Soka Gakkai Bibliothèque du bouddhisme de Nichiren

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Le Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei
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ÉCRITS: 17 Le Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei

( pp.168 - 182 )

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 1. Enseignements exotériques révélés ouvertement et partagés par tous, par contraste avec les enseignements ésotériques, dispensés secrètement ou exclusivement aux seuls initiés.

 2. Nichiren se réfère ici à lui-même.

 3. L'Enseignement de la méditation est une œuvre sur la pratique de la méditation sur le bouddha Amida et les bienfaits qui en découlent. En fait, il ne s’agit pas d’un sūtra, contrairement à ce qu’indique le titre.

 4. Titre honorifique attribué à ceux qui connaissaient bien les trois parties du canon bouddhique.

 5. « La fin du kalpa de formation et le début du kalpa de stabilité » désigne la période de transition entre les deux premières étapes du cycle de quatre étapes, à savoir les kalpa de formation, de stabilité, de déclin et de destruction, par lesquels un monde est censé passer et repasser. Durant ces deux premières étapes, un monde se forme, et les êtres vivants apparaissent et se perpétuent.

 6. Shiva et Vishnu.

 7. L’école Kusha fut étudiée en même temps que l’école Hossō et l’école Jōjitsu, en même temps que celle du Sanron ; il est vraisemblable que Nichiren ne les considérait pas comme des écoles religieuses indépendantes.

 8. Shanwuwei (637-735), moine indien qui introduisit les enseignements ésotériques en Chine. Shanwuwei est son nom chinois.

 9. Les souverains et empereurs sont ici les trois souverains Fu Xi, Shen Nong, et Huangdi, souverains légendaires qui ont, dit-on, établi des gouvernements modèles, et les cinq empereurs Shao Hao, Zhuan Xu, Di Ku, Tang Yao et Yu Shun, dont on dit qu’ils ont régné après eux.

 10. C’était à l’origine le palais où se trouvait enchâssé le miroir, l’un des Trois Trésors de la Cour impériale, gardé par des dames d’honneur de la Cour appelées naishi. Par la suite, naishidokoro désigna le miroir lui-même.

 11. Shun fut l’un des cinq empereurs. Bien que son père, roturier, l’ait traité avec cruauté et se soit montré partial en faveur de son demi-frère cadet, Xiang, Shun fit preuve de piété filiale à l’égard de son père. Le récit où on le voit aider celui-ci à recouvrer la vue se trouve dans la Forêt de joyaux dans le jardin de la Loi.

 12. Sūtra du Lotus, chap. 2.

 13. Kalpa majeur où mille bouddhas de grande sagesse, notamment Shakyamuni, apparaissent pour sauver les êtres.

 14. Il s’agit ici des « reliques » du Corps du Dharma, c’est-à-dire des enseignements exposés par le bouddha Shakyamuni.

 15. Pilindavatsa était l’un des disciples du bouddha Shakyamuni. Né dans une famille brahmane à Shravasti, en Inde, il était arrogant et avait du mépris pour les autres. Il avait acquis sa renommée par la pratique de la magie mais perdit ses pouvoirs en rencontrant Shakyamuni et devint le disciple du Bouddha. La prédiction de Shakyamuni concernant son illumination future apparaît dans le huitième chapitre du Sūtra du Lotus.

 16. Ainsi, le bouddha Amida vit dans la Terre pure du Bonheur-Suprême, située à cent mille millions de mondes à l’ouest, et le bouddha Maître-de-la-Médecine vit dans le monde de l’émeraude pure, que l’on situait dans la partie est de l’univers. Comme ces noms le suggèrent, les êtres vivant qui habitent sur ces terres ne connaissent que le plaisir ; par conséquent, aucun d’entre eux n’a besoin d’être libéré de la souffrance. C’est pourquoi, dit Nichiren, les bouddhas de ces mondes, bien que gênés d’apparaître dans le monde d’un autre bouddha, sont descendus en ce monde saha, plein de souffrances, afin d’accomplir leurs vœux de compassion.

 17. Sūtra du Lotus, chap. 3.

 18. Cette pratique correspond à l’une des cinq sortes de pratiques pour les bodhisattvas mentionnés dans le Sūtra du Nirvana. Ici elle désigne des actions entreprises afin de maîtriser les trois entraînements : discipline morale, discipline mentale et sagesse.

 19. Probablement le roi Rudrayana de l’Inde ancienne, cité dans les Règles monastiques de l’école Sarvastivada. En remerciement des cadeaux reçus du roi Rudrayana, le roi Bimbisara, roi du Magadha, lui offrit ce qu’il possédait de plus précieux en ce monde, une image représentant le bouddha Shakyamuni. Réagissant d’abord avec colère, réalisant qu’il s’agissait d’une image du Bouddha, le roi Rudrayana se convertit au bouddhisme et eut une foi fervente.

 20. Roi de l’Udyana qui vécut autour du VIIe siècle et était un descendant du roi Amritodana, l’oncle de Shakyamuni.

 21. Roi qui éleva un grand stûpa à Gandhara. On sait peu de chose de lui. On dit qu’au début du VIIIe siècle Shanwuwei offrit des prières au pied de ce stupa et parvint à une compréhension soudaine du Sūtra de Mahavairochana. Selon certaines sources, le roi Graines Dorées, dans ce passage, se réfère peut-être au roi Kanishka.

 22. Les mots-semences, écrits en siddham, style d’orthographe sanskrite, étaient utilisés comme symboles pour représenter divers bouddhas et bodhisattvas dans l’enseignement ésotérique.

 23. Les samaya désignent ici les mudra (gestes de la main) et les objets tenus par les diverses personnalités dépeintes dans les mandalas. On utilise aussi le terme pour désigner les vœux émis par ces êtres.

 24. Selon le Sūtra des rois bienveillants, les rois naissent dans la position qui est la leur pour avoir servi cinq cents bouddhas dans des vies antérieures et c’est leur rétribution karmique.

 25. Sūtra du Lotus, chap. 3.

 26. Dans le Japon féodal, on considérait qu’un vassal avait une lourde dette à l’égard de son seigneur car ce dernier lui fournissait tous ses moyens de subsistance et le vassal se devait en retour de le servir loyalement en y mettant tout son être. Les six organes des sens sont les yeux, les oreilles, le nez, la langue, le corps et l’esprit ; c’est-à-dire les composants physiques et mentaux d’un être humain. C’est une autre façon de dire que la vie d’un roturier appartient à son seigneur et qu’il doit consacrer toutes ses facultés au service de ce dernier.

 27. Cette histoire apparaît dans le Recueil d’histoires et de poèmes et dans d’autres sources. Un jour où le jeune Mao Bao, qui devint plus tard un général de la dynastie des Jin, marchait le long du fleuve Yangzi Jiang, il vit un pêcheur qui avait attrapé une tortue et s’apprêtait à la tuer. Rempli de pitié, il donna au pêcheur ses vêtements en échange de la tortue et lui sauva ainsi la vie. Plus tard, Mao Bao fut attaqué par des ennemis. Il s’enfuit pour leur échapper vers le fleuve Yangzi Jiang et, là, la tortue qu’il avait sauvée dans son enfance apparut et le porta sur son dos jusqu’à la rive opposée.

 28. Tōjō Kagenobu, l’intendant du village de Tōjō, dans la province d’Awa. Fervent croyant du Nembutsu, Tōjō avait tenté de tuer Nichiren après que ce dernier eut réfuté le Nembutsu et présenté l’enseignement de Nam-myōhō-renge-kyō, en 1253.

 29. Dōgi-bō Gishō était un moine du Seichō-ji qui, pense-t-on, fut un frère aîné de Dōzen-bō ou un moine plus âgé que lui. Il calomnia l’enseignement de Nichiren.

 30. Sūtra du Lotus, chap. 2.

16817

Le Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei


Texte

Points de repère


Nichiren écrivit cette lettre à Kamakura en 1270, à l’attention des moines Jōken-bō et Gijō-bō, qui furent ses aînés au Seichō-ji, temple d’Awa, où il était entré dans l’Ordre bouddhiste. On ne sait pas précisément pourquoi il écrivit cette lettre mais, d’après la fin, on peut penser qu’elle était motivée par sa joie d’apprendre que Dōzen-bō avait déclaré sa croyance dans le Sūtra du Lotus et sculpté une statue en bois du bouddha Shakyamuni. D’après Nichiren, on peut supposer que, même si Dōzen-bō n’avait pas entièrement renoncé à sa croyance dans le Nembutsu, il se mit à révérer le bouddha Shakyamuni et le Sūtra du Lotus au cours de l’année 1270.

Seichō-ji était à l’origine un temple de l’école Tendai mais il tomba plus tard sous l’influence des écoles Shingon et Jōdo. Nichiren se sentait sincèrement redevable envers Dōzen-bō, un des anciens du Seichō-ji, qui avait été son maître. Dōzen-bō ayant commencé à croire dans les enseignements du Sūtra du Lotus, il est possible que Nichiren ait souhaité lui exprimer sa gratitude.

On pourrait globalement diviser cette lettre en cinq parties. Dans la première partie, Nichiren proclame que le Sūtra du Lotus est le plus important des très nombreux sūtras bouddhiques et qu’il s’accorde parfaitement avec la véritable intention du Bouddha. Néanmoins, la plupart des érudits et maîtres bouddhistes de l’Inde, de la Chine et du Japon lui ont manqué d’égard et ont avancé diverses doctrines erronées, se retournant ainsi contre l’intention du Bouddha. Suivant les exemples des Grands Maîtres Tiantai et Dengyō, Nichiren réfute leurs doctrines erronées, en s’appuyant non pas sur l’opinion publique mais seulement sur les sūtras eux-mêmes. Dans la deuxième partie, il souligne les erreurs de plusieurs écoles bouddhiques importantes au Japon, particulièrement celles des écoles Shingon et Jōdo. Sans doute s’est-il attaché à critiquer ces deux écoles particulières, non seulement parce qu’elles prônaient des erreurs majeures, mais aussi parce que Dōzen-bō avait eu foi dans leurs doctrines. Nichiren définit alors le Daimoku de Nam-myōhō-renge-kyō comme la pratique universelle pour l’atteinte de la bouddhéité à l’époque de la Fin de la Loi. Dans la troisième partie, Nichiren présente Shakyamuni comme le Bouddha lié sur un plan karmique à tous les êtres vivants en ce monde ordinaire saha, et possédant à leur égard les trois vertus de souverain, de maître et de parent. C’est pourquoi, dit Nichiren, tous les êtres de ce monde saha devraient reconnaître leur dette envers Shakyamuni. Dans la quatrième partie, qui donne son titre à cette lettre, Nichiren évoque Shanwuwei, qui 169introduisit les enseignements ésotériques de l’Inde en Chine, créant ainsi l’école Zhenyan (devenue l’école Shingon au Japon). L’histoire de Shanwuwei démontre que même une personne sage qui a maîtrisé tous les enseignements bouddhiques tombera dans les voies mauvaises si elle dénigre Shakyamuni et le Sūtra du Lotus. En citant l’exemple de Shanwuwei, Nichiren critique aussi indirectement le Seichō-ji, temple tombé sous l’influence de l’école Shingon. Dans la cinquième partie, il exprime sa gratitude envers le bodhisattva Trésor-de-l’Espace, objet de dévotion originel du Seichō-ji, et envers son maître Dōzen-bō, et il exprime sa joie d’apprendre que ce dernier a adopté le Sūtra du Lotus. Pour finir, il souligne l’importance de parler franchement à ceux qui ont été égarés par des enseignements qui déforment l’intention du Bouddha.

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Le Sūtra du Lotus est l’essence des enseignements exposés par le bouddha Shakyamuni de son vivant, le fondement de l’ensemble des quatre-vingt mille enseignements bouddhiques. Les divers sūtras exotériques et ésotériques1 tels que le Sūtra de Mahavairochana, le Sūtra de la Guirlande de fleurs, les sūtras de la Sagesse et le Sūtra des profonds secrets se sont propagés en Chine, en Inde, dans les palais des rois-dragons et dans le monde des êtres célestes. Il y a par ailleurs les enseignements exposés par les bouddhas dans toutes les terres des dix directions, et ils sont aussi nombreux que les grains de sable du Gange ou les particules de poussière de la terre. Même si l’on utilisait toute l’eau des océans pour produire de l’encre de Chine et si l’on transformait tous les arbres et les plantes d’un système de mondes majeurs en pinceaux de calligraphie, on ne pourrait jamais parvenir à les transcrire tous. Cependant, quand je les examine et évalue leur contenu, je vois que, parmi tous ces sūtras, le Sūtra du Lotus occupe la position la plus élevée.

Néanmoins, parmi les diverses écoles de l’Inde et dans les cercles bouddhiques au Japon, nombreux furent les érudits et maîtres qui ne comprirent pas la véritable intention du Bouddha. Certains déclarèrent le Sūtra de Mahavairochana supérieur au Sūtra du Lotus. D’autres ont dit que le Sūtra du Lotus était non seulement inférieur au Sūtra de Mahavairochana mais aussi au Sūtra de la Guirlande de fleurs, ou que le Sūtra du Lotus était inférieur au Sūtra du Nirvana, aux sūtras de la Sagesse et au Sūtra des profonds secrets. D’autres encore ont affirmé que chaque sūtra avait sa caractéristique propre, et pouvait donc être, par certains aspects, supérieur ou inférieur. Certains ont déclaré que la valeur d’un sūtra dépendait du fait qu’il puisse s’accorder ou non à la capacité des gens ; les sūtras qui conviennent à la capacité des gens d’une époque donnée sont supérieurs, les autres sont inférieurs. De même, certains ont prétendu que, si les gens avaient la capacité d’atteindre la Voie grâce à l’enseignement selon lequel toute chose a une substance, alors il faudrait condamner l’enseignement selon lequel tout est sans substance, pour ne garder que le premier. Et, selon eux, le même principe devrait s’appliquer dans tous les autres cas.

Comme il n’y eut personne à l’époque pour réfuter de telles doctrines, les maîtres ignorants et les autorités se mirent à y croire avec ferveur, et firent don de champs cultivés pour soutenir ceux qui les leur enseignaient, tant et si bien que le nombre de leurs adeptes ne cessa d’augmenter. Et une fois de telles doctrines implantées de longue date, les gens finirent par être fermement convaincus de leur justesse et n’envisagèrent plus, même en rêve, de les remettre en cause.

Mais ensuite, en cette époque de la Fin de la Loi, apparut un homme plus sage2 que les érudits et les maîtres suivis par les gens 170de l’époque. Il entreprit de mettre en doute une à une les doctrines soutenues par les érudits et maîtres antérieurs et d’en faire la critique, en soulignant qu’elles différaient des sūtras sur lesquels elles se fondaient. Et il montra, à la seule lumière des divers sūtras, qu’en formulant leurs doctrines les érudits et les maîtres ne faisaient pas de distinction entre les premiers sūtras enseignés du vivant du Bouddha et les sūtras postérieurs, entre ceux qui étaient superficiels et ceux qui étaient profonds. Ainsi attaqués, les tenants de ces doctrines se révélèrent incapables de défendre les enseignements erronés des fondateurs de leurs diverses écoles, et ne surent que répondre. Dans le doute, certains déclarèrent que les érudits et les maîtres avaient sûrement dû s’appuyer sur des passages de sūtras et de traités mais qu’eux-mêmes, n’ayant pas la sagesse requise, n’étaient pas en mesure de défendre concrètement ces doctrines. D’autres, également dans le doute, décrétèrent que, si leurs maîtres étaient des personnalités émérites et des érudits des temps anciens, eux-mêmes étaient des ignorants de l’époque de la Fin de la Loi. Ils convainquirent ainsi des personnes vertueuses ou de rang élevé de s’allier à eux et s’opposèrent radicalement à celui qui remettait leurs croyances en cause.

Pour ma part, j’ai rejeté de la même manière tout préjugé, que ce soit contre les opinions des autres ou en faveur des miennes, et j’ai écarté les conceptions prônées par les érudits et les maîtres. En revanche, en m’appuyant exclusivement sur les passages des sūtras eux-mêmes, j’en suis arrivé à la conclusion que le Sūtra du Lotus mérite d’occuper la première place. Si certains affirment qu’un autre sūtra surpasse le Sūtra du Lotus, il faut supposer que c’est pour l’une ou l’autre des raisons suivantes : d’abord, ils ont pu être trompés par des passages d’autres écrits qui ressemblent au Sūtra du Lotus ; ou bien ils ont pu être trompés par des « sūtras » fabriqués par des personnes des époques ultérieures et attribués au Bouddha. N’ayant pas la sagesse de distinguer le vrai du faux, ils ont donc pu accepter de tels textes en les considérant comme les véritables paroles du Bouddha. À partir de Huineng et de son Sūtra de l’estrade, puis de Shandao et de son Enseignement de la méditation3, il y a eu de nombreux faux maîtres en Inde, en Chine et au Japon qui n’ont fait que composer leurs propres « sūtras » et les ont enseignés au monde. De plus, beaucoup d’autres ont inventé ce qu’ils présentent comme des passages des écrits ou ont inséré leurs propres mots dans des passages authentiques.

Malheureusement, les ignorants considèrent ces textes faux comme authentiques. Ils sont comparables à des aveugles qui, lorsqu’on leur dit que des étoiles dans le ciel brillent avec plus d’éclat que le soleil ou la lune, acceptent cette affirmation. Quand quelqu’un déclare qu’il a pour maître une personne vertueuse ou un sage des temps anciens alors que Nichiren n’est qu’un insensé de notre époque, l’ignorant a tendance à le croire.

Ce n’est pas la première fois que s’élèvent des doutes de cette nature. À l’époque des dynasties des Chen et des Sui [557-618] en Chine, vivait un humble moine appelé Zhiyi, qui devint par la suite maître des empereurs des deux dynasties et fut honoré du titre de Grand Maître Tiantai Zhizhe. Avant d’être ainsi élevé, cet homme non seulement réfuta les doctrines des divers maîtres et enseignants des Trois Corbeilles4 qui avaient vécu en Chine durant les quelque cinq cents années précédentes, mais il réfuta aussi les érudits qui avaient enseigné en Inde depuis un millénaire. Cela lui valut l’opposition des sages de la Chine du Nord et du Sud qui se dressèrent comme des nuages, alors que les personnalités émérites et les érudits de l’Est et de l’Ouest apparurent comme des rangées d’étoiles. Les critiques s’abattirent sur lui comme la pluie, et ses doctrines furent malmenées comme 171par une tempête. Mais il parvint finalement à réfuter les principes tendancieux et erronés des érudits et des maîtres et à établir les doctrines correctes de l’école Tiantai [appelée Tendai au Japon].

De même, au Japon, sous le règne de l’empereur Kammu [781-806], vivait un humble moine nommé Saichō, qui fut par la suite honoré sous le titre de Grand Maître Dengyō. Il réfuta les doctrines enseignées par les maîtres bouddhistes des diverses écoles établies dans le pays durant les quelque deux cents années qui suivirent [l’introduction des enseignements bouddhiques] sous le règne de l’empereur Kimmei [539-571]. Il suscita d’abord beaucoup de fureur mais, plus tard, tous se joignirent à lui et devinrent ses disciples.

Ces personnes avaient critiqué Tiantai et Dengyō en ces termes : « Les fondateurs de nos écoles étaient des érudits figurant parmi les quatre rangs de saints, des figures émérites et des savants des temps anciens alors que vous n’êtes qu’un banal insensé de la fin de l’époque de la Loi formelle. » Cependant, la question n’est pas de savoir si une personne vit à l’époque de la Loi correcte, de la Loi formelle ou de la Fin de la Loi, mais si elle se fonde sur le texte du véritable Sūtra. De plus, l’essentiel n’est pas de savoir qui enseigne une doctrine mais si celle-ci s’accorde avec la vérité.

Les non-bouddhistes ont critiqué le Bouddha ainsi : « Vous êtes un insensé vivant à la fin du kalpa de formation et au début du kalpa de stabilité5, alors que les maîtres originaux de nos doctrines étaient des sages des temps anciens, les deux divinités6 et les trois ascètes. » Mais, pour finir, les quatre-vingt-quinze écoles non bouddhiques furent toutes abandonnées.

En ce qui concerne les huit écoles bouddhiques, moi, Nichiren, j’ai découvert ceci : les écoles Hossō, Kegon et Sanron, fondées sur des sūtras provisoires, déclarent que les sūtras provisoires sont égaux au véritable Sūtra, voire que le véritable Sūtra leur est inférieur. Ce sont des erreurs évidentes provenant des érudits et des maîtres fondateurs de ces écoles. Les écoles Kusha et Jōjitsu sont des cas à part7, et l’école Ritsu représente même le plus bas niveau des enseignements du Hinayana.

Les érudits surpassent les maîtres ordinaires, et les véritables sūtras du Mahayana surpassent les sūtras provisoires du Mahayana. Par conséquent, le Sūtra de Mahavairochana de l’école Shingon ne peut égaler le Sūtra de la Guirlande de fleurs, et encore moins le Sūtra du Nirvana et le Sūtra du Lotus. Pourtant, quand le Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei8 évalua les mérites relatifs de ces trois sūtras, il fit une erreur d’interprétation en déclarant que, si le Sūtra du Lotus et le Sūtra de Mahavairochana sont égaux sur le plan du principe, le second est supérieur sur le plan de la pratique. Depuis lors, les adeptes du Shingon n’ont cessé de prétendre avec arrogance que le Sūtra du Lotus ne soutient pas la comparaison avec le Sūtra de la Guirlande de fleurs, et encore moins avec les sūtras du Shingon, ou que, parce qu’il ne mentionne ni mudra ni mantra, le Sūtra du Lotus ne peut envisager de rivaliser avec le Sūtra de Mahavairochana. Ou bien encore, ils soulignent que bon nombre de maîtres et patriarches de l’école Tendai ont reconnu la supériorité de l’école Shingon, supériorité généralement reconnue aussi par l’opinion publique.

Puisque tant de gens ont émis des avis erronés à ce sujet, j’ai étudié cette question dans le détail. J’ai présenté brièvement mes conclusions dans d’autres écrits que vous prendrez, je l’espère, le temps de consulter. Et je souhaite que ceux qui recherchent la Voie utilisent le temps de leur vie pour apprendre la vérité à ce sujet et la transmettre aux autres.

Il ne faut pas se laisser intimider par le fait que tant de personnes aient de telles croyances. Le bien-fondé d’une croyance ne dépend pas davantage de son 172ancienneté. L’essentiel est simplement de savoir si elle est conforme ou non au texte des écrits et à la raison.

Dans le cas de l’école Jingtu [devenue l’école Jōdo au Japon], les moines chinois Tanluan, Daochuo, et Shandao ont commis de nombreuses erreurs et conduit un grand nombre de gens à adhérer à des visions erronées. Au Japon, Hōnen adopta les enseignements de ces hommes, et non seulement enseigna à tous de croire dans le Nembutsu mais tenta aussi d’éliminer toutes les autres écoles du pays. Comme les trois mille moines du mont Hiei, ainsi que ceux du Kōfuku-ji, du Tōdai-ji, et des autres temples de Nara, en fait, l’intégralité des huit écoles, tentèrent de mettre un terme à cela, les empereurs successifs promulguèrent des édits, et des directives furent émises par le shogunat, tout cela pour tenter d’empêcher la propagation de son enseignement, mais en vain. Au contraire, ce dernier ne s’épanouit que davantage, jusqu’à ce que l’empereur, l’empereur retiré, et le peuple dans son ensemble finissent par y croire.

Moi, Nichiren, je suis le fils d’une humble famille, né sur le littoral de Kata’umi, à Tōjō, dans la province d’Awa, et je n’ai ni autorité, ni vertu. Comme les critiques des temples de Nara et du mont Hiei et les puissants interdits des empereurs n’ont pu arrêter les enseignements du Nembutsu, je me suis demandé ce que j’allais bien pouvoir faire. Mais, en prenant les passages des sūtras pour miroir et les enseignements de Tiantai et Dengyō pour boussole, j’ai réfuté ces enseignements pendant les dix-sept dernières années, depuis la cinquième année de l’ère Kenchō [1253] jusqu’à aujourd’hui, septième année de l’ère Bun’ei [1270]. Et il apparaît à l’évidence que la propagation du Nembutsu au Japon a été largement arrêtée. Même si certains ne cessent de réciter le Nembutsu, je crois qu’ils ont pris conscience dans leur cœur que le Nembutsu n’est pas la voie pour se libérer de la souffrance des naissances et des morts.

De même, l’école Zen est coupable d’erreurs doctrinales. En observant une chose, on peut en déduire dix mille. Je pourrais, si je le voulais, mettre un terme aux erreurs de l’école Shingon et de toutes les autres. La « sagesse » des maîtres du Shingon et d’autres moines éminents du présent ne soutient pas la comparaison avec celle d’un bœuf ou d’un cheval, et leur « lumière » est moindre que celle qui est émise par une luciole. Attendre quoi que ce soit d’eux, c’est comme mettre un arc et des flèches entre les mains d’un mort, ou poser des questions à quelqu’un qui parle dans son sommeil. Leurs mains forment les gestes des mudra, leur bouche répète les mantras, mais leur cœur ne comprend pas les principes bouddhiques. En fait, l’arrogance de leur esprit s’élève aussi haut que les montagnes, et l’avidité de leur cœur est plus profonde que les mers. Toutes ces opinions erronées proviennent de la confusion quant à la supériorité relative des divers sūtras et traités, et du fait que nul n’a corrigé les erreurs émises à l’origine par les fondateurs de ces écoles.

Les personnes sages devraient bien sûr se consacrer à l’étude des quatre-vingt mille enseignements bouddhiques dans leur ensemble, et se familiariser avec les douze catégories d’écrits. Mais les ignorants vivant en cette époque de la Fin de la Loi, période de mal et de confusion, devraient abandonner les voies dites difficiles-à-pratiquer et faciles-à-pratiquer dont parlent les croyants du Nembutsu, et se consacrer uniquement à la récitation de Nam-myōhō-renge-kyō, le Daimoku du Sūtra du Lotus.

Quand le soleil se lève dans la partie est du ciel, tous les cieux au-dessus du grand Jambudvipa, le continent sud, sont illuminés par sa vaste lumière. Mais jamais la faible lueur d’une luciole ne pourra éclairer tout le pays. Celui qui porte dans sa robe un joyau-qui-exauce-les-vœux peut 173accomplir tous ses désirs, alors que de simples fragments ou des cailloux ne confèrent aucun trésor. Le Nembutsu et les autres pratiques sont, par rapport au Daimoku du Sūtra du Lotus, comme des fragments et des cailloux comparés avec un précieux joyau ou comme le scintillement d’une luciole comparé avec la lumière du soleil.

Comment pourrions-nous, avec une mauvaise vue, distinguer la vraie couleur des choses, rien qu’à la lueur d’une luciole ? En fait, les sūtras provisoires des écoles du Nembutsu et du Shingon sont des enseignements inférieurs qui ne permettent pas aux hommes du commun d’atteindre la bouddhéité.

Notre maître, l’Ainsi-Venu Shakyamuni, exposa durant toute sa vie de prédication les quatre-vingt mille enseignements. Il fut le premier bouddha à apparaître en ce monde saha qui est le nôtre, qui n’avait auparavant connu aucun bouddha, et il ouvrit les yeux de tous les êtres vivants. Tous les autres bouddhas et bodhisattvas de l’est, de l’ouest et des terres des dix directions, reçurent ses instructions.

La période précédant sa venue était comme celle qui avait précédé l’apparition des souverains et empereurs9 de la Chine ancienne, lorsque les êtres humains ne savaient pas qui était leur propre père et vivaient comme des bêtes sauvages. Avant l’époque de l’empereur Yao, les gens n’avaient pas la moindre idée [des devoirs qui leur incombaient tout au long] des quatre saisons et étaient aussi ignorants que des bœufs ou des chevaux.

Dans la période précédant l’apparition du bouddha Shakyamuni en ce monde, il n’y avait pas d’Ordre de moines ni de nonnes ; il n’y avait pas d’autres catégories que les hommes et les femmes. Mais nous comptons aujourd’hui des moines et des nonnes, maîtres de l’école Shingon, qui ont décidé de faire de l’Ainsi-Venu Mahavairochana leur objet de dévotion, reléguant ainsi l’Ainsi-Venu Shakyamuni à une position inférieure ; il y a aussi des croyants du Nembutsu qui n’honorent que le bouddha Amida et écartent l’Ainsi-Venu Shakyamuni. Ces moines et nonnes sont pourtant redevables envers lui mais les enseignements erronés transmis par les fondateurs des diverses écoles les ont conduits à ce comportement.

Il y a trois raisons pour lesquelles l’Ainsi-Venu Shakyamuni, plus que n’importe quel autre bouddha, a établi une relation avec tous les êtres vivants de ce monde saha. Tout d’abord, il est l’Honoré du monde, le souverain de tous les êtres vivants de ce monde saha. Le bouddha Amida n’est pas le souverain de ce monde. Mais le bouddha Shakyamuni est comme le souverain du pays où nous vivons. Nous accordons d’abord notre respect au souverain de notre propre pays et après seulement aux rois des autres. La Grande Déesse du Soleil et le grand bodhisattva Hachiman sont les seigneurs originels de notre pays, des manifestations provisoires du bouddha Shakyamuni qui sont apparues sous forme de kami. Le souverain qui tourne le dos à ces divinités ne peut devenir le seigneur du pays. C’est pourquoi la Grande Déesse du Soleil s’incarne sous la forme du miroir appelé Naishidokoro10. Des messagers impériaux sont envoyés auprès du grand bodhisattva Hachiman pour lui faire des rapports et recueillir ses oracles. Shakyamuni, l’Honoré du monde à la grande illumination, est notre majestueux souverain. C’est lui qu’il faut considérer comme l’objet de dévotion.

La deuxième raison est que l’Ainsi-Venu Shakyamuni est le père et la mère de tous les êtres vivants en ce monde saha. Il convient tout d’abord de faire preuve de piété filiale envers nos parents et de montrer ensuite le même respect envers les parents des autres. Nous avons l’exemple du roi Wu de l’ancien pays des Zhou, qui sculpta une image en bois de son père défunt et la plaça dans un chariot, la présentant comme le général qui menait ses troupes à la bataille. Émus par une telle 174conduite, les cieux lui accordèrent leur protection et il réussit ainsi à renverser son ennemi, Zhou, le roi de Yin.

L’ancien souverain Shun, tout affligé que son père soit devenu aveugle, versa des larmes ; mais quand il essuya ses mains, humectées de larmes, sur les yeux de son père, ce dernier recouvra la vue11. Le bouddha Shakyamuni se comporte de la même manière à l’égard de tous les êtres vivants dont nous sommes, en ouvrant leurs yeux pour qu’ils laissent s’« ouvrir la porte de la sagesse du Bouddha12  » déjà présente en eux. Aucun autre bouddha n’a encore jamais ouvert nos yeux ainsi.

La troisième raison est que Shakyamuni est le maître originel de tous les êtres vivants en ce monde saha. Il est né en Inde centrale, en tant que fils du roi Shuddhodana, durant le neuvième kalpa de déclin de l’actuel kalpa de sagesse13, alors que la durée de vie des êtres humains était de cent ans. Il abandonna la maison à l’âge de dix-neuf ans, parvint à l’illumination à trente, et passa les cinquante années restantes à exposer ses enseignements. Il mourut à l’âge de quatre-vingts ans, laissant derrière lui ses reliques14 pour apporter le salut à tous les êtres vivants des époques de la Loi correcte, de la Loi formelle et de la Fin de la Loi. L’Ainsi-Venu Amida, le bouddha Maître-de-la-Médecine, Mahavairochana et les autres sont, en revanche, des bouddhas des autres terres ; ce ne sont pas les honorés de ce monde qui est le nôtre.

Notre monde saha occupe la position la plus basse parmi tous les mondes des dix directions. Parmi ceux-ci, il tient une place comparable à celle d’une prison au sein d’un pays. Toutes les personnes des mondes des dix directions qui ont commis ne serait-ce qu’un des dix actes mauvais, une des cinq transgressions capitales, la grave faute de calomnier l’enseignement correct ou d’autres crimes terribles et ont été chassées de ces mondes par les bouddhas, Ainsi-Venus, ont été réunies ici dans ce monde saha par l’Ainsi-Venu Shakyamuni. Ces personnes, tombées dans les trois voies mauvaises ou dans la grande citadelle de l’Enfer aux souffrances incessantes où elles ont dûment expié leur faute, renaissent dans le domaine des êtres humains ou célestes. Mais, parce qu’elles gardent encore quelques traces de leur mauvais comportement passé, elles sont enclines à commettre des fautes supplémentaires en calomniant l’enseignement correct ou en parlant avec mépris des personnes sages. Ainsi, Shariputra, bien qu’ayant atteint le statut d’arhat, donnait parfois libre cours à sa colère. Pilindavatsa15, bien que libéré des illusions de la pensée et du désir, conservait un esprit arrogant, alors que Nanda, bien qu’ayant renoncé à tout attachement sexuel, continuait à avoir le désir de dormir auprès d’une femme. Même ces disciples du Bouddha ayant renoncé aux illusions en conservaient des vestiges. Cela ne sera-t-il donc pas d’autant plus vrai pour les hommes du commun ? Pourtant, l’Ainsi-Venu Shakyamuni entra dans ce monde saha paré du titre de « Celui qui peut endurer ». On l’appelle ainsi parce qu’il fait preuve d’indulgence à l’égard de ceux qui commettent des calomnies.

Telles sont donc les qualités particulières [du bouddha Shakyamuni], qualités dont les autres bouddhas sont dépourvus.

Le bouddha Amida et les divers autres bouddhas ont décidé de faire vœu de compassion. C’est pourquoi, malgré la honte que cela leur inspirait16, ils ont fait leur apparition en ce monde saha, le bouddha Amida y proclamant ses quarante-huit vœux, et le bouddha Maître-de-la-Médecine ses douze grands vœux. Sensible-aux-Sons-du-Monde et les autres bodhisattvas vivant sur d’autres terres firent de même.

Quand on considère les bouddhas du point de vue de l’égalité immuable de leur illumination, il n’y a pas à faire de distinction entre eux. Mais quand on les considère du point de vue des différences toujours 175présentes dans leur enseignement, alors il faut comprendre que chacun d’eux a son propre domaine parmi les mondes des dix directions et qu’il y a une distinction à faire entre ceux avec qui ils ont déjà eu un lien et ceux avec qui ils n’ont pas ce lien.

Les seize fils princiers du bouddha Excellence-Sagesses-Grandes-Universelles ont chacun élu domicile sur une terre différente parmi les terres des dix directions pour mener leurs disciples respectifs au salut. L’Ainsi-Venu Shakyamuni, qui était l’un de ses fils, apparut en ce monde saha. Nous, êtres ordinaires, sommes également nés en ce monde saha. Par conséquent, nous ne devons en aucun cas nous détourner des enseignements de l’Ainsi-Venu Shakyamuni. Mais nul n’en a conscience. Si les gens se penchaient sérieusement sur cette question, ils comprendraient le propos de [Shakyamuni quand il dit dans le Sūtra du Lotus] : « Je suis la seule personne qui puisse sauver et protéger les autres17 » et ils sauraient qu’ils ne doivent pas se séparer de la main secourable de l’Ainsi-Venu Shakyamuni.

C’est pourquoi tous les êtres vivants en ce monde saha qui détestent la souffrance des naissances et des morts et aspirent à un objet de dévotion digne de respect, devraient tout d’abord faire sculpter en bois, ou peindre, des images du bouddha Shakyamuni et s’en servir comme objet de dévotion. Puis, s’il leur reste assez d’énergie, ils peuvent fabriquer ensuite des statues en bois d’Amida et des autres bouddhas.

Cependant, quand les gens du monde d’aujourd’hui négligent la pratique sainte18, et entreprennent de fabriquer ou de peindre des images d’un bouddha, ils privilégient des bouddhas autres que Shakyamuni. Cela ne s’accorde ni avec les intentions de ces autres bouddhas, ni avec les intentions de l’Ainsi-Venu Shakyamuni lui-même, et de plus cela enfreint les règles de bienséance de la société.

L’image en bois de santal rouge que le grand roi Udayana fit sculpter était celle de Shakyamuni et non celle d’un autre bouddha et la peinture offerte au roi Mille-Stûpas19 représentait de même l’Ainsi-Venu Shakyamuni. Mais les gens de nos jours se fondent sur les divers sūtras du Mahayana et, parce qu’ils croient que le sūtra particulier sur lequel ils s’appuient est supérieur à tous les autres, ils relèguent en conséquence Shakyamuni dans une position secondaire.

Ainsi, tous les maîtres de l’école Shingon, convaincus que le Sūtra de Mahavairochana surpasse tous les autres sūtras, considèrent qu’ils ont un lien particulier avec l’Ainsi-Venu Mahavairochana, bouddha suprême [selon ce sūtra]. Par ailleurs, les moines du Nembutsu, en accordant toute leur foi au Sūtra de la méditation, considèrent que c’est le bouddha Amida qui a un lien particulier avec ce monde saha qui est le nôtre.

Nos contemporains en particulier ont pris à tort les doctrines erronées de Shandao et Hōnen pour les enseignements corrects et les trois sūtras de l’école Jōdo pour guide, et sur dix temples qu’ils font ériger il en est huit ou neuf où le bouddha Amida est enchâssé comme principal objet de dévotion. Et dans les résidences des laïcs comme dans celles des moines, dans les maisons, par dizaines, par centaines ou par milliers c’est l’image du bouddha Amida qu’on vénère dans les pièces réservées aux images bouddhiques. De plus, parmi les mille ou dix mille images des bouddhas que l’on trouve dans une seule maisonnée aujourd’hui, les plus nombreuses, de loin, sont celles du bouddha Amida.

Mais ceux qui passent pour des sages en la matière assistent à tout cela sans y voir le moindre inconvénient. Au contraire, ils trouvent de tels actes tout à fait en accord avec leurs propres vues et n’expriment donc que louanges et admiration à ce sujet. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les gens mauvais qui n’ont pas la moindre compréhension du principe de cause et d’effe 176et qui ne se consacrent à aucun bouddha sont les seuls qui semblent libres de toute erreur en ce qui concerne la Loi bouddhique.

Shakyamuni, l’Honoré du monde, notre père et notre mère, doté des trois vertus de souverain, de maître et de parent, est celui-là même qui nous encourage, nous qui avons été chassés par tous les autres bouddhas, en disant : « Je suis la seule personne qui puisse sauver et protéger les autres. » Notre dette de gratitude envers lui est plus profonde que l’océan, plus lourde que la terre, plus vaste que le ciel. Nous aurions beau nous arracher les yeux pour les placer en offrande devant lui jusqu’à ce qu’il y ait plus d’yeux que d’étoiles dans le ciel ; nous arracher la peau et étaler ces peaux par centaines et centaines de milliers jusqu’à ce qu’elles recouvrent le plafond des cieux ; faire de nos larmes une offrande d’eau et lui donner des fleurs pendant des milliers, des dizaines de milliers, des millions de kalpa ; offrir notre chair et notre sang pendant d’innombrables kalpa jusqu’à ce que notre chair s’empile aussi haut que des montagnes et que notre sang coule et déborde comme de vastes mers, nous ne pourrons jamais nous acquitter de la plus infime part de notre dette envers ce bouddha.

Mais les érudits de notre temps s’accrochent à des visions erronées. Même si ce sont des sages qui ont maîtrisé l’ensemble des quatre-vingt mille enseignements bouddhiques, mémorisé les douze catégories d’écrits, et observé strictement tous les préceptes du Mahayana et du Hinayana, s’ils tournent le dos à ce principe, alors il faut savoir qu’ils ne pourront éviter de tomber dans les voies mauvaises.

Pour illustrer ce que je veux dire, voyons l’exemple du Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei, fondateur de l’école Zhenyan en Chine [devenue l’école Shingon au Japon]. C’était un fils du roi Graine de Bouddha20, monarque du royaume de l’Udyana, en Inde. Le bouddha Shakyamuni quitta le palais de son père à l’âge de dix-neuf ans pour adopter la vie religieuse. Mais ce Maître des Trois Corbeilles abandonna le trône à l’âge de treize ans et, par la suite, traversant les soixante-dix royaumes de l’Inde et parcourant quatre-vingt-dix mille ri à pied, se forma à l’ensemble des divers sūtras, traités et écoles bouddhiques. Dans un royaume du nord de l’Inde, il se dressa au pied du stupa érigé par le roi Graines Dorées21, fixa les cieux, prononça des prières, et l’on vit alors apparaître au milieu des airs le mandala du Plan de la matrice, avec l’Ainsi-Venu Mahavairochana, assis en son centre.

Shanwuwei, par compassion, décida de faire connaître cet enseignement jusque dans les régions lointaines et voyagea donc en Chine où il transmit ses doctrines secrètes à l’empereur Xuanzong. À l’occasion d’une grande sécheresse, il pria pour qu’il pleuve et la pluie tomba du ciel dans les trois jours. Ce Maître des Trois Corbeilles était parfaitement familier avec les mots-semences22 qui représentent les quelque mille deux cents honorés, leurs augustes formes, et leurs samaya23. À l’heure actuelle, tous les disciples de l’école Shingon appartenant au Tō-ji et aux autres temples Shingon se considèrent comme des disciples du Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei.

Mais un jour, subitement, le Maître des Trois Corbeilles mourut. On vit alors apparaître un certain nombre de gardiens de l’enfer qui l’attachèrent avec sept chaînes de fer, et le menèrent au palais de Yama, seigneur de l’enfer. Ce fut là un événement étonnant.

Quelle faute avait-il commise qui lui valait d’être ainsi puni ? Dans la vie qu’il venait d’achever, peut-être avait-il commis certains des dix mauvais actes, mais il ne s’était sûrement rendu coupable d’aucune des cinq transgressions capitales. Et dans ses existences passées, en tant que monarque d’un grand royaume, il avait dû observer strictement les dix préceptes de bien et servir avec 177abnégation les cinq cents bouddhas24. Quelle faute avait-il donc pu commettre ?

De plus, à l’âge de treize ans, il avait volontairement renoncé à sa position [de futur roi] pour entrer dans la vie religieuse. Son aspiration à l’illumination était sans égale dans tout le continent Jambudvipa. Une telle vertu aurait dû effacer toute faute majeure ou mineure qu’il aurait pu commettre dans sa vie présente ou dans ses vies antérieures. Il s’était livré également à une étude complète des divers sūtras, traités et écoles répandus en Inde à cette époque et cela aussi aurait dû expier toutes les fautes possibles.

Ajoutons que les doctrines ésotériques du Shingon diffèrent des autres enseignements bouddhiques. Il y est dit que, même si l’on ne fait qu’un seul mudra avec les mains ou que l’on ne prononce qu’un seul mantra, les fautes, y compris les plus graves, accumulées à travers les trois phases de l’existence [le passé, le présent et l’avenir] seront de ce fait immanquablement éradiquées. De plus, toutes les fautes et tous les obstacles karmiques créés en l’espace d’innombrables koti de kalpa, sont tous effacés au moment même où l’on se penche sur les mandalas ésotériques. Cela aurait dû être d’autant plus vrai dans le cas du Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei, qui avait mémorisé tous les mantras et mudra appartenant aux quelque mille deux cents honorés. Il avait compris la pratique de la contemplation pour atteindre la bouddhéité en cette vie aussi clairement que si elle était reflétée dans un miroir ; et, lors de la cérémonie Abhiseka devant le mandala du Plan du diamant et le mandala du Plan de la matrice, il était devenu en effet Mahavairochana, le roi de l’illumination en personne ! Pourquoi alors un tel homme devrait-il être convoqué devant le roi Yama et être puni ?

Parmi les deux catégories d’enseignements bouddhiques, exotériques et ésotériques, moi, Nichiren, j’étais résolu à adopter l’enseignement suprême qui nous permettrait de nous libérer le plus facilement de la souffrance des naissances et des morts. Je me suis donc familiarisé avec les doctrines ésotériques du Shingon en général et j’ai effectué des recherches à propos de Shanwuwei. Mais personne n’a pu donner de réponse satisfaisante à la question que je viens de soulever. Si cet homme n’a pu échapper aux voies mauvaises, alors comment un maître du Shingon d’aujourd’hui, sans parler des moines et des croyants laïcs qui n’avaient accompli qu’un seul mudra ou prononcé qu’un seul mantra, pourrait-il espérer les éviter ?

En étudiant cette question en détail, j’en ai conclu qu’il y avait eu deux erreurs qui valurent à Shanwuwei d’être convoqué et blâmé par le roi Yama.

Tout d’abord, le Sūtra de Mahavairochana non seulement est inférieur au Sūtra du Lotus, mais il ne peut même pas être comparé au Sūtra du Nirvana, ni à celui de la Guirlande de fleurs, ni aux sūtras de la Sagesse. Et pourtant Shanwuwei maintint qu’il était supérieur au Sūtra du Lotus, commettant ainsi l’erreur de calomnier l’enseignement correct.

Ensuite, bien que l’Ainsi-Venu Mahavairochana soit une émanation du bouddha Shakyamuni, Shanwuwei resta attaché à la vision partiale selon laquelle Mahavairochana serait en fait supérieur au bouddha Shakyamuni, seigneur des enseignements. La faute [constituée par] de telles calomnies est si grave que nul, parmi ceux qui les commettent, ne peut éviter de tomber dans les voies mauvaises, même s’il pratique les enseignements des quelque mille deux cents honorés pendant une période d’innombrables kalpa.

Shanwuwei commit ces erreurs, ce qui impliquait une rétribution à laquelle il était difficile d’échapper, et, donc, même le fait qu’il ait pratiqué les mudra et mantra des divers honorés ne servit à rien. Mais, quand il récita simplement ces mots du chapitre “Analogies et paraboles” du deuxième volume du Sūtra du Lotus : « Ce monde des trois 178plans est aujourd’hui mon domaine [celui de Shakyamuni] et les êtres vivants qui le peuplent sont tous mes enfants. Ce lieu est à présent affligé de maux et d’épreuves multiples, je suis la seule personne qui puisse sauver et protéger les autres25, » il échappa aux chaînes de fer qui le liaient.

Quoi qu’il en soit, les maîtres du Shingon qui vinrent après Shanwuwei ont tous soutenu que le Sūtra de Mahavairochana n’était pas seulement supérieur aux divers autres sūtras mais surpassait même le Sūtra du Lotus. De plus, d’autres personnes ont déclaré que le Sūtra du Lotus était aussi inférieur au Sūtra de la Guirlande de fleurs. Bien que ces groupes diffèrent dans ce qu’ils professent, ils sont tous coupables de calomnier l’enseignement correct.

Le Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei émit l’idée préconçue que le Sūtra du Lotus et le Sūtra de Mahavairochana devaient être l’un et l’autre considérés avec grand respect puisqu’ils contenaient les mêmes principes profonds mais que, le Sūtra du Lotus ne faisant aucune allusion aux mudra et aux mantra, il était inférieur au Sūtra de Mahavairochana. De plus, les maîtres qui lui succédèrent considérèrent que, même au regard des importants principes exprimés, le Sūtra du Lotus était inférieur au Sūtra de Mahavairochana, sans parler de la question des mudra et des mantras. Ils allèrent ainsi encore plus loin dans leur calomnie contre l’enseignement correct, ajoutant la faute à la faute. On ne peut croire qu’ils éviteront longtemps le blâme du roi Yama et l’enfermement dans les souffrances de l’enfer. En fait, ils appelleront aussitôt sur eux les flammes de l’enfer Avīci.

Le Sūtra de Mahavairochana ne contient à l’origine aucune mention du profond principe des trois mille mondes en un instant de vie. Ce principe est consigné dans le seul Sūtra du Lotus. Mais le Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei entreprit de voler et de s’approprier ce profond principe que le Grand Maître Tiantai avait émis sur la base de sa lecture du Sūtra du Lotus, en l’incorporant à sa propre interprétation du Sūtra de Mahavairochana. Il déclara alors que les mudra et les mantras du Sūtra de Mahavairochana, qui servaient simplement d’ornement au Sūtra du Lotus, étaient les éléments mêmes qui font la supériorité du Sūtra de Mahavairochana sur le Sūtra du Lotus. Shanwuwei énonça une vision fausse en déclarant ces deux sūtras égaux sur le plan du principe, et il développa également une vision erronée en prétendant le Sūtra de Mahavairochana supérieur du fait de ses mantras et de ses mudra.

C’est comme un insensé de basse condition qui considère ses six organes des sens comme ses trésors personnels, alors qu’ils appartiennent en fait à son seigneur26. De ce fait, il est amené à toutes sortes de conduites erronées. Il faut garder cet exemple à l’esprit en interprétant les sūtras, parce que les doctrines avancées dans les sūtras inférieurs ne sont que de simples ornements pour le sūtra véritablement supérieur.

Moi, Nichiren, j’étais un habitant du [Seichō-ji sur le] mont Kiyosumi dans le village de Tōjō, province d’Awa. Depuis ma petite enfance, j’ai prié le bodhisattva Trésor-de-l’Espace, en demandant à devenir la personne la plus sage de tout le Japon. Le bodhisattva se transforma en un vénérable moine sous mes propres yeux et m’octroya un joyau de sagesse aussi brillant que l’étoile du matin. Sans doute est-ce pourquoi je suis parvenu à une maîtrise globale des principaux enseignements des huit plus anciennes écoles bouddhiques du Japon, ainsi que de ceux des écoles du Zen et du Nembutsu.

Durant seize ou dix-sept ans, depuis la cinquième année environ de l’ère Kenchō [1253], jusqu’à aujourd’hui, septième année de l’ère Bun’ei [1270], j’ai maintes fois critiqué les écoles du Zen et du Nembutsu. C’est pourquoi les maîtres de ces écoles se sont agités comme des abeilles et assemblés comme des nuages, alors qu’une ou deux paroles suffisent à démolir leurs arguments.

179Même les maîtres des écoles Tendai et Shingon, perdant de vue les principes établis par leurs propres écoles concernant les enseignements à adopter et à écarter, ont finalement défendu des opinions identiques à celles du Zen ou de l’école du Nembutsu. Leurs adeptes laïcs étant attachés à de telles croyances, ils ont pensé que le mieux était d’accorder leur soutien à ces écoles et à leurs visions erronées en déclarant que les enseignements du Tendai et du Shingon étaient identiques à ceux des écoles du Nembutsu et du Zen. Résultat, ils se joignent aux autres pour essayer de me réfuter. Mais, en agissant de la sorte, ils ne font que détruire les enseignements du Tendai et du Shingon qui sont les leurs. C’est là une conduite honteuse, vraiment honteuse !

Si j’ai pu discerner ainsi les erreurs des divers sūtras, traités et écoles, c’est grâce au bienfait du bodhisattva Trésor-de-l’Espace et j’en suis redevable à mon ancien maître Dōzen-bō.

On dit que même une tortue sait comment s’acquitter d’une dette de reconnaissance27, alors comment cela ne serait-il pas encore plus vrai pour les êtres humains ? Afin de m’acquitter de ma dette à l’égard de mon ancien maître Dōzen-bō, j’ai souhaité propager les enseignements du Bouddha sur le mont Kiyosumi pour mener mon maître à l’illumination. Mais c’est plutôt un homme ignorant, et qui plus est un croyant du Nembutsu, et je ne voyais donc pas comment il pourrait échapper aux trois mauvaises voies. De plus, ce n’était pas le genre de personne qui écouterait mes instructions.

Néanmoins, lors de la première année de l’ère Bun’ei [1264], le quatorzième jour du onzième mois, je l’ai rencontré aux logements des moines à Hanabusa dans Saijō. Il m’a alors dit : « Je n’ai ni la sagesse ni l’espoir de progresser vers une position importante. Je suis un vieil homme sans désir de gloire et je ne me reconnais pour maître aucun moine éminent du Nembutsu. Mais cette pratique est devenue si répandue de nos jours que je répète simplement comme d’autres les mots Namu-Amida-butsu. De plus, bien que cela n’ait pas été mon idée à l’origine, j’ai eu l’occasion de fabriquer cinq statues en bois du bouddha Amida. C’est peut-être dû à une habitude karmique développée dans une existence passée. Penses-tu que ces fautes me mèneront en enfer ? »

Je n’avais à ce moment-là pas la moindre envie de me quereller avec lui. Mais à cause de l’incident avec Tōjō Saemon, devenu le moine séculier de Renchin28, je n’avais pas vu mon maître depuis plus de dix ans et c’est donc en un sens comme si nous étions devenus étrangers l’un à l’autre et même hostiles. J’ai pensé qu’une attitude appropriée et courtoise consisterait à le raisonner avec douceur et à lui parler aimablement. Mais cependant, dans le monde des naissances et des morts, ni les jeunes ni les vieux ne savent quel destin les attend et il m’apparut que je n’aurais peut-être pas d’autres occasions de le rencontrer. J’avais déjà prévenu le frère aîné de Dōzen-bō, le moine Dōgi-bō Gishō29, qu’il était destiné à tomber dans l’Enfer aux souffrances incessantes s’il ne changeait pas de position et l’on dit que sa mort fut bien pire qu’escomptée. En pensant que mon maître pourrait rencontrer un destin similaire, je fus empli de pitié à son égard et me résolus donc à lui parler en termes très forts.

Je lui ai expliqué que, en fabriquant cinq statues en bois du bouddha Amida, il se condamnait à tomber cinq fois dans l’Enfer aux souffrances incessantes. En effet, lui ai-je dit, le Sūtra du Lotus, où le Bouddha affirme qu’il « renonce très clairement aux moyens opportuns30  », déclare que l’Ainsi-Venu Shakyamuni est notre père alors que le bouddha Amida est notre oncle. Comment une personne qui ne fabriquerait pas moins de cinq représentations de son oncle et leur ferait des offrandes sans pour autant réaliser la moindre image de son propre père pourrait-elle être considérée 180autrement qu’infidèle [à la piété filiale] ? Même les chasseurs dans les montagnes ou les pêcheurs qui ne peuvent différencier l’est et l’ouest et n’accomplissent pas le moindre acte pieux ne se rendent pas coupables de fautes aussi graves.

De nos jours, ceux qui recherchent la Voie espèrent sans aucun doute une meilleure existence dans leurs vies futures. Pourtant, ils rejettent le Sūtra du Lotus et le bouddha Shakyamuni, sans jamais cesser un instant de révérer le bouddha Amida et d’invoquer son nom. Que signifie cette conduite ? Même s’ils peuvent sembler pieux en apparence, je ne vois pas comment ils pourraient échapper à l’accusation de rejeter leur propre parent pour se consacrer à un inconnu. En revanche, une personne totalement mauvaise n’a jamais fait allégeance au moindre enseignement bouddhique et n’a donc pas commis la faute de rejeter le bouddha Shakyamuni. Peut-être, si les circonstances s’y prêtent, parviendra-t-elle avec le temps à croire dans le bouddha Shakyamuni.

Quant à ceux qui suivent les doctrines erronées de Shandao, de Hōnen et des érudits bouddhistes de notre temps, en faisant du bouddha Amida leur objet de dévotion et en se consacrant entièrement à la pratique consistant à invoquer son nom, je ne crois pas qu’ils renonceront un jour à leurs visions erronées pour faire allégeance au bouddha Shakyamuni et au Sūtra du Lotus, même après que, vie après vie, d’innombrables kalpa se seront écoulés. C’est pourquoi il est dit dans le Sūtra du Nirvana, enseigné dans le bosquet d’arbres sala juste avant le décès de Shakyamuni, qu’apparaîtront des personnes effroyables commettant des fautes plus graves que les dix actes mauvais ou les cinq transgressions capitales, des icchantika ou des personnes à l’incroyance incorrigible qui calomnient l’enseignement correct. Nous lisons aussi que ces personnes se trouvent toujours en compagnie de sages qui observent les deux cent cinquante préceptes, drapent leur corps des trois habits de moine et portent un bol d’aumônes.

J’ai expliqué tout cela en détail à Dōzen-bō au moment de notre rencontre, mais il n’a pas semblé me comprendre vraiment. Les autres personnes présentes en cette occasion ne parurent pas comprendre davantage. Mais plus tard j’appris que Dōzen-bō avait finalement adopté la foi dans le Sūtra du Lotus. J’en conclus qu’il avait dû renoncer à ses visions erronées antérieures pour devenir une personne à la croyance solide, et cette pensée m’emplit de joie. Lorsque j’entendis dire qu’il avait aussi fabriqué une statue en bois du bouddha Shakyamuni, je ne pus trouver les mots pour exprimer mon émotion. On peut avoir le sentiment que je lui ai parlé durement au moment de notre rencontre. Mais je n’ai fait qu’expliquer les choses telles qu’elles sont énoncées dans le Sūtra du Lotus et c’est sans aucun doute pour cela qu’il agit maintenant de cette façon. On dit que les bons conseils écorchent les oreilles, de même que les bons médicaments ont un goût amer.

Aujourd’hui, moi, Nichiren, je me suis acquitté de ma dette de reconnaissance envers mon maître et je suis tout à fait certain que les bouddhas et les divinités approuveront également ce que j’ai fait. J’aimerais que tous les propos que je viens de tenir soient rapportés à Dōzen-bō.

On peut avoir recours à des paroles dures, mais, si ces paroles aident la personne à qui elles sont adressées, elles méritent d’être considérées comme des paroles véridiques et bonnes. De même, si l’on se sert de paroles bonnes mais qu’elles font du mal à la personne à qui elles sont adressées, il s’agit en fait de paroles trompeuses et dures.

Les doctrines bouddhiques prêchées par les maîtres d’aujourd’hui sont considérées par la plupart des gens comme des paroles bonnes et véridiques mais il ne s’agit en fait que de paroles dures et trompeuses. Je dis cela parce qu’elles contredisent le 181Sūtra du Lotus qui concrétise la véritable intention du Bouddha.

Par ailleurs, quand je proclame que les pratiquants du Nembutsu tomberont dans l’Enfer aux souffrances incessantes ou que je déclare que l’école Zen et celle du Shingon sont également dans l’erreur, les gens pensent peut-être que je prononce des paroles dures mais elles sont en réalité véridiques et bonnes. À titre d’illustration, je peux citer l’exemple de Dōzen-bō qui a adopté le Sūtra du Lotus et fabriqué une statue en bois du bouddha Shakyamuni, parce que je lui ai parlé durement. Et cela s’applique à tous les habitants du Japon. Il y a dix ans ou plus, tout le monde ou presque récitait le Nembutsu. Mais aujourd’hui vous découvrirez que, sur dix personnes, une ou deux récitent seulement Nam-myōhō-renge-kyō, tandis que deux ou trois le récitent avec le Nembutsu. Et, même parmi ceux qui récitent exclusivement le Nembutsu, il y en a qui ont commencé à nourrir des doutes et croient donc dans leur cœur au Sūtra du Lotus ; certains ont même entrepris de peindre ou sculpter des représentations du bouddha Shakyamuni. Tout cela, aussi, découle du fait que j’ai prononcé des paroles dures.

Cette réponse est pareille aux arbres de santal parfumés qui grandissent au milieu des bosquets d’arbres eranda à l’odeur nauséabonde, ou aux fleurs de lotus qui poussent dans la boue. Ainsi, quand je proclame que les croyants du Nembutsu tomberont dans l’Enfer aux souffrances incessantes, les « sages » de notre temps, qui ne sont en fait pas plus sages que des bovins ou des chevaux, oseront peut-être attaquer mes doctrines. Mais ils sont en vérité comme des chiens errants aboyant devant le roi-lion ou comme des singes insensés se moquant du dieu Shakra.


Nichiren


La septième année de Bun’ei [1270]


À Gijō-bō et Jōken-bō

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Notes


 1. Enseignements exotériques révélés ouvertement et partagés par tous, par contraste avec les enseignements ésotériques, dispensés secrètement ou exclusivement aux seuls initiés.

 2. Nichiren se réfère ici à lui-même.

 3. L'Enseignement de la méditation est une œuvre sur la pratique de la méditation sur le bouddha Amida et les bienfaits qui en découlent. En fait, il ne s’agit pas d’un sūtra, contrairement à ce qu’indique le titre.

 4. Titre honorifique attribué à ceux qui connaissaient bien les trois parties du canon bouddhique.

 5. « La fin du kalpa de formation et le début du kalpa de stabilité » désigne la période de transition entre les deux premières étapes du cycle de quatre étapes, à savoir les kalpa de formation, de stabilité, de déclin et de destruction, par lesquels un monde est censé passer et repasser. Durant ces deux premières étapes, un monde se forme, et les êtres vivants apparaissent et se perpétuent.

 6. Shiva et Vishnu.

 7. L’école Kusha fut étudiée en même temps que l’école Hossō et l’école Jōjitsu, en même temps que celle du Sanron ; il est vraisemblable que Nichiren ne les considérait pas comme des écoles religieuses indépendantes.

 8. Shanwuwei (637-735), moine indien qui introduisit les enseignements ésotériques en Chine. Shanwuwei est son nom chinois.

 9. Les souverains et empereurs sont ici les trois souverains Fu Xi, Shen Nong, et Huangdi, souverains légendaires qui ont, dit-on, établi des gouvernements modèles, et les cinq empereurs Shao Hao, Zhuan Xu, Di Ku, Tang Yao et Yu Shun, dont on dit qu’ils ont régné après eux.

 10. C’était à l’origine le palais où se trouvait enchâssé le miroir, l’un des Trois Trésors de la Cour impériale, gardé par des dames d’honneur de la Cour appelées naishi. Par la suite, naishidokoro désigna le miroir lui-même.

 11. Shun fut l’un des cinq empereurs. Bien que son père, roturier, l’ait traité avec cruauté et se soit montré partial en faveur de son demi-frère cadet, Xiang, Shun fit preuve de piété filiale à l’égard de son père. Le récit où on le voit aider celui-ci à recouvrer la vue se trouve dans la Forêt de joyaux dans le jardin de la Loi.

 12. Sūtra du Lotus, chap. 2.

 13. Kalpa majeur où mille bouddhas de grande sagesse, notamment Shakyamuni, apparaissent pour sauver les êtres.

182 14. Il s’agit ici des « reliques » du Corps du Dharma, c’est-à-dire des enseignements exposés par le bouddha Shakyamuni.

 15. Pilindavatsa était l’un des disciples du bouddha Shakyamuni. Né dans une famille brahmane à Shravasti, en Inde, il était arrogant et avait du mépris pour les autres. Il avait acquis sa renommée par la pratique de la magie mais perdit ses pouvoirs en rencontrant Shakyamuni et devint le disciple du Bouddha. La prédiction de Shakyamuni concernant son illumination future apparaît dans le huitième chapitre du Sūtra du Lotus.

 16. Ainsi, le bouddha Amida vit dans la Terre pure du Bonheur-Suprême, située à cent mille millions de mondes à l’ouest, et le bouddha Maître-de-la-Médecine vit dans le monde de l’émeraude pure, que l’on situait dans la partie est de l’univers. Comme ces noms le suggèrent, les êtres vivant qui habitent sur ces terres ne connaissent que le plaisir ; par conséquent, aucun d’entre eux n’a besoin d’être libéré de la souffrance. C’est pourquoi, dit Nichiren, les bouddhas de ces mondes, bien que gênés d’apparaître dans le monde d’un autre bouddha, sont descendus en ce monde saha, plein de souffrances, afin d’accomplir leurs vœux de compassion.

 17. Sūtra du Lotus, chap. 3.

 18. Cette pratique correspond à l’une des cinq sortes de pratiques pour les bodhisattvas mentionnés dans le Sūtra du Nirvana. Ici elle désigne des actions entreprises afin de maîtriser les trois entraînements : discipline morale, discipline mentale et sagesse.

 19. Probablement le roi Rudrayana de l’Inde ancienne, cité dans les Règles monastiques de l’école Sarvastivada. En remerciement des cadeaux reçus du roi Rudrayana, le roi Bimbisara, roi du Magadha, lui offrit ce qu’il possédait de plus précieux en ce monde, une image représentant le bouddha Shakyamuni. Réagissant d’abord avec colère, réalisant qu’il s’agissait d’une image du Bouddha, le roi Rudrayana se convertit au bouddhisme et eut une foi fervente.

 20. Roi de l’Udyana qui vécut autour du VIIe siècle et était un descendant du roi Amritodana, l’oncle de Shakyamuni.

 21. Roi qui éleva un grand stûpa à Gandhara. On sait peu de chose de lui. On dit qu’au début du VIIIe siècle Shanwuwei offrit des prières au pied de ce stupa et parvint à une compréhension soudaine du Sūtra de Mahavairochana. Selon certaines sources, le roi Graines Dorées, dans ce passage, se réfère peut-être au roi Kanishka.

 22. Les mots-semences, écrits en siddham, style d’orthographe sanskrite, étaient utilisés comme symboles pour représenter divers bouddhas et bodhisattvas dans l’enseignement ésotérique.

 23. Les samaya désignent ici les mudra (gestes de la main) et les objets tenus par les diverses personnalités dépeintes dans les mandalas. On utilise aussi le terme pour désigner les vœux émis par ces êtres.

 24. Selon le Sūtra des rois bienveillants, les rois naissent dans la position qui est la leur pour avoir servi cinq cents bouddhas dans des vies antérieures et c’est leur rétribution karmique.

 25. Sūtra du Lotus, chap. 3.

 26. Dans le Japon féodal, on considérait qu’un vassal avait une lourde dette à l’égard de son seigneur car ce dernier lui fournissait tous ses moyens de subsistance et le vassal se devait en retour de le servir loyalement en y mettant tout son être. Les six organes des sens sont les yeux, les oreilles, le nez, la langue, le corps et l’esprit ; c’est-à-dire les composants physiques et mentaux d’un être humain. C’est une autre façon de dire que la vie d’un roturier appartient à son seigneur et qu’il doit consacrer toutes ses facultés au service de ce dernier.

 27. Cette histoire apparaît dans le Recueil d’histoires et de poèmes et dans d’autres sources. Un jour où le jeune Mao Bao, qui devint plus tard un général de la dynastie des Jin, marchait le long du fleuve Yangzi Jiang, il vit un pêcheur qui avait attrapé une tortue et s’apprêtait à la tuer. Rempli de pitié, il donna au pêcheur ses vêtements en échange de la tortue et lui sauva ainsi la vie. Plus tard, Mao Bao fut attaqué par des ennemis. Il s’enfuit pour leur échapper vers le fleuve Yangzi Jiang et, là, la tortue qu’il avait sauvée dans son enfance apparut et le porta sur son dos jusqu’à la rive opposée.

 28. Tōjō Kagenobu, l’intendant du village de Tōjō, dans la province d’Awa. Fervent croyant du Nembutsu, Tōjō avait tenté de tuer Nichiren après que ce dernier eut réfuté le Nembutsu et présenté l’enseignement de Nam-myōhō-renge-kyō, en 1253.

 29. Dōgi-bō Gishō était un moine du Seichō-ji qui, pense-t-on, fut un frère aîné de Dōzen-bō ou un moine plus âgé que lui. Il calomnia l’enseignement de Nichiren.

 30. Sūtra du Lotus, chap. 2.

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