Lors de la première année de l’ère Kōchō [1261], sous le signe cyclique de kanoto-tori, le douzième jour du cinquième mois, j’ai encouru la fureur des autorités gouvernementales et j’ai été exilé au village d’Itō, dans la province d’Izu. C’est en ce lieu que fut banni Hyōe no Suke Yoritomo1. Cependant, peu après, lors de la troisième année de l’ère Kōchō, sous le signe cyclique de mizunoto-i, le vingt-deuxième jour du deuxième mois, j’ai été gracié et autorisé à revenir à Kamakura.
Puis, lors de la huitième année de l’ère Bun’ei [1271], sous le signe cyclique de kanoto-hitsuji, le douzième jour du neuvième mois, j’ai été une nouvelle fois confronté à la fureur des autorités et j’ai échappé de peu à la décapitation. En raison de circonstances particulières, l’exécution fut en effet reportée. Je fus en revanche placé sous la garde de l’ancien gouverneur de Musashi2 dont le domaine féodal comportait l’île de Sado, au nord. C’est sur cette île que je fus envoyé, escorté par ses serviteurs.
Les habitants de l’île sont incultes et barbares, et n’ont aucune compréhension de la loi de cause et effet. Ils m’ont traité avec une incroyable rudesse. Je n’en ai pourtant éprouvé aucun ressentiment. En voici la raison : même le souverain du Japon, le seigneur de Sagami, dont on pouvait attendre une compréhension des principes, ne fit 530aucune enquête particulière sur ma situation, alors que je n’ai finalement fait que tenter de venir en aide au pays. En revanche, au mépris de toute raison et de toute justice, il me fit condamner à mort. Alors, si on ne pouvait même pas compter sur les hommes de bien parmi ses sujets, on n’avait donc pas plus de raison de détester les mauvais.
Dès que j’ai commencé à proclamer l’enseignement du Sūtra du Lotus, j’ai résolu d’y consacrer ma vie et de répandre mon nom sur les terres pures des bouddhas des dix directions. Hong Yan prit le foie de son seigneur mort, le général Yi de Wei, s’ouvrit le ventre, et y inséra le foie avant de mourir. Comme son seigneur, Zhibo, avait été victime de disgrâce, Yurang se jeta sur son sabre pour le venger de cette injustice. Ces hommes allèrent jusqu’à de telles extrémités pour s’acquitter d’une simple dette de reconnaissance mondaine. Si les êtres humains ne cessent de transmigrer à travers les six voies pendant des kalpa et des kalpa sans jamais pouvoir atteindre la bouddhéité, c’est parce qu’ils donnent leur corps à contrecœur et qu’ils ne donnent pas leur vie pour le Sūtra du Lotus.
Le bodhisattva appelé Vision-qui-Réjouit brûla son propre corps en offrande au bouddha Pure-et-Brillante-Vertu-de-Soleil-et-de-Lune pendant mille deux cents ans et brûla ses bras en offrande au Sūtra du Lotus pendant soixante-douze mille ans, ce qui lui valut de renaître sous la forme du bodhisattva Roi-de-la-Médecine. Le bodhisattva Jamais-Méprisant subit des insultes, fut ridiculisé et attaqué à coups de bâton, de tuiles et de pierres pendant une période de nombreux kalpa pour le Sūtra du Lotus. Mais ne renaquit-il pas sous la forme du bouddha Shakyamuni ? Nous voyons donc que, selon le moment, la Voie de la bouddhéité requiert différentes formes de pratique.
De nos jours, le Sūtra du Lotus est bien sûr le sūtra suprême, comme c’était déjà le cas dans le passé. Et pourtant, comme la façon de le pratiquer diffère selon le moment, même si quelqu’un devait se retirer dans les forêts de montagne pour le lire et le réciter ou vivre dans les villages et exposer ses doctrines, ou observer l’ensemble des divers préceptes ou même brûler ses bras en offrande, cette personne ne parviendrait cependant pas à atteindre la bouddhéité.
En apparence, les enseignements bouddhiques prospèrent aujourd’hui au Japon. Et pourtant, la façon dont on pratique ces enseignements est en réalité bien étrange, même si les gens n’en ont pas conscience. Ils sont comme des insectes qui se jettent aveuglément dans les flammes ou comme des oiseaux qui entrent dans la gueule d’un serpent.
Les maîtres de l’école Shingon et les croyants des écoles Kegon, Hossō, Sanron, Zen, Jōdo et Ritsu, tous croient qu’ils ont saisi la Loi et se sont libérés des souffrances des naissances et des morts. Mais les fondateurs [chinois] de ces écoles n’ont pas discerné le véritable sens des sūtras sur lesquels s’appuient leurs enseignements. Ils se sont comportés de manière purement superficielle, en employant les sūtras d’une façon qui convenait à leurs propres idées. Ils allèrent ainsi à l’encontre du Sūtra du Lotus, ce qui signifie que leurs enseignements ne s’accordaient pas avec la véritable intention du Bouddha. Ils n’en avaient pourtant pas conscience et, lorsqu’ils entreprirent de propager leurs doctrines, les souverains du pays et les gens ordinaires finirent également par les croire. De plus, ces doctrines se sont propagées dans d’autres pays [dont le Japon], et bien des années se sont écoulées depuis. De ce fait, ignorant que les fondateurs de ces écoles étaient dans l’erreur, les érudits de notre époque de la Fin de la Loi considèrent ceux qui pratiquent et propagent leurs enseignements comme des sages.
Si la source est boueuse, le courant ne sera pas clair ; si le corps est penché, l’ombre ne sera pas droite. Shanwuwei et les 531autres fondateurs de l’école Zhenyan [devenue le Shingon au Japon] étaient déjà destinés à l’enfer. Certains d’entre eux se sont peut-être repentis à temps pour tenter d’éviter d’y tomber. D’autres se sont peut-être contentés de propager les enseignements de leurs propres sūtras sans louer [ni attaquer] le Sūtra du Lotus et ainsi, bien qu’incapables de se libérer des souffrances des naissances et des morts, ils ont pu éviter de tomber dans les mauvaises voies. Mais les gens de l’époque de la Fin de la Loi n’en ont pas conscience et tous, au contraire, accordent foi à ces enseignements. Ils sont comme des personnes qui montent à bord d’un bateau endommagé et prennent le large sur le grand océan, ou comme des gens ivres qui s’allongent pour dormir [sans voir qu’ils sont] au milieu d’un feu.
Quand j’ai pris conscience de la situation, j’ai immédiatement fait jaillir l’aspiration à l’illumination [afin de les sauver], et j’ai entrepris de proclamer mes enseignements. Je me suis aussitôt rendu compte que, quelle que soit la façon dont je m’adresserais au peuple de ce temps, les gens ne me croiraient probablement pas et que je serais au contraire très certainement condamné à l’exil ou à la mort.
Le Japon d’aujourd’hui est un pays qui s’est détourné du Sūtra du Lotus et a abandonné Shakyamuni. C’est pourquoi ses habitants sont non seulement voués à tomber dans la grande citadelle de l’Enfer aux souffrances incessantes dans leur prochaine existence, mais ils rencontreront sûrement aussi de grands troubles dans leur existence présente, c’est-à-dire que des envahisseurs viendront d’un pays étranger et que tous, du souverain jusqu’aux gens ordinaires, se lamenteront d’une seule voix.
À titre d’illustration, si mille frères s’unissent pour assassiner leurs parents, le poids de la culpabilité ne se partagera pas en mille parts. En fait, tous les frères sans exception doivent [recevoir la pleine rétribution karmique et] tomberont dans la grande citadelle de l’Enfer aux souffrances incessantes où ils demeureront tous pendant la durée d’un kalpa. Cela s’applique aussi aux gens de ce pays.
Depuis des kalpa et des kalpa de particules de poussière d’innombrables systèmes de mondes majeurs, ce monde saha est le domaine du bouddha Shakyamuni, seigneur des enseignements. Pas une seule parcelle de toute l’immensité de la terre, des cieux, des montagnes et des mers, des plantes et des arbres, n’appartient à un autre bouddha. Et tous les êtres vivants sont également les enfants du bouddha Shakyamuni.
Ainsi, on dit qu’au début d’un kalpa de formation, l’un des rois Brahma descendit des cieux et fit naître les êtres qui habitent les six voies3. De même que Brahma est alors le parent de tous ces êtres, le bouddha Shakyamuni est le parent de tous les êtres vivants en ce monde. Maître des enseignements, il est également le maître éclairé de tous les êtres vivants de ce pays. C’est grâce à notre maître que nous pouvons savoir qui sont nos parents ; c’est grâce au bouddha Shakyamuni que nous pouvons faire la distinction entre le noir et le blanc.
Cependant, en suivant les enseignements d’hommes comme Shandao et Hōnen, qui ont été possédés par le démon céleste, les gens se mettent à bâtir des temples pour le bouddha Amida dans tout le pays. Ils construisent des salles de pratique dédiées au culte d’Amida dans chaque région, dans chaque village, dans chaque hameau et dans leurs propres maisons. Ils réalisent aussi des images d’Amida, peintes ou en bois, pour les disposer dans leurs propres demeures et lieux de résidence. Le nom d’Amida est sur toutes les lèvres, il en est qui le récitent à voix haute, dix mille fois pour certains, soixante mille pour d’autres. Et les personnes dotées d’un certain degré de sagesse se hâtent d’encourager les autres dans ces pratiques. C’est comme ajouter de l’herbe sèche à un feu ou lâcher 532les vents pour que, dans leur souffle, ils soulèvent les vagues.
Parmi les habitants de ce pays, il n’en est pas un seul qui ne soit pas disciple et sujet du bouddha Shakyamuni, seigneur des enseignements. Si une personne ne peint pas ou ne sculpte pas une seule image d’Amida ou d’un bouddha autre que Shakyamuni, s’il ne récite pas le nom d’Amida, alors, même s’il s’agit d’une personne mauvaise, elle n’a pas encore clairement manifesté son rejet du bouddha Shakyamuni. Mais tous ces gens qui vénèrent exclusivement le bouddha Amida ont clairement manifesté leur rejet du bouddha Shakyamuni. Ceux qui récitent la vaine formule du Nembutsu sont les personnes véritablement mauvaises.
Ce bouddha qui n’est ni leur père, ni leur mère, ni leur souverain, ni leur maître, ils le traitent avec autant de tendresse qu’une épouse bien-aimée. Par ailleurs, ils abandonnent le bouddha Shakyamuni, notre véritable souverain, parent et maître éclairé, et n’ouvrent pas la bouche pour réciter le Sūtra du Lotus, qui est pour nous tous comme une mère nourricière. Comment ne pas dire d’eux qu’ils manquent à leur devoir de piété filiale ?
Ces personnes dépourvues de piété filiale ne sont pas seulement une ou deux, cent ou mille ; il ne s’agit pas seulement des habitants d’une ou deux provinces. Du souverain jusqu’aux gens ordinaires, tout le monde au Japon, sans la moindre exception, est coupable de commettre les trois transgressions capitales4.
C’est pourquoi le soleil et la lune changent de couleur et les regardent avec sévérité, la terre tremble et se soulève de fureur, de grandes comètes emplissent le ciel et de gigantesques incendies éclatent dans tout le pays. Cependant, ces personnes ne perçoivent pas leur erreur et font au contraire leur propre éloge en disant : « Nous récitons sans cesse le Nembutsu et, de plus, nous élevons des lieux de culte dédiés à cette pratique et nous honorons le bouddha Amida ! »
De telles actes peuvent sembler sages mais ils sont en fait totalement dépourvus de valeur. Imaginez un jeune couple. Le mari est si épris de sa femme et l’épouse pense si tendrement à son mari que l’un et l’autre en oublient totalement leurs parents. De ce fait, les parents errent de-ci, de-là, vêtus de vêtements trop légers alors que le jeune couple dispose d’une chambre chaude et douillette. Les parents n’ont rien à manger alors que le jeune couple a le ventre bien plein. Ces jeunes gens se conduisent de la pire façon, du point de vue de la piété filiale, mais ne voient pourtant pas à quel point ils se comportent mal. Que dire alors d’une épouse qui se détournerait délibérément de sa propre mère et d’un mari qui irait à l’encontre de son propre père ? Ne sont-ils pas coupables d’une faute encore plus grave ?
Le bouddha Amida réside dans un pays situé à cent mille millions de mondes et il n’a pas le moindre lien avec le monde saha. On peut toujours prétendre [le contraire], mais cette affirmation n’a en fait aucun fondement. C’est comme essayer d’accoupler un cheval avec un bœuf, ou un singe avec un chien.
Moi, Nichiren, je suis la seule personne à en avoir conscience. Si je devais donner ma vie à contrecœur et m’abstenir de parler, non seulement je ne m’acquitterais pas de ma dette de reconnaissance envers mon pays, mais j’agirais aussi comme un ennemi de Shakyamuni, seigneur des enseignements. Par ailleurs, je savais d’emblée que si, abandonnant toute crainte, je présentais les choses sous leur aspect réel, je serais condamné à mort. Et je savais aussi que, même si j’échappais à la peine de mort, je serais sûrement condamné à l’exil. Cependant, si grande est ma dette de gratitude envers le Bouddha que je ne me suis pas laissé intimider par les autres, et je me suis exprimé.
533Tout comme je l’avais prévu, je fus exilé pas moins de deux fois. À la deuxième de ces condamnations, lors de l’été de la neuvième année de l’ère Bun’ei [1272], je fus envoyé en un lieu appelé Ichinosawa, du village d’Ishida, dans la province de Sado. Dans la région où j’avais été assigné à résidence, l’intendant et ses hommes me traitèrent, dans l’exercice de leurs fonctions comme en privé, avec plus de cruauté que si j’étais un ennemi juré de leurs parents ou un adversaire d’une existence antérieure. Mais le moine séculier qui m’hébergea dans sa demeure5, ainsi que son épouse et ses serviteurs, même s’ils parurent d’abord effrayés, finirent en privé par me traiter avec compassion, peut-être en raison d’un lien qui nous unit depuis une existence antérieure.
Les rations de nourriture que je recevais de l’intendant [de la région] étaient très insuffisantes. Et, comme un certain nombre de mes disciples se trouvaient avec moi, nous n’avions souvent pas plus de deux ou trois bouchées de riz chacun. Parfois, nous partagions la nourriture dans des plateaux faits d’écorce et, en d’autres occasions, nous la saisissions simplement dans le creux de nos mains pour la manger aussitôt. En privé, le maître de maison me traitait avec bienveillance. Même si extérieurement il paraissait craindre les autorités, il éprouvait dans son cœur beaucoup de compassion pour nous, ce que je n’oublierai jamais dans aucune vie future. Dans cette période-là, il fut même plus précieux pour moi que les parents qui m’ont donné naissance. Aussi grandes que soient les obligations que j’ai contractées à son égard, je dois tout faire pour m’en acquitter. Et, en plus, je ne dois pas manquer de faire ce que je lui ai promis.
Le moine séculier se sentait profondément préoccupé par la vie à venir et se consacrait depuis longtemps à la récitation du Nembutsu. De plus, il avait élevé un lieu de culte à Amida à qui il avait également dédié ses terres en offrande. Il redoutait aussi la réaction de l’intendant de la région6 et ne s’était donc pas proclamé croyant du Sūtra du Lotus. De son point de vue, c’était probablement l’attitude la plus raisonnable. Mais il tombera sans aucun doute dans la grande citadelle de l’Enfer aux souffrances incessantes. Il m’est arrivé de penser que, même si je lui envoyais une copie du Sūtra du Lotus, il ne souhaiterait pas abandonner la pratique du Nembutsu par crainte du qu’en dira-t-on, et ce serait donc comme [tenter de] mélanger l’eau et le feu. Il n’y avait donc aucun doute que le flot de son opposition à la Loi éteindrait la petite flamme de sa foi dans le Sūtra du Lotus. Et, s’il devait tomber en enfer, moi, Nichiren, je serais en retour à blâmer. Ainsi, tout en m’interrogeant anxieusement encore et encore sur ce qu’il fallait faire, pour le moment je ne lui ai pas encore envoyé de copie du Sūtra du Lotus.
Sur ces entrefaites, j’ai appris que la copie du Sūtra du Lotus que j’avais l’intention de lui faire parvenir avait été détruite dans un incendie à Kamakura. J’ai eu plus que jamais l’impression que le moine séculier n’avait pas de lien avec le Sūtra du Lotus et je me suis même étonné d’avoir promis un jour de lui en envoyer un exemplaire.
De plus, quand la nonne de Kamakura7 quitta Sado pour rejoindre son foyer, elle n’avait pas les moyens de couvrir les frais de son voyage. J’ai demandé à contrecœur au moine séculier de lui fournir l’argent dont elle avait besoin, mais je regrette de lui avoir adressé une telle requête. Je pourrais bien sûr lui restituer simplement cette somme d’argent avec des intérêts. Mais mes disciples m’ont fait remarquer que cela ne correspondait pas à ma promesse initiale. Quelle que soit la façon dont je tourne la situation, elle est donc difficile et je ne peux m’empêcher de craindre que mon comportement soit interprété comme irresponsable et fourbe. C’est pourquoi je sens n’avoir pas d’autre choix que d’envoyer une copie 534de l’ensemble du Sūtra du Lotus en dix volumes. Puisque la grand-mère du moine séculier semble intérieurement plus profondément attirée par le Sūtra que le moine lui-même, je vous confie [cette copie] à son intention.
Mes propos semblent être ceux d’un insensé et nul n’en tient compte. Il me faut néanmoins signaler que, lors du dixième mois de la onzième année de l’ère Bun’ei [1274], sous le signe cyclique de kinoe-inu, lorsque l’empire des Mongols lança son attaque sur Tsukushi, les responsables militaires de l’île de Tsushima résistèrent alors que Sō Sōma-no-jō8, vice-gouverneur de Tsushima, s’enfuit. De ce fait, les Mongols purent attaquer le peuple, tuant des hommes ou les faisant prisonniers, et regroupant les femmes pour leur passer des cordes aux poignets et les attacher à leurs bateaux ou pour les emmener en captivité. Nul ne put y échapper.
La même chose se produisit lors de l’attaque de l’île d’Iki. Quand les bateaux mongols se précipitèrent [vers Tsukushi], le magistrat-moine séculier9 responsable de la région, ancien gouverneur de la province de Buzen, s’enfuit, vaincu. Plusieurs centaines de Matsuratō10 furent abattus ou capturés et les habitants des villages du littoral connurent les uns après les autres le même destin que les habitants des îles d’Iki et de Tsushima.
Qu’adviendra-t-il quand les Mongols lanceront leur prochaine attaque ? Quand, par milliers ou par millions, des combattants de leur pays se rueront en masse sur le Japon, qu’arrivera-t-il ?
Leurs forces au nord aborderont d’abord l’île de Sado. En un rien de temps, ils tueront les intendants et le gouverneur des lieux. Quand les gens tenteront de fuir vers les montagnes du nord, ils seront tués ou capturés ou périront dans les montagnes.
Demandons-nous un instant pourquoi se produisent des événements aussi terribles. Comme je l’ai dit précédemment, c’est parce qu’il n’est pas une seule personne en ce pays qui n’ait pas commis les trois transgressions capitales. C’est pourquoi Brahma, Shakra, les divinités du soleil et de la lune, et les quatre rois célestes sont entrés dans le corps de l’empereur mongol et l’ont amené à châtier notre pays.
Je suis peut-être un insensé mais, m’étant présenté comme l’envoyé du bouddha Shakyamuni et le pratiquant du Sūtra du Lotus, on ne peut que s’étonner que mes paroles ne soient pas prises en considération. Du fait de cette erreur, le pays court aujourd’hui à sa perte. Non seulement mes propos ne sont pas pris en compte mais j’ai été chassé de province en province, rudoyé, attaqué, battu, et envoyé en exil, et mes disciples ont été tués ou se sont vu confisquer leurs fiefs.
Si quelqu’un infligeait un tel traitement à un messager de ses parents, pourrait-on approuver ses actions ? Pourtant moi, Nichiren, je suis le père et la mère de tous les habitants du Japon, je suis leur souverain, je suis leur maître éclairé ! Ont-ils le droit de se retourner contre moi ? Il est absolument certain que ceux qui récitent le Nembutsu sont destinés à tomber dans l’Enfer aux souffrances incessantes. Vous pouvez me croire sur parole !
Quand les forces mongoles lanceront leur assaut, que ferez-vous ? Même si vous placiez cette copie du Sūtra du Lotus sur votre tête ou si vous l’accrochiez à votre cou en fuyant vers les montagnes du nord, il n’en reste pas moins que, pendant de nombreuses années, vous avez soutenu les moines du Nembutsu et récité vous-même le Nembutsu, vous faisant ainsi, et depuis longtemps, l’ennemi du bouddha Shakyamuni et du Sūtra du Lotus.
Si vous deviez alors perdre la vie, il ne faudra pas en tenir rigueur au Sūtra du Lotus. Quand vous serez conduit devant le roi Yama dans son palais, que direz-vous ? À ce moment-là, même si cela peut vous 535paraître insensé, vous déclarerez probablement que vous êtes un disciple laïc de Nichiren.
Mais restons-en là. Pour ce qui est de la copie du Sūtra du Lotus que je vous envoie, vous devriez demander à Gakujō-bō11 de vous la lire régulièrement. Mais, quoi que l’on vous dise, vous ne devez jamais la montrer aux moines du Nembutsu, ni aux maîtres du Shingon ou aux observateurs des préceptes. Même si des gens se prétendent disciples de Nichiren, s’ils ne vous en apportent pas une preuve établie de ma main, il ne faut pas leur faire confiance.
Avec mon profond respect,
Nichiren
Le huitième jour du cinquième mois
À l’épouse du moine séculier d’Ichinosawa