Soka Gakkai Bibliothèque du bouddhisme de Nichiren

Skip to main content (Press Enter).

  • Explications
  • Caractères foncés sur fond d'écran clair
  • Caractères clairs sur fond d'écran foncé
  • Diminuer la taille des caractères
  • Augmenter la taille des caractères
  • Les écrits de Nichiren

Retour

  • Chercher dans le texte

  • Recherche Précédent
  • Recherche Suivant
  • Fermer

Skip items for smartphones (Press Enter).

Lettre de pétition de Yorimoto
Chercher
Recherche de texte
  • Fermer

Retour

  • Précédent
  • Suivant
  • Fermer

Skip navigation (Press Enter).

Onglet Page Nombre
  • 1ère page
  • Page précédente
  • Page suivante
  • Dernière page
  • Ajouter un onglet
  • Glossaire Fermer
  • Recherche

Skip navigation (Press Enter).

ÉCRITS: 97 Lettre de pétition de Yorimoto

( pp.809 - 823 )

Notes MENU

TOC
Contexte
Signet
Accédez au signet

Glossaire
Couleur du texte
Taille du texte Petit
Taille du texte Grand

 1. Shimada no Saemon et Yamashiro no Mimbu étaient apparemment deux des vassaux du seigneur Ema qui, en tant que messagers, transmirent à Shijō Kingo la lettre officielle qui lui était destinée. Nichiren écrivit cette pétition au nom de Shijō Nakatsukasa Saburō Saemon-no-jō Yorimoto, plus connu sous le nom de Shijō Kingo. Elle était destinée à son seigneur, Ema Chikatoki. Le « je » concerne donc ici Shijō Kingo et le « vous » le seigneur Ema.

 2. À l’époque la grande statue du Bouddha à Kamakura (Daibutsu) fut enchâssée dans un pavillon, lequel fut détruit deux fois par un orage, en 1334 et en 1369. Reconstruit de nouveau, il fut dévasté par un tsunami en 1498. La statue est restée sans abri depuis cette époque.

 3. Cette citation et la suivante résument les conceptions exposées par Kōbō dans le Traité sur les dix étapes de l’esprit, dans La clé précieuse du trésor secret et dans la Comparaison entre les enseignements exotériques et ésotériques. Le ghee désigne le beurre clarifié, réputé de meilleure qualité, soit la dernière des cinq saveurs (lait, crème, lait caillé, beurre et ghee). Il a ici valeur de métaphore et désigne le plus élevé de tous les sūtras.

 4. En se fondant sur le Sūtra de la révélation des profonds secrets, l’école Faxiang divise les êtres humains en cinq catégories appelées les cinq natures distinctes. « Les êtres vivants qui n’ont pas la nature de l’illumination » correspondent à l’une de ces cinq natures distinctes. Voir « cinq natures distinctes » dans le glossaire.

 5. L’école Huayun divise l’enseignement parfait, le plus élevé des cinq enseignements, en enseignement fondamental et enseignements dérivés, et affirme que le Sūtra de la Guirlande de fleurs est la racine et le Sūtra du Lotus les branches.

 6. Conceptions développées par Chengguan dans le Discours profond sur les enseignements de la Guirlande de fleurs. « L’enseignement subit » désigne les enseignements dans lesquels le Bouddha exposa directement le contenu de son expérience d’illumination, sans instructions préparatoires. « L’enseignement graduel » désigne les enseignements exposés par le Bouddha pour élever graduellement la capacité des gens. Chengguan affirma que le Sūtra de la Guirlande de fleurs représentait l’enseignement parfait au sein de l’enseignement subit et que le Sūtra du Lotus représentait l’enseignement parfait au sein de l’enseignement graduel.

 7. Conceptions de Shandao développées dans l’Éloge de la renaissance dans la Terre pure.

 8. On trouve ces conceptions de Hōnen dans le Choix du Nembutsu par-dessus tout.

 9. L’école Zen affirmait que l’essence du bouddhisme se transmettait directement d’esprit à esprit et prétendait que c’était de cette façon que l’illumination du Bouddha avait été transmise à Mahakashyapa, puis à chaque patriarche successif de l’école Zen.

 10. Sūtra du Lotus, chap. 2.

 11. Ibid., chap. 11.

 12. Ibid., chap. 21.

 13. Ibid., chap. 2.

 14. Ibid., chap. 3.

 15. Les « traités » désignent ici les œuvres de grands bodhisattvas tels que Nagarjuna et Vasubandhu.

 16. Sūtra du Lotus, chap. 13.

 17. Nichiren proclama pour la première fois l’enseignement de Nam-myōhō-renge-kyō lors de la cinquième année de Kenchō (1253).

 18. Il s’agit d’une allusion à l’exil d’Izu, en 1261, et à la persécution de Tatsunokuchi en 1271, ainsi qu’à l’exil de Sado qui suivit aussitôt.

 19. C’est là une allusion à la persécution de Tatsunokuchi.

 20. Les six jours de purification sont les six jours où, chaque mois, les croyants laïcs purifient leur corps et leur esprit en observant les huit préceptes (voir glossaire). Ce sont les huitième, quatorzième, quinzième, vingt-troisième, vingt-neuvième et trentième jours du mois.

 21. « Les observateurs des préceptes » désignent ici ceux qui observent les huit préceptes, c’est-à-dire ceux qui suivaient Ryōkan de l’école Ritsu.

 22. Gomyō (750-834) était un moine de l’école Hossō. Selon le Récit des préceptes de l’esprit unique, datant de 818, quand les gens durent subir l’épreuve d’une grande sécheresse, Dengyō, sur ordre de l’empereur Saga, offrit des prières en s’appuyant sur le Sūtra du Lotus, le Sūtra de l’excellent roi et le Sūtra des rois bienveillants. Le troisième jour, la pluie se mit à tomber. Gomyō pria pour qu’il pleuve avec ses quarante disciples en n’utilisant que le Sūtra des rois bienveillants et la pluie ne tomba pas avant le cinquième jour.

 23. Shubin était un moine de l’école Shingon au IXe siècle. En 823, il reçut de l’empereur Saga le Temple de l’Ouest (Sai-ji), alors qu’on attribua à Kōbō le Temple de l’Est (Tō-ji). Lors du printemps 824, au cours d’une sécheresse, Shubin s’opposa à Kōbō dans les prières pour la pluie. Il parvint à faire tomber la pluie le septième jour, alors que Kōbō n’obtint aucun résultat, même au bout de vingt et un jours.

 24. Ce sūtra, traduit par Bukong, détaille le rituel de la prière pour qu’il pleuve et la conduite à observer quand on l’accomplit.

 25. Un temple de Kamakura qui n’existe plus. D’après le texte, il semble que c’était un temple de grande taille, placé sous la direction de Ryōkan.

 26. Izumi Shikibu (né autour de 976), dame de la Cour, et Nōin (né en 988), moine-poète, dont les œuvres comprennent des poèmes qui expriment des prières pour qu’il pleuve.

 27. Huit sortes d’intempéries liées au vent, comportant notamment les pluies torrentielles, les tornades et les tempêtes. Les explications à ce sujet varient selon la source mais, en tout cas, cela désigne toujours des conditions climatiques très mauvaises. Quand Ryōkan offrit ses prières, aucune pluie ne tomba mais, au contraire, des vents destructeurs se levèrent.

 28. Il s’agissait là d’une divinité considérée comme le dieu tutélaire du mont Hiei et de l’école Tendai.

 29. Zheng Xuan (127-200) était un érudit de la dynastie des Han postérieurs, qui écrivit des commentaires sur le Classique de la piété filiale, Les Analectes et autres textes.

 30. Recueil d’anecdotes parues à partir de la période des Printemps et Automnes et tout au long de la dynastie des Han antérieurs. Écrit par Liuxiang (77-6 avant notre ère), il est composé de dix fascicules.

 31. Essai sur la protection du pays.

 32. Sūtra du Lotus, chap. 13.

 33. Annotations sur le Sūtra du Nirvana.

 34. Ibid.

 35. Sūtra du Lotus, chap. 3. Ce passage décrit les vertus de souverain et parent.

 36. Vertus de souverain, de maître et de parent, attributs caractéristiques d’un bouddha. Voir glossaire.

 37. Sūtra du Lotus, chap. 3. Ce passage décrit la vertu de maître.

 38. Ibid.

 39. Ibid.

 40. Selon les Annotations sur La Grande Concentration et Pénétration, les sept transgressions capitales comprennent les cinq transgressions capitales (voir glossaire) auxquelles s’ajoutent les offenses consistant à tuer un moine de haute vertu et à tuer un maître.

 41. Sūtra du Lotus, chap. 3.

 42. « Votre père » désigne ici probablement Ema Mitsutoki. Nakatsukasa Yorikazu, le père de Shijō Kingo (ou Yorimoto) servit Ema Mitsutoki. Après la mort de Yorikazu, Shijō Kingo servit à la fois Mitsutoki, devenu à l’époque moine séculier, et son fils Chikatoki, à qui cette lettre est destinée. En 1246, Mitsutoki fut suspecté d’avoir fomenté une rébellion contre le régent Hōjō Tokiyori, et il fut exilé à Ema, dans la péninsule d’Izu.

 43. Cela fait allusion à une tentative infructueuse de Hōjō Tokisuke, demi-frère aîné du régent, Hōjō Tokimune, de s’emparer du pouvoir. Cela se produisit en fait lors de la neuvième année de Bun’ei (1272). « La onzième année de l’ère Bun’ei (1274) » (année de l’invasion des forces mongoles) est probablement une erreur. Parmi les principaux protagonistes de la rébellion figuraient les frères cadets d’Ema Mitsutoki, Noritoki et Tokiaki, qui complotaient pour tenter de confier la régence à Hōjō Tokisuke. Tous deux, ainsi que Tokisuke, furent finalement exécutés en raison de leur participation à cette affaire. Leur neveu, Ema Chikatoki, était le seigneur du clan Ema au moment de la tentative de coup de force et il fut soupçonné de complicité. Il semble que les fidèles vassaux de Chikatoki aient fait le vœu de se suicider si leur seigneur était exécuté.

 44. Le monde du désir, de la forme et le monde sans forme. Voir glossaire.

 45. Il s’agit de Minamoto no Yoshinaka (1154-1184), également connu sous le nom de Kiso Yoshinaka. Ce général du clan Minamoto fit décapiter Myōun, le cinquante-cinquième et cinquante-septième grand patriarche de l’Enryaku-ji, lorsqu’il attaqua le mont Hiei lors de la confrontation entre les clans Minamoto et Taira.

 46. Sūtra du Lotus, chap. 26.

 47. Durant les troubles de l’ère Jōkyū, en 1221, les forces impériales furent vaincues lorsqu’elles tentèrent de renverser le gouvernement du shogunat, installé à Kamakura. Cette défaite renforça la mainmise du gouvernement de Kamakura sur le pays et brisa effectivement le pouvoir impérial. L’empereur retiré Gotoba, qui avait planifié la tentative de coup d’État, fut exilé par le régent Hōjō Yoshitoki à Oki, une île de la mer du Japon.

 48. Hōjō Yoshitoki (1163-1224) fut le régent du shogunat de Kamakura durant les troubles de l’ère Jōkyū. Le shogunat de Kamakura a fait du Kantō (dans l’est du Japon) sa base, alors que la Cour impériale était située à Kyōto, dans la partie ouest du pays.

 49. Les préceptes du Hinayana sont divisés en plusieurs catégories telles que les cinq préceptes, les huit préceptes (tous deux également destinés aux croyants laïcs), les dix préceptes (destinés à la fois aux novices hommes et femmes de la Communauté bouddhiste), les deux cent cinquante préceptes (pour les moines ordonnés), et les cinq cents préceptes (pour les nonnes ordonnées). Ryōkan, que le seigneur Ema révérait, observait les deux cent cinquante préceptes et en tirait une grande fierté.

 50. Sūtra de l’enseignement de Vimalakirti. Cela signifie qu’il ne faut pas exhorter ceux qui ont des facultés supérieures à observer les préceptes du Hinayana. Il y est aussi question de l’infériorité des enseignements du Hinayana par rapport à ceux du Mahayana.

 51. Il s’agit probablement d’une reformulation d’un passage du Angulimala-sūtra.

 52. « Les dix-sept défauts » concernent les raisons pour lesquelles les préceptes du Hinayana sont inférieurs aux préceptes du Mahayana, selon le Sūtra des règles monastiques pures. Par exemple, les préceptes du Hinayana reflètent l’horreur du monde des trois plans, monde habité par les êtres non illuminés, ce qui n’est pas le cas des préceptes du Mahayana ; les préceptes du Hinayana manifestent du dédain à l’égard des bienfaits, alors que les préceptes du Mahayana les incluent tous.

 53. Comparaisons utilisées par le bouddha Shakyamuni pour souligner la supériorité des préceptes du Mahayana sur ceux du Hinayana, selon le Sūtra des règles monastiques pures. Par exemple, les préceptes du Hinayana pratiqués par les auditeurs ne produisent pas même un bienfait aussi infinie que l’empreinte d’un sabot de vache, alors que les préceptes du Mahayana gardés par les bodhisattvas procurent des bienfaits aussi vastes que l’océan.

 54. On dit du lait d’ânesse qu’il a un goût si désagréable qu’on ne peut le boire, alors que le lait de vache (les préceptes du Mahayana) apaise la soif et nourrit la vie. Par cette métaphore, Dengyō indique que les préceptes du Hinayana ne mènent pas à l’illumination. De plus, il emploie l’image du crapaud pour dénoncer lattachement aveugle aux préceptes du Hinayana, utilisant ainsi une analogie qui se rapproche de celle de « la grenouille dans un puits qui ne connaît rien du monde extérieur ». Jikaku cite ces analogies dans son Traité clarifiant et louant les préceptes du Mahayana.

 55. C’est là une allusion aux maîtres des six écoles de Nara qui gardèrent les préceptes du Hinayana que le moine des préceptes chinois Ganjin (688-763) avait établis au Japon.

 56. Rébellion dirigée par Hōjō Tokisuke, lors du deuxième mois de 1272. Voir aussi la note 43.

 57. Les membres du clan Nagoe sont Tokiaki et Noritoki, frères cadets d’Ema Mitsutoki et oncles de Chikatoki. Du fait que Tomotoki, le père de Mitsutoki, vivait dans le quartier de Nagoe, à Kamakura, son clan fut appelé le clan Nagoe.

80997

Lettre de pétition de Yorimoto


Texte

Points de repère


Cette pétition fut écrite par Nichiren lors du sixième mois de 1277, en lieu et place de son loyal disciple Shijō Nakatsukasa Saburō Saemon-no-jō Yorimoto, plus connu sous le nom de Shijō Kingo, qui avait reçu de son seigneur, Ema Chikatoki, une lettre de remontrance officielle. Il est dit dans cette pétition, adressée au seigneur Ema, que Shijō Kingo a été victime de calomnies injustifiées.

Le neuvième jour du sixième mois de 1277, se tint un débat religieux dans le quartier de Kuwagayatsu, à Kamakura, où Sammi-kō (plus communément désigné sous le nom de Sammi-bō), disciple de Nichiren, vainquit largement Ryūzō-bō. Ce dernier était un moine de l’école Tendai qui, après avoir été expulsé de l’Enryaku-ji, temple situé sur le mont Hiei, était venu à Kamakura où il avait obtenu la protection de Ryōkan (Ninshō), du temple Gokuraku-ji. Les personnes présentes étaient si enthousiastes qu’elles supplièrent Sammi-bō de rester pour les instruire.

Shijō Kingo avait assisté à ce débat en tant que simple spectateur. Cependant, ses ennemis racontèrent au seigneur Ema qu’il avait délibérément interrompu le débat et manifesté du mépris à l’égard de Ryūzō-bō et de son maître, Ryōkan — que révérait le seigneur Ema. Deux semaines plus tard environ, il reçut sans préavis une lettre officielle de son seigneur, portant ces accusations contre lui. Il lui était également reproché de désobéir à son seigneur, allant ainsi à l’encontre de la coutume bouddhique et séculière, et on lui ordonnait d’écrire un serment stipulant qu’il rejetait sa foi dans le Sūtra du Lotus. S’il refusait de s’exécuter, le seigneur Ema menaçait de lui confisquer son fief et de le bannir.

Shijō Kingo rédigea aussitôt un rapport mentionnant toute l’affaire à l’attention de Nichiren. Il le lui fit parvenir au mont Minobu avec la lettre officielle du seigneur Ema. Il y exprimait sa ferme détermination à ne jamais s’engager par serment à rejeter sa foi, dût-on lui confisquer son fief.

Le messager de Shijō Kingo quitta Kamakura l’après-midi du 25 et parvint au mont Minobu le soir du 27. Nichiren fut très heureux d’apprendre que son disciple était déterminé à garder sa foi et à propager la Loi, au prix même de sa vie. Il perçut aussi les machinations de Ryōkan et de Ryūzō-bō derrière cet incident. Il écrivit donc cette lettre de pétition pour encourager Shijō Kingo. Elle visait aussi à le défendre et était de ce fait destinée au seigneur Ema. Il semble toutefois que cette pétition n’ait jamais été remise à ce dernier.

Dans cette lettre, Nichiren cherchait à faire comprendre au seigneur Ema qu’il 810y avait un malentendu en ce qui concernait le comportement de Shijō Kingo durant le débat et il révélait les véritables intentions des moines Ryōkan et Ryūzō-bō, afin de permettre au seigneur Ema de comprendre que leurs enseignements étaient erronés. Cette pétition clarifie aussi ce qu’est la vraie loyauté d’un vassal envers son seigneur, en termes aussi bien bouddhiques que séculiers.

Haut de la page


Le vingt-cinquième jour du sixième mois, j’ai respectueusement lu votre lettre officielle du 23, qui m’a été remise par les moines séculiers Shimada no Saemon et Yamashiro no Mimbu1. Dans cette lettre, vous [seigneur Ema] déclarez : « J’ai été choqué d’apprendre que les personnes présentes à ce moment-là ont affirmé unanimement que vous vous êtes comporté de manière inconvenante sur le lieu où le moine Ryūzō enseignait. Ils disent que vous l’avez interrompu avec un groupe de vos hommes, tous armés. »

Il s’agit là d’un mensonge sans fondement. Je ne sais qui vous a dit cela, mais il conviendrait, par pitié pour moi, que vous convoquiez ces gens et que, en me confrontant à eux en votre présence, vous enquêtiez sur la véracité ou la fausseté de leurs accusations.

Voici un résumé de ce qui s’est passé. Le neuvième jour du sixième mois, Sammi-kō, disciple du sage Nichiren, m’a rendu visite dans ma demeure et m’a dit : « Récemment, un moine répondant au nom de Ryūzō-bō est arrivé de Kyōto et il s’est installé à Kuwagayatsu, à l’ouest de la porte du Daibutsu2. Il enseigne jour et nuit, exhortant ceux qui s’interrogent sur les enseignements bouddhiques à s’entretenir avec lui afin de clarifier leurs doutes concernant cette vie et la suivante. Tous les gens de Kamakura, de haute comme de basse condition, le révèrent comme s’il était le bouddha Shakyamuni. Cependant, j’ai appris que personne n’a véritablement débattu avec lui. Je veux donc me rendre à Kuwagayatsu afin de clarifier dans un débat les doutes que les gens peuvent avoir concernant leur prochaine vie. Pourquoi n’irions-nous pas écouter ? »

À l’époque, j’étais occupé par des tâches officielles et je n’eus donc pas, tout d’abord, l’intention de l’accompagner. Cependant, j’avais entendu dire qu’il serait question des enseignements bouddhiques et il m’arrive souvent d’assister à des réunions de ce genre. Mais, en ma qualité de croyant laïc, je n’ai pas prononcé un seul mot. C’est pourquoi je crois qu’une enquête rigoureuse de votre part suffirait à prouver que je n’ai été en aucune manière insultant.

Quoi qu’il en soit, durant son sermon, Ryūzō-bō a dit : « Si quelqu’un parmi vous a une question concernant les enseignements bouddhiques, qu’il n’hésite pas à la poser. »

Sammi-kō, disciple du moine Nichiren, a alors soulevé la question suivante : « Que la mort soit inévitable, dès lors qu’il y a naissance, n’est certainement pas un motif d’étonnement ; d’ailleurs, récemment, de très nombreuses personnes du Japon ont péri dans des calamités. Cet aspect transitoire [de la vie] n’échappe à personne, on le voit de nos propres yeux. C’est pourquoi, ayant appris qu’un moine aussi respecté que vous s’était déplacé depuis Kyōto pour dissiper les doutes de la population, je suis venu vous écouter. J’éprouvais quelque hésitation, jugeant indécent de poser une question au milieu de votre sermon, et je suis donc heureux que vous ayez invité toute personne ayant des doutes à s’exprimer librement.

« Voici ce qui me rend surtout perplexe : je suis une personne de basse condition, née à l’époque de la Fin de la Loi dans un pays éloigné [du lieu de naissance des enseignements bouddhiques]. Mais, fort heureusement, ces enseignements ont été 811introduits dans notre pays, depuis la Chine. Il convient donc de tout faire pour les adopter. Cependant les sūtras ne comptent pas moins de cinq ou sept mille volumes. Puisqu’il s’agit des enseignements d’un seul bouddha, ils devraient pouvoir se ramener à un sūtra unique. Mais ils sont divisés en huit écoles, si l’on inclut le Kegon et le Shingon, ou dix si l’on y ajoute la Terre pure et le Zen. Bien que ces écoles aient différentes portes d’entrée, je présume que la vérité dont elles parlent est fondamentalement la même.

« Cependant, le Grand Maître Kōbō, fondateur de l’école Shingon au Japon, a affirmé : “Par comparaison avec le Sūtra de la Guirlande de fleurs et le Sūtra de Mahavairochana, le Sūtra du Lotus représente non seulement une porte différente mais aussi une théorie puérile, et le Bouddha qui l’a exposé est encore dans la région des ténèbres3.” Il a déclaré aussi : “Le Grand Maître Tiantai de l’école du Lotus et d’autres rivalisèrent pour voler le ghee [de l’école Shingon].” Le Grand Maître Cien, fondateur de l’école chinoise Faxiang [devenue l’école Hossō au Japon] a dit : “Le Sūtra du Lotus est un moyen opportun alors que le Sūtra des profonds secrets représente la vérité ; les êtres vivants qui n’ont pas la nature de l’illumination n’atteindront jamais la bouddhéité4.”

« Selon Chengguan, de l’école chinoise Huayan [devenue l’école Kegon au Japon], “Le Sūtra de la Guirlande de fleurs constitue l’enseignement fondamental et le Sūtra du Lotus les enseignements dérivés.”5 Il a dit aussi : “Le Sūtra de la Guirlande de fleurs est l’enseignement subit qui convient aux pratiquants qui ont la capacité de le recevoir et le Sūtra du Lotus l’enseignement graduel qui convient aux pratiquants qui ont la capacité de le recevoir6.” Le Grand Maître Jiaxiang, de l’école chinoise Sanlun [devenue l’école Sanron au Japon], a dit : “Parmi tous les sūtras du Mahayana, les sūtras de la Sagesse sont les plus importants.” Et le révérend Shandao, de l’école de la Terre pure “[Si les gens pratiquent le Nembutsu constamment jusqu’à la fin de leur vie], alors dix personnes sur dix et cent sur cent renaîtront dans la Terre pure. (...) Cependant, même pas une personne sur mille n’y renaîtra7 grâce au Sūtra du Lotus et aux autres sūtras.” Le vénérable Hōnen exhorta les gens à “rejeter, fermer, écarter et abandonner” le Sūtra du Lotus en faveur du Nembutsu et il compara aussi les pratiquants du Sūtra du Lotus à “une bande de voleurs8”. Et l’école Zen prétend représenter “une transmission séparée en dehors des sūtras, indépendante des mots ou de l’écrit9”.

« Shakyamuni, seigneur des enseignements, déclare à propos du Sūtra du Lotus : “L’Honoré du monde [qui depuis longtemps déjà expose des doctrines adaptées à ses auditeurs] doit maintenant révéler la vérité [tout entière]10.” Et le bouddha Maints-Trésors, quant à lui, déclara : “Le Sūtra du Lotus de la Loi merveilleuse (...) tout ce que tu viens d’exposer [Shakyamuni] est la pure vérité11.” On lit également dans le Sūtra que les bouddhas des dix directions, qui étaient des émanations de Shakyamuni, tirèrent leur langue jusqu’au ciel de Brahma [pour exprimer leur approbation]12.

« Le Grand Maître Kōbō écrivit que le Sūtra du Lotus était une doctrine puérile. Pourtant, le bouddha Shakyamuni, le bouddha Maints-Trésors et les bouddhas des dix directions déclarèrent unanimement que tous ses enseignements étaient exacts. Laquelle de ces déclarations faut-il croire ?

« Le révérend Shandao et le vénérable Hōnen disent, à propos du Sūtra du Lotus, qu’il ne peut pas sauver une personne sur mille et qu’il faudrait “le rejeter, le fermer, l’écarter et l’abandonner”. Cependant, le bouddha Shakyamuni, le bouddha Maints-Trésors et les bouddhas des dix directions, qui sont des émanations de Shakyamuni, affirment que, parmi ceux qui entendent le Sūtra du Lotus, “aucun ne manquera d’atteindre la bouddhéité 812et que tous réaliseront pleinement la Voie du Bouddha13”. Selon leurs déclarations, Shakyamuni, Maints-Trésors et tous les autres bouddhas sont aussi éloignés du révérend Shandao et du vénérable Hōnen que le feu l’est de l’eau ou les nuages de la boue.

« Lesquels d’entre eux devons-nous croire ? Et lesquels faut-il rejeter ?

« Parmi les quarante-huit vœux du moine Trésor-du-Dharma, mentionnés dans le Sūtra en deux volumes, qui est révéré à la fois par Shandao et Hōnen, il est dit notamment dans le dix-huitième vœu : “Si j’atteins la bouddhéité, seuls ceux qui commettent les cinq transgressions capitales et ceux qui calomnient l’enseignement correct ne pourront pas être sauvés.” Cela signifie sûrement que, même si le vœu originel d’Amida est juste et permet de renaître dans la Terre pure, ceux qui calomnient l’enseignement correct seront exclus de la renaissance auprès du bouddha Amida.

« De plus, on lit dans le deuxième volume du Sūtra du Lotus : “Si quelqu’un n’y accorde pas foi [et au contraire dénigre ce Sūtra] (...), lorsque sa vie s’achèvera, il se retrouvera dans l’enfer Avīci14.” Si ces passages sont justes, alors comment Shandao et Hōnen, qui considéraient l’un et l’autre que l’école Nembutsu représentait l’essence de l’enseignement bouddhique, pourraient-ils ne pas tomber dans la grande citadelle de l’enfer Avīci ? Et si ces moines tombent en enfer, il ne fait aucun doute que les érudits et les disciples, moines et laïcs, qui marchent sur leurs pas tomberont aussi tout naturellement dans les voies mauvaises. Ce sont là des questions qui me laissent perplexe. Quelle est votre opinion, vénérable Ryūzō ? » Voilà en quels termes Sammi-kō formula sa question.

Le vénérable Ryūzō répondit « Comment pourrais-je remettre en cause les personnes vertueuses et les érudits des temps anciens ? Les moines ordinaires comme moi les croient et les révèrent profondément. » Sammi-kō eut alors cette réplique : « De telles paroles ne me semblent pas être celles d’un sage. Tout le monde croit en ces maîtres bouddhistes qui furent révérés en leur temps. Mais le Bouddha nous donne pour instruction finale dans le Sūtra du Nirvana : “Appuyez-vous sur la Loi et non sur les personnes.” Le Bouddha nous a enseigné qu’il fallait nous fonder sur les sūtras si les maîtres bouddhistes étaient dans l’erreur. Vous dites qu’il n’est pas possible que ces maîtres soient dans l’erreur mais, entre les paroles d’or du Bouddha et votre opinion personnelle, je m’en remets aux premières. » Le vénérable Ryūzō demanda : « Quand vous parlez des nombreuses erreurs des maîtres bouddhistes, à quels maîtres faites-vous allusion ? » Sammi-kō répondit : « Je veux parler des doctrines du Grand Maître Kōbō et du vénérable Hōnen que je viens de citer. » Le vénérable Ryūzō s’exclama : « C’est inconcevable ! Je ne me permettrais pas de remettre en cause les maîtres bouddhistes de notre pays. Les personnes présentes dans cette assistance les suivent tous et, si elles se fâchent, il y aura certainement un grand tumulte. Ce serait tout à fait effrayant. »

Sammi-kō dit alors : « Puisque vous m’avez demandé de préciser quels maîtres étaient dans l’erreur, j’ai mentionné ceux dont les enseignements contredisent les sūtras et les traités15. Mais vous avez soudain des réserves et refusez d’en discuter. Je pense que vous êtes enfermé dans votre dilemme. En matière de doctrine, rien n’est plus insensé que de redouter les autres ou, par crainte de l’opinion des gens, de ne pas exposer le sens véritable de l’enseignement du Bouddha. Vous ne paraissez pas être un moine sage ou vénérable. En tant que maître de la Loi, comment pouvez-vous rester muet alors que des doctrines mauvaises se répandent dans tout le pays, que les gens tombent dans les voies mauvaises et que le pays se trouve au bord de la ruine ? On lit en effet dans le Sūtra du Lotus : “Nous n’épargnerons ni notre corps ni notre vie16” 813et dans le Sūtra du Nirvana : “(...) au risque même de notre vie.” Si vous êtes un vrai sage, comment pouvez-vous donner votre vie à contrecœur, par crainte du monde ou des gens ?

« Dans la littérature non bouddhique, il est fait mention d’un homme appelé Guan Longfeng qui fut décapité et du vertueux Bi Gan qui se fit transpercer la poitrine. Guan Longfeng avait adressé des remontrances au roi Jie, de la dynastie des Xia, et Bi Gan au roi Zhou, de la dynastie des Yin, et [de ce fait] leurs noms sont passés dans l’histoire comme ceux de personnes vertueuses.

« Les écrits bouddhiques nous disent que le bodhisattva Jamais-Méprisant fut battu à coups de bâton, que le vénérable Aryasimha fut décapité, que le moine Zhu Daosheng fut banni à la montagne, à Suzhou, et que le Maître des Trois Corbeilles Fadao fut marqué au visage et exilé dans la région située au sud du fleuve Yangzi Jiang. N’ont-ils pas pourtant acquis le nom de sage parce qu’ils ont propagé l’enseignement correct ? »

Le vénérable Ryūzō répondit alors : « Il est totalement impossible que de telles personnes apparaissent à notre époque de la Fin de la Loi. Les gens comme nous craignent pour leur réputation dans le monde et redoutent l’opinion des autres. Vous avez beau parler avec audace, je doute que vous viviez vraiment en accord avec vos paroles. »

Sammi-kō répliqua : « Que savez-vous de l’esprit des autres ? Laissez-moi vous dire que je suis un disciple de Nichiren, désormais largement connu dans tout le pays. Quoique sage, mon maître est un moine de l’époque de la Fin de la Loi et, contrairement aux moines éminents d’aujourd’hui [qui vivent pourtant à la même époque], il ne recherche pas les invitations, ni ne flatte les gens, pas plus qu’il n’a acquis de quelque manière que ce soit une mauvaise réputation dans les affaires séculières.

« Il déclare simplement, à la lumière des sūtras, que les gens sont devenus des ennemis jurés du Sūtra du Lotus et du maître des enseignements, le bouddha Shakyamuni, parce que les mauvais enseignements des écoles telles que le Shingon, le Zen et la Terre pure, ainsi que leurs moines, qui répandent des calomnies, emplissent ce pays et que tous, du souverain jusqu’au peuple, se sont mis à y croire. En cette vie, ils seront abandonnés par les divinités célestes et terrestres et subiront l’invasion d’un pays étranger et, dans la vie suivante, ils tomberont dans la grande citadelle de l’enfer Avīci.

« Il a admis qu’une telle déclaration lui vaudrait une grande hostilité mais que, s’il s’abstenait, il ne pourrait échapper à la condamnation du Bouddha. Il est dit dans le Sūtra du Nirvana : “Si même un bon moine voit quelqu’un détruire l’enseignement, qu’il n’y prête pas garde, qu’il s’abstient de tout reproche, qu’il ne chasse pas cet individu ou ne le punit pas pour sa faute, alors vous devez réaliser que ce moine trahit l’enseignement du Bouddha.” En se rendant compte que, s’il restait muet par crainte de l’opinion du monde, il tomberait dans les voies mauvaises, mon maître a risqué sa vie pendant plus de deux décennies, de l’ère Kenchō17 jusqu’à cette troisième année de l’ère Kenji [1277], sans jamais se relâcher. Cela lui valut d’endurer d’innombrables persécutions de la part des gens et, à deux reprises, il a même suscité la fureur du souverain18. Je comptai parmi ceux qui l’accompagnèrent quand la fureur des autorités s’abattit sur lui, le douzième jour du neuvième mois de la huitième année de l’ère Bun’ei [1271]19 ; j’ai été considéré également comme coupable et fus bien près d’être décapité. Diriez-vous, malgré tout cela, que je chéris ma propre vie ? »

Ryūzō-bō resta muet et pâlit, mais Sammi-kō insista : « Votre prétention à dissiper les doutes des gens avec la sagesse dérisoire qui est la vôtre ne se justifie pas. Les moines Rivage-de-la-Souffrance et Intention-Supérieure pensaient connaître 814l’enseignement correct et avaient l’intention de sauver les gens mais ils tombèrent dans l’Enfer aux souffrances incessantes avec leurs disciples et les croyants laïcs. Si, avec votre connaissance limitée des doctrines bouddhiques, vous enseignez en croyant pouvoir sauver les gens, alors vous et ceux qui vous suivent tomberez dans l’Enfer aux souffrances incessantes. À partir de ce jour, vous feriez mieux de reconsidérer votre enseignement. Je n’avais pas l’intention de vous parler de cette manière. Mais je ne peux pas, moi non plus, ignorer la mise en garde du Bouddha — à savoir que celui qui, voyant un moine égaré conduire les autres en enfer avec ses mauvais enseignements, n’adresse pas de reproches à ce moine et ne dénonce pas ses erreurs trahit lui aussi l’enseignement du Bouddha. De plus, je ressens de la pitié en pensant que les personnes de toutes conditions qui écoutent votre enseignement tomberont dans les mauvaises voies. C’est pourquoi je parle ainsi. Une personne sage ne réprimande-t-elle pas le souverain quand le pays court un danger ou ne corrige-t-elle pas les positions erronées des gens ? Mais vous, quelle que soit l’erreur que vous perceviez, vous refuserez sans aucun doute de la corriger par crainte de la réaction des gens. C’est pourquoi je ne puis vous venir en aide. Même si j’avais la sagesse de Manjusri et l’éloquence de Purna, ce ne serait d’aucune utilité en ce qui vous concerne. » Sur ce, Sammi-kō se leva pour partir, mais les membres de l’assistance étaient si heureux qu’ils joignirent leurs mains et l’implorèrent de rester pour leur enseigner un moment les doctrines bouddhiques. Cependant, Sammi-kō se retira.

Je n’ai pas davantage de détails à ajouter et je vous laisse donc le soin d’imaginer [à partir de ce que je viens de vous décrire] ce qui s’est réellement passé. Comment une personne [comme moi] qui croit dans le Sūtra du Lotus et aspire à la Voie du Bouddha pourrait-elle envisager de mal se comporter et utiliser délibérément un langage grossier au moment où l’on expose l’enseignement bouddhique ? Je vous laisse forger votre propre jugement.

[En ce qui me concerne,] après m’être déclaré disciple du sage Nichiren, je suis rentré chez moi. La description que je viens de vous faire correspond précisément au déroulement du débat. Par ailleurs, dans l’assistance, personne ne m’était inconnu. Les propos qui vous ont été rapportés ont sans doute été inventés par ceux qui nourrissent de la jalousie à mon égard. Si vous les convoquez rapidement pour les confronter à moi en votre présence, la vérité sur cette affaire éclatera au grand jour.

Dans votre lettre officielle, vous déclarez aussi : « Je révère le supérieur [Ryōkan] du Gokuraku-ji que je considère comme une réapparition de l’Honoré du monde », et je ne peux accepter cela. En effet, si les propos du Sūtra sont exacts, le sage Nichiren est l’envoyé de l’Ainsi-Venu qui a atteint l’illumination dans le très lointain passé, la manifestation du bodhisattva Pratiques-Supérieures, le pratiquant de l’enseignement essentiel du Sūtra du Lotus, et le grand guide de la cinquième période de cinq cents ans [suivant la disparition du Bouddha]. Pour tenter de faire exécuter ce sage, le vénérable Ryōkan soumit une lettre de pétition aux autorités, proposant qu’il soit décapité. Mais, pour une raison qu’on ignore, il ne fut pas exécuté et fut, au lieu de cela, exilé sur la lointaine île de Sado. Tout cela n’était-il pas lié aux agissements du vénérable Ryōkan ? Je vous envoie une copie de sa pétition avec cette lettre.

Même si, lors des six journées de purification20, le moine Ryōkan enseigne constamment, jour et nuit, qu’il ne faut jamais enlever la vie, pas même à un brin d’herbe, il a en fait proposé que le moine qui propage l’enseignement correct du Sūtra du Lotus soit décapité. N’est-il pas en contradiction avec ses propres paroles ? N’est-ce pas le moine Ryōkan lui-même qui est sous l’emprise du démon céleste ?

815Laissez-moi vous expliquer comment on en est arrivé là. À chaque fois que le moine Ryōkan enseignait, il se lamentait : « Je m’efforce d’aider tous les gens du Japon à devenir des “observateurs des préceptes”21 et à leur faire garder les huit préceptes pour mettre un terme aux meurtres dans ce pays et à l’ivrognerie qui sévit sur tout le territoire. Mais la manière dont Nichiren calomnie la Loi du Bouddha m’a empêché de réaliser mon souhait. » En apprenant cela, le sage Nichiren déclara : « D’une manière ou d’une autre, je dois démonter l’illusion due à sa grande arrogance et le sauver des tourments de l’Enfer aux souffrances incessantes. » En l’entendant parler ainsi, les autres disciples et moi-même, Yorimoto, avons éprouvé de l’inquiétude et nous lui avons conseillé ceci : « Même si vous vous exprimez avec une profonde compassion et défendez le Sūtra du Lotus, étant donné que le vénérable Ryōkan est révéré dans tout le Japon, en particulier par les samouraïs à Kamakura, peut-être devriez-vous éviter de prononcer des déclarations aussi tranchées. »

Puis, au moment de la grande sécheresse, le gouvernement ordonna au moine Ryōkan de présider une cérémonie pour qu’il pleuve, le dix-huitième jour du sixième mois de la huitième année de l’ère Bun’ei [1271], sous le signe cyclique de kanoto-hitsuji, afin de sauver les gens. En apprenant cette nouvelle, le sage Nichiren déclara : « Bien que ces prières pour qu’il pleuve ne soient pas une affaire bien sérieuse, je devrais peut-être utiliser cette occasion pour démontrer à tous l’efficacité de la Loi que je pratique. » Il envoya un message au moine Ryōkan où il était dit : « Si le vénérable Ryōkan fait tomber la pluie dans les sept jours, moi, Nichiren, je cesserai d’enseigner que le Nembutsu mène à l’Enfer aux souffrances incessantes et, devenant son disciple, j’observerai les deux cent cinquante préceptes. Par contre, si la pluie ne tombe pas, cela montrera clairement que le vénérable Ryōkan est en pleine confusion et égare délibérément les autres, même s’il semble observer les préceptes. Dans les temps anciens, il y eut de nombreux exemples où la suprématie d’un enseignement sur un autre fut déterminée par des prières pour la pluie, comme dans les défis que se lancèrent Gomyō et le Grand Maître Dengyō22, ou Shubin et Kōbō23. »

Le sage Nichiren envoya ce message au moine Ryōkan par l’intermédiaire de croyants du Nembutsu, le moine Suō-bō et le moine séculier Irusawa. Ces derniers sont non seulement des croyants du Nembutsu mais aussi des disciples de Ryōkan et ils ne croient pas encore dans l’enseignement de Nichiren. Le sage Nichiren leur a donc dit : « Nous déciderons si ces enseignements sont corrects par cette prière pour la pluie. S’il pleut dans les sept jours, vous pourrez croire que vous renaîtrez dans la Terre pure grâce aux huit préceptes et au Nembutsu, que vous pratiquez déjà. Mais, s’il ne pleut pas, vous devrez avoir foi dans le seul Sūtra du Lotus. » Les deux hommes, que cette proposition ravit, transmirent le message au moine Ryōkan, du Gokuraku-ji.

Versant des larmes de joie, le moine Ryōkan, et plus de cent vingt de ses disciples, offrirent des prières [avec tant d’énergie] que de la vapeur s’éleva de leurs visages en sueur et que leurs voix résonnèrent jusqu’aux cieux. Ils récitèrent le Nembutsu, le Sūtra de la prière pour qu’il pleuve24 et le Sūtra du Lotus, et le moine Ryōkan enseigna les huit préceptes, avec le souci qu’il pleuve dans les sept jours. Comme au bout de quatre ou cinq jours aucun signe annonciateur de pluie n’apparaissait, il devint de plus en plus frénétique et convoqua par centaines ses disciples du Tahō-ji25 pour qu’ils se joignent à lui, épuisant ainsi toutes ses ressources en matière de prière. Mais, au bout de sept jours, il n’était pas tombé la moindre goutte.

Le sage Nichiren lui envoya alors un messager en trois occasions au moins, pour 816lui dire : « Une courtisane appelée Izumi Shikibu et un moine nommé Nōin26, qui enfreignit les préceptes, furent l’un et l’autre en mesure de faire tomber instantanément la pluie avec un simple poème de trente et une syllabes, pourtant anodin et chargé de fioritures. Comment se fait-il alors que le vénérable Ryōkan — qui observe tous les préceptes et toutes les règles, qui a maîtrisé les doctrines du Shingon et du Lotus et qui passe pour le premier en matière de compassion — ne puisse faire tomber la pluie en sept jours, même avec l’aide de centaines de ses disciples ?

« Voyons plutôt : si l’on ne peut traverser un fossé de trois pas de large, pourra-t-on en traverser un de six ou neuf pas ? Si l’on ne peut provoquer la pluie, ce qui est facile, peut-on envisager de renaître dans la Terre pure et d’atteindre la bouddhéité, ce qui est difficile ?

« Désormais, vous devriez plutôt remettre en cause les préjugés qui vous conduisent à détester Nichiren. Si vous avez des craintes pour votre prochaine vie, venez me voir immédiatement comme vous l’avez promis. Je vous enseignerai la Loi qui fait tomber la pluie et la voie qui mène à la bouddhéité. N’avez-vous pas été incapable de faire tomber la pluie dans les sept jours ? La sécheresse s’intensifie, les huit vents27 soufflent avec toujours plus de violence, et les gens souffrent de plus en plus. Cessez vos prières immédiatement. » Quand le messager transmit mot à mot le message du sage Nichiren le septième jour, à l’heure du Singe [entre trois heures et cinq heures de l’après-midi], le moine Ryōkan s’effondra en larmes et ses disciples et les croyants laïcs laissèrent eux aussi éclater leur profond chagrin.

Lorsque le sage Nichiren attira sur lui la fureur des autorités gouvernementales et fut interrogé à ce sujet, il raconta ce qui s’était effectivement passé. Il dit donc : « Si le moine Ryōkan avait eu la moindre pudeur, il aurait disparu de la vue du public et se serait retiré dans une forêt de montagne. Ou encore il serait devenu mon disciple, comme il l’avait promis, et aurait ainsi fait preuve d’un minimum d’esprit de recherche. Mais, en réalité, il n’a cessé de lancer de fausses accusations contre moi pour tenter de me faire exécuter. Est-ce là la conduite d’un moine digne de ce nom ? » Moi, Yorimoto, j’ai été personnellement témoin de cette situation. Je n’oserais m’adresser à mon seigneur de cette façon pour d’autres affaires, mais il s’agit là du seul domaine où il me paraît impossible de garder le silence.

Vous déclarez dans votre lettre officielle : « Après avoir rencontré le moine Ryūzō et le supérieur du Gokuraku-ji, je les respecte comme s’il s’agissait de Shakyamuni ou du bouddha Amida. » À propos de cette phrase aussi, je dois, avec le plus grand respect, vous signaler que, à Kyōto, le moine Ryūzō se nourrissait matin et soir de chair humaine ; quand ce fait fut connu, les moines de l’Enryaku-ji, au mont Hiei, se dressèrent contre lui en disant : « Le monde est entré dans l’époque de la Fin de la Loi et les divinités malfaisantes sévissent dans tout le pays. Nous devons les soumettre par le pouvoir du Roi-de-la-Montagne28. » Ils mirent le feu à sa demeure et tentèrent de le punir, mais il prit rapidement la fuite et nul ne sut où le trouver. Puis il réapparut soudain à Kamakura, mangeant encore de la chair humaine, ce qui fit trembler de frayeur les personnes de bon sens. Vous dites néanmoins que vous le respectez comme un bouddha ou un bodhisattva. Comment puis-je, en ma qualité de vassal, m’abstenir de souligner que mon seigneur est dans l’erreur ? Je me demande ce qu’en pensent les personnes réfléchies de notre clan.

Dans la même lettre, vous déclarez : « Se soumettre à son seigneur ou à ses parents, qu’ils aient raison ou tort, est la conduite exemplaire qui s’accorde avec la volonté des bouddhas et des dieux ainsi 817qu’avec les règles sociales de bienséance. » Comme il s’agit d’une affaire de la plus haute importance, je m’abstiendrai d’exprimer mon opinion personnelle mais je citerai plutôt des œuvres [de sages et de personnes vertueuses] qui font autorité. Il est dit dans le Classique de la piété filiale : « [En cas de faute morale] un fils doit réprimander son père, et un ministre doit réprimander son seigneur. » Zheng Xuan29 dit : « Si un seigneur ou un père se comporte de manière injuste et que son ministre ou son fils ne lui font pas de remontrances, alors l’État ou la famille courront à leur perte. » Il est dit dans Les Nouveaux Récits30 : « Celui qui ne s’élève pas contre la tyrannie de son souverain n’est pas un ministre loyal. Celui qui omet de parler par crainte de la mort n’est pas un homme de courage. »

Le Grand Maître Dengyō déclare : « De manière générale, en cas de comportement incorrect, un fils doit réprimander son père, et un ministre son seigneur. Il faut bien comprendre que ce qui s’applique à la relation entre un seigneur et son ministre et entre un père et son fils s’applique aussi à la relation entre un maître et son disciple. Un disciple doit s’exprimer quand son maître s’égare31. » Il est dit dans le Sūtra du Lotus : « Nous n’épargnerons ni notre corps ni notre vie, car seule nous préoccupe la Voie inégalée32. » On lit dans le Sūtra du Nirvana : « C’est comme un émissaire royal doué d’éloquence et maîtrisant les moyens opportuns qui, en mission dans un autre pays, préfère ne rien dissimuler des propos de son souverain, même si cela doit finir par lui coûter la vie. C’est également ainsi que se comportent les sages. » Le Grand Maître Zhangan fit ce commentaire : « “[C’est comme un émissaire royal (...)] qui préfère ne rien dissimuler des propos de son souverain, même si cela doit finir par lui coûter la vie” signifie que notre corps est insignifiant alors que la Loi est suprême. Nous devons donner notre vie afin de propager la Loi33. » Il déclare aussi : « Celui qui détruit les enseignements bouddhiques ou crée la confusion en leur sein les trahit. Si l’on se lie d’amitié avec quelqu’un sans avoir la bienveillance de le corriger, on est en fait son ennemi. Mais celui qui réprimande et corrige l’offenseur le délivre du mal et agit comme son parent34. » Les compagnons samouraïs pensent peut-être que moi, Yorimoto, je ne respecte pas les convenances à votre égard, mais dans toutes les affaires séculières je m’en tiendrai résolument aux paroles de mon seigneur et de mes parents.

Qu’il m’est triste de voir mon seigneur, envers qui j’ai une dette si profonde, se laisser tromper par ceux qui adoptent les mauvais enseignements et courir le danger de tomber dans les voies mauvaises. Comme le roi Ajatashatru avait pris Devadatta et les six maîtres non bouddhistes comme maîtres et s’était opposé au bouddha Shakyamuni, tous les gens du royaume du Magadha devinrent des ennemis de la Loi bouddhique et les cinq cent quatre-vingt mille hommes du clan du roi s’opposèrent aussi aux disciples du Bouddha. Parmi eux, seul le ministre Jivaka était disciple du Bouddha. Le grand roi désapprouvait le fait que son ministre soit un disciple du Bouddha, de même que mon seigneur me désapprouve, moi, Yorimoto. Mais, pour finir, le roi rejeta les doctrines erronées des six autres ministres et se convertit à l’enseignement correct adopté par Jivaka. De la même façon, je finirai peut-être par vous sauver.

Quand je parle ainsi, vous vous demandez peut-être comment j’ose vous comparer à Ajatashatru, qui a commis les cinq transgressions capitales. Pourtant, à la lumière du Sūtra, il est clair que votre offense est cent, mille, dix mille fois plus grave que la sienne, bien que j’hésite à dire une chose pareille.

On lit dans le Sūtra du Lotus : « Ce monde des trois plans est aujourd’hui mon domaine et les êtres vivants qui le peuplent sont tous mes enfants35. » Si ce passage 818d’écrit est correct, Shakyamuni, seigneur des enseignements est le parent, le maître et le souverain de tous les êtres vivants du Japon. Le bouddha Amida ne possède pas ces trois vertus. Cependant, vous ignorez le Bouddha des trois vertus36 et vous invoquez le nom d’un autre bouddha [Amida] jour et nuit, matin et soir, soixante mille ou quatre-vingt mille fois par jour. N’est-ce pas aller à l’encontre de la piété filiale ? C’est l’Ainsi-Venu Shakyamuni lui-même qui enseigna à l’origine qu’Amida avait fait le vœu de sauver tous les êtres humains. Mais finalement il éprouva des regrets et dit : « Je suis la seule personne [qui puisse sauver et protéger les autres37]. » Par la suite, il n’a jamais enseigné qu’il existait deux ou trois bouddhas en mesure de sauver les gens. Nul n’a deux pères ou deux mères. Dans quel sūtra est-il dit qu’Amida est le père de ce pays ? Quel traité le désigne comme sa mère ?

Les enseignements du Nembutsu, tels que le Sūtra de la méditation, furent exposés provisoirement, en préparation au Sūtra du Lotus. Ils sont pareils à l’échafaudage dont on se sert pour bâtir une pagode. Certains pensent que, comme les enseignements du Nembutsu et le Sūtra du Lotus font l’un et l’autre partie des enseignements bouddhiques, ils ne diffèrent qu’au sens où l’un a été exposé avant l’autre ; mais ces personnes nourrissent des conceptions profondément erronées. Elles sont comme un insensé qui accorderait encore de la valeur à l’échafaudage une fois la pagode achevée, ou comme quelqu’un qui prétendrait que les étoiles sont plus brillantes que le soleil. À propos de telles personnes, il est dit dans le Sūtra : « Même si je leur enseigne [la vérité du Sūtra du Lotus] et les [en] instruis, ils ne croient ni n’acceptent mes enseignements38. » [Et un peu plus loin] « Lorsque sa vie s’achèvera, il se retrouvera dans l’enfer Avīci39. »

Tous les habitants du Japon d’aujourd’hui sont des gens qui rejettent le bouddha Shakyamuni en invoquant le nom du bouddha Amida, abandonnent le Sūtra du Lotus et croient dans des sūtras comme le Sūtra de la méditation. Ou ce sont des laïcs, hommes et femmes, qui font des offrandes à des calomniateurs de la Loi ou à des moines renommés, voire au souverain du pays, et révèrent, comme s’il s’agissait de sages, ceux qui commettent en fait les cinq ou sept transgressions capitales40 ou les huit offenses. À propos de telles personnes, il est dit dans le Sūtra [qu’elles renaîtront dans l’enfer Avīci et que ce] « cycle se répétera pendant un nombre incalculable de kalpa41 ».

Prenant, jusqu’à un certain point, conscience de ces erreurs, j’ai eu l’audace de les porter à votre attention. En ce qui concerne les vassaux, indépendamment des différences de rang, tous sans exception honorent leur seigneur, chacun en fonction de son statut. Sachant que mon seigneur crée de mauvaises causes à la fois dans cette vie et pour la suivante, si je gardais le silence par crainte de mes compagnons samouraïs ou de ma réputation dans le monde, ne serais-je pas alors coupable de complicité à l’égard de l’offense que vous avez commise ?

Nul ne peut nier que deux générations durant, mon père et moi-même avons voué notre vie au service de notre seigneur. Quand votre père42 encourut la disgrâce des autorités, tous ses vassaux, au nombre de plusieurs centaines, quittèrent son service. Seul mon défunt père Nakatsukasa demeura fidèle jusqu’au bout, en l’accompagnant en exil dans la province d’Izu. Peu avant la bataille de Kamakura, le douzième jour du deuxième mois de la onzième année de l’ère Bun’ei43, moi, Yorimoto, je me trouvais dans la province d’Izu mais, dès que j’appris la nouvelle, le dixième jour, à l’heure du Singe, je franchis seul en toute hâte le passage de Hakone et me joignis à sept autres [de vos vassaux] qui firent le vœu devant vous de faire don de leur vie. Après un certain temps, le monde redevint 819paisible et mon seigneur vit maintenant en paix. Depuis cette époque, vous m’avez admis parmi ceux qui bénéficient de votre confiance, aussi bien pour les petites choses que pour les affaires importantes. Comment pourrais-je alors me séparer de vous ? Je vous suivrai loyalement jusque dans la prochaine vie. Si j’atteins la bouddhéité, je sauverai également mon seigneur, et, si c’est vous qui l’atteignez, j’espère que vous ferez de même pour moi.

J’ai donc écouté les sermons des divers moines en cherchant à savoir quel enseignement mène à la bouddhéité. J’en suis arrivé à croire que, selon l’enseignement du Sūtra du Lotus, le sage Nichiren est le souverain du monde des trois plans44, le père et la mère de tous les êtres vivants, et l’émissaire de l’Ainsi-Venu Shakyamuni — le bodhisattva Pratiques-Supérieures.

Plus de quatre cents ans se sont maintenant écoulés depuis que l’enseignement nuisible qu’on appelle le Shingon a été introduit au Japon. Le Grand Maître Dengyō l’a apporté de Chine, lors de la vingt-quatrième année de l’ère Enryaku [805], mais il le considérait comme indésirable pour notre pays et ne permit donc pas qu’il soit considéré comme une école à part entière. Il le définit simplement comme un moyen opportun au sein de l’école du Lotus Tendai. Par la suite, après la disparition du Grand Maître Dengyō, le Grand Maître Kōbō, qui n’entendait pas lui être inférieur, s’empressa de présenter le Shingon comme une école indépendante, mais l’Enryaku-ji, du mont Hiei, ne l’accepta pas. Cependant, Jikaku et Chishō n’avaient qu’une compréhension limitée et, bien que résidant au mont Hiei, leurs cœurs étaient attirés par Kōbō, du temple Tō-ji. C’est peut-être pour cela qu’ils se retournèrent contre leur maître Dengyō et qu’ils établirent l’école Shingon sur le mont Hiei. Cela marqua le début de la ruine du Japon.

Pendant les trois siècles qui suivirent, certains proclamèrent avec insistance la supériorité des enseignements du Shingon sur le Sūtra du Lotus ; d’autres la supériorité du Sūtra du Lotus sur les enseignements du Shingon ; et d’autres encore l’égalité des deux enseignements. Comme la querelle demeurait irrésolue, le pouvoir impérial n’en fut pas affecté et resta en place. Cependant, à l’époque du soixante-dix-septième souverain, l’empereur retiré Goshirakawa, le grand patriarche Myōun de l’école Tendai s’engagea exclusivement en faveur de l’enseignement du Shingon et fut tué par Yoshinaka45. Cela illustre le passage où il est dit : « Leur tête se brisera en sept morceaux46. »

Puis, au temps du quatre-vingt-deuxième souverain, l’empereur retiré d’Oki, les écoles Nembutsu et Zen apparurent et se répandirent dans tout le pays, tout comme l’enseignement extrêmement nuisible du Shingon. Ainsi, les vœux émis par la Grande Déesse du Soleil et le grand bodhisattva Hachiman de protéger cent souverains durant cent règnes furent brisés, et l’autorité impériale fut déchue47. Grâce à l’œuvre de la Grande Déesse du Soleil et du dieu Hachiman, la gestion du pays fut alors confiée au régent Yoshitoki, de la région du Kantō48.

Ces trois mauvais enseignements se sont propagés jusqu’au Kantō où ils obtinrent du clan au pouvoir un soutien tout à fait surprenant. Les deux divinités célestes Brahma et Shakra, les dieux du soleil et de la lune, et les quatre rois célestes en devinrent furieux et adressèrent des remontrances aux autorités sous forme de perturbations sans précédent dans les cieux et de calamités sur la terre. Leurs remontrances n’étant pas prises en compte, ils ordonnèrent à un pays voisin de punir les calomniateurs du Sūtra du Lotus. La Grande Déesse du Soleil et le grand bodhisattva Hachiman ne furent pas en mesure d’apporter leur aide. Seul le sage Nichiren fut conscient de tout cela.

Connaissant le sérieux du Sūtra du Lotus, j’ai rejeté toute préoccupation 820triviale et vous ai servi fidèlement jusqu’à ce jour, avec le désir de conduire mon seigneur à l’illumination. N’est-ce pas ceux qui m’accusent à tort qui sont en fait déloyaux à votre égard ? Si je quittais le clan et vous abandonnais maintenant, vous tomberiez aussitôt dans l’Enfer aux souffrances incessantes. Alors, même si j’atteignais moi-même la bouddhéité, je ne pourrais que m’affliger, en ressentant combien cela aurait été en vain.

Pour en venir aux préceptes du Hinayana49, les deux cent cinquante préceptes furent exposés à l’intention des divinités célestes par le grand arhat Purna, mais le croyant laïc Vimalakirti le réprimanda en disant : « Vous ne devez pas disposer de la nourriture impure dans un précieux récipient50. » Angulimala adressa ces reproches à Manjusri : « Vous ne vous éveillerez jamais à la réalité de la vacuité exposée dans les enseignements du Mahayana en suivant les pratiques [du Hinayana], [car elles sont] aussi insignifiantes que des moustiques et des moucherons51. » Par la suite, Manjusri décela dix-sept défauts dans les préceptes du Hinayana52 et l’Ainsi-Venu les réfuta avec les huit analogies53. Le Grand Maître Dengyō les dénonça [en les qualifiant de] lait d’ânesse54. Les disciples de Ganjin55 contemporains du Grand Maître Dengyō l’accusèrent de calomnie et sollicitèrent l’empereur Saga, mais les propos de Dengyō figuraient explicitement dans les sūtras, et leurs efforts furent vains. La pétition soumise à l’empereur par les écoles de Nara se révéla inutile et l’on érigea la grande estrade d’ordination [pour conférer les préceptes du Mahayana] à l’Enryaku-ji, temple situé sur le mont Hiei. Cela fait donc déjà longtemps que les préceptes du Hinayana sont rejetés. Même si moi, Yorimoto, je comparais le moine Ryōkan à un moustique, à un moucheron, ou à un crapaud, comme de telles déclarations s’appuient clairement sur les sūtras, vous n’auriez aucune raison de m’en tenir rigueur.

Vous ne pouvez imaginer à quel point l’ordre que vous me donnez de m’engager par serment écrit [à rejeter ma foi dans le Sūtra du Lotus] me fait de la peine. Si moi, Yorimoto, je suivais la tendance de l’époque qui va à l’encontre des enseignements bouddhiques, et si j’écrivais un tel serment, vous encourriez immédiatement la sanction du Sūtra du Lotus. Quand le sage Nichiren, envoyé de l’Ainsi-Venu Shakyamuni, fut exilé en raison des fausses accusations élevées contre lui par le moine Ryōkan, la guerre éclata dans les cent jours56, comme Nichiren l’avait prédit, et un grand nombre de guerriers périrent. Parmi eux figuraient les membres du clan Nagoe57. Le moine Ryōkan n’est-il pas le seul à blâmer pour leur mort ? Et si vous vous attachez maintenant aux positions de Ryūzō et de Ryōkan et m’obligez à écrire ce serment, ne serez-vous pas également coupable ?

Je ne sais pas si ceux qui me calomnient ignorent ce principe de causalité ou s’ils essaient intentionnellement de vous nuire. En tout cas, je vous demande instamment de convoquer ceux qui intriguent à mon encontre et tentent de se servir de moi pour provoquer quelque incident majeur, et de permettre notre confrontation en votre présence.


Avec mon profond respect


Le vingt-cinquième jour du sixième mois de la troisième année de Kenji [1277], signe cyclique de hinoto-ushi


Soumis par Shijō Nakatsukasa-no-jō Yorimoto

Back to Top

Notes


 1. Shimada no Saemon et Yamashiro no Mimbu étaient apparemment deux des vassaux du seigneur Ema qui, en tant que messagers, transmirent à Shijō Kingo la lettre officielle qui lui était destinée. Nichiren écrivit cette pétition au nom de Shijō Nakatsukasa Saburō 821Saemon-no-jō Yorimoto, plus connu sous le nom de Shijō Kingo. Elle était destinée à son seigneur, Ema Chikatoki. Le « je » concerne donc ici Shijō Kingo et le « vous » le seigneur Ema.

 2. À l’époque la grande statue du Bouddha à Kamakura (Daibutsu) fut enchâssée dans un pavillon, lequel fut détruit deux fois par un orage, en 1334 et en 1369. Reconstruit de nouveau, il fut dévasté par un tsunami en 1498. La statue est restée sans abri depuis cette époque.

 3. Cette citation et la suivante résument les conceptions exposées par Kōbō dans le Traité sur les dix étapes de l’esprit, dans La clé précieuse du trésor secret et dans la Comparaison entre les enseignements exotériques et ésotériques. Le ghee désigne le beurre clarifié, réputé de meilleure qualité, soit la dernière des cinq saveurs (lait, crème, lait caillé, beurre et ghee). Il a ici valeur de métaphore et désigne le plus élevé de tous les sūtras.

 4. En se fondant sur le Sūtra de la révélation des profonds secrets, l’école Faxiang divise les êtres humains en cinq catégories appelées les cinq natures distinctes. « Les êtres vivants qui n’ont pas la nature de l’illumination » correspondent à l’une de ces cinq natures distinctes. Voir « cinq natures distinctes » dans le glossaire.

 5. L’école Huayun divise l’enseignement parfait, le plus élevé des cinq enseignements, en enseignement fondamental et enseignements dérivés, et affirme que le Sūtra de la Guirlande de fleurs est la racine et le Sūtra du Lotus les branches.

 6. Conceptions développées par Chengguan dans le Discours profond sur les enseignements de la Guirlande de fleurs. « L’enseignement subit » désigne les enseignements dans lesquels le Bouddha exposa directement le contenu de son expérience d’illumination, sans instructions préparatoires. « L’enseignement graduel » désigne les enseignements exposés par le Bouddha pour élever graduellement la capacité des gens. Chengguan affirma que le Sūtra de la Guirlande de fleurs représentait l’enseignement parfait au sein de l’enseignement subit et que le Sūtra du Lotus représentait l’enseignement parfait au sein de l’enseignement graduel.

 7. Conceptions de Shandao développées dans l’Éloge de la renaissance dans la Terre pure.

 8. On trouve ces conceptions de Hōnen dans le Choix du Nembutsu par-dessus tout.

 9. L’école Zen affirmait que l’essence du bouddhisme se transmettait directement d’esprit à esprit et prétendait que c’était de cette façon que l’illumination du Bouddha avait été transmise à Mahakashyapa, puis à chaque patriarche successif de l’école Zen.

 10. Sūtra du Lotus, chap. 2.

 11. Ibid., chap. 11.

 12. Ibid., chap. 21.

 13. Ibid., chap. 2.

 14. Ibid., chap. 3.

 15. Les « traités » désignent ici les œuvres de grands bodhisattvas tels que Nagarjuna et Vasubandhu.

 16. Sūtra du Lotus, chap. 13.

 17. Nichiren proclama pour la première fois l’enseignement de Nam-myōhō-renge-kyō lors de la cinquième année de Kenchō (1253).

 18. Il s’agit d’une allusion à l’exil d’Izu, en 1261, et à la persécution de Tatsunokuchi en 1271, ainsi qu’à l’exil de Sado qui suivit aussitôt.

 19. C’est là une allusion à la persécution de Tatsunokuchi.

 20. Les six jours de purification sont les six jours où, chaque mois, les croyants laïcs purifient leur corps et leur esprit en observant les huit préceptes (voir glossaire). Ce sont les huitième, quatorzième, quinzième, vingt-troisième, vingt-neuvième et trentième jours du mois.

 21. « Les observateurs des préceptes » désignent ici ceux qui observent les huit préceptes, c’est-à-dire ceux qui suivaient Ryōkan de l’école Ritsu.

 22. Gomyō (750-834) était un moine de l’école Hossō. Selon le Récit des préceptes de l’esprit unique, datant de 818, quand les gens durent subir l’épreuve d’une grande sécheresse, Dengyō, sur ordre de l’empereur Saga, offrit des prières en s’appuyant sur le Sūtra du Lotus, le Sūtra de l’excellent roi et le Sūtra des rois bienveillants. Le troisième jour, la pluie se mit à tomber. Gomyō pria pour qu’il pleuve avec ses quarante disciples en n’utilisant que le Sūtra des rois bienveillants et la pluie ne tomba pas avant le cinquième jour.

 23. Shubin était un moine de l’école Shingon au IXe siècle. En 823, il reçut de l’empereur Saga le Temple de l’Ouest (Sai-ji), alors qu’on attribua à Kōbō le Temple de l’Est (Tō-ji). Lors du printemps 824, au cours d’une sécheresse, Shubin s’opposa à Kōbō dans les prières pour la pluie. Il parvint à faire tomber la pluie le septième jour, alors que Kōbō n’obtint aucun résultat, même au bout de vingt et un jours.

 24. Ce sūtra, traduit par Bukong, détaille le rituel de la prière pour qu’il pleuve et la conduite à observer quand on l’accomplit.

 25. Un temple de Kamakura qui n’existe plus. D’après le texte, il semble que c’était un temple de grande taille, placé sous la direction de Ryōkan.

 26. Izumi Shikibu (né autour de 976), dame de la Cour, et Nōin (né en 988), moine-poète, 822dont les œuvres comprennent des poèmes qui expriment des prières pour qu’il pleuve.

 27. Huit sortes d’intempéries liées au vent, comportant notamment les pluies torrentielles, les tornades et les tempêtes. Les explications à ce sujet varient selon la source mais, en tout cas, cela désigne toujours des conditions climatiques très mauvaises. Quand Ryōkan offrit ses prières, aucune pluie ne tomba mais, au contraire, des vents destructeurs se levèrent.

 28. Il s’agissait là d’une divinité considérée comme le dieu tutélaire du mont Hiei et de l’école Tendai.

 29. Zheng Xuan (127-200) était un érudit de la dynastie des Han postérieurs, qui écrivit des commentaires sur le Classique de la piété filiale, Les Analectes et autres textes.

 30. Recueil d’anecdotes parues à partir de la période des Printemps et Automnes et tout au long de la dynastie des Han antérieurs. Écrit par Liuxiang (77-6 avant notre ère), il est composé de dix fascicules.

 31. Essai sur la protection du pays.

 32. Sūtra du Lotus, chap. 13.

 33. Annotations sur le Sūtra du Nirvana.

 34. Ibid.

 35. Sūtra du Lotus, chap. 3. Ce passage décrit les vertus de souverain et parent.

 36. Vertus de souverain, de maître et de parent, attributs caractéristiques d’un bouddha. Voir glossaire.

 37. Sūtra du Lotus, chap. 3. Ce passage décrit la vertu de maître.

 38. Ibid.

 39. Ibid.

 40. Selon les Annotations sur La Grande Concentration et Pénétration, les sept transgressions capitales comprennent les cinq transgressions capitales (voir glossaire) auxquelles s’ajoutent les offenses consistant à tuer un moine de haute vertu et à tuer un maître.

 41. Sūtra du Lotus, chap. 3.

 42. « Votre père » désigne ici probablement Ema Mitsutoki. Nakatsukasa Yorikazu, le père de Shijō Kingo (ou Yorimoto) servit Ema Mitsutoki. Après la mort de Yorikazu, Shijō Kingo servit à la fois Mitsutoki, devenu à l’époque moine séculier, et son fils Chikatoki, à qui cette lettre est destinée. En 1246, Mitsutoki fut suspecté d’avoir fomenté une rébellion contre le régent Hōjō Tokiyori, et il fut exilé à Ema, dans la péninsule d’Izu.

 43. Cela fait allusion à une tentative infructueuse de Hōjō Tokisuke, demi-frère aîné du régent, Hōjō Tokimune, de s’emparer du pouvoir. Cela se produisit en fait lors de la neuvième année de Bun’ei (1272). « La onzième année de l’ère Bun’ei (1274) » (année de l’invasion des forces mongoles) est probablement une erreur. Parmi les principaux protagonistes de la rébellion figuraient les frères cadets d’Ema Mitsutoki, Noritoki et Tokiaki, qui complotaient pour tenter de confier la régence à Hōjō Tokisuke. Tous deux, ainsi que Tokisuke, furent finalement exécutés en raison de leur participation à cette affaire. Leur neveu, Ema Chikatoki, était le seigneur du clan Ema au moment de la tentative de coup de force et il fut soupçonné de complicité. Il semble que les fidèles vassaux de Chikatoki aient fait le vœu de se suicider si leur seigneur était exécuté.

 44. Le monde du désir, de la forme et le monde sans forme. Voir glossaire.

 45. Il s’agit de Minamoto no Yoshinaka (1154-1184), également connu sous le nom de Kiso Yoshinaka. Ce général du clan Minamoto fit décapiter Myōun, le cinquante-cinquième et cinquante-septième grand patriarche de l’Enryaku-ji, lorsqu’il attaqua le mont Hiei lors de la confrontation entre les clans Minamoto et Taira.

 46. Sūtra du Lotus, chap. 26.

 47. Durant les troubles de l’ère Jōkyū, en 1221, les forces impériales furent vaincues lorsqu’elles tentèrent de renverser le gouvernement du shogunat, installé à Kamakura. Cette défaite renforça la mainmise du gouvernement de Kamakura sur le pays et brisa effectivement le pouvoir impérial. L’empereur retiré Gotoba, qui avait planifié la tentative de coup d’État, fut exilé par le régent Hōjō Yoshitoki à Oki, une île de la mer du Japon.

 48. Hōjō Yoshitoki (1163-1224) fut le régent du shogunat de Kamakura durant les troubles de l’ère Jōkyū. Le shogunat de Kamakura a fait du Kantō (dans l’est du Japon) sa base, alors que la Cour impériale était située à Kyōto, dans la partie ouest du pays.

 49. Les préceptes du Hinayana sont divisés en plusieurs catégories telles que les cinq préceptes, les huit préceptes (tous deux également destinés aux croyants laïcs), les dix préceptes (destinés à la fois aux novices hommes et femmes de la Communauté bouddhiste), les deux cent cinquante préceptes (pour les moines ordonnés), et les cinq cents préceptes (pour les nonnes ordonnées). Ryōkan, que le seigneur Ema révérait, observait les deux cent cinquante préceptes et en tirait une grande fierté.

 50. Sūtra de l’enseignement de Vimalakirti. Cela signifie qu’il ne faut pas exhorter ceux qui ont des facultés supérieures à observer les préceptes du Hinayana. Il y est aussi question de 823l’infériorité des enseignements du Hinayana par rapport à ceux du Mahayana.

 51. Il s’agit probablement d’une reformulation d’un passage du Angulimala-sūtra.

 52. « Les dix-sept défauts » concernent les raisons pour lesquelles les préceptes du Hinayana sont inférieurs aux préceptes du Mahayana, selon le Sūtra des règles monastiques pures. Par exemple, les préceptes du Hinayana reflètent l’horreur du monde des trois plans, monde habité par les êtres non illuminés, ce qui n’est pas le cas des préceptes du Mahayana ; les préceptes du Hinayana manifestent du dédain à l’égard des bienfaits, alors que les préceptes du Mahayana les incluent tous.

 53. Comparaisons utilisées par le bouddha Shakyamuni pour souligner la supériorité des préceptes du Mahayana sur ceux du Hinayana, selon le Sūtra des règles monastiques pures. Par exemple, les préceptes du Hinayana pratiqués par les auditeurs ne produisent pas même un bienfait aussi infinie que l’empreinte d’un sabot de vache, alors que les préceptes du Mahayana gardés par les bodhisattvas procurent des bienfaits aussi vastes que l’océan.

 54. On dit du lait d’ânesse qu’il a un goût si désagréable qu’on ne peut le boire, alors que le lait de vache (les préceptes du Mahayana) apaise la soif et nourrit la vie. Par cette métaphore, Dengyō indique que les préceptes du Hinayana ne mènent pas à l’illumination. De plus, il emploie l’image du crapaud pour dénoncer lattachement aveugle aux préceptes du Hinayana, utilisant ainsi une analogie qui se rapproche de celle de « la grenouille dans un puits qui ne connaît rien du monde extérieur ». Jikaku cite ces analogies dans son Traité clarifiant et louant les préceptes du Mahayana.

 55. C’est là une allusion aux maîtres des six écoles de Nara qui gardèrent les préceptes du Hinayana que le moine des préceptes chinois Ganjin (688-763) avait établis au Japon.

 56. Rébellion dirigée par Hōjō Tokisuke, lors du deuxième mois de 1272. Voir aussi la note 43.

 57. Les membres du clan Nagoe sont Tokiaki et Noritoki, frères cadets d’Ema Mitsutoki et oncles de Chikatoki. Du fait que Tomotoki, le père de Mitsutoki, vivait dans le quartier de Nagoe, à Kamakura, son clan fut appelé le clan Nagoe.

Retour
  • Manuel d’utilisation
  • Conditions d'utilisation
  • Plan du site
  • Commentaires sur le site
  • Politique d’Accessibilité du Web

© 2016 Soka Gakkai