Cette histoire est mentionnée dans Histoire des successeurs du Bouddha.

 5. Sūtra du Lotus, chap. 10. Il est dit dans ce chapitre que ceux qui souhaitaient enseigner le Sūtra du Lotus après la disparition de l’Ainsi-Venu devraient « entrer dans la salle de l’Ainsi-Venu, revêtir la tunique de l’Ainsi-Venu, s’asseoir sur le siège de l’Ainsi-Venu (...) ». « La tunique de l’Ainsi-Venu », dit le Sūtra « c’est l’état d’esprit où l’on fait preuve de grande miséricorde et compassion ». Un état d’esprit marqué par de telles qualités permet de garder la Loi tout en endurant les insultes de manière digne et sereine.

 6. Fonctionnaires de la Cour impériale, chargés de protéger la famille impériale et d’aider le régent à administrer les affaires de l’État.

 7. Deux ingrédients essentiels qui, bien dosés, permettent de faire une soupe délicieuse. En Chine et au Japon, le bon dosage du sel et du vinaigre était comparé au bon fonctionnement des ministres aidant le souverain à gouverner correctement.

 8. Pâte de soja fermenté.

 9. Il est recommandé dans le Sūtra du Nirvana de consommer de l’huile pour traiter les maladies causées « par le poison du vent », c’est-à-dire par la pollution de l’air. Les maux de tête, les douleurs dans les membres, la difficulté à se déplacer étaient assimilés à de telles maladies.

 10. Il s’agit de Nanjō Hyōe Shichirō (décédé en 1265), fidèle laïc de Nichiren et père de Nanjō Tokimitsu.

 11. Ōhashi no Tarō n’apparaît dans aucun document ni aucun rapport de la période de Kamakura (1185-1333). Selon une tradition datant de l’ère Edo (1600-1867), il s’agirait de Taira no Michisada, général qui vécut vers la fin de la période Heian (794-1185). Michisada était le fils de Taira no Sadayoshi, gouverneur de Higo, sur l’île de Kyūshū, et proche compagnon du grand ministre d’État Taira no Kiyomori. Cependant, avec l’effondrement du clan Taira, sa famille perdit graduellement son influence dans la région de Kyūshū. Selon la tradition, en 1186, Michisada fut confronté à la fureur de Minamoto no Yoritomo, fondateur et premier shōgun du shogunat de Kamakura, et fut emprisonné ; il fut cependant sauvé par la foi résolue de son fils dans le Sūtra du Lotus. Tsukushi est l’ancien nom de l’île méridionale de Kyūshū.

 12. Sanctuaire dédié à la divinité Hachiman, élevé par Minamoto no Yoritomo, à Kamakura, dans la seconde moitié du XIIe siècle.

 13. Vers le début de la période de Heian (794-1185), la Cour impériale donna à Hachiman le titre de grand bodhisattva, exemple précoce de la fusion des éléments bouddhiques et shintō. De plus, durant cette période, Hachiman fut assimilé à l’empereur légendaire Ōjin, seizième souverain du Japon. « Votre véritable identité était celle du bouddha Shakyamuni, seigneur des enseignements », est une référence à la croyance largement répandue selon laquelle les divinités japonaises autochtones étaient des manifestations locales des bouddhas et des bodhisattvas. Nichiren associe ici Hachiman au bouddha Shakyamuni.

 14. Kyō-no-nii était l’un des titres de Fujiwara no Kenshi (1155-1229), qui avait été la nourrice de l’empereur Gotoba et qui exerça par la suite une influence sur les affaires politiques. Cependant, d’après le contexte, Kyō-no-nii ne désigne pas Fujiwara no Kenshi mais Hōjō Masako (1157-1225), l’épouse du shōgun, Minamoto no Yoritomo.

 15. Kajiwara Kagetoki (décédé en 1200), général du clan Minamoto qui avait gagné la confiance du shōgun, Yoritomo.

 16. Le grand ministre et moine séculier est Taira no Kiyomori, dirigeant du clan Taira. En remportant la bataille au terme des deux brèves campagnes de 1156 et 1160, il obtint le pouvoir militaire absolu ; le père de Minamoto no Yoritomo, Yoshitomo, fut tué au combat par Kiyomori lors de la première de ces campagnes.

 17. Myōhō (dates inconnues) était une nonne qui habitait dans le sanctuaire de la divinité du mont Izu, dans la province d’Izu, et pratiquait le Sūtra du Lotus.

 18. Mongaku (dates inconnues) était un moine de l’école Shingon qui fut à l’origine de la reconstruction du Jingo-ji, au mont Takao, à Kyōto. Afin de prélever des fonds pour cette reconstruction, il demanda avec insistance à l’empereur retiré Goshirakawa son aide financière. Ses requêtes fougueuses lui valurent d’être exilé à Izu où il rencontra Minamoto no Yoritomo et gagna son respect. Le récit de Mongaku exhortant Yoritomo à lever une armée contre les Taira en lui montrant la tête de son père défunt est raconté dans Le Dit des Heike.

 19. Le douzième jour du neuvième mois de 1271, Hei no Saemon accompagné par son serviteur Shō-bō et quelques autres, alla arrêter Nichiren. Là, le serviteur de Hei no Saemon frappa Nichiren au visage avec le cinquième rouleau du Sūtra du Lotus. Dans le chapitre “Exhortation à la persévérance”, compris dans ce rouleau, il est question des ignorants qui attaqueront les pratiquants du Sūtra du Lotus « au bâton ou au sabre ».

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L’histoire d’Ōhashi no Tarō


Texte

Points de repère


Nichiren envoya cette lettre du mont Minobu, lors du troisième mois intercalaire de la deuxième année de Kenji (1276). Elle était destinée à Nanjō Tokimitsu qui habitait le village d’Ueno, dans la province de Suruga. Le père de Tokimitsu, Nanjō Hyōe Shichirō, était mort en 1265, alors qu’il avait sept ans et que sa mère était enceinte de son frère cadet, Shichirō Gorō. La mort de son père et, plus tard, de son frère aîné, contraignit Tokimitsu à assumer la charge d’intendant d’Ueno alors qu’il n’était encore qu’un adolescent. Il devait avoir à peu près dix-huit ans lorsqu’il reçut cette lettre de Nichiren.

Lors du septième mois de 1274, juste après le départ de Nichiren pour le mont Minobu, Tokimitsu vint lui rendre visite. Inspiré par ces retrouvailles, Tokimitsu, qui avait déjà rencontré Nichiren avec ses parents durant son enfance, se consacra à la foi avec une ferveur renouvelée. Lors du premier mois de 1275, Nikkō se rendit sur la tombe du regretté Nanjō Hyōe Shichirō de la part de Nichiren ; à partir de ce moment-là, Tokimitsu fut un admirateur de Nikkō et l’aida à propager les enseignements de Nichiren.

Il reste aujourd’hui une trentaine de lettres qui furent adressées à Nanjō Tokimitsu, dont au moins onze furent écrites durant la période de deux ans comprise entre la retraite de Nichiren au mont Minobu et la présente lettre.

Au début de cette lettre, Nichiren loue la sincérité de la foi de Tokimitsu, exprimée par ses offrandes d’un vêtement léger, de sel et d’huile. Une telle ferveur, lui dit en substance Nichiren, reflète la profonde foi dans le Sūtra du Lotus du père de Tokimitsu, et devrait sûrement plaire au défunt Nanjō.

Ensuite, Nichiren relate la légende d’Ōhashi no Tarō et de son fils. Selon cette histoire, Ōhashi no Tarō, général à Kyūshū et descendant du clan Taira, déclencha pour une raison qu’on ignore la fureur du shōgun Minamoto no Yoritomo et fut emprisonné dans une cellule à Kamakura pendant douze ans. Quand son fils, mû par l’ardent désir de sauver son père, récita le Sūtra du Lotus, le pouvoir de sa récitation amena Yoritomo à annuler l’exécution et à gracier son père. Avec cette histoire, Nichiren entend souligner que l’attitude sincère dans la foi de Tokimitsu est la plus haute expression de piété filiale et qu’elle sauvera sûrement son regretté père.

En conclusion, Nichiren évoque une attaque imminente des Mongols. Il souligne que seule une foi résolue dans le Sūtra du Lotus tiendra lieu de protection contre cette menace et indique que, même s’il souhaite personnellement de tout cœur que ses disciples aient la vie sauve, tout dépendra, pour l’essentiel, de leur foi.

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J’ai bien reçu le vêtement léger1, le chargement de sel et les cinq shō2 d’huile que vous m’avez fait parvenir.

Une robe sert à protéger du froid et de la chaleur, à dissimuler notre nudité et à parer notre corps. Il est dit dans le septième volume du Sūtra du Lotus, dans le chapitre “Les actes antérieurs du bodhisattva Roi-de-la-Médecine” : « (...) comme un vêtement pour qui est nu3 », ce qui signifie que celui [qui reçoit le Sūtra du Lotus] sera aussi heureux qu’une personne nue recevant un habit. Parmi les successeurs du Bouddha se trouvait un homme appelé Shanavasa qui naquit tout habillé4. En fait, dans une vie antérieure, il avait fait don d’un vêtement au nom de la Loi bouddhique. Et il est donc dit dans le Sūtra du Lotus : « Douceur et patience [lui tiennent lieu de] tunique5. »

Il n’y a pas de pierres sur les monts Kunlun, de même qu’il n’y a pas de sel dans la région du mont Minobu. Dans un lieu où il n’y a pas de pierres, les pierres ont plus de valeur que des joyaux et, dans un lieu où il n’y a pas de sel, le sel est plus précieux que le riz. Pour le souverain du pays, les joyaux sont ses ministres de la gauche et de la droite6, et on les appelle « le sel et le vinaigre7 » de son règne. Si nous n’avons ni miso8, ni sel, il nous est difficile de progresser jour après jour. Si le pays n’a pas de ministres de la gauche et de la droite, il sera gouverné de façon médiocre.

À propos de l’huile, il est dit dans le Sūtra du Nirvana : « Dans le vent, il n’y a pas d’huile, et dans l’huile il n’y a pas de vent9. » L’huile est donc le meilleur médicament pour guérir les maladies causées par le vent.

Je ne sais comment vous remercier de la bonté dont vous avez fait preuve en m’envoyant tous ces présents. En fin de compte, cela indique sûrement à quel point la foi dans le Sūtra du Lotus du défunt Nanjō10 était profonde. Tel est le sens de la déclaration selon laquelle le ministre affirme la loyauté de son souverain et le fils celle de son père. Le défunt Nanjō doit s’en réjouir.

Sur l’île de Tsukushi vivait un seigneur nommé Ōhashi no Tarō11. Pour avoir attiré sur lui la fureur du shōgun, il fut emprisonné pendant douze ans dans une cellule creusée à flanc de falaise sur la plage de Yui, à Kamakura.

Quand il connut l’humiliation d’être arrêté et qu’il quitta son domaine de l’île de Tsukushi, il dit à son épouse : « J’ai pris arc et flèches pour servir mon seigneur, mais je ne me plains pas d’avoir attiré sa fureur. C’est notre séparation qui représente pour moi la pire épreuve : nous avons été si proches l’un de l’autre depuis notre enfance. Mais là encore je n’en dirai pas plus. Je regrette cependant que [jusqu’à présent] nous n’ayons pas eu d’enfants, garçon ou fille. Tu me dis maintenant que tu es enceinte, et j’éprouve de la peine de ne pas être à tes côtés pour voir si cet enfant sera un garçon ou une fille. Je suis triste aussi de penser que, en grandissant, cet enfant n’aura personne qu’il pourra appeler “père”. J’aimerais tant pouvoir faire quelque chose, mais ça m’est impossible. » Sur ce, il prit congé.

Les jours et les mois passèrent. À terme, son épouse accoucha sans incident d’un garçon. Quand l’enfant atteignit l’âge de sept ans, sa mère le confia à un temple dans la montagne, mais les autres garçons, ses compagnons du temple, se moquaient de lui parce qu’il n’avait pas de père. De retour chez lui, il interrogea sa mère à propos de son père. Incapable de parler, elle ne put que pleurer.

Le garçon se fit insistant : « Sans le ciel, la pluie ne peut tomber et, sans la terre, les plantes ne peuvent pousser. Même si j’ai une mère, sans père je ne peux devenir adulte. Pourquoi me cacher l’endroit où il se trouve ? »

Ainsi interpellée, la mère répondit : « Je ne t’ai pas parlé de tout cela car tu étais trop jeune. Mais voilà ce qui s’est passé. »

681Le garçon fondit en larmes : « Mon père, en partant, n’a-t-il pas laissé le moindre souvenir ? »

« Il a laissé cela » dit sa mère, en montrant le livre des ancêtres de la famille Ōhashi et une lettre que le père avait personnellement écrite pour l’enfant alors que celui-ci était encore dans le ventre de sa mère. Voyant ces documents, le garçon eut plus que jamais envie de voir son père et, ne pouvant retenir ses larmes, il dit : « Que dois-je faire maintenant ? »

« Quand ton père est parti, lui répondit sa mère, il était accompagné de nombreux serviteurs mais, comme il avait attiré la fureur de son seigneur, tous l’abandonnèrent et s’en allèrent. Il n’y en a maintenant plus un seul pour me donner de ses nouvelles et me dire s’il est encore vivant ou non. »

Entendant cela, le garçon se jeta face contre terre et ses pleurs redoublèrent ; il était incapable de s’arrêter, même lorsque sa mère le réprimanda.

La mère dit : « Si je t’ai envoyé dans ce temple à la montagne, c’est pour que tu puisses t’acquitter de tes obligations filiales envers ton père. Tu dois déposer des fleurs devant le Bouddha, lire un rouleau du Sūtra et, ainsi, accomplir ton devoir ! »

Le garçon retourna donc au temple sans tarder, renonçant à toute idée de revenir chez lui. Jour et nuit il lut le Sūtra du Lotus, si bien que, avec le temps, il devint non seulement capable de le lire facilement, mais aussi de le réciter par cœur.

Quand le garçon atteignit l’âge de douze ans, il ne devint pas moine mais, nouant ses cheveux, il parvint à s’enfuir de l’île de Tsukushi pour se rendre jusqu’à la ville de Kamakura. Là, il alla rendre hommage au sanctuaire de Hachiman12. Après s’être incliné en signe de révérence, il dit : « Grand bodhisattva Hachiman, vous étiez le seizième souverain du Japon, et votre véritable identité était celle du bouddha Shakyamuni, seigneur des enseignements, qui enseigna le Sūtra du Lotus dans la Terre pure du pic de l’Aigle13. Afin d’exaucer les vœux des êtres vivants, vous avez pris la forme de la divinité Hachiman. Je vous prie moi aussi maintenant de bien vouloir exaucer mes vœux. Je souhaite savoir si mon père est vivant ou mort. »

À l’heure du Chien [entre sept et neuf heures du soir], il se mit à réciter le Sūtra du Lotus et poursuivit sa récitation jusqu’à l’heure du Tigre [entre trois et cinq heures du matin]. Sa belle voix enfantine résonna dans toute l’enceinte sacrée du sanctuaire et émut tous ceux qui l’entendirent, si bien que les personnes qui étaient venus honorer [Hachiman] en oublièrent de repartir, s’attroupant comme sur une place de marché. En allant voir qui priait ainsi, ils découvrirent qu’il ne s’agissait ni d’un moine ni d’une femme, mais d’un jeune garçon.

Sur ces entrefaites, Dame Kyō-no-nii14 vint en visite au sanctuaire. Elle était venue là incognito pour ne pas attirer les regards, mais la récitation du Sūtra étant encore plus belle qu’à l’accoutumée, elle resta à l’écouter jusqu’à la fin. Puis elle se résolut à rentrer chez elle, à contrecœur, laissant sur place l’un de ses serviteurs. Quand elle rapporta au shōgun ce qui s’était passé, il fit convoquer le garçon et lui fit réciter le Sūtra du Lotus dans la salle de pratique de sa résidence.

Le lendemain, le garçon reçut une nouvelle fois l’ordre de réciter le Sūtra pour le shōgun. Il y eut alors une vive agitation devant la porte ouest du palais shogunal. Quand on en demanda la cause, une voix dure s’écria : « Aujourd’hui, le prisonnier va être décapité. »

En entendant cela, le garçon se dit : « Hélas ! Je n’imagine pas que mon père soit encore en vie, mais, quand j’entends ainsi parler d’une décapitation, je ne peux m’empêcher de le vivre comme un drame personnel. » Et des larmes jaillirent de ses yeux.

Le shōgun, voyant cela et trouvant la scène bien étrange, dit : « Viens, mon garçon, et dis-moi la vérité : qui es-tu ? » Le 682garçon lui révéla alors toute son histoire dans les moindres détails. Les seigneurs de l’assemblée, des plus grands aux plus modestes, ainsi que les dames cachées derrière leurs rideaux de bambou, tous mouillèrent leurs manches de larmes.

Le shōgun convoqua alors Kajiwara15 et lui dit : « Faites venir le prisonnier Ōhashi no Tarō ! » Mais Kajiwara répondit : « Il vient juste d’être emmené sur la plage de Yui où il doit être décapité. L’exécution a probablement lieu en ce moment. » Malgré la présence du shōgun, le garçon ne put s’empêcher de fondre en larmes.

« Kajiwara ! dit le shōgun, cours là-bas aussi vite que possible et, si l’exécution n’a pas encore eu lieu, reviens avec le prisonnier ! »

Kajiwara courut aussi vite qu’il le put jusqu’à la plage de Yui. Avant même d’être arrivé sur place, il se mit à crier pour empêcher l’exécution. Il arriva juste au moment où le bourreau, qui avait sorti son sabre, s’apprêtait à frapper.

Kajiwara ramena Ōhashi no Tarō, encore ligoté, au palais et le fit s’asseoir dans la cour. Le shōgun ordonna que le prisonnier soit confié au garçon qui se précipita dans la cour pour défaire les liens. Ne réalisant pas qu’il s’agissait de son propre fils, Ōhashi no Tarō ne comprenait pas pourquoi il avait été épargné.

Le shōgun fit de nouveau appeler le garçon près de lui et lui offrit divers cadeaux. Non seulement il laissa Ōhashi no Tarō sous sa garde, mais il lui restitua aussi tous les domaines familiaux.

Le shōgun dit : « Depuis les temps anciens, j’ai entendu divers témoignages concernant le pouvoir du Sūtra du Lotus et, en deux occasions, j’ai moi-même reçu la preuve de ce pouvoir. La première fois, ce fut quand mon père fut décapité par le grand ministre et moine séculier16. Ma détresse était indicible. Je ne savais quelle divinité ou quel bouddha invoquer mais la nonne Myōhō17, du mont Izu, m’enseigna la lecture du Sūtra du Lotus. Je l’avais récité mille fois lorsque le moine Mongaku18 du mont Takao apporta la tête de mon défunt père et me la montra. Après cela, je pus non seulement me venger des ennemis de mon père mais aussi devenir le chef militaire de tous les guerriers du Japon. Tout cela n’était dû qu’au seul pouvoir du Sūtra du Lotus.

« Le second exemple est l’événement étonnant qui a eu lieu aujourd’hui lorsque ce garçon a sauvé son père. Je prenais personnellement cet Ōhashi no Tarō pour un individu tout à fait méprisable. J’étais prêt à le faire décapiter, même si cela revenait à enfreindre un décret impérial. Ma haine à son égard était si forte que je l’avais réduit au silence, dans une cellule creusée à flanc de colline, [où il resta] pendant plus de douze ans. Et pourtant cet événement étonnant s’est produit. Le pouvoir du Sūtra du Lotus est vraiment merveilleux ! En tant que chef d’une armée, j’ai accumulé bon nombre de fautes. Pourtant, j’ai eu foi dans le Sūtra du Lotus et je crois que, de ce fait, j’échapperai aux sanctions. » C’est les larmes aux yeux qu’il prononça ces mots.

Quand je considère maintenant les offrandes sincères que vous m’avez fait parvenir, je pense que, même si le défunt Nanjō vous aimait certainement avec toute son affection paternelle, il n’a probablement jamais imaginé que, grâce au Sūtra du Lotus, vous pourriez vous acquitter de votre dette filiale envers lui. Même s’il a peut-être commis une faute, quel que soit l’endroit où il se trouve maintenant, votre piété filiale sera certainement reconnue par le roi Yama et par les dieux célestes Brahma et Shakra. Et comment le bouddha Shakyamuni et le Sūtra du Lotus auraient-ils jamais pu abandonner votre père ? Votre piété n’est pas inférieure à celle de ce jeune garçon qui défit les liens de son père. C’est en larmes que je vous écris ces mots.

En ce qui concerne l’attaque mongole imminente, je n’ai pas d’informations. Dès que j’en fais mention, les gens disent que le moine Nichiren se réjouit à chaque fois 683qu’il entend dire que les Mongols vont attaquer notre pays, mais tout cela est sans fondement. Comme j’ai suggéré que cet événement aurait lieu, partout les gens m’ont attaqué, comme si j’étais leur adversaire ou leur ennemi. Mais, puisque c’est indiqué dans les sūtras, la venue des Mongols est certaine. Quoi que je puisse dire, il est au-delà de mon pouvoir de l’empêcher.

Je n’ai été coupable d’aucune faute et je voulais simplement sauver mon pays. Pourtant non seulement mon conseil fut ignoré mais j’ai été frappé au visage avec le cinquième rouleau du Sūtra du Lotus19. Brahma et Shakra furent témoins de ce qui s’est passé, tout comme le grand bodhisattva Hachiman, de Kamakura. Mais comme nous vivons maintenant une époque où les conseils ne sont jamais pris en compte, je me suis retiré ici, au milieu des montagnes.

En de telles circonstances, j’éprouve une grande pitié pour vous et pour les autres, mais je ne peux pas faire grand-chose pour vous venir en aide. Néanmoins, je prie jour et nuit le Sūtra du Lotus. Ne ménagez pas vos efforts et offrez des prières avec une foi résolue. Ce n’est pas que ma détermination [à vous sauver] soit faible. Mais tout dépend plutôt de la force de la foi de chaque personne.

Pourtant, je crains qu’en définitive tous les gens de rang élevé au Japon soient faits prisonniers. C’est vraiment pitoyable, vraiment triste !


Avec mon profond respect,
Nichiren


Le vingt-quatrième jour du troisième mois intercalaire


Réponse à Nanjō

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Notes


 1. Il s’agissait d’un kimono d’été non doublé. II était confectionné en chanvre ou en soie froissée.

 2. Un shō est une ancienne mesure de capacité japonaise valant 1,8 litre.

 3. Sūtra du Lotus, chap. 23.

 4. Shanavasa était un homme riche de Rajagriha, dans le Magadha. Il fut le quatrième des vingt-quatre successeurs du bouddha Shakyamuni. Cette histoire est mentionnée dans Histoire des successeurs du Bouddha.

 5. Sūtra du Lotus, chap. 10. Il est dit dans ce chapitre que ceux qui souhaitaient enseigner le Sūtra du Lotus après la disparition de l’Ainsi-Venu devraient « entrer dans la salle de l’Ainsi-Venu, revêtir la tunique de l’Ainsi-Venu, s’asseoir sur le siège de l’Ainsi-Venu (...) ». « La tunique de l’Ainsi-Venu », dit le Sūtra « c’est l’état d’esprit où l’on fait preuve de grande miséricorde et compassion ». Un état d’esprit marqué par de telles qualités permet de garder la Loi tout en endurant les insultes de manière digne et sereine.

 6. Fonctionnaires de la Cour impériale, chargés de protéger la famille impériale et d’aider le régent à administrer les affaires de l’État.

 7. Deux ingrédients essentiels qui, bien dosés, permettent de faire une soupe délicieuse. En Chine et au Japon, le bon dosage du sel et du vinaigre était comparé au bon fonctionnement des ministres aidant le souverain à gouverner correctement.

 8. Pâte de soja fermenté.

 9. Il est recommandé dans le Sūtra du Nirvana de consommer de l’huile pour traiter les maladies causées « par le poison du vent », c’est-à-dire par la pollution de l’air. Les maux de tête, les douleurs dans les membres, la difficulté à se déplacer étaient assimilés à de telles maladies.

 10. Il s’agit de Nanjō Hyōe Shichirō (décédé en 1265), fidèle laïc de Nichiren et père de Nanjō Tokimitsu.

 11. Ōhashi no Tarō n’apparaît dans aucun document ni aucun rapport de la période de Kamakura (1185-1333). Selon une tradition datant de l’ère Edo (1600-1867), il s’agirait de Taira no Michisada, général qui vécut vers la fin de la période Heian (794-1185). Michisada était le fils de Taira no Sadayoshi, gouverneur de Higo, sur l’île de Kyūshū, et proche compagnon du grand ministre d’État Taira no Kiyomori. Cependant, avec l’effondrement du clan Taira, sa famille perdit graduellement son influence dans la région de Kyūshū. Selon la tradition, en 1186, Michisada fut confronté à la fureur de Minamoto no Yoritomo, fondateur et premier shōgun du shogunat de Kamakura, et fut emprisonné ; il fut cependant sauvé par la foi résolue de son fils dans le Sūtra du Lotus. Tsukushi est l’ancien nom de l’île méridionale de Kyūshū.

684 12. Sanctuaire dédié à la divinité Hachiman, élevé par Minamoto no Yoritomo, à Kamakura, dans la seconde moitié du XIIe siècle.

 13. Vers le début de la période de Heian (794-1185), la Cour impériale donna à Hachiman le titre de grand bodhisattva, exemple précoce de la fusion des éléments bouddhiques et shintō. De plus, durant cette période, Hachiman fut assimilé à l’empereur légendaire Ōjin, seizième souverain du Japon. « Votre véritable identité était celle du bouddha Shakyamuni, seigneur des enseignements », est une référence à la croyance largement répandue selon laquelle les divinités japonaises autochtones étaient des manifestations locales des bouddhas et des bodhisattvas. Nichiren associe ici Hachiman au bouddha Shakyamuni.

 14. Kyō-no-nii était l’un des titres de Fujiwara no Kenshi (1155-1229), qui avait été la nourrice de l’empereur Gotoba et qui exerça par la suite une influence sur les affaires politiques. Cependant, d’après le contexte, Kyō-no-nii ne désigne pas Fujiwara no Kenshi mais Hōjō Masako (1157-1225), l’épouse du shōgun, Minamoto no Yoritomo.

 15. Kajiwara Kagetoki (décédé en 1200), général du clan Minamoto qui avait gagné la confiance du shōgun, Yoritomo.

 16. Le grand ministre et moine séculier est Taira no Kiyomori, dirigeant du clan Taira. En remportant la bataille au terme des deux brèves campagnes de 1156 et 1160, il obtint le pouvoir militaire absolu ; le père de Minamoto no Yoritomo, Yoshitomo, fut tué au combat par Kiyomori lors de la première de ces campagnes.

 17. Myōhō (dates inconnues) était une nonne qui habitait dans le sanctuaire de la divinité du mont Izu, dans la province d’Izu, et pratiquait le Sūtra du Lotus.

 18. Mongaku (dates inconnues) était un moine de l’école Shingon qui fut à l’origine de la reconstruction du Jingo-ji, au mont Takao, à Kyōto. Afin de prélever des fonds pour cette reconstruction, il demanda avec insistance à l’empereur retiré Goshirakawa son aide financière. Ses requêtes fougueuses lui valurent d’être exilé à Izu où il rencontra Minamoto no Yoritomo et gagna son respect. Le récit de Mongaku exhortant Yoritomo à lever une armée contre les Taira en lui montrant la tête de son père défunt est raconté dans Le Dit des Heike.

 19. Le douzième jour du neuvième mois de 1271, Hei no Saemon accompagné par son serviteur Shō-bō et quelques autres, alla arrêter Nichiren. Là, le serviteur de Hei no Saemon frappa Nichiren au visage avec le cinquième rouleau du Sūtra du Lotus. Dans le chapitre “Exhortation à la persévérance”, compris dans ce rouleau, il est question des ignorants qui attaqueront les pratiquants du Sūtra du Lotus « au bâton ou au sabre ».

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